7🌙Voisins dans la nuit
— Je suis curieuse.
— De quoi donc, Roxychou ?
— J'aimerais bien savoir comment tu es quand tu es en colère. Je t'ai déjà vu triste, légèrement sur les nerfs mais jamais vraiment énervé. Menaçant tes ennemis, oui, mais toujours avec un sourire presque malsain comme Zéphyr... Mais est-ce que tu peux t'échauffer au point de vouloir tout détruire autour de toi ?
— Hiiinnnn je n'ai pas la force pour faire ce genre de chose ! Tu sais, j'ai beau avoir un « talent », je ne suis qu'un humain lambda. Je n'ai pas de magie en moi, ou très peu. Il n'y a que les sorciers et les démons qui peuvent se permettre de se foutre en rogne sans avoir peur des conséquences car ils auront la puissance pour répondre.
— Toi, tu as le courage. Enfin, de l'inconscience plutôt... Mais même pas une petite colère de temps en temps ? Est-ce que tu es vraiment humain ?
— Je me contiens comme il faut, c'est tout. L'habitude dans une famille nombreuse où tous tes frères ont une voix qui porte tellement que tu ne peux que t'écraser et sourire. Tu finis par devenir le gentil gamin que tout le monde adore avoir comme ami.
— Oh Miguel...
— Quoi ? Les femmes n'aiment pas les « good boy » ?
— Je suis marié au sorcier le plus sadique de notre époque donc je suis très mal placé pour te répondre. J'étais juste curieuse parce que j'aimerais bien te voir sortir de tes gonds au moins une fois, pour voir.
— Ça ne risque pas d'arriver.
Ben merde alors.
Je ne pensais jamais bouillir autant pourtant, j'ai déjà fait face à pire dans ma vie. Les Himiko Watanabe et autres connasses de sorcières misandres, les démons se foutant de ma gueule parce que je n'avais même pas le statut de sorcier et même Belzébuth en personne me prenant pour son repas...
Je n'ai pas le souvenir d'avoir été autant en colère que face à Jill Stella et je crois que je sais pourquoi : elle appuie pile là où ça fait mal.
Elle a la langue acérée tout en regrettant à chaque phrase, ses tacles contre moi.
Je continue de fixer ses yeux noisette apeurés jusqu'à ce qu'elle se relève lentement pour me faire face. La tension entre nous est puissante et m'empêche de m'excuser voire même de détendre les traits de mon visage.
Ses lèvres tremblent et je sens qu'elle veut répondre mais qu'elle cherche ses mots...
Jusqu'à passer sa langue sur sa lèvre inférieure.
Le geste me fait immédiatement écarquiller les yeux et rougir tellement il était sensuel mais surtout incontrôlé, d'après son propre rougissement et le juron qui suit.
Soudain, je la regarde vraiment pour la première fois depuis que l'on est en train de fumer : elle est belle.
Pour une fois.
Bien coiffée, bien habillée, légèrement maquillée et sentant bon un parfum que je connais.
« Citron, rose, violette... Réglisse ? Ouais. Framboise et cerise aussi... de l'amande et de la vanille, très légèrement. Je reconnais ce parfum, c'est... La petite robe noire de Guerlain, 2012. »
J'ouvre les paupières avant de cacher ma gêne en ayant laissé ressortir une fois de plus mes connaissances olfactives dues à l'un de mes anciens petits boulots et surtout à ma mémoire absolue.
Mais je suis surpris que face à moi, Jill Stella soit tellement troublée qu'elle en est enfin mignonne. Me faisant oublier toutes les désagréables choses que l'on s'est dit pour me concentrer sur la femme devant moi qui se révèle enfin attirante.
— Vous êtes flippant.
— Et vous êtes impertinente.
— J'ai envie d'écraser ma cigarette contre votre torse.
— Et j'ai envie de te brûler les lèvres avec mon zippo.
Nous nous fixons intensément pendant d'interminables secondes lorsque la voix de sa copine Nora au loin nous fait tourner la tête. Elle a l'air à deux doigts de vomir alors qu'elle déambule sur la terrasse, ses talons dans ses mains et cherchant désespérément le soutien de Jill.
La fausse blonde soupire avant de me jeter un dernier regard et de déclarer : « Il vaudrait mieux qu'on arrête de se parler hors du cadre de vos cours, professeur. Ça ne nous apporte rien de bon. »
J'approuve d'un hochement de tête avant de l'observer porter secours à son amie. Me grillant une autre cigarette pour me détendre, moi qui avait pour but de diminuer ma consommation de nicotine.
Cette Jill Stella n'est dans ma vie que depuis une semaine et j'ai déjà l'impression de perdre mon self-control.
🌙🌙🌙
Attaché contre un fauteuil ancien en bois, mon sang se mêle à celui du velours rouge tandis que mes membres se crispent chaque nouvelle seconde.
On tire ma tête en arrière avec mes cheveux et, les yeux exorbités, je vois le plafond de la voute de la chapelle royale du palais de Baal Gluttony. La Sainte-Trinité : Dieu le Père dans sa gloire, la résurrection de son fils Jésus ainsi que la descente du Saint‑Esprit.
C'est tellement beau que j'en pleure...
Ah non, c'est la douleur qui me fait cet effet.
On me fait tourner sur ma chaise pour me laisser admirer l'autel et l'orgue qui se trouvait derrière moi ainsi que la beauté architecturale de la chapelle. Je suis déçu parce que je ne pourrais plus jamais revenir ici pour la contempler sans vomir.
« Par quoi est-ce qu'on commence, Votre Majesté ? »
Le démon dénommé Zack aiguise son couteau tout en me regardant avec envie alors qu'il a déjà entaillé mon torse nu depuis quelques minutes. À ses côtés, le maître des lieux et frère de Thérius me dévisage comme si je n'étais qu'un vulgaire insecte.
— Hum, j'hésite. On pourrait se faire un repas complet avec son corps en le découpant de façon précise. Que proposes-tu ?
— Ses doigts préparés comme des knackis avec une bonne sauce barbecue mais où l'on met un peu de son sang.
— On en a encore en réserve, de son sang ?
— On peut en reprendre, ce n'est pas un souci.
— Le vin était délicieux. Hein ? Tu veux dire quelque chose ?
Je n'arrive à articuler qu'un petit « va te faire foutre » qui le fait visiblement sourire.
— C'est étrange, commence Belzébuth, tu vas te faire bouffer mais tu n'as pas l'air si... énervé. Tu es limite trop insolent. Penser qu'avec ton simple courage, tu pourrais faire face à un fils de Satan, c'est comique.
— Majesté, intervient Zack, j'ai une idée : si on scalpait son dos et qu'on se servait de sa chair comme de tranche de « bacon » ? Revenu à la poêle avec une petite sauce et des épices ?
— Oh tu me fais baver ! Excellente idée ! Qu'est-ce qu'on pourrait faire comme forme amusante ?
Soudain, son regard dévie avec attention sur le bas de mon ventre. Il prend le couteau de la main de son subordonné et le pointe sur mon tatouage.
— Ce n'est pas vrai... Tu es chrétien ? Mais noooon ! Un sorcier vénérant mon père ET Dieu à la fois ! Oh diable que c'est excitant ! J'ai tellement de questions à te poser !
— Majesté, il vaudrait mieux s'y mettre tout de suite si nous voulons en manger pour le déjeuner.
— Ah oui ! Bon eh bien... Un pentagramme satanique alors ? Vu qu'il a une croix chrétienne, autant rappeler l'importance du diable sur son corps. Je te laisse t'en charger Zack, je dois me préparer. Tu donneras tout au cuisinier.
— Aucun problème. Attention, « ça va couper chéri ».
Je me réveille en sueur dans mon lit, la respiration erratique et la peau brûlante. Mon dos me fait un mal de chien et je peine à me lever et marcher jusqu'à ma douche. Les paupières closes, je laisse couler l'eau fraiche sur mon corps nu et tente de chasser ce cauchemar de mon esprit.
Je ne comprends pas. Je croyais que Thérius s'était servi de son pouvoir d'Oblivion pour effacer toute cette torture d'il y a trois ans... Alors pourquoi est-ce que ça ressort maintenant ?
Après une longue douche, j'observe mon visage dans la glace et décide de laisser encore un peu pousser mes poils de menton, plus par flemme qu'autre chose. Ma tenue de sport et mes affaires de professeur dans ma besace, je quitte mon appartement londonien pour retrouver le Marvelous Diner à quelques rues de chez moi.
Il est encore très tôt et je suis le seul à pouvoir y entrer quand personne n'est présent. Je passe la porte, tourne la poignée et ouvre un portail magique m'amenant directement sur le campus du Comité de la magie.
Une dizaine de minute après avoir déposé mes affaires dans un casier de la salle de sport du bâtiment principal, je commence tranquillement mon footing en repensant à la soirée de samedi.
Comment j'y ai perdu mon temps mais surtout, comment je me suis comporté avec Jill Stella. Il y a beaucoup de mots que je regrette mais c'est surtout ma colère contre elle qui se doit d'être pardonnée.
Mais m'excuser auprès d'elle ? Je suis sûr qu'elle va encore me faire une remarque énervante.
En parlant de la louve, je vois sa queue ou plutôt son fessier moulé dans son legging me dépasser après mon deuxième tour. Elle a dû se rendre compte que c'était moi mais elle ne s'est pas arrêtée donc... Elle ne veut pas en parler.
Je laisse une distance entre nous, quitte à ralentir, et me rends compte que même si elle est fumeuse, elle a une bonne endurance et un bon rythme de course. On pourrait limite faire notre footing ensemble le matin si elle n'était pas aussi... voilà.
« Il vaudrait mieux qu'on arrête de se parler hors du cadre de vos cours, professeur. Ça ne nous apporte rien de bon. » Cette phrase est bel et bien ancrée dans ma mémoire.
Je n'ai aucun espoir que l'on puisse bien s'entendre, elle et moi, mais j'aimerais au moins m'excuser et que nos rapports restent cordiaux. Avec ses connaissances, elle peut avoir des chances d'être l'une de mes meilleures élèves et ce serait stupide de ne pas pouvoir échanger avec elle.
« Professeur Luna ! »
Sortant de mes pensées avec la voix de cette dernière, je me retourne en constatant que je l'ai dépassé lors de notre dernier tour. Je transforme la course en marche, comme elle, et m'arrête quelques mètres plus loin face à un banc pour m'étirer et éviter les courbatures.
Jill me rejoint, la respiration rapide mais régulière, et m'imite avant de parler la première :
— Je tenais à vous faire mes excuses pour samedi soir.
— Moi aussi, avoué-je. Je n'aime pas rester embrouillé avec les gens. Mes mots ont dépassé ma pensée et j'en ai trop dit.
— Non, c'est entièrement de ma faute. Je n'arrête pas d'être méchante avec vous alors que vous êtes une crème. Nous n'avons eu que trois cours ensemble mais je les ai trouvé très intéressants et je m'excuse également d'avoir douté de vos capacités de professeur.
— Les excuses étaient en promotion ce matin ?
Jill répond par un petit sourire étirant le mien alors qu'elle se penche sur sa jambe. Je me mords la lèvre face à cette vision de son corps autant penché et me maudit de faire une fixette sur ses fesses.
S'il y a bien une fille que tu ne peux pas draguer et que tu n'auras jamais, c'est elle. Donc range ton esprit pervers et ta queue !
— Vous avez hâte d'être demain ? reprends-je pour détourner mes pensées lubriques.
— Le Président va vraiment venir malgré son emploi du temps ?!
— Bien sûr, Zeph ne me refuse jamais rien. Bon, c'est surtout parce que je garde son fils ce soir mais même sans ça, il serait venu.
La blonde me regarde avec curiosité alors que nous reprenons la marche pour retourner de l'autre côté du lac en direction des bâtiments principaux.
— Vous êtes vraiment le meilleur ami du Président du Comité de la magie ?
— Oui. Et le parrain de son fils.
Et le premier amour de sa femme. Et son premier baiser avec un homme et... on pourrait continuer longtemps comme ça.
— Vous êtes vraiment populaire, alors...
— Une remarque désagréable à faire ?
— Non pas aujourd'hui, elles n'étaient pas en soldes malheureusement.
Une autre plaisanterie qui nous fait tous les deux sourires alors que nous marchons sur la grande allée d'érables rouges. Le soleil est encore timide dans le ciel mais la couleur des feuilles avec ses rayons est magnifique et donne des reflets presque roses sur le visage de mon étudiante.
— Je suis devenu professeur dans le but de transmettre mes expériences et mon savoir mais également pour aider Zéphyr dans son projet. Qu'il arrive à créer un accès à l'éducation supérieure dès sa première année de mandat, c'était fou mais les gens ne se rendent pas compte du temps qu'il a sacrifié pour en arriver là.
— Ça doit être un homme très occupé.
— Vous n'avez pas idée ! Mais il arrive toujours à faire passer en priorité sa femme et depuis deux ans, son fils. Et comme on l'aide régulièrement, il peut se reposer sur nous pour ne pas faire un burn-out.
— J'ai hâte de l'entendre parler alors. Oh ! Regardez !
Alors que nous arrivons au niveau du jardin botanique magique, Jill tend son doigt vers un arbuste de fleurs qui s'ouvrent progressivement avec le soleil, comme si elles émergeaient de leur nuit de sommeil.
— C'est un Pentas, dit-elle toute fière, un petit arbuste africain à la floraison habituellement rose vif ou rouge mais que les botanistes d'ici ont modifié pour leurs concoctions.
— Les pétales sont multicolores... Vos connaissances me surprennent, mademoiselle Stella.
— Quand j'étais plus jeune, je voulais devenir apothicaire donc j'ai appris quelques bases. Et surtout... pour cette plante. On l'appelle le bouquet d'étoiles ou encore l'étoile égyptienne.
— « Stella ». Je ne suis pas le seul à être influencé par mon nom.
— Stella, Luna, on pourrait même dire que l'on est voisin.
— Ou fait pour s'accompagner dans la nuit.
— C'est une belle image.
Nous restons là pendant une longue minute à observer les fleurs, la rosée du matin encore fraiche sur les feuilles et l'odeur des viennoiseries sortant du four du café sur la place un peu plus loin.
À cet instant, j'aimerais prendre le temps de m'assoir sur un banc en pierre du jardin, un café dans les mains et une pâtisserie entre les lèvres.
— Je vais y aller, finit-elle par dire, j'ai cours dans moins d'une heure.
— Alors on se revoit en classe, mademoiselle Stella.
— N'oubliez pas d'être captivant.
— Et vous, n'oubliez pas de prendre une douche. Au moins par respect pour vos camarades.
— Heureusement que maintenant, on va se limiter aux échanges pendant vos cours.
Je regarde Jill Stella repartir en direction de sa chambre étudiante tout en retenant mon regard de ne pas trop dévier vers le bas de son dos.
Cette fille me surprend, je dois l'avouer. Elle ne m'attire pas mais il y a quelque chose chez elle qui me rend curieux.
Comment est-ce qu'elle arrive à susciter autant de colère en moi ?
Hello vous ! Alors ce début d'année, la reprise ? Ça se passe bien pour vous ? (moi ça change rien, j'ai toujours pas de boulot, RIP les cinéma/théâtre ☹️)
Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? De la rare colère de Miguel qui s'est dissipé à cause du TIC de Jill ? De comment il la voit ? Leur "accord" sur le fait de ne plus se parler hors des cours ?
Cet accord directement rendu caduque les jours qui suivent ? 😆 Que pensez-vous de leur discussion matinal, des excuses qu'ils se font mais de leur décision de rester cordial ?
🌙Continuez à me soutenir en cliquant sur la petite étoile et n'hésitez pas à me donner votre avis sur le chapitre en commentaire s'il vous a plu ! On se retrouve samedi pour la suite !🌙
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