Direct to the heart-TOME 2- Chapitre 22
Thor
Lorsque Judicaëlle entre dans la kitchenette vêtue d'une paire de shorts cours, d'un tee-shirt lâche et avec les cheveux encore humides, je ne peux m'empêcher de la trouver d'une beauté renversante. Elle est naturelle, sans artifice et c'est sans doute pour cette raison qu'elle me plaît tant.
— Qu'est-ce que tu fais ? me demande-t-elle tandis que je sors les assiettes de l'armoire.
— Des brochettes de poulet accompagnées d'une salade d'épinards et de riz brun.
Elle écarquille les yeux, probablement surprise par ma réponse. Il est vrai que les gens ne s'attendent pas qu'un gars tel que moi sache cuisiner. Je ne ressemble pas vraiment à un cuistot avec mon style baraqué aux airs de mauvais garçon.
Je disperse le riz dans les assiettes, y place les brochettes et termine par la salade que je viens de préparer. Judicaëlle a pris place sur un tabouret et ne semble pas en croire ses yeux.
— Tu as l'air d'avoir vu un fantôme, lui fais-je remarquer.
— Je...je suis surprise que tu me nourrisses, m'avoue-t-elle.
— N'y prends pas goût. C'est seulement pour que tu avales quelque chose afin d'être en forme pour tes futurs entraînements.
— Ah...
En vérité, c'est ce dont je veux me convaincre, mais je commence à apprécier sa compagnie lors des repas.
— Où as-tu appris à cuisiner ? me demande-t-elle tandis que je dépose les couverts devant elle.
— Internet, tu connais ?
Elle me répond par une petite moue agacée et enfourne par la suite un morceau de poulet. Elle ferme les yeux et déguste sa bouchée. J'observe les mouvements lents de sa mâchoire, qui se contracte pendant qu'elle mâche le morceau. Bordel ! Elle est sexy même lorsqu'elle mastique de la viande. Pourquoi me fait-elle cet effet ?
J'observe l'extase se peindre sur son visage et me demande s'il prend la même expression lorsqu'elle atteint le septième ciel. J'aimerais bien vérifier, mais les seules façons d'y parvenir seraient soit de l'épier en train de se donner elle-même du plaisir, ce qui ne risque certainement pas d'arriver lorsque je suis présent, soit de devenir celui qui lui fera perdra la tête.
— Tu ne manges pas ? interroge-t-elle.
— Laisse-moi le temps de m'asseoir, répliqué-je.
Nous dégustons notre plat en silence, puis elle m'aide à faire la vaisselle avant de monter dans le studio. Je sais qu'elle ne dormira pas et qu'elle étudiera jusqu'à tard dans la nuit parce qu'elle semble déterminée à obtenir son permis de moto.
***
Les jours suivants, je croise uniquement Judicaëlle lors des cours de boxe. Elle se lève très tôt, étudie, puis part travailler. Elle n'a pas écouté mes conseils sur l'entraînement du matin et m'évite le plus possible. Je n'ai pas réussi à lui adresser deux mots en privé. Après la fermeture du centre de sport, je pars travailler au repère tandis qu'elle se couche, exténuée par l'entraînement de groupe. J'aimerais dire qu'elle s'améliore rapidement, mais ce n'est pas le cas. Au moins, elle a une bonne technique au combat. Elle assimile rapidement les leçons et les applique correctement. Cependant, lors des exercices cardiovasculaires, elle traîne loin derrière les autres. Parfois, je me demande même si elle fait exprès, mais lorsque je m'aperçois qu'elle devient rouge et qu'elle peine à respirer, je comprends que ce n'est pas un manque de volonté. Elle aime atteindre ses objectifs et le fait de ne pas être à la hauteur la frustre à un point tel que je l'ai vue se défouler sur un appareil de musculation. Je l'ai donc avertie avant qu'elle ne se blesse.
J'arrive au « Gates of Paradise » plus tôt que d'habitude et croise Jonas, qui vient de terminer son quart de travail. Il commence à travailler à l'heure du midi puisqu'il aime faire la grasse matinée, excepté les mardis et les jeudis à cause des cours de boxe.
La plupart des bikers choisissent leur propre horaire de travail. Une dizaine d'entre eux travaille de jour, mais la plupart préfèrent le soir, surtout ceux qui bossent au bar de danseuses avant. Ils se dirigent par la suite à la brasserie, aux alentours de minuit.
— Salut, Thor, me dit Jonas. Quoi de neuf ?
— Rien. Et toi ? As-tu croisé Gabin dernièrement ?
— Non, il est probablement trop occupé à changer des couches.
Nous ricanons de concert.
— C'est cool que Judicaëlle ait réussi son examen théorique de moto, ajoute Jonas. Elle va pouvoir pratiquer pour de bon et devenir une vraie motarde.
— Quoi ? Elle ne m'en a pas informé, m'exclamé-je, presqu'insulté.
— Oh...je suppose qu'elle avait autre chose en tête.
Comme ses cours de pratique avec Lewis. Cette idée me met en rogne. Cet enculé va en profiter pour tenter des rapprochements. Je vais devoir y assister pour le surveiller, lui et ses mains baladeuses. Le problème, c'est que je devrai me trouver une bonne raison pour être présent, sinon Judicaëlle va croire que je suis envahissant, ce qui est peut-être le cas...
— À ce qu'il parait, tu as commencé à entraîner Judicaëlle, me dit Jonas afin de changer de sujet.
— C'est Gabin qui m'y a obligé, réponds-je. Il veut qu'elle apprenne à se défendre.
— Il n'a pas tort. Une aussi belle fille pourrait se faire agresser par des hommes pas très nets, surtout dans le quartier où elle habite, sans vouloir te vexer.
— Je sais. Le problème, c'est qu'habituellement, j'entraîne des athlètes et elle est loin de ce niveau.
Jonas hausse les épaules comme si ce n'était pas grave.
— À ta place, je prendrais cela comme un défi. Tu aimes les défis, habituellement, non ?
— Oui, mais mes défis ferment leur gueule, habituellement.
— Oh, je vois, raille Jonas. On dirait que tu as trouvé un adversaire à ta taille, mon pote !
— À ma taille ?
— Tu sais ce que je veux dire. Tu aimes la confrontation... et elle aussi, apparemment.
Je ne peux le nier.
— Essayez seulement de ne pas vous entre-tuer.
— Ne t'inquiète pas, elle m'évite depuis notre dernière séance d'entraînement.
— Qu'avez-vous fait ? me demande Jonas avec une pointe de moquerie dans la voix.
— Rien de déplacé, ne t'inquiète pas.
Il hoche la tête, puis me lance :
— Dans ce cas, à demain soir.
— Bonne soirée.
Sur ce, je fais, comme chaque soir, ma petite tournée sur le terrain et veille à ce que la porte du magasin soit bien verrouillée. Je n'ai pas croisé ma colocataire avant de venir, mais elle semble avoir quitté la boutique depuis un bon moment puisque les lumières sont éteintes et refroidies.
J'entre par la porte arrière et croise Dave qui, lui aussi, vient de terminer son ouvrage. Il aide à la brasserie en après-midi, mais c'est d'abord un mixologue qui travaille aux « Portes de l'enfer », le bar des bikers. Il s'y rend justement après son premier quart de travail.
— Tu t'apprêtes à retourner en enfer ? lui demandé-je en évoquant le bar. Le paradis ne t'a pas comblé ?
Il sourit suite à mon commentaire. Nous rigolons souvent avec ces termes.
— Que veux-tu ? J'ai un petit penchant pour le côté obscur, répond-il en chaussant ses bottes.
— Ou pour les serveuses, répliqué-je en lui faisant un clin d'œil.
— J'avoue qu'elles sont plutôt sexy avec leur petit haut moulant et leur jupe courte. Tu devrais venir faire un tour de temps en temps. Tu pourrais peut-être dénicher la perle rare.
— Sans façon.
— C'est vrai que ton type de femme, c'est plutôt les boxeuses.
— Je n'ai pas de « type » de femmes, comme tu dis.
Ce qui est totalement faux puisque j'aime le genre de Judicaëlle. Toutefois, je ne lui mentionne pas.
— Bon, je dois me mettre au boulot, annoncé-je.
Il me salue, puis me laisse seul. Je pars surveiller la bâtisse jusqu'à ce que l'équipe de nuit arrive. Puis, je retourne chez moi et me couche après m'être assuré que Judicaëlle soit bien rentrée. Elle dort à poings fermés, alors je prends soin de ne pas la réveiller et me glisse sous les couvertures.
***
Aucune trace de ma colocataire. Elle s'est levée avant moi et a déserté la salle de sport toute la journée. Elle ne s'est même pas pointée pour le dîner. Dommage pour elle, car j'avais cuisiné un succulent cury de crevettes. Je devrai en manger pendant au moins trois jours pour parvenir à épuiser tout ce que j'ai fait.
Le cours de boxe commence dans vingt minutes et toujours aucun signe d'elle. Plus le temps avance et plus mon impatience se mue en colère. Je fais des pieds et des mains pour qu'elle s'améliore et cette petite peste sèche les leçons.
— Tu sembles de mauvaise humeur, remarque Jonas alors que je fais les cent pas.
— Cette fille me rend dingue, dis-je entre mes dents. Elle n'écoute pas mes conseils et n'en fait qu'à sa tête. Elle n'est même pas foutue de se pointer à l'heure aux cours, si bien sûr elle daigne nous faire honneur de sa présence.
— Il reste encore un quart d'heure avant le début du cours, la défend Jonas. Elle avait peut-être une course urgente à faire...
— Ouais, et moi j'ai une poignée dans le dos, grondé-je.
Gabin arrive au même moment et Jonas, Dave ainsi que quelques bikers vont immédiatement l'accueillir.
— Las de changer des couches, mon pote ? lui lance Jonas et lui serrant le bras en guise de salut.
— Maisie m'a foutu dehors parce qu'elle voulait faire le ménage de la maison, répond-il. Cette meuf est parfois cinglée.
— Et où sont les enfants ?
— Audélie les a emmenés au parc. Lucas, lui, dort profondément. Il ne se réveille même pas lorsque Maisie passe l'aspirateur.
— C'est cool, de cette façon, il se ne réveillera pas lorsque tu feras l'amour à ta douce, lui fait remarquer Dave.
Mes frères éclatent de rire. Gabin, lui grimace.
— Tu sauras que c'est toujours au mauvais moment que les enfants ont besoin de quelque chose, et je parle par expérience. Ça te stoppe une érection en quelques secondes.
Nouvel éclat de rire.
— Au fait, ajoute Gabin, j'aimerais vous montrer quelque chose.
Il sort un écrin de velours de sa poche et l'ouvre devant Jonas.
— C'est gentil, mec, mais je suis hétéro, répond celui-ci.
Gabin lève les yeux au ciel.
— Ce n'est pas pour toi, idiot, c'est pour Maisie. Je veux la demander en mariage.
Tout le monde écarquille les yeux, même moi. Si un jour on m'avait dit que Gabin voudrait se faire passer la corde autour du cou, j'aurais éclaté de rire.
— Pourquoi ? demande Dave. Ça ne sert à rien, les mariages.
— Je veux que nous nous unissions officiellement pour la vie, répond-il. J'aimerais également adopter ses enfants afin de devenir leur père.
Un silence lui répond. J'ai l'impression que la salle s'est tue et écoute attentivement les explications de Gabin.
— J'ignore seulement comment lui faire ma demande, ajoute-t-il, l'air penaud. Je ne suis pas très romantique et j'aimerais que ce moment soit mémorable.
— Ce doit être un endroit symbolique pour elle, lui dit Jonas. Où vous êtes-vous rencontrés pour la première fois ?
— Sur une route. Je me vois mal m'agenouiller sur le bitume au milieu du chemin pour lui faire ma demande.
— N'y aurait-il pas un autre endroit où vous êtes allés lors de vos premiers rendez-vous ?
Gabin semble songeur, puis son visage s'illumine.
— C'était lors de la collecte de signatures pour notre pétition contre la construction du centre de villégiature. Nous nous étions rendus au belvédère. Je l'avais laissée monter seule les escaliers et elle m'avait presque trucidée une fois arrivée en haut.
— Eh bien, ramène-la là-bas mais, cette-fois-ci, attends-la et fais-lui ta demande sous les étoiles. Elle s'en souviendra pour le reste de ses jours.
Il opine, puis je réalise qu'il est presque l'heure de commencer le cours.
Alors que les boxeurs prennent une corde à sauter, la retardataire arrive, les bras chargés de sacs.
— Tiens, une revenante ! s'exclame Jonas. Tu te joins à nous ?
— Bien sûr. Laisse-moi le temps de ranger tout ça et de me changer.
— Je ne retarderai pas mon cours juste pour tes jolis yeux, argué-je. Ici, c'est moi qui commande, alors presse-toi sinon tu ne t'amélioreras jamais
Ses yeux noisette se fixent sur moi et j'ai l'impression que si nous avions été seuls, elle se serait fait un plaisir de me traiter de connard. Néanmoins, elle se retient pour je ne sais quelle raison.
— Qu'est-ce que tu as acheté ? lui demande Gabin en fixant ses sacs.
Sa curiosité m'étonne. Habituellement, il se montre moins curieux, mais il a changé depuis qu'il vit avec Maisie. Il a des comportements plus...humains. Étrange, mais vrai. Auparavant, il ne se serait jamais intéressé au contenu d'un sac de courses.
— Eh bien...Lewis m'a suggéré de me procurer des vêtements adaptés pour les cours de moto, alors je suis allée m'acheter un pantalon et une veste en cuir. J'ai également fait l'achat d'un casque.
— Montre ! s'écrie Jonas.
Elle sort un casque noir rutilant d'un grand sac et leur fait découvrir sa nouvelle acquisition. Des sifflements approbateurs retentissent.
— Et voici la veste, ajoute Judicaëlle en sortant le morceau de vêtement.
— Hey ! m'écrié-je. Arrêtez de vous comporter comme des minettes et au travail, tout le monde !
C'est tout de même juste un blouson. Les mecs sont en train de devenir mabouls pour du cuir, ma parole !
Tout le monde se place pour commencer le cours tandis que ma colocataire monte dans le studio afin de se changer.
— Hey, mec ! m'interpelle Jonas en s'approchant de moi.
Il baisse le ton et ajoute :
— Vous devriez faire quelque chose, parce que la tension sexuelle entre vous est palpable.
Je lui jette un regard noir. De quoi se mêle-t-il ?
— Vous ne vous êtes pas regardés, ajoute-t-il. On dirait deux personnes en manque sur le point de se sauter dessus. Sérieusement, faites quelque chose parce que votre désir saute aux yeux.
Comment a-t-il fait pour savoir ça ? Je passe mon temps à engueuler Judicaëlle ; il n'y a aucun désir caché là-dessous. Du moins, aucun désir apparent.
— Habituellement, tu es indifférent aux femmes, mais avec celle-ci, tu te comportes comme un enfoiré, alors j'ai compris qu'elle te perturbait. Et plus elle te trouble, plus tu deviens irascible. C'est mauvais pour la santé mentale de retenir ses envies...
— Mêle-toi de tes affaires, Jonas, lui suggéré-je, et laisse-moi gérer les miennes.
— Comme tu voudras, Thor, mais juste un conseil : arrête de lui chercher des noises et comportez-vous comme deux personnes civilisées. Et faites ça dans un lit, ajoute-t-il en me faisant un clin d'œil.
— Merci pour tes bons conseils, raillé-je tandis que des images indécentes me traversent l'esprit.
— Y'a pas de quoi.
Je lève les yeux au ciel pendant qu'il rejoint le groupe. Il a probablement raison, mais j'ignore comment régler cette question. Lorsque j'aperçois l'origine de mes problèmes arriver, je ne peux m'empêcher de lorgner son fessier bombé. Dieu du ciel ! Cette meuf est en train de me rendre fou.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top