Direct to the heart-TOME 2-Chapitre 18


Thor

Mais où est passée cette petite peste ? J'ai fait le tour de la bâtisse cinq fois et aucun signe d'elle. Je suis même allé vérifier dans la pièce réfrigérante, juste au cas où...

— Si tu cherches Judicaëlle, elle est partie, m'informe Maisie.

— Quoi ? Comment ?

— Lewis l'a ramenée. Elle était fatiguée et il a proposé de la déposer chez elle... je veux dire, chez toi.

— Je suis sûr qu'il a profité de cette opportunité pour l'approcher. Ce mec saute tout ce qui bouge.

— Tu exagères.

Je la fixe en soulevant un sourcil.

— Il s'est tapé toutes les danseuses du bar...ainsi qu'une bonne partie des clientes, même celles qui venaient accompagnées d'un autre homme. Je ne sais pas comment il fait, mais elles lui tombent toutes dans les bras.

— Je ne crois pas que Judicaëlle soit ce genre de femme, me dit Maisie.

— Tu la connais à peine, rétorqué-je.

— Elle n'est pas une danseuse, ni même une brebis. Je l'ai observée et je ne l'ai vue dans les bras d'aucun biker, à part toi.

— Nous nous disputions, figure-toi.

Elle me jette un regard pénétrant.

— C'est difficile de se disputer en s'embrassant, non ? s'enquiert la jeune femme. À moins qu'il ne s'agissait d'une bataille de langues...

— Exactement, réponds-je avec sarcasme.

Je commence à être las de ce sujet. Embrasser Joëlle était une erreur, bien que j'aie adoré cet instant du début à la fin. Si j'avais su qu'on nous découvrirait, j'aurais trouvé un endroit plus discret pour profiter de ce moment. Je n'ai pas pu m'empêcher de savourer sa bouche au goût de pomme, ou plutôt, de paradis.

— Je vois, dit-elle, dubitative. Je devrais essayer ça avec Gabin. Quoique j'ai une technique infaillible pour le contraindre à m'écouter...

Je ne veux même pas le savoir. Je sais que mon pote devient débile lorsqu'il s'agit de cette femme. Il décrocherait la lune pour elle, ce que je ne ferais assurément pas avec ma colocataire. Je ne lui décrocherais même pas un sourire.

— Écoute, insisté-je en espérant qu'elle comprenne qu'il n'y a rien de sérieux entre Joëlle et moi, j'avais bu et je n'avais plus toute ma tête lors de ce rapprochement. J'avais envie de lui clouer le bec et c'est ce que j'ai fait.

— À n'en point douter, termine-t-elle avec amusement.

— Je ne veux pas de meuf dans ma vie, m'obstiné-je.

— Pourtant, elle en fait déjà partie, que tu le veuilles ou non.

— Elle finira par partir.

— Alors, arrange-toi pour qu'elle reste. Ce n'est certainement pas en l'admonestant sans arrêt et en te montrant haïssable envers elle que tu y parviendras. Comporte-toi comme un vrai homme.

— Un vrai homme ne se laisse pas mener par une femme, argué-je.

— Au contraire, c'est à ses côtés qu'il y puise sa force. Tu as encore beaucoup à apprendre, Thor.

Est-ce moi ou elle me fait la morale ?

— Bonne nuit, ajoute-t-elle en me laissant planté là comme un poireau.

Hagard, je secoue la tête. Sacrée bonne femme ! Elle se prend pour qui ? Cupidon ? Je n'ai pas besoin de ses conseils. Je m'en sors très bien seul et j'étais sérieux lorsque je disais que je ne voulais pas de meuf dans ma vie.

Mais elle en fait déjà partie.

Certes, oui, mais bien malgré moi. On m'a imposé Joëlle et je ne l'apprécie pas pour cette raison (et aussi parce qu'elle est la tentation-même).

Pourtant, les paroles de Maisie tournent en boucle dans ma tête durant mon trajet jusqu'à l'entrepôt. Elle a semé le doute dans mon esprit. Je ne suis plus sûr de vouloir que ma colocataire parte. Quelques jours auparavant, j'aurais tout fait pour la faire dégager, mais je constate qu'il manquait un peu de piquant dans ma vie. Maintenant, j'ai l'impression qu'un vrai hérisson s'y est immiscé.

J'arrive enfin chez moi, les nerfs en ébullition. J'enlève ma veste et me dirige vers le studio en montant les marches silencieusement pour ne pas réveiller Joëlle. Je passe devant sa couche et réalise qu'elle est vide. Aucune trace de ma colocataire. Les couvertures sont soigneusement pliées, signe qu'elle ne s'est pas glissée sous les draps.

La colère enfle en moi. Ce trou-du-cul de Lewis l'a sans doute invitée chez lui. Je ne peux pas croire qu'elle se soit laissé berner ainsi. Et moi qui croyais qu'elle avait quelque chose dans la tête ! En fin de compte, elle est comme toutes les autres filles que j'ai côtoyées ; idiote et superficielle. Je l'ai embrassée et elle se jette par la suite dans les bras de ce minable.

Je m'assois sur le canapé, trop furieux pour n'avoir ne serait-ce qu'envie de fermer les yeux. J'attends donc impatiemment que Joëlle pointe le bout de son nez. J'ignore quelle heure il est, mais je m'en moque. Va-t-elle dormir chez lui ? Peut-être, mais si c'est le cas, je l'attends de pied ferme lorsqu'elle rentrera. Après tout, elle travaille demain et passera certainement se changer avant de se rendre à son travail.

Alors que je suis perdu dans mes pensées, j'entends la porte claquer, signe qu'elle est rentrée...ou bien que j'ai un visiteur indésirable. Habituellement, je la verrouille, mais j'avais la tête ailleurs en arrivant.

La petite pimbêche monte les escaliers à pas de souris et je la vois enfin. Elle parait fatiguée et se traîne les pieds jusqu'au canapé, c'est-à-dire, jusqu'à moi.

Elle m'aperçoit enfin et sursaute. Elle devait s'attendre à ce que je dorme. Et non !

— Que fais-tu dans mon lit ? me demande-t-elle.

— Dans ton lit ? Je te ferais remarquer que tu es chez moi.

— Tu sais ce que je veux dire.

— As-tu couché avec ce connard ?

Elle écarquille les yeux comme si ma question la surprenait.

— Tu me prends pour une pute ou quoi ? s'écrie-t-elle, indignée. Il m'a seulement ramenée.

— C'est faux. Tu es partie avant moi de la brasserie et c'est à peine à dix minutes d'ici. Qu'avez-vous mijoté, entre-temps ?

— Nous nous sommes arrêtés à l'école de conduite de moto où Lewis travaille car il voulait me prêter un manuel afin que j'étudie en vue de l'examen théorique, répond-elle. Il avait les clés du bâtiment et il s'est dit que plus vite j'assimilerais la théorie, et plus vite il pourrait me donner des leçons pratiques.

— Des leçons pratiques ? À mon avis, il ne parlait pas du même type de leçon que toi. Es-tu sûre que ce n'était pas autre chose qu'une moto qu'il voulait que tu montes ?

Elle rougit de colère et s'avance vers moi, hors d'elle. Je suis toujours assis et, même dans cette position, nos yeux arrivent à la même hauteur, signe que je suis un géant à côté d'elle.

— Écoute-moi bien, espèce de taré misogyne, crache-t-elle. Je n'en ai rien à faire que tu me croies ou non, mais une chose est sûre. PERSONNE n'a le droit de me toucher sans mon consentement et tu en fais partie, alors la prochaine fois que ta bouche rencontre la mienne par accident, je la mords si fort que plus aucun mot de pourra sortir de ta grande gueule, est-ce clair ?

Je ne réponds pas, me contendant d'arquer un sourcil.

— Maintenant, j'aimerais bien me coucher puisque je travaille demain, alors vire ton cul de là.

Je dois avouer que sa répartie m'étonnera toujours. Elle parait douce et inoffensive, mais lorsqu'elle sort ses griffes, on dirait une chatte enragée. Et ça me donne encore plus envie de l'allonger et de lui montrer à quel point sa petite tirade m'a excité. Néanmoins, je me contente de me lever et déclare :

— Je m'étais trompé. Finalement, tu as l'étoffe d'une boxeuse.

Elle fronce les sourcils.

— Et dire que je pensais que tu allais t'excuser !

Je ne réponds rien et me dirige vers mon lit, où je m'allonge en silence. Ce qu'elle ne sait pas, c'est que c'était ma manière de m'excuser.

***

J'ai très mal dormi. Je me suis repassé les événements de la veille presque toute la nuit. Comment ai-je pu perdre le contrôle au point d'embrasser cette fille...par deux fois ? C'est pour cette raison que je ne bois jamais, habituellement. L'alcool m'empêche de réfléchir correctement.

Je suis encore couché lorsque Joëlle se lève. Je fais semblant de dormir, bien que je sois réveillé. Mes paupières se soulèvent imperceptiblement et je l'observe pendant qu'elle se prépare. Elle me tourne le dos et retire son pyjama, me laissant contempler l'arbre de vie ornant sa colonne vertébrale. Je suis trop loin pour observer tous les détails de son tatouage, mais je l'oublie momentanément aussitôt qu'elle baisse son pantalon. Elle porte une culotte à la garçonne noire et rose qui moule parfaitement ses fesses et lorsque ses doigts glissent sous l'élastique et que le morceau de vêtement tombe à ses pieds, mon regard se bloque sur le superbe mandala tatoué sur sa hanche et qui descend sur le côté de son postérieur jusqu'à sa cuisse. Il met en valeur la courbe prononcée de sa fesse galbée.

Eh merde ! Je sens mon membre se dresser suite à cette vue hallucinante reflétant la perfection. Je n'ai pas autant été attiré par une femme depuis ma sortie de prison. Ma libido se réveille progressivement et plus je côtoie Joëlle, plus elle augmente.

Elle enfile une autre culotte ainsi qu'un soutien-gorge, puis un pantalon noir et un débardeur rouge. Elle sort un petit miroir de son sac, applique du maquillage sous ses yeux, dont le but est sans doute de dissimuler ses cernes, et termine sa toilette en tressant sa chevelure. Elle saisit finalement son sac, puis se dirige vers l'escalier. Toutefois, avant de descendre, elle se tourne dans ma direction. Je reste immobile en espérant qu'elle n'aperçoive pas mes paupières entrouvertes de là où elle se trouve. Je dors toujours vêtu de mon caleçon et j'ai passé une jambe par-dessus l'édredon puisque j'ai toujours chaud durant la nuit. Le reste de mon corps est caché, mais je l'aperçois tout de même reluquer ma jambe. Je sais qu'elle essaie de décrypter mon tatouage, mais elle n'y verra qu'un enchevêtrement de lignes. Sa signification est beaucoup trop complexe pour qu'elle en comprenne l'origine.

Je sais ce qu'elle pense de mon corps. Elle me trouve trop tatoué, comme la plupart des meufs que je rencontre. Cependant, une fois le choc passé de notre première rencontre, je n'ai pas revu son regard rebuté par mes tatouages. Il coule désormais sur moi chaque fois qu'elle m'aperçoit dénudé, comme lorsque je l'ai réchauffée en la sortant de la pièce réfrigérante de la brasserie. J'ai lu dans ses yeux autre chose que du dégoût, comme une lueur de convoitise, surtout lorsqu'elle s'est attardée sur mon torse. Je crois qu'elle commence à s'habituer à mon apparence peu commune, mais pas à mon caractère.

La jeune femme souffle d'exaspération, puis me tourne le dos et part comme si elle avait le diable à ses trousses. J'entends par la suite la porte de l'entrepôt se refermer. Elle ne mange pas ? Tout le monde sait qu'un petit-déjeuner équilibré est primordial afin d'avoir l'énergie nécessaire pour passer une bonne journée. D'ailleurs, je ne l'ai jamais vu cuisiner jusqu'à présent. Il est vrai que je l'ai un peu évitée, mais je réalise que nous devrons apprendre à vivre ensemble. Surtout depuis que Gabin et Maisie semblent déterminés à la garder avec nous.

Plus j'y pense et plus je songe que nul ne pourrait mieux gérer qu'elle la boutique de bière en attendant le retour de Maisie. Judicaëlle semblait vraiment dans son élément lorsqu'elle s'adressait aux clients lors de la dégustation. Tiens ! C'est la première fois que je l'appelle par son prénom complet, même si c'est en pensée.

Je l'ai peut-être trop vite jugée. Elle a fait ses preuves... à la brasserie. Il lui reste maintenant à me prouver qu'elle est digne de confiance sur les autres plans. J'imagine des tas de scénarios ; elle est peut-être mariée, ou bien elle a commis un vol à l'étalage et elle fuit la police.

Je secoue la tête en chassant ces pensées. C'est peut-être un peu moins grave, du genre, son papa l'empêchait de sortir avec un mec et une énorme dispute a éclaté pour finalement se terminer en « je me carapate loin de mes parents ».

Je me lève finalement et exécute ma routine habituelle : mon entraînement, ma douche, puis un petit-déjeuner riche en protéines.

Les boxeurs arrivent par la suite et, malgré mon manque de sommeil, mon entrain revient rapidement. J'adore cette atmosphère où les gens sont motivés à s'entraîner et donnent le meilleur d'eux-mêmes. Je suis là pour les aider à repousser leurs limites.

Vers midi, alors que je corrige la position d'un boxeur, j'entends un cri d'enfant, ce qui me fait lever la tête. Quelle n'est pas ma surprise lorsque j'aperçois Gabin accompagné de trois mômes, dont le petit nouveau, qui somnole dans sa poussette !

— Gabin, mon club n'est pas une crèche, l'avertis-je en me dirigeant vers lui.

— Je sais, mec, mais je voulais donner un peu de répit à Maisie et Audélie a de l'école, aujourd'hui.

— Ce n'est pas une raison pour emmener tes enfants ici. Pourquoi ne vas-tu pas au parc avec eux ?

Il fait une petite moue agacée.

— Nous avons passé trois heures là-bas, ce matin, puis je les ai emmenés déjeuner et maintenant, je suis à court d'idées.

Il fait signe à Jonas, qui vient de terminer son entraînement. Je sais que celui-ci apprécie les enfants du couple et qu'il ne rate jamais une occasion pour jouer avec eux.

— Je voulais m'entraîner une petite demi-heure avant de retourner à la maison, ajoute Gabin. Maisie a besoin de dormir.

Je souffle, excédé. Ce type est vraiment exaspérant.

— Paca, dit tout à un coup le petit Théo.

— Est-ce qu'il a dit papa ? questionné-je.

— Ça ressemble plutôt à caca, dit Jonas. Tu devrais peut-être aller vérifier si sa couche est pleine.

— Bonne idée.

Il emmène le petit garçon avec lui tandis que Jonas et moi restons avec Charlotte et Lucas, qui dort paisiblement. Le bruit des poids qui résonnent ne semble pas le déranger. La fillette, elle, regarde partout.

— Wow, ce parc est super, fait-elle.

— C'est un endroit pour faire de la boxe, l'informé-je.

Elle fixe Gregory qui frappe dans un sac.

— Pourquoi est-ce qu'il fait des bobos au sac ? demande-t-elle.

— Euh...parce qu'il ne l'aime pas.

— Ah bon. Moi, ça arrive que j'aime pas mon p'tit frère, alors est-ce que je peux lui donner des coups, moi aussi ?

Eh merde ! Pourquoi Gabin l'a-t-il emmenée ici ? Il est vraiment stupide.

Il revient justement en annonçant :

— Fausse alerte. Ça doit signifier « papa ».

Bordel ! Il a cette même expression que le smiley avec des cœurs à la place des yeux. Son regard dégouline de tendresse et d'émoi. Je dois retenir une grimace de dégoût. Mon pote est devenu fleur bleue.

Puis, le papa s'adresse à Jonas et à moi.

— Jonas va s'occuper des jeunes pendant que je m'entraîne, me dit-il tandis que son pote prend Théo par la main.

— Comme tu voudras, accepté-je en poussant un long soupir, pourvu qu'ils ne détruisent pas ma salle de sport.

— Ce ne sont que des enfants, Thor. Malgré le fait qu'ils demandent beaucoup d'énergie, ils sont adorables. Je ne pourrais vivre sans eux. Ils apportent du soleil dans ma vie.

— Tant mieux pour toi ! Maintenant, je...

J'entends alors un bip sonore, puis Jonas s'écrier : « Charlotte, lâche le tapis roulant ! »

J'ai l'impression que la journée va être longue...

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