Direct to the heart-TOME 2-Chapitre 11


Judicaëlle

Maisie avait raison. Travailler dans cette brasserie est vraiment plaisant. Rencontrer les clients, discuter avec eux et leur présenter les différents produits a quelque chose de réjouissant. J'ai toujours aimé le contact avec la clientèle.

C'est donc avec motivation que j'ai débuté ce nouveau travail. J'étais certes un peu angoissée au début de la journée, surtout avec la nuit merdique que j'avais passée, mais j'ai fini par me détendre et par me laisser aspirer par ce monde agrémenté de différentes saveurs.

En matinée, j'ai accueilli les clients qui venaient chercher leurs commandes et en après-midi, un autobus transportant des personnes à mobilité réduite est arrivé, me prenant au dépourvu. Toutefois, j'ai réagi rapidement et j'ai fait de l'espace dans le magasin pendant que les gens descendaient de l'autocar. J'ai déplacé une étagère en moins d'un quart d'heure, dégageant la voie pour les chaises roulantes. Je les ai ensuite accueillis avec un grand sourire. Ils avaient fait deux heures de route afin de pouvoir goûter à nos succulentes bières. La plupart des touristes sont d'ailleurs repartis avec plusieurs boissons.

Je les raccompagne donc jusqu'à leur autobus.

— Vous êtes vraiment une magnifique personne, me dit une vieille dame en me prenant la main. Mon Joseph est actuellement hospitalisé, car il a est aux prises avec une pneumonie et on refuse que je reste à ses côtés. Lorsqu'il ira mieux, nous reviendront certainement.

— J'ai hâte de le rencontrer, lui réponds-je avec enthousiasme. Souhaitez-lui un prompt rétablissement de ma part.

— Je n'y manquerai pas. Et merci pour cet accueil.

— C'est moi qui vous remercie de vous être déplacés.

On me salue comme si j'étais une de leurs amies, puis le bus quitte le stationnement. Je regarde ma montre et m'aperçois avec stupéfaction qu'il est dix-neuf heures. Habituellement, la boutique ferme à dix-sept heures, sauf les jeudis. Mince ! Je n'ai pas vu le temps passer. Je dois ranger un peu avant que l'équipe de nettoyage arrive, sinon ils vont me trucider. Et à cause du bordel que j'ai créé hier, ils ne doivent pas m'apprécier.

Lorsque je fais demi-tour pour retourner à l'intérieur, j'aperçois un mouvement sur ma droite et sursaute en réalisant que je ne suis pas seule. Mon cœur s'accélère subitement et je manque défaillir en apercevant une haute carcasse.

Puis, je reconnais le colosse à l'aura écrasante et soupire presque de soulagement ; j'ai cru que c'était quelqu'un d'encore moins recommandable...genre un mafieux.

Il me fixe en fronçant les sourcils, comme s'il me voyait pour la première fois.

— Le magasin ne ferme jamais à cette heure, me dit-il.

— Je n'étais tout de même pas pour les ficher dehors, argumenté-je. Ils avaient fait beaucoup de chemin pour visiter notre brasserie qui, soit-dit-en-passant, possède une réputation en or dans leur région. J'étais seule pour répondre à tous ces gens, alors c'est normal que j'aie terminé plus tard.

— Si tu n'es pas capable de gérer seule la boutique, il fallait le dire avant qu'on ne t'engage.

Quel connard !

— Tout se passait bien avant que tu n'arrives, espèce d'enflure, lui lancé-je, indignée.

Ma réplique n'a pas l'air de lui plaire puisqu'il s'avance vers moi, l'air menaçant.

— Répète ça, aboie-t-il.

— Qu'est-ce que tu vas faire ? le provoqué-je. Me frapper ? Vous êtes tous pareil, vous, les mecs. Vous en prendre à plus faible que soi. C'est vraiment pathétique.

Son visage est déformé par la rage. Ce mec passe d'une émotion à l'autre à la vitesse grand V. Autant il avait presque l'air attendri tout à l'heure en me fixant, autant il parait vouloir me sauter dessus et m'égorger comme un lièvre.

— Je n'ai jamais frappé une fille sans son consentement, me dit-il entre ses dents.

— Sans son consentement ? Es-tu un sadomasochiste ? Parce que ça ne me plait pas trop d'habiter avec quelqu'un qui prend du plaisir à...

— La ferme ! me coupe-t-il. Je parlais de boxe, espèce de petite idiote. Je me bats quelquefois avec des filles pour les entraîner au combat.

Oh ! Là, j'ai l'air un peu stupide.

— Et si mon addiction pour la boxe te déplaît tant, tu peux toujours mettre les voiles, ajoute-t-il brusquement.

Je reste coite devant autant de hargne. Ses propos confirment que je ne suis pas la bienvenue dans son humble demeure. Thor sait pourtant très bien que je n'ai nulle part où loger.

— Je n'ai rien contre les boxers, me défens-je. Seulement contre les brutes dans ton genre.

— Tu ignores ce qu'est une VRAIE brute, Joëlle, rage-t-il en me tournant le dos.

— C'est Judicaëlle, lui hurlé-je.

Il ne répond pas puisqu'il a disparu derrière la bâtisse où se trouve l'entrée des employés.

Je pousse un long soupir tout en commençant à ranger le magasin. Je rapporte les bières dans l'énorme chambre-froide de la distillerie, replace les bouteilles sur les étalages et ferme la caisse. J'éteins finalement les lumières, attrape mon sac à dos et regarde ma montre. Mince ! Il est déjà vingt heures trente. Il est temps que je parte. De plus, je dois ouvrir la boutique à neuf heures demain matin.

Alors que je suis en train de réaliser que je meurs de faim puisque je n'ai pas dîné, le tintement de la clochette d'entrée m'annonce l'arrivée d'un nouveau visiteur. Je ne l'ai pas verrouillée puisque je voulais sortir par-là, mais je réalise que c'était une grave erreur. En effet, quelqu'un pourrait penser que la boutique est encore ouverte...quoique la pénombre de l'endroit aurait dû lui donner un indice. De plus, une affiche dans la fenêtre indique nos heures d'ouverture.

— Désolée, nous sommes fermés, crié-je à l'encontre du client.

Je me trouve dans l'arrière-boutique, où j'avais rangé ma veste, alors je ne vois pas le nouvel arrivant. Je tends l'oreille. Aucun bruit. Est-il toujours à l'intérieur ? Était-ce le vent ? Pourtant, j'ai entendu la porte se refermer.

— Il y a quelqu'un ? questionné-je tandis que la peur s'empare de moi. Thor ? Si c'est une mauvaise blague, ce n'est pas drôle.

Silence. Je prends une grande inspiration et décide d'aller à la rencontre de la personne. Je saisis une grosse bouteille au cas où je devrais me défendre et me dirige doucement vers l'entrée. Mon cœur débat dans ma poitrine comme un roulement de tambour.

— Je vous prierais de sortir ou j'appelle la sécurité, rajouté-je.

La sécurité étant un certain Thor, qui se trouve à l'autre bout de la bâtisse. Il ne m'entendrait certainement pas si je me faisais zigouiller. Je me demande même s'il lèverait un seul petit doigt pour m'aider puisqu'il semble me détester, surtout après notre altercation de tout à l'heure.

Soit le visiteur importun a déserté, soit je suis tellement exténuée de ma journée que je divague. Personne ne se trouve à l'avant de la boutique. La porte est fermée et aucune trace de clients.

— Tu as vraiment besoin de dormir, ma vieille, marmonné-je à voix haute en déposant la bouteille que je tenais.

J'ouvre la porte pour sortir mais, au même moment, j'entends une bouteille se fracasser par terre. Je ne suis pas seule. Je ne suis pas seule. Je ne suis pas seule.

Et l'intrus semble vouloir jouer à cache-cache.

J'ai envie de hurler ma terreur à plein poumon, toutefois, cela alerterait l'individu et il pourrait se montrer agressif. Je décide donc de me taire et d'aller prévenir mon cher colocataire d'une présence suspecte. Il pourra s'occuper lui-même de ce voleur. Je ne suis pas douée pour le combat tandis qu'il maîtrise cet art à la perfection. Il pourra intercepter l'intrus.

Alors que je mets un pied dehors, un cliquetis à donner froid dans le dos retentit.

— Un pas de plus et tu es morte, m'avertit une voix caverneuse à quelques mètres de ma position.

Je tourne la tête dans sa direction et aperçois un homme cagoulé braquer un pistolet sur moi. Il est de taille moyenne et semble assez gros, surtout au niveau du ventre. Il est tout de noir vêtu, tel un cambrioleur qui veut passer inaperçu dans l'obscurité. Il porte même des gants comme un parfait assassin.

Je réalise que c'est moi qu'il vise et qu'il pourrait tirer à tout moment, mettant fin à ma vie. On me retrouverait morte, baignant dans mon propre sang et dans l'alcool que je ferais tomber. Néanmoins, s'il y a la moindre chance que je survive, alors je la prends.

Mon seul réflexe est de lever les mains en l'air pour lui démontrer que je suis inoffensive.

— Que voulez-vous ? lui demandé-je d'une voix tremblante. L'argent de la caisse-enregistreuse ?

Si c'est le cas, il va être désappointé, car les gens paient davantage par carte bancaire. Il ne pourrait même pas faire son épicerie avec le pitoyable montant qui s'y trouve.

Il me détaille et semble quelque peu déstabilisé par ma question.

— Tu n'étais pas censée être là, avise-t-il. Il ne devait y avoir que lui.

— Qui ?

Cet intrus ne semble pas avoir toute sa tête. Est-il sobre ?

— L'enfoiré qui a tué mon frère !

Je tressaille en réalisant qu'il cherche un assassin.

— Il n'y a que moi, ici, lui assuré-je.

— Non, je l'ai vu entrer dans votre quartier général.

Mais de qui parle-t-il ? D'un client de cet après-midi ?

— Navré, mais personne n'a le droit de pénétrer dans cette bâtisse sans autorisation. La personne que vous cherchez n'est pas ici, essayé-je de le persuader.

Il éclate de rire, mais ne parait pas du tout amusé. J'ignore qui est cet homme dont la voix est déformée par la haine. La rage qui émane de lui est si intense que j'en ai le souffle coupé. Cet individu semble déterminé à faire souffrir son ennemi.

— Tu es vraiment bête, ricane-t-il. Si j'étais toi, je m'informerais mieux.

Je ne comprends rien à ses déblatérations, mais je n'essaie pas non plus de les comprendre. Tout ce que je veux, c'est fuir hors du magasin et crier à l'aide.

Cependant, il ne semble pas décidé à me laisser partir. Il se rapproche, pointant toujours son arme sur moi, et saisit violemment mon poignet.

— Tu ne m'empêcheras pas de me venger. J'ai trop longtemps attendu ce moment. Et puisque tu sembles trop sotte pour comprendre quoi que ce soit, ça ne sert à rien de t'abattre.

J'ai envie de rétorquer que je suis loin d'être cruche, mais je décide de me taire. Il semble vraiment ivre et il délire.

L'homme cagoulé me tire derrière lui et traverse l'arrière-boutique jusqu'à la porte qui donne sur un corridor menant aux autres pièces. Il semble connaître le chemin, ce que je trouve vraiment bizarre. Ce type avait prévu son coup, c'est certain. Il se dirige vers la chambre froide, ouvre la porte et m'y pousse sans aucune délicatesse. Je tombe à genoux en poussant un petit cri.

La porte se referme et se verrouille, m'enfermant dans le noir tandis que la panique s'empare de moi.

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