6 - L'art de convaincre

Je regarde Bianca quitter le lieu, me jetant des regards inquiets jusqu'à ce qu'elle disparaisse de ma vue. Les deux hommes de main du dirigeant démoniaque du lieu me font comprendre qu'il n'y a pas moyen que je parle plus longtemps avec leur boss, leurs canifs s'agitant entre leurs doigts.

« Comme si des jouets pour enfant allaient me faire peur ! » plaisanté-je lorsque l'un d'eux répond à la provocation en fonçant sur moi.

Par réflexe je tends mon bras vers son ventre et tourne ma main pour que le plat de ma paume le contienne. Mon bras de libre attrape son poignet et d'un mouvement avec ma force surnaturelle, non seulement je lui coupe la respiration mais je l'éjecte en l'air et derrière moi.

J'expire doucement en entendant le bruit de son corps tombant violemment au sol et de son cri de douleur lorsque le deuxième molosse pointe finalement un flingue vers moi.

Les cris de peur des danseuses et clients s'échappant de la salle ne me font pas lâcher mes cibles des yeux, devenant de plus en plus nombreuses à mesure que les hommes de main du propriétaire se rapprochent de moi. Tous avec des armes blanches.

— Tu t'es cru où pour mettre un de mes gars à terre ? me dit le propriétaire en écrasant son joint. T'es chez moi ici donc je te laisse encore une chance de déguerpir vite fait si tu ne veux pas finir dans un cercueil.

— Tu ne sais pas à qui tu parles.

— Ah ouais ? Et à qui je cause ?!

— Au mec qui va te déboiter l'épaule.

Son rire soudain provoque un léger rictus chez moi, ne craignant aucunement ses hommes armés, et sûr de lui faire regretter mille fois sa provocation. Il claque des doigts en murmurant un « T'es un homme mort », ce qui provoque le tir d'une balle de la part de son chien de garde.

Une balle que j'arrête à quelques millimètres de mon front avec ma vitesse.

Je louche sur cette dernière, un silence étrange s'étant installé autour de moi, alors que je la tiens entre mes doigts avant de la propulser d'une pichenette contre le front de l'homme armé. Ce dernier se prend l'impact et tombe en arrière sur la table basse, envoyant valser au passage la bouteille de vodka sur son boss.

Et c'est en croisant mes yeux jaunes que non seulement il sait qu'il a affaire à un démon mais qu'en plus, « Le Lion » n'était pas un pseudonyme aléatoire. Que la personne qu'il vient de provoquer lui est supérieure et qu'il ne peut que se soumettre...

Ce qu'il ne fait pas. Criant à ses hommes de m'attaquer.

Grave erreur, petit chien.

Les premiers à courir vers moi se croient malins avec leurs couteaux que je chasse d'un mouvement de jambe rapide, le geste brusque les faisant vaciller jusqu'à ce qu'ils goûtent à la force de mes poings dans leurs ventres.

Mes actions se calent sur la musique techno en fond et c'est en rythme que je désarme mes adversaires finissant rapidement au tapis. Certains sont courageux et se relèvent pour tenter de m'avoir au combat à main nue. En vain.

Le seul qui arrive à me frapper se heurte à mes abdos et à mon sourire mauvais juste avant de valser dans les airs et d'entendre ses os craquer sous le poids de mes chaussures.

Je soupire lorsque je me rends compte que mon divertissement n'a duré que quelques minutes à peine et que tous mes jouets sont KO. Tous sauf le plus gros lot.

Soudain, le propriétaire du lieu laisse tomber son apparence humaine et commence à retrouver sa forme démoniaque : des cornes rouges se mettent à sortir de son crâne alors que les veines de ses muscles ressortent, que sa peau noire devient grise et que ses dents s'aiguisent.

Lorsqu'il ouvre la bouche, non seulement il pousse un grognement bestial, mais en plus son haleine de mort mélangé à la vodka manque de me faire vomir tant elle est nauséabonde.

— Le lion noir des enfers...

— Bingo ! Et malgré le fait de m'avoir reconnu, tu comptes tout de même te battre ?

— Il parait que tu es plus faible qu'avant. Que la mort t'a rendu humain et que tu ne vaux plus rien depuis que tu t'es allié avec l'autre connard électrique du Comité de la magie.

— Et qui sont les bâtards colportant ces rumeurs ?

— Tes frères.

Ben tiens, ça m'aurait étonné !

L'homme se remet à grogner, me provoquant en arrachant son t-shirt pour exhiber ses muscles et je pourrais presque avoir peur si je n'étais pas le fils de Satan.

Je laisse ma vraie nature se révéler, une fumée noire m'entourant jusqu'à faire apparaitre des flammes bleues et violettes consumant mon enveloppe humaine pour libérer la bête.

Le roi des animaux. Une crinière couleur charbon tout comme ma peau, des yeux de félin oscillant entre le jaune et le dorée mais surtout, des griffes laissant déjà leurs traces aux sols.

Le démon laisse paraitre sa peur lorsque je pousse un rugissement bestial à en faire trembler les murs. Il esquisse un mouvement de recul mais je ne lui laisse pas le temps de fuir que mon corps s'élance jusqu'à lui, le faisant tomber au sol et l'écrasant de toute ma force.

Ses dents se serrent tellement fort pour éviter de crier sous mes griffes que du sang commence à colorer ses lèvres. Je pourrais m'arrêter ici si j'étais raisonnable...

Mais je ne suis pas le fils du diable pour rien.

« AAAARGH ! »

Mes crocs viennent arracher une de ses cornes, laissant la moquette se colorer de son sang noir alors que j'écrase cette dernière de ma patte pour la briser en mille morceaux. Sa virilité vient d'en prendre un sacré coup et ce sont ses larmes et ses supplications qui me convainquent qu'il a eu sa dose avec moi.

Je me retransforme en même temps que lui, continuant à écraser son corps avec tout mon poids accroupi sur ses abdos avant de lui demander d'un ton menaçant :

— Maintenant écoute-moi bien, sale chien, tu vas me donner toute la thune que tu dois à la demoiselle que tu as vue tout à l'heure, c'est compris ? Et fais passer le mot : Thérius Oblivion est toujours là pour botter des culs.

— D'accord... Aïe !

— On dit « d'accord mon Prince ». La hiérarchie, bordel de diable !

— O-oui mon Prince Oblivion !

— C'est bien, petit chien. Allez, maintenant donne-moi le fric.

Je le laisse ramper vers ses affaires et fouiller dans son sac d'où il sort une liasse de billets que je compte méticuleusement. Je ne me gêne pas pour regarder à nouveau dedans et totalement le détrousser de son liquide avant de faire une dernière chose pour me faire respecter.

« Ah oui j'oubliais, je n'aime pas revenir sur ma parole, donc... »

J'attrape le bras du démon encore au sol et le lui tords jusqu'à lui déboiter l'épaule gauche, provoquant un nouveau cri de sa part. Je me sens tellement bien, rassasié de cette occasion qu'il m'a donnée pour me lâcher...

J'aimerais bien aller plus loin. Arracher sa tête. Non. Ne pousse pas Thérius, il servira à alerter les autres démons en restant en vie.

Mais c'est lorsque je me retourne que je manque de sursauter en croisant le regard de Bianca.

Et vu son air choqué, elle ne vient pas d'arriver dans la salle.

Est-ce qu'elle m'a vu sous ma forme démoniaque ? Ou même avant, quand j'ai tabassé ces gars ? Dois-je jouer franc jeu ou me trouver une excuse ?

L'ambiance devient encore plus gênante lorsque la voix remixée façon techno de Taylor Swift se met à résonner dans toute la boite, créant une atmosphère entre pop et glauque avec tout ce sang au sol. Je hausse les épaules avec un sourire crispé en me dégageant de ma victime et en me rapprochant de la blonde.

Ses mains serrent la sangle de son petit sac en bandoulière et ses yeux naviguent entre les corps jusqu'à revenir à moi.

« Ne bouge pas. » murmuré-je en m'approchant doucement vers elle.

Ses lèvres s'entrouvrent avant de se refermer et je me retiens pour ne pas les rassurer d'un baiser lorsqu'elle fait enfin le constat de ce qu'elle a vu à voix haute :

— C'est un carnage...

— C'est ma façon de régler les choses. Et encore, j'ai été soft. Ils sont tous en vie... Enfin... Mouais bon, pas sûr pour celui-là, lui aussi dans le fond, et l'autre là-bas. Pas sûr du tout.

— Thérius... Tu... Euh...

Si tu le dis maintenant, je vais devoir te tordre le cou pour avoir découvert l'existence des démons et diable que ça me casserait le cul de perdre une femme aussi envoutante de mon entourage.

Soudain, sa main vient caresser ma joue et de son pouce qu'elle frotte sur ma joue, elle efface une trace de mon altercation.

« Tu avais un peu de sang, juste là. »

Cette simple phrase. Ce simple contact. Un corps figé, tremblant, mais une voix assurée et une expression douce qui me saisit le cœur pour mieux le serrer.

Qu'est-ce que je dois faire ? Lui demander cash ce qu'elle a vu ? La tuer par précaution ? Putain, d'habitude je ne prends pas autant de temps à me décider sur le sort de quelqu'un !

— Tiens, dis-je en lui tendant sa liasse de billets. Si tu veux fuir, c'est maintenant.

— Fuir ?

— Arrête de faire celle qui n'a rien vu. Je te donne l'opportunité de continuer à vivre normalement si tu prends cette porte. C'était sympa cette rencontre avec toi mais on n'est pas du même monde.

Bianca semble hésiter et son mordillement de lèvre me donne envie de la pousser moi-même hors de l'horreur de cette boite. Qu'elle reste loin de la noirceur de ce monde et qu'elle continue à chanter des cantiques.

Allez, va-t'en. Je n'ai pas besoin d'une suicidaire lunatique qui pense avoir des ailes.

— Qu'elle est la différence entre nos deux mondes ? insiste-t-elle.

— Dépêche-toi de partir... Ne me force pas à te « convaincre ».

— Les démons ne sont-ils pas des anges déchus ?

Silence.

Enfin presque, s'il n'y avait pas la voix de Taylor Swift.

J'écarquille les yeux face à sa remarque alors qu'elle attend une réaction de ma part.

— Qu'est-ce qui te fait dire d'emblée que je suis un démon ? Qu'as-tu vu, exactement ?

— Tout. Le combat, le sang et le lion noir.

— L'avoir dit à voix haute me force à mettre fin à tes jours...

— Je m'en fiche, Thérius, je n'ai plus mes ailes et un ange sans sa liberté n'a plus de raison de rester mortel.

Putain.

Ce n'est pas possible. Elle se fout de ma gueule. Pitié, dites-moi qu'elle est juste folle et que ce n'est réellement pas un ange. En temps normal j'aurai ri mais là, elle a foutu le doute en moi. Ça devient n'importe quoi cette histoire alors que l'on vient à peine de se rencontrer !

Je m'apprête à lui poser une ultime question qui me permettra de choisir entre la vie ou la mort pour elle lorsque j'entends le démon derrière moi en train de tousser.

Ce n'est clairement pas le lieu pour ce genre de discussion et nous ne sommes pas à l'abri d'une nouvelle attaque par un renfort démoniaque inattendu.

« Ok, on va régler ça ailleurs. » lui dis-je en attrapant son poignet et en l'entrainant hors de la boite. La pluie tombe toujours dehors mais je n'en ai rien à faire d'être trempé à ce stade, au contraire. Ça va nettoyer le sang sur mes vêtements.

Nous traversons plusieurs petites ruelles avant de nous engouffrer dans un tram, sans manquer de nous faire dévisager par le contrôleur de billets.

Bianca se contente de valider sa carte et ne dit rien du court trajet. Ses cheveux blonds lui collent au visage à cause de la pluie et je ne peux m'empêcher encore une fois de la trouver mignonne comme ça.

Mignonne. C'est bien un mot que je n'emploie pas souvent sauf pour me moquer des autres.

Quelques minutes plus tard et après un court trajet à pied, nous nous retrouvons en bas de mon immeuble. Je continue de la guider en la tirant jusqu'à ma colocation et je ne peux retenir un soupir de soulagement en constatant que Miguel n'est pas présent.

« Assis-toi et dès que l'on aura fini de parler, tu pourras te sécher. »

Si tes réponses me satisfont. Sinon, je vais devoir passer la serpillière avant le retour de l'espagnol.

Je passe ma main dans mes cheveux pour les recoiffer négligemment avant de m'affaler dans le siège en cuir et de croiser mes mains. J'ai beau la détailler, rien chez elle ne dégage une once de magie pouvant confirmer son ascendance divine.

Mais peut-être que pour les anges, c'est différent. Après tout, il n'y a qu'avec les yeux et un peu de provocation qu'un démon peut en reconnaitre un autre. Alors reconnaitre un ange...

— Il y a deux options : soit tu es une humaine lambda et je vais être dans l'obligation de te tuer ici même, soit tu es bien un ange et... je ne sais pas. Je devrais peut-être aussi te tuer ? Bibliquement, nous sommes ennemies.

— Si j'avais mes ailes, ce serait bien plus facile de te convaincre.

— Arrête avec tes foutues ailes ! C'est l'heure de te mettre à table si tu ne veux pas devenir mon repas et crois-moi, cette altercation dans la boite ne m'a qu'à peine rassasié.

— Tu veux une preuve ? D'accord.

Bianca croise ses jambes et se met en tailleur dans le canapé avant de se pincer les lèvres et de prendre un air pensif bien trop calme à mon goût. Elle a conscience que sa vie est en jeu, mais pourtant, la mort ne semble pas l'atteindre.

C'est bien une suicidaire timbrée celle-là.

« Satan est un ange déchu par Le Seigneur Dieu et c'est lui qui est à l'origine des maux de ce monde. Sa femme Lilith a créé les premières sorcières et lui, les démons. Si les sorcières permettent l'équilibre entre la lumière et les ténèbres, les démons eux sont la représentation même des péchés et des tentations des humains.

Jaloux des pouvoirs magiques des sorcières, les premiers démons ont tenté de les éradiquer et c'est ce qui a causé la mort de Lilith. Notre Seigneur est intervenu et il a décidé, avec Satan, de créer des sorciers mâles pour assurer la survie des « espèces » magique.

Notre Dieu et Satan agissant ensemble, la création des démons est devenue aléatoire en fonction des vices humains : à chaque arrivée en enfer, un être vivant selon sa vie et sa mort était destiné à se réincarner en devenant un démon pour servir la cause de Satan ou à souffrir indéfiniment. Une après-vie d'esclavage ou de souffrance.

Mais comme notre Seigneur et ses enfants les archanges, Satan a eu des fils représentant de tous les péchés capitaux et régissant les démons sur terre.

C'est tout ce qu'on m'a appris. C'est l'histoire de base que chaque créature magique de notre monde doit connaitre... Alors ne sois pas étonné qu'un ange sans ses ailes puisse te l'exposer avec clarté. »



🦁 Cadeau exceptionnel de confinement : aujourd'hui deux chapitres pour le prix d'un ! 🦁

Alors ? Ce chapitre avec notre Thérius et sa "façon de convaincre" ? Sa façon de se faire respecter après son absence de 10 ans ? La réaction de Bianca en découvrant le carnage ? Et enfin l'aveu qu'elle fait, confirmant sa nature ?

🦁N'hésitez pas à voter et donner votre avis si ce chapitre vous a plu ! Vous pouvez d'ores et déjà retrouver la suite juste après ! 🦁

https://youtu.be/IJZr2DduBgc

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