9 - Amen
Si Bianca est bien un ange déchu, je pense avoir trouvé son péché.
Alors que la veille au soir, je faisais preuve d'un grand esprit de charité pour l'aider dans sa quête, je sens déjà les regrets m'envahir lorsque je passe la porte du bar.
Un vieux rade à la décoration old school mais sans charme, des lattes de parquet craquantes, un comptoir poussiéreux et en face d'une dizaine de chaise, un micro sur pied.
Je repère immédiatement la blonde en train de caresser un verre presque vide, les yeux éteints jusqu'à ce qu'elle me voit et qu'un sourire illumine son visage. Une expression qui, je dois l'avouer, me fait plaisir vu le rejet que je me suis pris hier soir.
— Thérius ! J'ai cru que tu me laisserais tomber...
— Je tiens mes promesses, bella Bianca. Pourquoi ce lieu de rendez-vous ? Tu penses extirper le mal en toi avec de l'alcool ?
— Je voulais un lieu neutre pour te parler... Et puis j'ai un travail à faire ici.
Sentant que la soirée va être longue, je me commande un verre de whisky et viens m'assoir sur le tabouret à côté d'elle. Son parfum fleuri enivre déjà mon espace vital et réveille mes instincts avant que je ne me rappelle de l'énorme déjeuner que j'ai pris pour calmer ma faim.
Mais c'est dur. Vraiment.
Rien que le fait d'imaginer le liquide glisser dans sa gorge et mouiller ses lèvres pulpeuses... Cette goutte qui glisse doucement au coin de sa bouche et qu'elle efface de son pouce...
— Alors tu es un démon ? me demande-t-elle soudain. Tu avais l'air puissant.
— Tu ne sais vraiment pas qui je suis, hein ? Remarque, ce n'est pas si étonnant si tu n'as aucun lien avec le monde des sorciers et des démons.
— Tu es quelqu'un d'important ?
— Tu n'as pas idée, réponds-je d'un ton mystérieux. Et toi ? Tu peux m'en dire plus sur ton statut divin et comment tu as perdu tes ailes ?
— Je... n'en ai que peu de souvenirs.
Bien évidemment. Miguel m'avait dit que les anges déchus perdaient une partie de leur mémoire. Elle doit être liée à leurs ailes, source de leur pouvoir les différenciant des humains.
Bianca commence à me raconter son histoire, le jour où elle s'est réveillée avec l'esprit embrumé à cette même place qu'elle occupe. Quand elle s'est rendu compte que ces ailes avaient disparu, qu'elle a dû se mettre à travailler comme une humaine lambda en se servant de sa voix, etc.
Des bribes de souvenir lui reviennent de temps à autre, un arrêt de tram, un parterre de fleurs, une sculpture, une péniche ou une boite de nuit... Jusqu'à ce qu'un nom sorte de sa bouche.
— Attends, « Marco » ? C'est ça ? Pas plus ?
— Je me souviens juste de ce prénom... Si peut-être... un trèfle noir.
— Hum ok. Retrouver des démons, c'est dans mes cordes.
« Bianca ! En scène ! » s'exclame soudain le barman en me resservant un verre.
La belle blonde me fait un sourire avant de se lever et de rejoindre la « scène » alors que son public n'est composé que de trois-quatre péquenauds et deux touristes allemands.
J'en profite pour détailler sa tenue : une simple robe noire, mais qui met en valeur son décollé d'où tombe un long collier de perles. Elle est dans la simplicité parfaite, entre la pureté et la tristesse lorsque je la vois légèrement tituber en talons.
Tristesse qui est mise en valeur par son chant en anglais et sa voix trainante rendant l'ensemble particulièrement envoûtant. Je me plais à observer sa main caresser le pied du micro, ses yeux se perdre vers le plafond, ses cheveux pleins de vie contrastant avec son état...
Elle chante sa perte de liberté. Elle dit qu'on lui a volé quelque chose et qu'elle sort à peine du déni.
Sa deuxième chanson est totalement différente. Toujours en anglais mais avec des passages en latin, ses mots expriment la rage. Ce désir de se battre pour son bien, sa colère étouffée par l'alcool et l'infime espoir qui la tourmente chaque soir.
J'ai l'impression de me reconnaitre dans toutes ses chansons. En plus d'être emporté par sa voix et subjugué par l'aura qu'elle dégage, elle semble dire avec une facilité déconcertante tout ce que je ressens au plus profond de moi.
Ma liberté perdue à mon emprisonnement, la solitude et enfin la colère contre mon père. Contre le monde entier qui m'a oublié, moi, le Lion noir.
Ce sont les quelques applaudissements qui me sortent de mes pensées et me font revenir à ma boisson alors que Bianca passe devant moi pour aller s'adresser au barman. Je n'entends pas leur conversation mais je sens que vu la « foule », elle ne doit être payée que des clopinettes.
— Tu as terminé ? demandé-je en finissant mon verre. On peut y aller ?
— Où ça ?
— Chez moi.
La blonde déglutit et ses joues rougissent à mesure que mon regard se fait insistant et charmeur.
— Je croyais que tu devais faire des recherches sur mon « Marco » ?
— J'ai déjà demandé des renseignements à des contacts. Je n'aurais la réponse que demain donc... On peut finir la soirée chez moi ? Tu vas m'en dire un peu plus sur toi autour d'un dernier verre.
— Je ne suis pas sûr que...
— Allez bella Bianca, accorde-moi ce plaisir. Tu pourrais être surprise du reste de ta soirée.
Ma voix chaude et ma caresse sur son avant-bras finissent de l'achever alors qu'elle pousse un soupir et finit par se pincer les lèvres de gêne. Elle est craquante comme ça et mon repas n'en sera que plus délicieux.
Je vais faire comme avec les autres femmes : de l'alcool, une playlist qui pousse au vice, quelques blagues qui font mouche et une confidence sur moi. Pour qu'elle se sente spéciale par rapport aux autres.
Même si je pense qu'elle l'est suffisamment assez...
Tout le long du chemin nous séparant de ma colocation, j'arrive à mettre mon esprit pervers de côté et ne fais que l'écouter parler de sa vie. Du moins, du peu qui la compose c'est-à-dire les endroits où elle va chanter, son grand appétit pour les meilleures frites d'Amsterdam où elle n'hésite pas à faire la queue pendant plus d'une trentaine de minutes chaque midi mais également son amour pour l'art et la nature.
Un vrai ange.
Et moi je me réserve bien de lui parler de mes passions qui sont le sexe, la drogue, l'alcool, la baston, la danse, et bien d'autres loisirs typiques d'un comportement de base d'un démon.
Malgré nos différences, j'avoue reconnaitre quelques similitudes comme le fait qu'elle n'arrive pas à passer une journée entière sans sortir de chez elle, quitte à flâner des heures au marché aux fleurs ou dans les mêmes parcs et musées. Ou encore ce goût pour l'alcool qu'elle cache très mal comme un être divin honteux, rougissant à la moindre allusion.
Elle me donne envie de la dévergonder... J'en rugis d'avance.
Nous montons tranquillement les marches menant à l'appartement alors que j'entends la pluie commencer à tomber dehors... Quand je m'arrête net devant la porte.
L'odorat chatouillé par une odeur inconnue, l'ouïe en alerte et tout le reste de mes sens de félins aux aguets.
« Attends-moi ici, juste deux secondes » chuchoté-je à Bianca en la rassurant d'un sourire avant de me faufiler à l'intérieur pour confirmer mes craintes.
Des bougies, du The Weeknd, une odeur de chocolat, des gémissements et surtout une belle paire de jambes levée vers le plafond à peine caché par le corps à moitié nu du propriétaire des lieux.
Putain, avec un dos et des fesses musclées comme ça, c'est limite un affront qu'il n'en fasse pas profiter plus de gens.
Je toussote en retenant un sourire alors que les mouvements de Miguel s'arrêtent et qu'une de ses mains relâche la cheville de la dame allongée sur notre canapé.
« Esteban ? Pourquoi tu t'arrêtes ? » demande la femme en se redressant, me permettant de voir ses seins noirs bien en chair et le bandeau couvrant ses yeux.
Je suis obligé de mettre ma main sur ma bouche pour m'empêcher de rire alors que l'espagnol lui chuchote quelque chose à l'oreille pour qu'elle se rallonge et l'attende sagement. Il se redresse, seulement habillé de son jean dont les boutons ont déjà sauté, et se tourne vers moi l'air furax avant de m'entrainer dans ma chambre le plus rapidement possible.
— Tu fais chier Thérius ! dit-il en évitant de porter la voix. Le seul soir où tu me dis « je ne rentre pas » et que je prévois d'enfin relâcher la pression, tu viens casser mon plan !
— Oh désolé « Esteban » ! Mais moi aussi j'ai besoin de l'appart pour une f-
— Pas question. Va mourir.
— T'es tellement sexy quand tu es énervé. C'est tellement rare. T'as piqué ça à Zéphyr ?
— Putain mec, comprends-moi ! J'en ai besoin en ce moment ! J'ai... Ça fait longtemps que je ne me suis pas défoulé.
— On peut participer sinon ? dis-je pour plaisanter avant de me rappeler du côté un peu prude de mon « ange ». Ouais non oublie, avec une autre fille ça aurait pu le faire mais là...
— Non mais je n'ai même pas dit oui ! Enfin... Non c'est...
J'arque un sourcil, l'air taquin alors que Miguel retrouve son côté enfantin lorsque je vois une petite lueur de malice dans ses yeux.
— Parce que ce serait possible ? Pas gênant ?
— T'as failli coucher avec ton meilleur pote et tu t'es tapé sa copine, que je me suis tapé par la même occasion. Est-ce que voir ta queue en action est gênant pour moi ? Pas du tout tant que tu te souviens que le lion est le roi des animaux.
— Hiiiinnnn ok je note.
Mon retour dans la vie de ce garçon tombait vraiment à pic. Moi qui avais passé pas mal de temps à le dévergonder involontairement, j'aime le voir suivre la voie de la liberté.
Il en a vraiment besoin avec tout ce qu'il a déjà fait.
« Bon allez, je suis sympa. Je me casse. Mais la prochaine fois que j'amène une fille et que tu es en pleine action, tu nous fais participer. »
Le charme de l'espagnol revient à l'instant où il me fait un clin d'œil et quitte la chambre pour continuer à caresser son inconnue. Je m'échappe sur la pointe des pieds et referme doucement la porte derrière moi en attrapant au passage un parapluie.
Bianca m'interroge du regard et je ne lui laisse pas le temps de parler que je l'entraine avec moi en bas de l'immeuble. Nous nous arrêtons sous le porche, observant la fine pluie tomber et le passage de deux cyclistes.
— Changement de plan, dis-je enfin. Mon coloc est occupé et a besoin de calme à l'appartement ce soir.
— Il travaille ?
— Non, il baise.
— Ah ! répond-elle les yeux grands ouverts, visiblement choquée plus par ma nonchalance que par mes paroles.
— Ça te dirait d'aller danser ? Je connais une boite pas loin du quartier rouge.
— Danser ? Euh... Je ne suis pas très bonne. Et je n'ai pas l'habitude de ces lieux.
— Détends-toi bella Bianca, je vais t'apprendre à danser et à aimer ce genre de lieu.
💫💫💫
Un soir de semaine qui ressemble beaucoup à ceux du week-end. Une ambiance survoltée, chaude et divertissante pour qui veut bien y contribuer. Dans cette boite, il n'y a presque que des touristes ayant profité du charme de la ville la journée, un petit joint au goûter et qui se termine en donnant le peu d'énergie restante sur la piste de danse.
Je n'ai eu presque aucun mal à nous faire rentrer. Presque car si le vigile me connait, il a pris soin de juger attentivement la tenue et l'air « innocent » de la blonde m'accompagnant. Je n'ai eu qu'à froncer les sourcils pour qu'il comprenne qu'elle était avec moi.
Pour détendre la belle, je me rue immédiatement au bar blindé et tape du poing sur le comptoir pour me faire remarquer par le barman en demandant une rangée de shots. Mon geste remarquable ameute aussitôt l'un des responsables au grand sourire commercial qui me fait signe de le suivre jusqu'aux tables pour les VIP.
Il vire de l'espace d'un coup de main des touristes alcoolisés à la vodka et nous prit de nous assoir tout en ne manquant pas de me glisser un mot à l'oreille :
« C'est la maison qui offre, mon Prince. »
Ses yeux passent aux jaunes une milliseconde avant de redevenir bleu et qu'il me fasse une légère courbette. Je le remercie d'un hochement de tête avant de m'affaler sur la banquette en cuir et de la tapoter de la main pour que Bianca me rejoigne.
La blonde se fait timide mais finit par se lâcher et je me retiens tant bien que mal de ne pas passer mon bras autour de ses épaules.
Étrangement, je n'ai pas envie de la faire passer pour une de mes « poulettes » ce soir. Je la désire, c'est confirmé depuis que je l'ai rencontré et diable que j'ai envie de me la faire mais elle est différente des autres.
Moins réceptive à mon charme à cause de son ascendance divine ? Peut-être bien. En tout cas je vais devoir la traiter d'une autre façon pour l'avoir tout à moi. Rien qu'à moi.
Ma rangée de shots arrive, accompagnée d'une autre aux couleurs de l'arc-en-ciel qui fait office de « cadeau de la maison ». Je la pousse vers Bianca et l'observe avec délectation se pincer les lèvres à cause de son hésitation.
À ce moment précis, j'aimerais être dans sa tête. Je l'imagine déjà : « Est-ce raisonnable ? J'ai déjà beaucoup bu ce soir... Mais ce beau gosse de Thérius à l'air d'insister et comment lui résister ? Et puis toutes ces couleurs sont magnifiques, ce serait dommage de gâcher ! »
Je me contente de sourire, attrapant mon premier shot et attendant sa réponse lorsqu'elle me surprend en lâchant un :
« Ayez pitié de moi, mon Dieu ! »
Elle saisit son premier verre et le bois d'une traite avant d'enchaîner avec le second. Me poussant à l'imiter et me faisant ressentir la plus grande des joies.
Oh ma bella, je ne pense pas que Dieu aura pitié de toi ce soir. T'enfiler des shots avec le fils de Satan, c'est bien quelque chose qu'il ne peut aisément pas pardonner. Amen !
Que pensez-vous du duo encore timide Thérius/Bianca ? De son vice et de l'effet qu'elle lui fait ? Le Lion va-t-il se laisser attendrir par l'ange ? De l'irruption dans l'appartement alors que Miguel... hiiiinnn ?
Et enfin de la soirée à venir avec Bianca dans la boite de nuit et alcoolisé ? Le fils de Satan arrivera-t-il à ses fins ?
🦁N'hésitez pas à voter et donner votre avis si ce chapitre vous a plu ! On se retrouve samedi prochain pour deux nouveaux chapitres (j'ai bien avancé sur l'écriture pour continuer les cadeaux) ! 🦁
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top