Direct to the heart-TOME 2-Chapitre 16


     Thor

Incapable de me concentrer, je considère distraitement les boxers. Habituellement, je critique le moindre de leurs mouvements, mais j'ai la tête ailleurs. Je ne songe qu'au parfum de pomme à la cannelle que j'ai humé sur la peau de ma colocataire. Ça m'a rappelé la fameuse recette de ma grand-mère. Elle faisait cuire des tranches de pommes dans une poêle avec un peu de beurre, de miel et de cannelle. Hélas, elle est décédée alors que j'étais à peine âgé de cinq ans. Toutefois, cette odeur m'a marqué. Pourquoi la jeune femme sent-elle comme la fragrance d'un dessert ? J'avais tant envie de goûter ses lèvres afin de savoir si elles étaient aussi délicieuses que son parfum. Je fais peut-être un régime excluant les pâtisseries, mais ça n'a jamais été aussi difficile d'y résister qu'à elle.

Merde ! Quelle idée de m'approcher ainsi de la jeune femme ! Elle est encore plus belle de près. Ses iris mordorés m'ont percuté autant que son parfum sucré. Et que dire de ses petites taches de rousseurs parsemant son nez ! Et de ses lèvres aussi rosées qu'un pétale de dahlia !

Je l'ai traitée de faible, mais c'est moi qui le suis. Je suis incapable de résister à son corps de déesse. Qu'ai-je fait pour mériter cela ? Je m'étais juré de rester loin des meufs après le fiasco qui m'a envoyé directement en prison. Je voulais me concentrer sur la boxe, sur mon groupe de bikers et oublier les distractions féminines. Joëlle est plus qu'une distraction. Elle est comme une grenade qui fait sauter toutes mes barrières, qui bouleverse ma vie et qui me distrait de mes occupations.

Je reçois un texto de Dave, ce qui me sort de mes pensées.

« Ce soir, nous faisons une fête en l'honneur de la naissance du fils de Gabin et de Maisie » a-t-il écrit.

Je suis sur le point de trouver une excuse pour ne pas y aller lorsqu'un autre message rentre sur mon téléphone.

« Et n'essaie pas de te désister. Tout le monde doit être présent. »

Je grogne de frustration. Quand pourrai-je avoir la paix ? Je déteste les fêtes, quelle qu'en soit la nature. Je veux bien croire que mes frères sont contents de la venue d'un mini-biker dans la famille, mais ils n'auraient pas pu attendre une semaine ou deux ? Pas la première journée de l'arrivée du bébé ! Qui ferait ça, sérieux ?

Les Midnight Demons.

« Et emmène la nouvelle. Après tout, elle fait désormais partie des nôtres », écrit-il à nouveau.

Cette meuf les a tous envoûtés. Et je songe que je suis également en train de tomber dans le panneau. Pourquoi a-t-il fallu qu'elle vienne chambouler mon train-train quotidien ? Mon père ne croyait pas au hasard. Il disait que rien n'arrivait pour rien dans la vie, qu'il y avait toujours une leçon à tirer. Il est décédé d'un cancer à quarante ans. Je ne sais pas quelle était cette leçon à retenir, si ce n'est que la vie peut être injuste. Joëlle n'a peut-être pas surgi dans ma vie pour rien, mais seul l'avenir nous le dira. Pour l'instant, je ne vois aucun point positif à sa venue, à l'exception de la tentation grandissante lorsque nous nous retrouvons face à face.

— L'entrainement est terminé pour aujourd'hui, annoncé-je à l'intention des boxeurs.

Ceux-ci sont complètement couverts de transpiration, alors ils se hâtent vers les vestiaires afin de prendre une bonne douche.

Je me demande où est passée Joëlle. Je m'obstine à l'appeler ainsi, pas parce que je ne connais pas son vrai prénom, mais plutôt parce que j'ai l'impression de garder un certain contrôle de moi-même...

Une fois les derniers membres du club partis, je ramasse les équipements qui trainent, me lave et monte dans le studio. Ma colocataire s'y trouve et je suis stupéfait de la découvrir endormie sur le fauteuil. La nuit précédente a dû avoir raison d'elle. Après tout, elle n'avait pas beaucoup dormi.

Je m'approche silencieusement et l'observe. Elle a allongé un bras au-dessus de sa tête et l'autre recouvre son ventre partiellement dénudé.

Ses cheveux déployés créent un halo autour de sa tête et son visage semble si innocent que ça en est presque attendrissant.

Presque.

Je sais qu'elle n'est pas si innocente qu'elle le parait. J'ai toujours senti ce genre de truc. Un danger place au-dessus de sa tête. J'ignore ce que c'est, mais la façon dont elle se crispe chaque fois qu'un inconnu s'approche d'elle laisse deviner qu'elle craint quelque chose. Ou quelqu'un.

Son portable git sur le drap à côté d'elle. C'est le bon moment de fouiller dedans. Je le déverrouille en réalisant qu'elle n'a même pas mis de mot de passe.

Je commence par regarder ses photos. Des pommiers ? Cette meuf est vraiment étrange. Qui prendrait des photos d'arbres ? Elle leur a donné un nom ou quoi ?

Je secoue la tête en faisant défiler les images. Il n'y a rien de très passionnant. Aucun ami ni membre de sa famille. Seulement des paysages ou des arbres. Elle aurait dû devenir écologiste ou un truc dans le genre.

Je vérifie par la suite ses messages. Aucun à part celui de Maisie qui date de quelques jours.

Étrange. Personne ne la contacte ou quoi ?

Cette femme pique de plus en plus ma curiosité. J'aimerais éclaircir le mystère l'entourant. Mais comment ? L'espionner ne servira à rien et discuter avec elle non plus puisque nous en sommes incapables. Chaque fois que je tente de parler avec elle, j'ai seulement envie de lui mordre la lèvre et de la sucer pour la goûter. Bordel ! Elle va me rendre dingue !

Je repose son téléphone et me recule avant de faire quelque chose de regrettable, comme de poser ma bouche sur son adorable corps...qui est exempt de soutien-gorge, encore une fois. Elle a un problème avec les sous-vêtements ou quoi ? Je suis presque tenté de vérifier si elle porte une culotte, mais si jamais elle me surprenait, elle porterait certainement plainte pour harcèlement sexuel et m'expédierait en prison...encore une fois.

Je garde donc mes distances et songe à un moyen de la réveiller. Si j'avais des cymbales, je les ferais tinter juste au-dessus de la tête. Je pourrais lui jeter un verre d'eau par la gueule, mais les femmes détestent cela. Elle refuserait par la suite de m'accompagner à la petite fête et mes frères me le reprocheraient. Pas que ça me dérange, mais je suis las d'entendre leurs jérémiades.

Je me penche donc sur elle, sans toutefois la toucher et hurle :

— Debout, espèce de marmotte.

Comme je m'y attendait, elle se réveille en sursautant et se redresse aussitôt.

— Quelle heure est-il ? baragouine-t-elle et se frottant les yeux.

Merde ! Même sans maquillage, elle est magnifique. Comment fait-elle pour être aussi sublime à son réveil ?

— Il est vingt heures, réponds-je d'une voix agacée.

— Oh ! J'ai dormi tout l'après-midi...

— Et une partie de la soirée. C'est ce que j'appelle de la paresse absolue.

Elle ouvre la bouche et j'attends la jolie insulte qui ne tarde pas.

— Va t'étouffer avec une pomme, me lance-t-elle.

— Certainement, raillé-je. Tu pourrais peut-être m'aider avec les tiennes.

Je lorgne ses seins, dont les pointes durcissent progressivement sous son t-shirt trop mince. J'adorerais qu'elle les presse de chaque côté de mon visage.

— Espèce de mufle, s'écrie-t-elle, hors d'elle, en sautant par terre.

— Au moins, tu es réveillée, maintenant. Les Midnight Demons organisent une fête pour souhaiter la bienvenue à Lucas et nous sommes invités.

— Je reste ici, annonce-t-elle en secouant la tête.

— J'ai répondu la même chose, mais avec eux, inutile de discuter.

Elle pousse un long soupir et sort un t-shirt froissé de son sac.

— Je suppose que je ne peux pas décliner l'invitation, maugrée-t-elle.

— On ne refuse jamais rien à un Midnight Demons. Souviens-t-en, ajouté-je, juste avant de me rendre compte que ma phrase pouvait contenir un double sens.

Je me détourne avant qu'elle ne puisse rétorquer quoique ce soit et descends l'attendre en bas.

Dix minutes plus tard, elle est prête. Elle a fait un effort vestimentaire puisqu'elle porte un pantalon effet cuir et un t-shirt court, dévoilant son ventre plat. Putain ! Ça devrait être interdit de porter une tenue pareille. Mes frères vont en profiter pour se rincer l'œil, comme je le fais actuellement.

Ses cheveux ondulent sur ses épaules et elle a appliqué un rouge à lèvre écarlate, me rappelant à quel point j'aimerais goûter à ses lèvres tentatrices.

— Il n'est pas trop tôt, bougonné-je plutôt.

— Ça m'a pris à peine cinq minutes, s'indigne-t-elle.

Elle est si facile à agacer que ça en est comique.

— C'est ce que je disais.

Nous sortons et j'enfourche ma bécane en lui faisant signe de monter. La jeune femme semble hésiter, mais elle finit par grimper et se cramponne à ma veste lorsque je démarre en trombe. Je ne la vois pas, mais je suis certaine qu'elle est en train de marmonner des insultes à mon encontre. J'accélère donc afin qu'elle soit incapable de songer à quoique ce soit d'autre que cette sensation de liberté qu'on éprouve en filant sur le bitume. Du moins, c'est l'effet que ça me fait, ainsi qu'à tous les bikers dignes de ce nom.

Nous arrivons à la brasserie quelques minutes plus tard. Un entassement de motos encombre la cour de la bâtisse.

— Dépêche-toi, dis-je à Joëlle tandis qu'elle peine à enlever son casque.

Sa crinière indomptable m'amuse énormément. Ça la rend plus farouche, plus attirante.

Nous entrons par la porte arrière, celle de devant étant réservée aux visiteurs, et nous dirigeons vers la salle de réception où les clients se ruent durant les weekends.

Une bonne trentaine de bikers sont déjà arrivés, chacun avec une bière dans les mains. Certains applaudissent lorsque nous entrons, contents que nous soyons arrivés. Maisie et Gabin se trouvent un peu plus loin. La jeune maman discute avec la femme de Roger, un biker d'une quarantaine d'années et père de deux enfants.

Lorsque Maisie aperçoit Joëlle, elle lui fait aussitôt signe de la main et l'invite à se joindre à elles. Tant mieux ! Je ne voulais pas l'avoir dans les pattes toute la soirée.

— Tu es enfin arrivé ! s'écrie Jonas en me donnant une tape dans le dos. Je dois t'avouer qu'on avait parié si tu viendrais ou pas et, surtout, accompagné de la jolie demoiselle. Elle est en beauté, ce soir.

J'ignore pourquoi son commentaire me dérange. Aurait-il des vues sur elle ?

— Ne t'inquiète pas, ajoute-t-il en apercevant mon mécontentement, je te la laisse. Je suis un éternel célibataire.

— Moi aussi, argué-je.

— Alors, pourquoi la fixes-tu ainsi ?

— Comment ?

— Comme une proie.

Je lève les yeux au ciel tandis qu'il s'éloigne en s'esclaffant. Sacré Jonas. Il trouve toujours une brèche pour rire de nous et ça m'a tout l'air qu'il a trouvé le sujet qui m'agace.

Je remarque qu'un traiteur a préparé des bouchées disposées sur le comptoir-bar où Dave décapsule les bières de mes frères.

— Dave ! l'appelle Gabin. Dégage de là. Tu ne travailles pas, ce soir, alors laisse-les se servir seuls. Ils sont capables d'ouvrir leurs bières.

Ce dernier acquiesce et rejoins un petit groupe qui discute ensemble.

Les Midnight Demons ont beau être mes frères de cœur, je me sens toujours un peu exclu lors des rassemblements. Sans doute parce que je possède ma propre vie, et que j'ai déserté la leur durant mon emprisonnement. Bien des événements ont eu lieu pendant ce temps, dont la rencontre entre le chef des bikers et Maisie. J'aurais bien aimé assister à cette scène qu'on me raconte sans arrêt ; celle de leur première rencontre. À ce qu'il parait, Gabin avait engueulé la jeune femme après avoir failli heurter la fille de cette dernière alors qu'il roulait en motocyclette.

J'ai parfois l'impression d'être le mouton noir des Midnight Demons, celui qui ne s'intègre pas bien. C'est probablement le cas. Je possède mon propre toit et la plupart des bikers, à l'exception de ceux qui ont leurs propres familles, logent ensemble. Ils tissent des liens entre eux. Pour ma part, je rencontre davantage de boxers, car je fréquente seulement les bikers pendant mon quart de travail de nuit. À dire vrai, je suis à moitié un démon de minuit et à-moitié un boxeur. Pas entièrement l'un, ni entièrement l'autre. Un entre-deux.

— Pourquoi restes-tu seul dans ton coin ? me demande Gabin en me rejoignant. Tu sembles songeur.

— Je me disais seulement que je ne suis pas complètement des vôtres, réponds-je honnêtement.

Habituellement, je ne suis pas aussi loquace, mais je préfère être franc avec le chef.

— Pas des nôtres ? répète-t-il, stupéfait. Tu fais partie des Midnight Demons depuis que tu es né, Thor.

— Seulement grâce à mon père.

— Veux-tu que je te rappelle ce que tu as fait pour le club depuis ta naissance ? À douze ans, tu roulais déjà à moto, tu as même empêché un voyou de voler celle de Marius. C'est toi qui as proposé d'établir notre quartier général sur ce terrain qui appartenait à la mère de Marius. C'est même toi qui es allé prendre le thé avec sa tante pour lui proposer l'idée d'utiliser la vieille grange abandonnée à côté de chez elle. À seize ans, tu étais déjà un bon polémiste et tu obtenais tout de ce tu voulais. À dix-huit ans, tu as combattu le chef de nos rivaux et tu as remporté haut la main. Veux-tu que je continue, car je pourrais t'en raconter beaucoup d'autres ?

Je grimace. Bon, d'accord, j'ai vécu beaucoup d'anecdotes avec eux, mais plus je vieillis et plus je me distancie.

— Peu importe ce qui arrivera, tu resteras toujours l'un des nôtres, ajoute Gabin en me fixant droit dans les yeux. Tu devras un jour choisir entre ton job de coach de boxe ou notre club. Tu n'es pas un Dieu, Thor, même si ton surnom l'évoque. Tu ne pourras pas travailler éternellement quinze heures par jour.

— J'en suis capable, grogné-je.

— Pour l'instant. Et lorsque tu auras une famille, tu voudras sans doute passer un peu de temps avec elle.

— Ce n'est pas dans mes projets, ni à court ni à long terme, annoncé-je.

— Ah bon...Regarde, Lewis semble très intéressé par Judicaëlle. As-tu remarqué à quel point il est près d'elle ?

Je me tourne vers l'endroit qu'il me pointe du menton et réalise que le biker a approché la jeune femme et lui parle d'un peu trop près. Il gesticule beaucoup et semble raconter une blague puisqu'elle rit de bon cœur. Leur corps se trouvent presque collés et le courant semble passer entre eux.

— Il veut seulement la mettre dans son lit, explosé-je, hors de moi.

Je fais deux pas dans leur direction, mais l'éclat de rire de Gabin m'arrête.

— Tu es vraiment mordu, mon vieux, s'esclaffe-t-il. Tu devrais arrêter de te voiler la face.

Je me rends compte qu'il m'a piégé.

— Je sens que la soirée ne manquera pas de piquant, ajoute-t-il en partant retrouver sa copine et son bébé.

J'oublie momentanément ma discussion avec lui et fonce vers Lewis et ma colocataire.

— Il a ensuite appuyé sur les freins au lieu de l'accélérateur et il est passé par-dessus de guidon. Une chance qu'il ne roulait pas vite, raconte Lewis.

Joëlle s'esclaffe et dit :

— Je ne serai peut-être pas meilleure que lui.

— Je suis certain que si. Tu as l'air d'une bikeuse, surtout avec ces pantalons de cuir qui te vont super bien.

Il est en train de la draguer, ma parole !

La jeune femme rougit en balbutiant :

— C'est du faux cuir. Je n'ai pas les moyens de m'acheter autre chose.

Bon, je dois intervenir avant qu'il lui demande s'il peut y toucher.

Joëlle, l'appelé-je en arrivant à leur côté. J'ai besoin d'aide pour aller chercher les bières dans la chambre froide.

— C'est Judicaëlle, me reprend-elle pour la centième fois, et tu n'as qu'à t'arranger seul.

— C'est Gabin qui l'a suggéré, mens-je. Il a dit que tu étais serviable, mais je vais devoir démentir ses propos.

— Je peux vous donner un coup de main, propose Lewis.

— Pas la peine, nous ne serons pas longs.

La jeune femme a envie de me trucider si je me fie à son regard assassin, mais elle me suit tout de même. Et 1 à 0 pour moi !

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