8 - La Dominatrice

« Ici, le mot de sécurité c'est vingt-huit. »

J'ai du mal à réaliser ce qui est en train de se passer alors que Ruby, mon habituelle démone m'élevant au rang de prince, est en train de me pousser avec force jusqu'à son canapé où je m'affale.

J'aimerais rire, me dire que c'est une blague mais après tout... Pourquoi pas ?

Les objets présents sur sa table basse, je les connais bien. J'ai déjà joué à ce genre de jeux avec de nombreuses femmes et démones mais je n'ai jamais été dans la situation inverse.

Thérius et le mot « soumission » ne vont généralement pas ensemble.

Je la regarde passer devant moi pour rejoindre la salle de bain et sortir un flacon de parfum. Elle met quelques gouttes sur ses poignets qu'elle passe sur son cou avant de revenir et de caresser plusieurs cordes.

— Rouge ou noir ? demande-t-elle le plus calmement du monde.

— Noir...

— Généralement je fais remplir une fiche à mes nouveaux clients au préalable pour savoir ce qu'ils veulent et qu'elles sont leurs limites. Je pense que tu n'en as pas mais au cas où, et parce que ce n'est pas évident vu que tu es très supérieur à moi dans la hiérarchie démoniaque, je vais commencer doucement.

— Doucement ?

— Cravache ou martinet ?

— T'es sérieuse ?

— Bon, ce sera cravache. Tourne-toi.

— Non mais t-

— Tourne-toi, répète-t-elle avec un soudain aplomb. C'est un ordre.

Je plisse les paupières et m'exécute malgré le fait que le ton de sa voix m'ait irrité. Moi qui ne reçois jamais d'ordre, je sens que l'exercice va être ardu. Elle attache avec habilité la corde autour de mes poignets qu'elle sert fort et termine par un nœud en théorie impossible à rompre.

Je me rassois sur le canapé, la dévorant du regard malgré la méfiance palpable que je ressens actuellement. Soudain, je sens que son nouveau parfum apaise ma tension et me détend petit à petit.

Ruby toujours en sous-vêtements rouge et collant/porte-jarretelle, lève sa jambe et appuie son talon sur le cuir du canapé tout juste entre mes jambes, à quelques centimètres de ma virilité.

Elle se penche et le claquement de sa cravache sur le rebord du canapé me fait sursauter jusqu'à ce que ses yeux jaunes me happent complètement. Son visage s'approche de plus en plus de moi alors qu'elle semble attendre quelque chose de ma part lorsqu'elle me susurre à l'oreille :

— Je suis ta maîtresse. Dis-le.

— Tu es... ma... maîtresse ?

— Tu n'es pas convaincu, Thérius. Répète-le.

— Bien sûr qu-

Sa cravache claque sur mon genou et je dois avouer que même si j'ai une très grande résistance à la douleur, sa force démoniaque vient de me faire grimacer. Elle passe doucement sur mon torse l'extrémité en cuir tout en me regardant avec sévérité.

— Répète.

— Que si tu m'embrasses.

— Tu n'as rien compris à notre jeu.

Et alors que je pense qu'elle va à nouveau me frapper, Ruby saisit mon menton avec force avant de happer mes lèvres avec les siennes. Le baiser qu'elle me donne est passionné, torride et réveille tous mes membres encore hésitants.

Je sens ses dents me mordiller et sa langue se glisser dans ma bouche mais lorsque je réponds avec autant d'entrain qu'elle, elle me repousse de sa main et fait à nouveau claquer sa cravache.

Je grogne de frustration, troublé par ce corps délicieux devant mais que je ne peux manger. Mon appétit sexuel est trop puissant pour avoir la patience de rentrer dans son jeu et je lui fais immédiatement comprendre en me relevant et en déchirant les liens qui me retenaient les mains.

Sa surprise est ma récompense, autant que le baiser que je viens lui voler alors que d'une main je la presse contre mon torse pour qu'elle sente mon désir grandissant. De l'autre, je saisis sa nuque et colle sa bouche contre la mienne pour renouveler cet échange salivaire.

J'entends un grognement animal de sa part mais l'ignore et tente de prendre possession d'elle. Après avoir marqué mon territoire avec ma langue, je la retourne contre moi, saisis son menton pour le lever et dégager son cou que je me mets à embrasser et lécher.

Ses fesses se frottent contre mon érection et je me plais à les malaxer de ma main de libre lorsque j'entends un rugissement et que son corps se met à vibrer doucement contre moi.

Soudain, Ruby se libère de mon emprise par ses coudes et s'éloigne de moi. Elle essuie sa bouche et son cou de plusieurs mouvements de main comme si je venais de la souiller, avant de se retourner.

Sa colère est palpable et j'arrive même à entendre son feulement. Elle me détaille de la tête au pied, s'attardant sur mes poignets que j'ai dû libérer bien trop facilement à son goût de sa corde maintenant inutilisable.

— Quoi ? commencé-je en prenant un air innocent. Je suis un lion affamé et impatient.

— On m'a dit de te traiter comme un client lambda et c'est ce que je m'efforçais de faire jusqu'à ce que tu casses notre jeu et mes efforts.

— Oh ça va Ruby... Je sais que tu as aimé que je prenne possession d-

— Sors d'ici.

— Pardon ?

— Sors. Maintenant. Tu ne peux pas être mon client si tu ne joues pas selon mes règles. Tu n'auras qu'à récupérer ton argent.

— Sauf qu'on ne me donne pas d'ordre, réponds-je en grognant presque, c'est moi qui décide. Et si je t'ordonnais de me satisfaire là, maintenant, tu serais obligé de le faire. C'est comme ça que ça fonctionne chez nous. Maintenant à genoux, Ruby.

— Pas ici, pas sur mon lieu de travail.

Nous nous défions du regard pendant d'interminables secondes et même si je sais que je suis en tort, je ne veux pas lâcher. Je la veux tout entière mais avec mes conditions.

Soudain, mon portable décide de mettre fin à cette tension lorsque résonne ma sonnerie. Je pousse un soupir d'exaspération et suis surpris de voir le numéro de Miguel s'afficher à une heure pareil.

Ruby me tourne le dos avant de rejoindre la porte qu'elle m'ouvre, m'invitant à quitter sa « chambre ». Je suis toujours en colère, elle aussi, mais nous savons tous les deux qu'il vaut mieux se quitter comme cela que d'en venir aux griffes.

« Bonne soirée, mon Prince. » conclut-elle avant de refermer la porte. Je jure en la cognant de mon poing puis descends les escaliers par deux jusqu'à foncer vers la sortie en ignorant les remarques de Lucidélice.

L'air est bien frais à cause de la pluie de tout à l'heure et l'agitation est toujours présente dans le Red District alors que je suis sûr d'être l'être vivant le plus frustré du quartier.

— Oui Miguel ? dis-je en rappelant de suite l'espagnol.

— Zéphyr m'en a parlé et tu as raison.

— J'ai toujours raison mais de quoi est-ce que tu parles ?

— Les anges, ils existent.

💫💫💫

J'aurais préféré passer le reste de ma soirée avec une femme entre mes jambes, de préférence Ruby, mais non. Je me retrouve à terminer un pack de bière bon marché tout seul alors que mon coloc tourne à la tisane.

Où est passé le Don Juan que j'avais formé ? Rendez-moi le vrai Miguel Luna !

« Tu aurais pu m'en parler. Surtout si ça concernait cette femme que tu as sauvée. »

L'espagnol tourne les pages d'un énorme grimoire sorti tout droit des archives du Comité de la magie. D'après ce qu'il m'a raconté pendant que je calmais mon appétit sexuel par de l'alcool, Zéphyr lui a parlé de mon souci et il a commencé à faire des recherches.

Et de fil en aiguille, je me suis mis à raconter toute ma situation avec Bianca, y compris le fait qu'elle m'ait vu me transformer en lion et qu'elle m'ait presque convaincu qu'elle était un ange.

— Tu m'as dit qu'elle avait des marques dans le dos comme si on lui avait retiré des ailes ? Dans quelle situation as-tu vu cela ?

— Mon bon Miguel, il me faut peu d'effort pour que les femmes se déshabillent devant moi !

— Pourquoi ça ne m'étonne pas... Mais ouais, si en plus elle connait l'origine des sorciers et démons, ça va dans ce sens-là.

— Ça ne pourrait pas juste être une religieuse un peu trop curieuse qui a tenté de se suicider en apprenant tout ça ? Ça m'arrangerait pas mal...

Je me lève, direction le frigo pour entamer un nouveau pack, avant de m'affaler dans le canapé et de soupirer de désespoir.

— Il est dit dans ce bouquin que les anges peuvent perdre leurs ailes parce qu'ils ont été reniés par leur Dieu pour avoir été influencés par le péché. Dans ces cas-là, ils deviennent humains et une partie de leur mémoire est effacée.

— Ça expliquerait le côté lunatique de la blonde... Je me demande bien pourquoi elle aurait pu être reniée ?

— Attends, il y a un autre cas de figure. Les anges sont souvent envoyés en mission sur terre en se faisant passer pour des humains. Ils aident leurs prochains et repartent illico. Un peu comme « Joséphine, ange gardien ».

— Qui ça ? C'est qui Joséphine ?

— Ah euh... Laisse tomber. Bref, il se peut que l'ange ne rentre pas chez lui car d'après cet ouvrage, il a été recensé qu'à certaines époques, les humains autant que les démons découvraient l'existence de l'ange parmi eux et arrachaient leurs ailes.

— Je te dirais bien que c'est cruel mais ça ne m'étonne pas de mes semblables.

— Pour les humains, les ailes d'anges permettent d'accomplir des « miracles ». Pour les démons, il suffit qu'il ingurgite ne serait-ce qu'une plume pour devenir plus puissant et augmenter petit à petit leur rang dans la hiérarchie démoniaque. C'est comme cela que...

Miguel s'arrête subitement de lire, fronçant les sourcils sur un passage avant de se caresser la nuque. Je m'approche de lui et baisse la tête vers le livre jusqu'à ce que je comprenne pourquoi il s'est interrompu.

— « C'est comme cela que des démons comme Le Malin ont pu accéder au titre de démon supérieur et, par exemple, partager même après leur mort, leur pouvoir avec des sorciers. Créant ainsi une nouvelle forme de magie appelée vaudouisme »... Le Malin, c'est celui qui a « donné la vie » à Roxanne.

— C'est pour ça que son nom est connu mais que personne ne sait exactement ce qu'il est. C'était un ancien démon qui a dévoré des ailes d'anges. Il va falloir en parler à Roxy.

— Pas besoin, pas maintenant en tout cas. Ce qui me choque le plus, c'est que moi, le fils de Satan, je ne sois pas au courant de ce genre de pratique.

— Ben, ça dépend. Vu les écritures, ça date. Tu es né quand ?

Je termine cul sec ma bière avant de la poser violemment sur la table basse, faisant sursauter l'espagnol visiblement perplexe par l'absence de réponse. Je masse doucement mes tempes avant de soupirer et de me dévoiler un peu plus à lui :

— Tu sais Miguel, si le nom « Thérius » n'est pas mentionné dans les textes religieux, c'est qu'il y a une raison. Je suis le plus jeune de mes frères, le fils se rapprochant le plus d'un humain et réunissant tous les vices en lui. Une sorte de création finale de mon père.

— Tu as passé du temps en enfer, ok, mais sur Terre ?

— Mon père m'a balancé à différentes époques, à plusieurs endroits dans le monde et pendant un court laps de temps. Je servais d'observateur et selon ce que je lui rapportais, il ne se gênait pas pour jouer avec les nerfs de Dieu. La peste, tu connais ? C'était mon père. On ne peut pas tout mettre sur le dos du diable mais il en a des pas mal de casseroles.

— Ah ouais... effectivement. Et c'est pour ça que lorsque tu es arrivé dans nos vies il y a quelques années... Tu...

— J'avais mon rôle à jouer, oui. C'était différent car il m'a donné la liberté, un vrai corps, tout pour me fondre dans votre monde. J'y ai juste trop pris goût et la suite, tu la connais. Si à l'époque j'avais su qu'on pouvait devenir plus puissant en bouffant des plumes sacrées, je ne me serais pas gêné !

Miguel retient un rire et se contente de continuer à tourner les pages alors que je m'ouvre une énième bouteille, mon esprit divaguant vers Bianca.

Cette blonde est maintenant un mystère d'ordre « divin » et je ne sais pas quoi faire de sa demande. Pourquoi est-ce que j'aiderais un ange à retrouver ses ailes ? Est-ce parce qu'elle se les est fait arracher ?

Elle aurait dû me donner plus de détails... Raaaah ça me saoule ! Et Ruby qui a doublé ma frustration et m'a clairement mis en rogne ! Pourquoi est-ce que ces deux femmes commencent à me compliquer la vie ?!

— Qu'est-ce que tu ferais à ma place Miguel ? Si une jolie blonde te demandait de l'aide pour retrouver ses ailes, tu l'aiderais ?

— Bien évidemment ! répond-il avec entrain. Si j'en ai les capacités, je fais au mieux pour aider les gens.

— J'avais oublié ne serait-ce qu'un instant à qui je parlais. Le bon samaritain espagnol qui pense à tout le monde sauf à lui.

— Hinnn c'est faux ça !

— « Hinnn » c'est vrai ! Tu fais toujours passer les autres avant toi. Tu as aidé Mercutio et Sasha quitte à perdre ton boulot. Pire, tu as aidé tout du long Zéphyr et Roxanne qui sont tes deux amours passés. Et là, tu continues en m'aidant. T'es un putain de masochiste, Luna !

Et comme réponse, Miguel me fait une belle grimace énervée avant de refermer le grimoire, d'aller jusqu'à sa chambre et de claquer sa porte en me gratifiant de son plus beau « bonne nuit » colérique.

Je roule des yeux à cause de ses gamineries et mets moins d'une vingtaine de minutes pour finir le deuxième pack lorsque je prends enfin une décision sur ma situation. Mon portable en main, je ne fouille pas très longtemps dans mon journal d'appel avant de composer son numéro et d'attendre quelques secondes.

« Allo Bianca ? C'est d'accord. Le lion noir va t'aider à retrouver tes ailes. »



🦁 Cadeau de confinement : aujourd'hui deux chapitres pour le prix d'un ! 🦁

Qu'avez-vous pensé de ce chapitre dans la chambre 28 ? Du jeu entre Ruby et Thérius qui s'est vite terminé ? De leur relation et désaccord dû à leur position ? 

De l'aide de Miguel aka Miguepédia (merci à la lectrice l'ayant appelé comme ça xD) sur les anges ? Est-ce que Thérius va vraiment aider Bianca ? 

🦁N'hésitez pas à voter et donner votre avis si ce chapitre vous a plu ! Vous pouvez d'ores et déjà retrouver la suite juste après ! 🦁

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