Direct to the heart-TOME 2- Chapitre 26

     Thor

Judicaëlle semble insultée. Pourtant, je ne lui ai rien appris de nouveau. On se connait depuis à peine trois semaines ; elle ne pouvait pas s'attendre à une déclaration d'amour.

Je lui emboîte le pas et la retiens par le coude. Ses yeux sont embués de larmes et j'ai un pincement au cœur en réalisant que c'est à cause de moi. A-t-elle des sentiments pour moi ? Ce serait complètement dingue puisque je passe mon temps à la rabrouer.

Moi aussi, j'ai menti. Ce n'était pas seulement du sexe entre nous, car j'ai perçu une connexion particulière. Tout en cette fille m'électrise. Elle me fait sentir vivant comme au temps où je boxais. J'ai l'impression de renaître de mes cendres, de redevenir cette personne pleine d'entrain que j'étais auparavant. Son caractère ressemble au mien. Elle ne baisse pas les yeux au moindre obstacle, elle sait se montrer directe et, surtout, c'est une battante. Le sexe est merveilleux avec elle, mais mon intérêt grandissant pour Judicaëlle ne se résume pas seulement à cela. Donc, je lui ai menti, car je ne veux pas qu'elle ait de faux espoirs sur notre relation puisque j'ignore encore son dénouement.

— Peu importe ce que tu penses de moi, je t'accompagne et ce n'est pas discutable, lui annoncé-je sèchement.

— Je ne t'appartiens pas, connard.

Elle a raison, toutefois, je n'ai pas l'intention de la partager avec ce crétin de Lewis.

Judicaëlle se dégage de ma poigne et se retourne. Cependant, elle a oublié qu'elle se trouvait en haut de l'escalier en colimaçon et manque la première marche. Mes bons réflexes de boxeur me permettent de la retenir par le bras tandis qu'elle essaie, en vain, de lutter contre la loi de la gravité.

Je la tire rapidement vers moi et elle se retrouve une fois de plus dans mes bras en écarquillant ses yeux de stupéfaction. Tout s'est déroulé en à peine trois secondes, mais elle réalise qu'elle aurait pu se casser la figure si je ne l'avais pas rattrapée.

— Merci, souffle-t-elle, sous le choc.

— Tu ne rajoute pas « connard » ? la nargué-je.

Elle n'a pas l'air de vouloir rire.

Je remarque soudain un groupe de mecs en bas de la mezzanine en train de nous fixer tout en mâchouillant quelque chose.

— Qu'est-ce que vous faites ? leur lancé-je.

— On mange du pop-corn, répond Jonas. C'est trépidant de vous observer. C'est encore mieux qu'un film.

Austin, Jonas et deux autres bikers se passent le sac et je réalise qu'ils sont allés fouiller dans mon garde-manger. Quels crétins ! Je leur avais interdit d'entrer dans ma cuisine.

— Je vais vous tuer, les menacé-je.

— Sauf que tu as besoin de moi pour surveiller le gymnase pendant que tu conduiras Judicaëlle à son cours de moto, non ? réplique Jonas.

Je soupire, contrarié. Le pire, c'est qu'il a raison. Je compte sur lui pour veiller sur l'endroit pendant mon absence.

— Allons-y, dis-je à Judicaëlle, qui se tait, pour une fois, et me suit en silence.

Les boxeurs nous fixent en silence pendant que nous passons devant eux ; j'ai l'impression qu'ils ont entendu notre chamaillade et se sont bien divertis.

Judicaëlle grimpe sur ma moto et se place derrière moi. Ses bras agrippent ma taille et je me peux empêcher les souvenirs de la nuit précédente de refluer.

— On y va ? questionne-t-elle.

— C'est moi au volant, alors c'est moi qui décide quand on part, réponds-je en démarrant ma moto.

Je conduis jusqu'au stationnement où les apprentis bikers apprennent généralement à manœuvrer leur motocyclette. Lewis s'y trouve seul. Il semble être un peu trop enthousiaste à l'idée de donner des leçons à la jeune femme, d'où la raison pour laquelle j'accompagne Judicaëlle.

Il perd justement son sourire lorsqu'il m'aperçoit.

1 à 0 pour moi.

— Salut, Judicaëlle, lui dit-il. Je pensais que tu m'attendrais chez toi.

— Elle n'était pas prête, réponds-je à sa place.

— Je peux la ramener après le cours, suggère-t-il. Tu dois avoir beaucoup de travail...

— Je reste, le coupé-je.

— De cette façon, il pourra apprendre quelques trucs, dit ma colocataire, puisqu'il conduit comme un pied.

Lewis se marre et Judicaëlle semble fière de son insulte.

— Pourtant, tu trouvais que je pilotais bien mon engin, hier, lui réponds-je en lui faisant un clin d'œil.

Elle reste mortifiée tandis que Lewis ne pige pas de quoi je parle. Dommage...il aurait su qu'elle était chasse gardée.

— Je suis allé chercher ta moto chez Gabin, annonce-t-il. Tu pourras t'habituer avec elle.

— Super !

Il lui explique d'abord comment fonctionne sa moto puis, pendant la seconde partie de la leçon, l'apprentie essaie d'avancer lentement et de freiner. Elle assimile bien les notions et semble plutôt à l'aise derrière le volant. Elle parvient même à faire le tour du stationnement.

— Parfait ! s'exclame Lewis. Je vais disposer des cônes pour le prochain cours et tu pourras t'exercer à les contourner.

Judicaëlle hoche la tête et parait excitée à cette idée. Et moi qui pensais qu'elle aurait peur et qu'elle détesterait ! Elle me surprend.

Nous retournons au gymnase et je reprends l'entraînement des boxeurs pendant que Judicaëlle monte dans le studio. Lorsque je vais me coucher, deux heures plus tard, elle s'est endormie et tient quelque chose dans ses mains. Je me penche et remarque un animal en peluche, plus exactement, un renard qui semble presque neuf. Est-ce à elle ? A-t-elle l'intention de l'offrir au bébé de Maisie et de Gabin ? Si c'était le cas, elle l'aurait forcément emballé dans un sac-cadeau. C'est la première fois que je la vois dormir avec un doudou.

Cette fille a parfois des comportements étranges. J'ignore une grande partie de son passé, mais je sais qu'elle ne l'a pas eu facile. J'aimerais en découvrir plus sur elle, mais ça se fera probablement petit à petit.

Je replace la couverture sur elle puisqu'elle a glissé et me couche à mon tour dans mon lit.

***

Les trois jours suivants, Judicaëlle se rend chaque soir à ses leçons de moto, tout juste après son cours de boxe. Je n'assiste qu'à un seul d'entre eux puisque Jonas ne peut me remplacer à cause de son job.

La jeune femme ne tarit pas d'éloges envers Lewis, racontant à quel point il est patient avec elle et qu'il est un bon professeur. Ses yeux brillent d'un éclat chaleureux lorsqu'elle parle de lui, ce qui me rend jaloux. Pourquoi ne me regarde-t-elle pas ainsi ? J'aurais cru qu'elle me jaugerait d'un œil nouveau après notre séance de baise. Malheureusement, on dirait qu'elle me considère toujours comme un connard.

Je n'ai pas pu tenter de nouveaux rapprochements avec elle puisqu'elle est toujours endormie lorsque je vais me coucher. Elle a de grosses journées et tombe comme une masse le soir venu.

Je reçois un message-texte de Gabin au courant de la soirée. Nous sommes vendredi, alors je me demande ce qu'il me veut.

« Une petite bière chez moi, ça te tente ? »

Après la semaine que j'ai eue, je ne dis pas non.

« Et emmène Judicaëlle si elle est là. Maisie aimerait discuter avec elle du mariage. »

Elle vient justement de revenir de son cours de moto. J'ignore si ça lui tentera.

« D'accord. Je ferme le club vers vingt-et-une heures, alors nous viendrons après. »

Je monte par la suite sur la mezzanine afin de prévenir ma colocataire et m'immobilise en haut des marches. Elle est en train d'enlever son tee-shirt et j'en profite pour reluquer ses seins nus. Et dire qu'elle est allée à son cours de moto sans soutien-gorge ! Lewis aurait pu en profiter pour glisser sa main sous son haut. Cette idée me fout en rogne.

— Tu devrais faire attention lorsque le gymnase est ouvert, lui conseillé-je. N'importe qui pourrait te voir.

Il n'y a cependant que Jonas, Dave ou Gabin qui auraient l'idée de monter dans mon studio. Personne d'autre n'oserait prendre le risque.

— Comme toi, tu veux dire, rouspète-t-elle.

— Je ne suis pas n'importe qui. Je suis celui qui t'a...

— Ne t'avise pas de finir cette phrase, m'avertit-elle en enfilant un débardeur.

— Tu devrais peut-être mettre quelque chose sous ton haut, car nous sortons, ce soir, l'informé-je

— Où ?

— Gabin et Maisie nous invitent chez eux. Je préfèrerais être le seul à savoir ce qui se cache sous ce morceau de linge.

Ses pommettes rosissent et je me délecte de son embarras.

— Je pensais me coucher tôt, dit-elle.

— Travailles-tu demain ?

— Seulement vers dix heures.

— Je vais être silencieux lors de mon entraînement du matin, alors tu pourras te reposer.

Elle semble hésiter, puis accepte finalement.

Deux heures plus tard, nous arrivons devant la maison du chef des bikers. Maisie vient nous accueillir et fait la bise à Judicaëlle. Gabin, un peu plus formel, nous serre la main. Nous nous installons par la suite sur la petite terrasse dans la cour arrière. La forêt aux alentours nous invite à la détente. Je dois avouer que je comprends pourquoi Gabin a donné le nom de « The Gates of Paradise » au club house puisque cet endroit est devenu un vrai petit coin de paradis.

— Comment vont les préparatifs du mariage ? leur demande Judicaëlle.

— Pas fort, répond tristement Maisie. Je ne suis pas douée pour l'organisation d'événements.

— Avez-vous songé au nombre d'invités ?

— Probablement autour de cent.

Ma colocataire semble songeuse. Elle observe la brasserie tout en cogitant. Puis, elle se tourne vers Gabin.

— Est-ce toi qui as construit la bâtisse ? lui demande-t-elle.

— Oui, avec l'aide de mes frères.

— Il reste encore énormément de place sur le terrain.

— Et alors ?

— Pourquoi ne pas bâtir une terrasse attenante au bâtiment ? Vous pourriez vous y marier et, une fois l'événement passé, l'endroit pourrait accueillir les clients. Je suis certaine qu'ils seraient enchantés de boire un verre tout en étant en contact avec la nature.

Gabin et Maisie se regardent. La proposition de Judicaëlle semble leur plaire.

— Avec les gars, les travaux prendraient environ un mois et demi, affirme Gabin. Ça nous donne le temps de préparer la cérémonie. Nous ne voulons rien de bien compliqué.

— Ça ne le sera pas, leur assure ma colocataire. Avez-vous songé à un prêtre ?

— Le maire du village a accepté de nous unir, répond Gabin. Nous ne sommes pas très croyants, alors nous ne voulons pas d'un mariage religieux.

— D'accord. Et avez-vous songé à ce que vous voulez organiser par la suite ?

— Oui, il y aura un repas et une soirée.

— Dans ce cas, je suggère une piste de danse improvisée sous une tente. Vous pourrez la louer pour une journée. Le mieux serait de construire un plancher de bois à cet endroit.

Maisie parait bluffée par les idées de Judicaëlle.

— As-tu déjà participé à l'organisation d'un mariage ? lui demande la jeune maman. Tu sembles t'y connaître.

— Mon frère s'est marié il y a deux ans. Je n'ai pas assisté à la préparation du grand jour, mais ma mère m'en a tellement parlé que j'en savais autant que les futurs mariés. Il faut choisir le repas, les fleurs, le gâteau, les cartons d'invitation. Avez-vous une idée du thème ou une préférence pour la couleur prédominante du décor et des bouquets ?

— Euh...

Cette conversation commence à m'ennuyer. Je ne suis pas contre les mariages, mais ça ne m'intéresse pas du tout.

— J'aime bien le bleu, annonce Gabin.

— Moi aussi, approuve sa fiancée.

— Dans ce cas, allons-y pour le bleu. Ton bouquet comportera du bleu et je suggère aussi une cravate dans les mêmes tons pour le marié et le témoin.

Je me demande qui Gabin a choisi pour ces rôles.

— Figurez-vous que Gabin craignait de provoquer une querelle entre ses frères en choisissant l'un d'eux, annonce Maisie en rigolant.

— Je les aime tous et je voulais que personne ne soit désappointé, ajoute-t-il.

— Alors, il a demandé à son barbier, ricane Maisie.

Judicaëlle et moi restons bouche bée.

— C'est un bon ami, se défend Gabin. Je le connais depuis que...

— Tu te fais tailler la barbe, termine Maisie à sa place d'un air moqueur.

— C'est-à-dire depuis plus de dix ans. Nous prenons souvent une bière ensemble et il est super sympa. Il a accepté avec joie cet honneur.

Un pleur de bébé interrompt soudainement la discussion.

— Je dois allaiter, annonce Maisie en se levant.

Elle se tourne vers Judicaëlle.

— Veux-tu m'accompagner ? lui offre-t-elle. Tu pourras bercer Lucas pour le rendormir.

— D'accord.

Elles nous laissent seuls, Gabin et moi. Nous sirotons notre bière et mon ami me parle du sujet que je redoutais.

— Alors, il parait que c'est chaud entre Judicaëlle et toi, dit-il.

— Disons qu'on se plait.

— Et...

— Et rien pour l'instant.

J'aimerais la découvrir davantage et passer plus de temps avec elle, mais la chance n'est pas de mon côté ces derniers temps.

— Elle semble avoir un faible pour cet abruti de Lewis, grogné-je.

Mon pote éclate de rire.

— Je n'aurais jamais cru te voir jaloux un jour, se marre-t-il. Tu en pinces pour elle, c'est évident. Laisse-moi te donner un conseil : Fonce avant que quelqu'un d'autre te la pique. Vous n'êtes pas obligés de vous marier et de faire des bébés. Apprenez seulement à vous connaître et arrêtez de vous chamailler. Vous verrez si ça fonctionne. C'est ce que j'ai fait avec Maisie et regarde-nous : nous sommes heureux et ne regrettons rien.

— Contrairement à toi, je ne m'imagine pas avec des enfants.

— Vis au jour le jour, me conseille-t-il. Ne songe pas à l'an prochain ou à dans cinq ans. Laisse le temps faire son œuvre.

Je reste silencieux. Il a peut-être raison. Et si j'invitais Judicaëlle au resto pour voir si nous sommes capables de passer plus d'une heure ensemble sans nous tomber dessus ?

— Qu'est-ce qu'elles font ? questionne tout d'un coup Gabin. Il me semble que ça ne lui prend pas autant de temps à allaiter Lucas, d'habitude.

— Elles doivent parler de trucs de meufs, réponds-je.

— Je préfère aller voir.

Je bois une gorgée de bière en l'attendant. Deux minutes plus tard, il revient, essoufflé.

— Tu devrais venir, c'est important, me dit-il.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

Il me fait signe de me taire et je le suis à l'intérieur de la maison. Les enfants semblent dormir puisqu'il n'y a aucun bruit. Gabin s'arrête dans le corridor et me pointe le salon. J'entends des voix et...des pleurs. Je m'approche de l'entrée de la pièce et jette un regard. Ma colocataire se mouche et Maisie lui tapote le dos. Pourquoi pleure-t-elle ? Ai-je fait quelque chose de mal ? Regrette-t-elle notre baise ?

— Je suis désolée, lui dit Maisie. Si j'avais su que voir un bébé te faisait cet effet, je ne t'aurais pas proposé de bercer Lucas.

— Tu ne pouvais pas le savoir, répond-elle. Habituellement, je ne fonds pas ainsi en larmes, mais la semaine a été éreintante et j'ai les nerfs à vif. Voir Lucas m'a complètement chamboulée

— Est-ce que ça fait longtemps que c'est arrivé ?

— Deux mois. Si tu savais à quel point je m'en veux ! Mais je ne voyais pas comment j'aurais pu élever un enfant dans ces conditions.

— Je comprends.

— Je suis une meurtrière, Maisie ! J'ai tué mon enfant !

Gabin et moi échangeons un regard choqué. Ai-je bien entendu ?

— En vérité, si tu n'étais pas encore très avancée dans ta grossesse, c'était plutôt un embryon, affirme Maisie.

— C'était tout de même un être vivant. J'ai songé à le garder, mais avec Dominique, sa vie aurait été ruinée. Ce mec détruit tout ce qu'il touche.

— Je te trouve très courageuse. Je ne sais pas ce que j'aurais fait à ta place. Mais ne t'en veux pas. Je suis certaine que tu seras une bonne mère au moment voulu.

— Tu crois ?

Maisie hoche la tête en souriant.

— Le papa sera choyé d'avoir une femme comme toi dans sa vie. Ton abruti d'ex ne te méritait pas. C'est une bonne chose que tu l'aies quitté. S'il te malmenait, qui sait ce qu'il aurait fait à son enfant ? Est-ce qu'il sait que tu étais enceinte ?

— Non, je ne lui ai jamais dit. J'avais trop peur de sa réaction. Il pouvait être agressif.

— Dans ce cas, tu as bien fait de partir.

Judicaëlle hoche la tête.

— Je suis contente de m'être arrêtée dans votre ville. Au début, je ne voulais pas travailler pour des bikers mais, finalement, je crois que c'est la meilleure chose qui me soit arrivée.

Gabin et moi reculons en silence et retournons sur la terrasse.

— Bon, je suppose que ça répond à nos interrogations, dit finalement Gabin.

— En effet, ça explique bien des choses, réponds-je.

Comme le fait qu'elle dorme avec un animal en peluche. Probablement que ça la console de la perte de son bébé.

— Si jamais je croise cet enfoiré un jour, je le bute, grogné-je.

— Si j'étais toi, je m'abstiendrais si tu ne veux pas retourner en prison, me dit Gabin. Et cette fois-ci, ça risque d'être à perpétuité.

Je ne peux rien ajouter car les deux femmes reviennent. Judicaëlle a les yeux rouges, mais elle fait comme si de rien n'était et s'assoit à côté de moi.

— Lucas dort enfin, nous dit Maisie.

— Parfait, répond Gabin.

Nous finissons notre bière et discutons de tout et de rien, mais je suis incapable de me concentrer sur autre chose que Judicaëlle. Cette dernière semble s'être remise de sa crise de larmes et discute avec Maisie du mariage. Je dois avouer que ça m'a touché de la voir craquer ainsi. Sa douleur était contagieuse. Je ne l'avais jamais vue dans un tel état de détresse. J'ai failli aller moi-même la réconforter, mais finalement, Maisie lui a dit ce qu'il fallait. Je suppose qu'on se remet de ce genre de perte avec le temps.

Nous retournons chez moi vers minuit et, une fois arrivés, Judicaëlle se traîne jusqu'au deuxième étage.

— Ça va ? lui demandé-je en la détaillant.

— Oui, pourquoi ?

— Pour rien.

Elle pousse un long soupir.

— Tu nous as entendus, en déduit-elle. Gabin aussi, je suppose.

Je hoche la tête.

— Merde ! éclate-t-elle. Habituellement, je ne perds pas le contrôle ainsi, mais je suppose que la fatigue n'a pas aidé. Tu dois me juger...

— Pas du tout. Si tu as décidé de mettre un terme à ta grossesse, il y avait forcément une bonne raison.

— En effet.

— Alors, n'en parlons plus. Le passé est le passé. J'espère seulement que si ça arrive à nouveau et que c'est moi le père, tu me mettras au courant avant d'avorter.

Elle ouvre la bouche d'un air courroucé.

— Je n'avorterai plus jamais, soutient-t-elle. Et, en passant, je prends la pilule. Tu dois être content, toi qui ne veux pas d'enfant !

Elle me tourne le dos et s'affaire à sortir son pyjama. Et moi qui voulais seulement être aimable, me voilà rembarré !

— Qui t'a dit que je ne voulais pas d'enfant ? questionné-je.

— J'ai entendu tes potes en parler. Ont-ils tort ?

Des images de Judicaëlle, d'un bébé et de moi apparaissent dans mon esprit... des visions que je n'avais jamais eu auparavant et qui me déstabilisent.

— Non, ce n'est pas dans mes projets de devenir père.

— Dans ce cas, quels sont-ils ?

J'ai l'impression qu'ils sont en train de changer, car plus je songe à mon avenir et plus j'y vois cette petite furie qui n'arrête pas de m'exaspérer.


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