Direct to the heart-TOME 2- Chapitre 14
Thor
J'observe les doigts de la jeune femme frôler les chaussons de bébé en minky, l'esprit ailleurs. Il y a une seconde, elle semblait super excitée à l'idée de trouver un habit de bébé, mais elle est soudainement devenue mélancolique. Ses yeux se sont obscurcis, passant de la couleur noisette à un chocolat noir.
— Qu'est-ce qu'il y a ? interrogé-je.
Elle semble se souvenir de ma présence et m'adresse un faible sourire qui n'atteint pas ses yeux.
— Rien, ment-elle.
— Tu te comportes comme si ton chien était mort.
Elle avale de travers au même moment et je comprends qu'elle cache quelque chose. J'avais raison depuis le début ; il y a une raison pour laquelle Joëlle s'est arrêtée dans notre ville et je compte bien le découvrir. Je n'aime pas le mystère et l'hypocrisie. J'apprécie l'honnêteté, ce dont elle n'est apparemment pas dotée. Au final, cette fille représente tout ce que je déteste et je me demande pourquoi elle me fait autant d'effet.
— Je n'ai pas de chien, ni de chat, répond-elle en se dirigeant vers la caisse. Je n'ai rien. Même pas de voiture.
Je comprends alors. Elle a de la peine car, en perdant sa voiture, elle a perdu son autonomie. Dépendre d'un club de bikers doit la rebuter. Maintenant, elle est coincée avec les Midnight Demons et cette idée m'amuse plus que de raison.
La caissière paraît un peu intimidée par ma présence. Elle scanne les articles en faisant attention à ne pas croiser mon regard. Ce doit être rare que des individus aussi tatoués que moi se présentent dans le rayon pour enfant.
— Ça fait un total de quarante-cinq dollars, annonce-t-elle.
Le visage de Joëlle semble d'abord surpris par le montant, puis ses joues s'embrasent. Je comprends qu'elle n'a pas l'argent pour payer tout ça et ça ne me surprend guère. Dans le genre « personne en difficulté », elle remporte le palmarès haut la main.
Je pousse un long soupir en lui disant :
— Pousse-toi.
Je sors mon portefeuille et tends ma carte de crédit à la caissière. Une fois la transaction terminée, elle nous remet le sac et nous souhaite :
— Bonne journée à vous deux et félicitation pour votre futur bébé.
J'entraîne Joëlle avec moi vers la sortie tandis que cette dernière écarquille les yeux en comprenant que nous sommes passés pour de futurs parents. Je ne suis habituellement pas quelqu'un qui rit beaucoup mais, cette fois-ci, je ne peux empêcher un éclat de rire. Nous formons le couple le plus improbable qui soit, alors je ne sais pas ce que la vendeuse s'est imaginée, mais elle n'est pas très maline. Moi, papa ? C'est d'un ridicule.
— Est-ce que j'ai pris tant de poids pour avoir l'air enceinte ? gronde la jeune femme, mécontente.
Je ne réponds pas et laisse planer le mystère, juste pour la faire chier. Je n'ose pas lui dire qu'elle a un corps parfait. Pour qui passerais-je ?
Nous reprenons la route en direction du quartier général. Cela ne prend que quelques minutes, puis nous arrivons devant la maison de Gabin et de Maisie. Ils l'ont rénovée tout récemment pour y loger toute la fratrie, qui comprend maintenant quatre enfants. Gabin, qui a toujours voulu une grande famille, doit en être enchanté. De plus, il considère les enfants de Maisie comme les siens et je dois avouer qu'il a vraiment le tour avec les gamins. Contrairement à moi qui les fais fuir.
— Penses-tu qu'ils dorment ? interroge Joëlle.
— À onze heures du matin ?
— Toute le monde sait qu'avec un nouveau-né, les nuits sont courtes, alors il est fort probable qu'ils se recouchent pour reprendre le sommeil perdu.
— Tu t'y connais pas mal en bébé. Aurais-tu un secret à me révéler ? l'agacé-je
Son visage se ferme comme une huître.
— Non, aboie-t-elle.
— Relaxe, je plaisantais.
— Ce n'est pas une blague amusante, rétorque-t-elle.
La demoiselle aurait-elle le rêve de devenir bientôt maman ? Pour cela, il lui faudrait bien sûr un mec. Pourtant, sa beauté ravageuse ne lui causerait pas trop de soucis pour cela.
Je sonne à la porte et Audélie vient nous ouvrir. Elle me sourit lorsqu'elle me reconnait, bien que je ne l'aie rencontrée que deux fois.
— Salut ! Vous venez voir Lucas ? Il dort, mais Gabin et Maisie sont dans le salon.
Elle se détourne et nous fait signe de la suivre.
— Est-ce que c'est la baby-sitter ? interroge Joëlle à voix basse.
Je pouffe, ne pouvant m'en empêcher. Il n'y a pas à dire ; cette fille me fait bien rire avec ses remarques ingénues.
— C'est la fille de Gabin, lui chuchoté-je.
— Pardon ? Mais ça voudrait dire qu'il l'a eu vraiment jeune...
Je hausse les épaules. Nous avons tous eu nos expériences durant nos jeunes années. Gabin a peut-être commis des actes irréfléchis, mais il n'est pas le seul.
Nous suivons Audélie dans la demeure qui ressemble à un chalet suisse. J'aime bien le style chaleureux de l'endroit, bien que je préfère mon entrepôt, qui est davantage à mon image. La décoration vient d'être refaite et est au goût du jour. Maisie a donné une touche moderne aux accessoires, comme pour les toiles des grandes fenêtres, les cadres aux motifs abstraits et les canapés contemporains. Même avec les articles du bébé, c'est-à-dire la petite berceuse et quelques jouets qui traînent ici et là, l'endroit demeure propre et...vivant. C'est le terme le plus approprié, surtout lorsqu'une fillette blonde arrive vers nous en courant.
— Moi, j'ai deux frères, nous dit-elle en nous montrant deux doigts.
— Bonjour Charlotte, la salué-je amicalement.
Étonnamment, elle ne craint pas le géant qui se trouve devant elle. J'avoue que depuis que j'ai joué au football avec Jonas et elle, elle vient toujours me saluer lorsqu'elle me voit. J'ignorais que cinq minutes de jeux pouvaient changer la perception qu'un enfant a de toi. Ça m'a tout l'air que mon air de gangster ne la dérange pas. Les enfants voient parfois au-delà de l'apparence.
Un petit garçon d'à peine dix-huit mois joue aux blocs sur le tapis. Il est un peu plus timide que sa sœur, alors il reste en retrait lorsqu'il y a de la visite.
Maisie et Gabin sont assis sur le canapé et regardent la télévision. La maman tient le bébé endormi dans ses bras, dont seule la petite tête est apparente puisqu'il est enroulé dans une couverture.
Gabin se lève et vient me serrer la main.
— Félicitation, leur dit Joëlle. Il est adorable.
— Un peu moins la nuit lorsqu'il se réveille toutes les heures pour boire, pouffe Maisie.
Malgré sa fatigue apparente, elle semble heureuse.
— Nous avons un cadeau pour lui, annonce Joëlle.
Elle leur tend le petit sac, que Gabin s'empresse de déballer. Maisie s'exclame :
— C'est trop joli ! Je suppose que ce n'est pas Thor qui a fait le choix.
— Non, mais c'est lui qui a payé, alors il a participé, répond la petite impertinente, faisant rire tout le monde, excepté moi.
— Au fait, je te présente mes enfants, Charlotte et Théo, lui dit Maisie.
Ma colocataire n'est pas au bout de ses surprises. Toutes sortes d'émotions traversent son visage : l'étonnement, la confusion, l'envie et la tristesse. Je sais ce qu'elle est en train de se dire. Maisie a son âge, à une ou deux années près, et elle a trois enfants tandis qu'elle n'a rien. Cependant, il n'y a aucune honte à tracer seul son propre chemin. Après tout, à vingt-neuf ans, je suis satisfait de ce que j'ai accompli, même s'il y a certaines choses que je ferais différemment si je pouvais revenir en arrière. L'important, c'est d'apprendre de ses erreurs car celles-ci nous aident à évoluer. Elle devrait laisser ses réminiscences de côté et foncer vers l'avenir.
— Félicitation pour votre belle famille, dit-elle finalement avec franchise. Vous êtes chanceux.
— Merci, lui dit Maisie. Il y a eu des moments difficiles, mais Gabin m'a aidée et je ne regrette pas du tout d'avoir croisé son chemin.
Bon...je sens qu'on va avoir droit à un gros câlin entre les deux amoureux dans quelques instants. J'en profite pour changer de sujet avant qu'ils ne démontrent un peu trop d'affection pour mes pauvres yeux.
— J'aimerais discuter d'un sujet important avec toi, annoncé-je à Gabin. En privé, si c'est possible.
— D'accord, me répond-il en haussant un sourcil, se demandant probablement quel est le sujet de cette sérieuse conversation.
Je veux lui annoncer qu'un voyou a presque détruit son repère...par ma faute, mais je préférerais que les enfants n'y assistent pas puisque j'ignore comment il va réagir. Je devine qu'il ne sera pas très content d'apprendre la nouvelle.
Nous sortons du salon et nous dirigeons vers la cuisine. Cette dernière est spacieuse et définit bien la vie familiale qui règne à cet endroit. Des tabourets d'enfants recouvrent les chaises de cuisine en bois, des gobelets multicolores jonchent le comptoir et le frigo est recouvert de dessins d'enfants. Cela renforce l'idée que je ne pourrais élever une famille où je vis avec ma minuscule cuisine.
Gabin m'offre une chaise libre et je prends place à la table en même temps que lui.
— Nous avons eu un léger problème à la brasserie dernièrement, lui avoué-je.
— Quoi ? Quand ?
— Hier. Je patrouillais autour de la bâtisse et, quand je suis arrivé devant la boutique, la porte était ouverte. Puis, on m'a tiré dessus et la fenêtre avant a explosé.
Le visage tendu du biker témoigne sa colère, mais il ne dit rien.
— L'homme était le frère de celui que j'ai tué par accident il y a quelques années et il voulait se venger. J'ai réussi à l'arrêter avant qu'il ne fasse plus de dégâts.
— Je vois, dit seulement Gabin. L'important, c'est que personne n'ait été blessée. Tu as eu de la chance qu'il te rate.
— Euh...en fait, la nouvelle était là lorsqu'il s'est pointé. Il l'avait enfermée dans la chambre froide en m'attendant.
— Bordel ! s'écrie Gabin, hors de lui.
Il se lève et fait les cents pas autour de la table.
— Il est impératif que quelqu'un surveille en tout temps la boutique, surtout lorsque Judicaëlle s'y trouve. Les voleurs la considèreront comme une jeune femme sans défense et c'est dangereux pour elle.
— C'était avec moi qu'il avait un compte à régler.
— Je sais et j'espère que tu as fait arrêter cet enfoiré.
— Ne t'inquiète pas, j'y ai veillé. Figure-toi que durant mon procès, il y a quelques années, j'ai rencontré quelques personnes très influentes. C'est d'ailleurs avec leur aide que vous avez réussi à restreindre ma peine. Tu peux dormir sur tes deux oreilles ; nous aurons la paix durant quelques années.
— Et lorsqu'il sera libéré ?
— Dans ce cas, il n'a qu'à bien se tenir, car je peux être dangereux.
Il ne me contredit pas, validant mes propos. Tout le monde sait que je suis le biker le plus redoutable de la ville, excepté peut-être ma colocataire. Elle ne connait pas mon passé et ignore que je détiens un dossier criminel. Je me demande comment elle réagirait si elle l'apprenait. Probablement mal. J'ai songé à l'en informer afin qu'elle dégage, mais je me mettrais probablement à dos la plupart de mes frères, dont Gabin, qui semble tenir à ce que la jeune femme travaille à la brasserie. J'attends avec impatience qu'elle découvre d'elle-même avec quel homme elle vit. Elle n'a même pas fait le lien entre moi et la canaille qui voulait ma peau. Ça en est risible ! Pourtant, j'étais le seul biker présent hier soir et il me cherchait. Elle n'est peut-être pas si futée que ça...
— À combien s'élèvent les dommages ? questionne Gabin avec mauvaise humeur.
— Quelques milliers de dollars.
Je sais qu'il est furieux et qu'il se retient d'exploser de rage.
— Nous avons fait réparer les bris et tout a été ramassé, l'informé-je.
— Il va tout de même falloir renforcir notre vigilance. Il y aura toujours quelqu'un pour nous nuire.
Je sais que les gangs de bikers des villes voisines sont jaloux de notre succès, probablement parce que nous sommes célèbres autrement que pour le trafic de drogues. Notre nom est connu partout au pays. On nous admire autant que l'on nous craint, probablement parce que nos ennemis savent que nous avons un petit côté « démoniaque » auquel il vaut mieux ne pas se frotter..
Je hoche la tête, d'accord avec lui. J'ai moi aussi remarqué de plus en plus d'hostilité de la part des bikers des villes voisines. Ils n'apprécient pas nos panneaux publicitaires. J'avoue que le dernier a été peut-être un peu exagéré. Celui sur les autobus a fait parler de nous et nous ont rapporté un beau petit pactole au bout de la ligne.
— Je vais engager un autre gars qui t'aidera avec la surveillance, annonce Gabin. Il travaillera de jour lorsque tu seras absent. Toutefois, si jamais Judicaëlle est encore présente lorsque tu arrives, tu ne la lâches pas des yeux, compris ?
— Ouais, grogné-je.
— De toute façon, vous vivez ensemble, alors ça ne devrait pas poser problème de la voir une heure de plus, non ? s'enquiert Gabin.
Je lui jette un regard noir. Il fait exprès pour me provoquer ou quoi ?
— À moins que la colocation ne se déroule pas bien ? Elle se promène encore en drap de bain ou quoi ? me taquine-t-il.
— Enfoiré ! bougonné-je, ce qui le fait se marrer.
— À ta place, je ne me plaindrais pas, après tout, elle est assez bien foutue, bien que personne n'arrive à la cheville de ma nana.
Amusé, je secoue la tête.
— Le problème, vois-tu, c'est que lorsque qu'elle ouvre la bouche, j'ai envie lui faire ravaler sa langue, lui dis-je.
— À l'aide de la tienne ?
Il se fout de ma gueule, ce connard !
— Vous avez l'air d'un vieux couple qui passe son temps à s'énerver, ajoute-t-il. Sauf qu'il y a une certaine tension sexuelle entre vous qui finira probablement par éclater un jour.
— Elle ne m'intéresse pas.
— Continue d'essayer t'en persuader, me dit-il en me faisant un clin d'œil. Oh ! Tandis que j'y pense, apprends-lui à se défendre. Je t'enverrai aussi Maisie lorsqu'elle se sera remise de son accouchement. Nos femmes évoquent notre point faible et je ne veux plus qu'on les attaque.
Nos femmes ? Je ne crois pas que Joëlle appartienne à qui que ce soit, du moins, je l'espère...
Je hoche la tête, bien que cette idée ne m'enchante guère. Elle va probablement passer tout son temps à se plaindre. Il faut posséder un intérêt pour le combat, et je ne suis pas sûr que ce soit le cas de Joëlle. Toutefois, je sais que c'est primordial qu'elle soit capable de se défendre.
Nous retournons dans le salon et je remarque que Maisie a placé son bébé dans les bras de Joëlle. Cette dernière se berce sur un fauteuil tout en l'observant avec un sourire attendri. Lucas a ouvert ses yeux bleu indigo et la fixe avec curiosité.
— Mon fils charme déjà les dames, plaisante Gabin.
Les deux femmes lèvent les yeux au ciel, puis Joëlle redonne le bébé à sa maman.
— C'est vraiment un amour, lui dit ma colocataire. Tu as beaucoup de chance.
— Merci. Un petit conseil. Profites-en pour dormir le temps que tu n'as pas encore d'enfants. Le sommeil, c'est sacré pour les parents.
À moins que, comme moi, on fasse de l'insomnie une grande partie de la nuit.
Théo brandit alors une petite voiture et s'écrie :
— Toto !
Il a aligné des véhicules sur un tapis de course et semble fier de ses jouets.
— Il adore les autos, nous dit Gabin même si nous l'avions deviné.
— Il devrait faire attention, raille Joëlle. Tu pourrais les démolir sans faire exprès.
Je m'éclaircis la gorge en essayant de ne pas éclater de rire. Maisie semble également comprendre l'insinuation et elle penche la tête vers le nouveau-né pour cacher son amusement.
— Euh...ouais, bougonne Gabin. Tant qu'à aborder le sujet, j'ai quelque chose à te montrer. Elle est dans la cour arrière.
Je commence à me douter de ce qu'il veut lui « montrer » et les suis à travers la maison.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top