Direct to the heart-TOME 2- Chapitre 12
Thor
J'ai fait au moins deux fois le tour de la brasserie afin de décolérer. Cette Joëlle finira par achever mes nerfs. J'aime la provoquer en déformant son prénom. Ça l'enrage et me fait jubiler.
Vers vingt-et-une heure trente, je commence à m'ennuyer. Habituellement, j'arrive à a notre repère à cette heure, mais à cause de la petite peste, j'ai dû débuter plus tôt.
Je décide donc de faire le tour du bâtiment et sors à l'extérieur. Tiens ! C'est bizarre...la porte de la boutique est entrouverte. Cette incompétente a dû oublier de la fermer. Lorsque je raconterai ça à Gabin, il la congédiera sur-le-champ. C'est une erreur tout à fait inacceptable. N'importe qui aurait pu entrer et volet notre précieux stock.
Dès demain, les Midnight Demons devront trouver un nouvel employé pour s'occuper du magasin.
Je m'approche de la porte et m'immobilise dans l'entrée en remarquant le sac de Joëlle. L'aurait-elle oublié, par terre, qui plus est ? Quelque chose cloche. J'ignore si c'est mon sixième sens, mais je recule instinctivement d'un pas. Ce mouvement me sauve probablement la vie, car j'entends un millième de seconde plus tard une détonation et la vitrine du magasin explose au même moment.
Je me jette par terre afin de me protéger des morceaux de verre qui éclatent juste au-dessus de ma tête.
Merde ! Je connais assez bien les armes à feu pour comprendre qu'on vient de me tirer dessus...et de me louper. Joëlle ne posséde pas de flingue et n'a pas accès aux nôtres puisqu'aucun idiot ne se sépare du sien ; j'en déduis donc qu'un intrus est à l'intérieur...et qu'il ne semble pas très amène.
Je me relève en me cachant derrière un mur, cette fois-ci. Je n'ai rien pour me défendre, puisque la seule arme que je possède se trouve dans la salle des employés. L'idiot distrait que je suis n'a point songé à la prendre avant de commencer sa tournée.
Je saisis mon portable dans la poche de mon pantalon et compose le numéro que je connais par cœur.
— Ouais, répond-on.
— Jonas, amenez-vous. J'ai un problème.
Je raccroche aussitôt, tous les sens en alerte. Le tireur se trouve dans la boutique et ne parait pas très courtois. J'ai du mal à imaginer qu'il veuille se procurer notre alcool au point de tirer à bout portant sur un individu. Toutefois, j'ai rencontré assez de gens dans ma vie pour savoir que certains n'ont pas toute leur tête.
Et merde ! J'espère qu'il n'a pas tué la nouvelle. Je ne l'apprécie pas, mais je ne souhaite pas non plus sa mort. Peut-être a-t-elle eu le temps de se cacher. Je l'espère...
Je dois faire demi-tour et récupérer mon arme si je veux affronter l'individu. Cependant, à peine ai-je bougé qu'un autre coup de feu me fait tressaillir. Le projectile siffle à mon oreille.
— Pas un geste, ordonne l'assaillant en apparaissant devant la vitrine brisée.
Il porte une cagoule qui m'empêche de l'identifier. Sa voix ne me dit rien, alors ce doit être un cambrioleur. Je m'en veux de ne pas avoir été plus vigilant. J'aurais dû surveiller prioritairement le magasin, surtout après les quelques tentatives de fraude dernièrement.
« The Gates of Paradise » est de plus en plus réputé. Je ne devrais pas être surpris par ce énième vol. Toutefois, l'individu ne semble pas s'intéresser à la bière, mais plutôt à moi.
— Où est l'employée ? lui demandé-je.
— La brunette au cul rebondi ? Pas ici. Mais tu devrais plutôt te préoccuper de ton sort, Thor.
— On ne connait ? questionné-je, surpris.
Je me suis fait quelques ennemis en taule, mais la plupart ont écopé de la prison à vie, alors je n'avais pas à m'en soucier...jusqu'à présent.
— Toi, non, mais moi, oui, répond-il énigmatiquement.
Mon attention se porte alors sur sa posture bringuebalante. Il est appuyé contre une étagère d'une manière un peu trop nonchalante pour la gravité de la situation et parait avoir de la difficulté à rester debout. Sa main gauche tient une bouteille de bière, qui a d'ailleurs été largement entamée.
— Laisse-moi te rafraichir la mémoire, ajoute-t-il. Denis Jenkins. Est-ce que ça te dit quelque chose ?
Je me crispe. Ce nom a hanté mes nuits durant presque trois ans. C'est d'ailleurs à cause de lui que j'ai fait de la prison.
— C'était mon frère, précise-t-il, et tu l'as tué. Il n'avait que dix-neuf ans.
Je ne démens pas son allégation. Dennis faisait partie du groupe de je côtoyais lors de mes combats clandestins. J'ai commencé à boxer à l'âge de dix-huit ans. Au début, c'était uniquement pour le plaisir. Puis, j'ai débuté un entraînement intensif avec un entraîneur professionnel. J'étais très doué, alors je me suis hissé parmi les meilleurs en un rien de temps.
Trois ans plus tard, j'étais devenu l'un des meilleurs boxeurs nationaux. Cependant, la cupidité m'a amené à accepter une proposition dangereuse. Je voulais toujours plus d'argent, plus de gloire et plus d'adrénaline.
Après un combat, un homme d'une trentaine d'années m'a abordé et m'a offert de rejoindre leur petit groupe. Ils organisaient des combats dans un vieux gymnase qui amenaient beaucoup de spectateurs. Il n'y avait aucune règle. Tous les coups étaient permis.
J'ai accepté, le danger et l'interdit m'attirant. J'étais âgé de vingt-et-un ans, majeur, et je vivais encore chez mes parents. J'étais irresponsable, mais je m'en moquais. Je suis donc entré dans le cercle des combats illégaux et j'empochais un beau petit pactole. Mon entraîneur ignorait mes occupations nocturnes, du moins, jusqu'à ce que je perde un combat illégal. Mon adversaire m'a presque défiguré et je suis resté alité durant une semaine. J'ai menti en disant qu'un gang de rue m'avait foutu une raclée, mais il n'était pas dupe.
Pour lui, j'avais bousillé mon avenir, j'avais trahi les règlements de la boxe olympique et j'avais tout simplement prostitué mon talent. Il a donc mis fin à notre collaboration. À l'époque, je m'en fichais. Je travaillais d'ailleurs à la brasserie, c'est-à-dire au QG des Midnight Demons, puisque mon père était également un biker. C'était un bon ami de Marius, l'ancien président du club, alors je faisais partie de leur groupe depuis ma naissance. Toutefois, aucun ne savait ce que j'étais devenu : un petit voyou accro à la violence et qui en voulait toujours plus.
Durant les cinq années suivantes, je me suis battu illégalement, montant les échelons parmi les gens peu recommandables. On pariait sur moi et je remportais tout le temps. Les combats réglementaires ne m'intéressaient plus ; le danger représentait pour moi une drogue.
Toutefois, ma vie a basculé après une soirée un peu trop arrosée. Denis Jenkins était jaloux de mes victoires. C'était celui qui organisait les combats sous la supervision de William Fletcher, un homme trempant à coup sûr dans le crime organisé. Je le trouvais sympathique, du moins, avec moi, mais c'était probablement parce que je lui rapportais du fric en remportant mes combats.
Un soir, quelques connaissances avaient organisé une petite fête en l'honneur de ma dernière victoire. Nous nous étions retrouvés dans un bar irlandais et buvions tout en festoyant. Je me souviens d'un groupe de nanas qui était arrivé et qui s'était mis à draguer mes compagnons de beuverie. L'une d'elles m'avait semblé très intéressante. Elle était bien foutue, grande, mince, avec des seins aussi gros que des melons.
Elle s'est approchée et s'est mise à discuter avec moi tout en agitant sa poitrine sous mes yeux. J'ai commencé à la peloter devant tout le monde, même si mes potes étaient également occupés.
C'est à ce moment-là que Denis est apparu, fou de rage, devant moi. Il m'a hurlé qu'elle était sa cousine et d'enlever mes sales pattes de sur elle. La meuf, dont j'ignore d'ailleurs le prénom, a plaisanté, mais le jeune homme ne s'est pas calmé. Au contraire, il a commencé à pester contre moi, à m'insulter et à me dire que je n'étais qu'un imposteur qui trichait durant ses combats. Là, j'ai vu rouge. Je me souviens m'être levé et élancé sur lui pour lui faire regretter ses paroles.
Denis n'était pas un boxeur. C'était un jeune homme fluet qui n'avait rien dans le ventre. Je l'ai assommé, du moins, c'est ce que je croyais. Toutefois, il ne s'est jamais relevé. Un tas de témoins m'ont vu tuer cet abruti.
Ce qui m'a sauvé de la prison à vie, c'est que ce n'est pas moi qui ai débuté l'affrontement. Il m'avait provoqué jusqu'à ce que je craque. Depuis ce temps, j'ai développé une immense maîtrise de moi-même. J'ai appris à faire fi des petits branleurs jaloux comme lui. Je suis d'ailleurs incapable de les côtoyer. Ils me rappellent Denis Jenkins, que j'essaie d'oublier depuis plus deux ans.
Cet événement m'a changé. Je suis devenu quelqu'un d'inébranlable. J'ai arrêté de rechercher l'argent et le pouvoir. J'ai décidé de rester dans l'ombre, d'aider les jeunes qui, comme moi, ont une passion pour le combat et de les empêcher de basculer vers le côté obscur.
Cependant, depuis que j'ai rencontré une certaine Joëlle, mon imperturbabilité est fortement compromise. Elle me défie, me provoque et me rappelle à quel point j'ai travaillé fort pour devenir cet homme.
Elle a abattu mes barrières, me donnant envie de...de choses que je me refuse depuis plusieurs années.
— C'était un accident, me défens-je. Ton frangin était une faiblard qui s'est attaqué à la mauvaise personne.
— Tu mens ! hurle l'individu. Denis était une personne intègre et bien intentionnée.
J'étouffe un ricanement. Je ne veux pas ternir sa mémoire, mais il ne connaissait apparemment pas la racaille qu'était son frère.
— Donc, tu es venu le venger, en déduis-je. Si tu veux me tirer une balle entre les deux yeux, alors vas-y, qu'est-ce que tu attends ?
— Je veux que tu regrettes ton acte et que tu souffres.
— Souffrir ? Je ne crains pas la douleur physique, lui assuré-je. Par contre, il y a plusieurs façons de souffrir, et la liberté en fait partie. J'ai été emprisonné pendant presque trois ans dans une minuscule cellule avec d'autres criminels.
— Tu aurais mérité la prison à vie.
Je hausse les épaules.
— Je vais te torturer jusqu'à ce que tu geignes comme une fillette, me menace-t-il.
— Alors, vas-y.
En réalité, j'attends seulement qu'il abaisse son flingue afin de le désarmer. Ce qu'il fait plus ou moins. Il approche la bouteille de ses lèvres et bois une longue rasade, mais c'est suffisant pour le distraire. Je ne remercierai jamais assez l'alcool pour cette occasion en or.
Je réagis vivement, me précipite sur l'homme, dévie son fusil et le couche au sol en moins de deux. Ce type n'est clairement pas un bon combattant. Et en plus, il est ivre. Je sens son haleine imprégnée d'alcool.
Il hurle, se débat, mais ne parvient pas à me déstabiliser. Je lui colle la figure contre le dallage tout en attendant des renforts, qui ne tardent pas à arriver. Jonas et quelques bikers débarquent, armés jusqu'aux dents.
— Qu'est-ce qui se passe ici ? demande Dave en constatant les dégâts.
— Comme tu peux le constater, ce connard a essayé de me supprimer.
Les bikers éclatent de rire.
— Thor est invincible, espèce d'abruti, lui lance Jonas. C'est le Dieu du combat, tu n'avais aucune chance.
— J'ai failli le tuer, répond-il. Un peu plus et je lui explosais la tête.
— Mais tu m'as raté. En passant, tu pourras rencontrer mes potes de prison, lui réponds-je. Aidez-moi à l'immobiliser, les mecs, en attendant que les flics arrivent.
Une heure plus tard, l'intrus est coffré.
— Gabin va nous trucider, déclare Gregory.
— Vous n'y êtes pour rien. C'est de ma faute, avoué-je. Je n'ai pas été assez vigilant. Ce mec en avait après moi.
— Nous portons tous nos démons du passé avec nous, me dit Dave en haussant les épaules. Souviens-toi que nous sommes une famille et que la famille se serre toujours les coudes. Gabin comprendra. De toute façon, il ne peut même pas te foutre une raclée, alors il n'aura pas le choix d'accepter.
Son commentaire déclenche l'hilarité.
— Au fait, où est Judicaëlle ? demande Jonas. Son sac est ici.
— Elle l'a peut-être oublié...
— Non, la porte était ouverte et elle n'a aucune trace de forçage, ce qui veut dire qu'elle se trouvait à l'intérieur de la boutique lorsque l'intrus y a pénétré.
— Elle a dû se cacher, dit Jonas. Il faut la retrouver pour l'informer que le danger est écarté.
Quelques minutes plus tard, nous parcourons le club house à sa recherche. Chacun part de son côté en espérant qu'elle soit saine et sauve. Si elle n'est pas stupide, elle aura probablement trouvé une bonne cachette. Dans le cas contraire...nous la trouverons rapidement.
Le temps passe et aucun signe d'elle.
— Peut-être est-elle retournée chez toi, suggère Dave.
— À pied ? Je n'ai vu aucun taxi s'arrêter devant la bâtisse.
— Tu n'avais pas vu l'intrus non plus...
Je lui jette un regard noir, mais il a raison.
Nous poursuivons les recherches encore plus méticuleusement. En passant dans le corridor en direction de la salle de dégustation, j'aperçois un bâton coincé entre les deux poignées des portes de la chambre froide, l'empêchant de s'entrouvrir automatiquement lorsque l'on passe devant.
Je comprends immédiatement le problème.
— Putain ! m'écrié-je en faisant sauter le bout de bois.
Comme je le craignais, la jeune femme git par terre. Je m'approche d'elle et touche sa peau. Nom de Dieu ! Elle est aussi gelée qu'un bloc de glace. Je la secoue légèrement et un gémissement de douleur s'échappe de sa bouche. Ouf ! Elle est toujours vivante. Je vais peut-être encore devoir partager mon logis avec elle durant quelques temps mais, tout à coup, ça ne me dérange plus. Je serais presque rassuré d'entendre sa voix criarde. Cependant, elle n'est pas en mesure d'ouvrir la bouche pour l'instant. Ses lèvres sont bleues et son teint pâle s'apparente à celui d'un fantôme.
Je la prends dans mes bras et me dépêche de sortir de la pièce.
— Tu l'as trouvée ! s'écrie Jonas en m'apercevant avec mon fardeau.
— Ce demeuré l'avait enfermée dans la chambre froide. Elle ne portait qu'une mince veste à-moitié boutonnée.
Il grogne tandis que je me dirige vers la salle des employés, où je la dépose sur un fauteuil. Les bikers s'attroupent autour de nous et parlent tous en même temps.
— Il faudrait la réchauffer, suggère Grégory.
— Avec quoi, bordel ? Nous n'avons même pas de couverture.
— Commencez par augmenter le chauffage.
— Ça ne suffira pas. Il lui faudrait un bain chaud.
Parfois, mes potes sont vraiment lourds. Ils m'empêchent de me concentrer et, s'ils continuent ainsi, elle va trépasser. Gabin et Maisie m'en voudront éternellement si leur précieuse employée y laisse sa peau.
— Dehors ! vociféré-je.
Ils interrompent leur litanie et me fixent en écarquillant les yeux.
— Ce n'est pas en piaillant comme des corneilles que vous l'aiderez, ajouté-je.
— Et comment comptes-tu t'y prendre ? me demande Jonas.
— J'ai une petite idée. Maintenant, sortez !
Ils décampent tous, excepté Jonas. Il semble très protecteur vis-à-vis Joëlle. J'ignore pourquoi, mais ça me dérange.
— Je reste, affirme-t-il.
— Comme si je n'avais pas remarqué, maugréé-je en enlevant mon tee-shirt.
— Tu ne vas tout de même pas faire de ce que je pense ?
— Si tu as une autre solution, je suis tout ouï, rétorqué-je, mais son pouls ralentit et nous sommes sur le point de la perdre.
Il se tait pendant que je retire mon pantalon. Puis, je me penche vers la jeune femme et Jonas m'aide à lui retirer son blouson.
— Si elle survie, elle va porter plainte contre nous, grogne-t-il.
— Tais-toi et aide-moi à lui retirer ses vêtements.
Je ne devrais pas en profiter, mais je suis incapable de détacher mon regard de son corps qui se dévoile de plus en plus. Jonas détourne les yeux par égard pour elle, mais je ne suis pas un type respectueux. J'ai l'impression de déballer un cadeau. Dieu qu'elle est sexy ! Surtout avec ce petit tatouage entre ses seins. On dirait qu'il la met en valeur.
Jonas se racle la gorge, me faisant sortir de ma réflexion. Je me dépêche de m'allonger à côté d'elle, puis je colle mon corps au sien.
— Putain ! m'exclamé-je en frissonnant. On dirait un de bloc de glace.
Je me place derrière elle, enroule mes jambes autour des siennes et colle ma poitrine contre son dos. Mes bras encerclent son buste et je rapproche mon bassin de ses fesses.
— Elle va te tuer, me fait remarquer Jonas.
— Dans ce cas, j'aurai droit à une deuxième tentative de meurtre ce soir, réponds-je.
— Je vous laisse, ajoute-t-il en quittant la pièce. Je ne veux pas être là lorsqu'elle se réveillera.
En espérant qu'elle le fasse rapidement...
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