6🌹Concerto in F: Allegro Agitato
Soit je me surestime en me faisant des films, soit Sergio a vraiment envie d'être plus que mon collègue.
L'ingénieur son me dévore des yeux depuis que nous sommes arrivés au bar. Des yeux qui dévient parfois en direction de mon décolleté et me font pester qu'Andréa Simon ait toujours autant raison.
C'est décidé, en rentrant, je file m'acheter des push-up.
Sergio et moi parlons boulot pendant presque une heure, testant le fameux « canari » avant de me rabattre sur mon amour pour le rhum. Je reste soft avec un bon mojito bien dosé quand lui, s'enfile une pinte de brune sans sourciller.
En soulignant le fait qu'il « aime beaucoup les brunes ».
Au bout de plus d'une heure de discussion et d'alcool dans le sang, je ne peux m'empêcher de tortiller une de mes boucles autour de mon doigt, la tête penchée et soutenue par ma paume alors que je bois ses paroles sans rien y comprendre. Une pause de midinette charmée par un type lui parlant de musique.
— Et toi du coup, dit-il après avoir laissé tomber quelques gouttes de sa brune dans sa barbe, t'en penses quoi ?
—Ah ! Euh... C'est pas mal ?
—Tu ne m'écoutais qu'à moitié, avoue-le.
—Désolé, journée crevante. On est déjà mercredi soir et le temps file à une allure... Heureusement que le tournage est facile avec Aamir.
— Heureusement que Cartier est aux commandes surtout ! La première fois qu'on a bossé ensemble, je le trouvais un peu froid, comme s'il n'avait pas d'empathie mais en fait c'est juste ses expressions faciales quand il bosse. En plus de sa tête de beau gosse, il est charismatique et à la conversation facile.
— Ouais, c'est souvent une première impression récurrente.
—Il m'a dit que vous étiez ami d'enfance.
Gigi la balance... À tous les coups, il devait avoir de l'alcool dans le sang quand il a donné l'info !
Je tortille de plus en plus ma boucle avant de soupirer et de boire une nouvelle gorgée. Sergio me regarde avec des yeux brillants, attendant surement une confirmation.
— Ça doit être énervant non ? me dit-il soudain. De connaitre quelqu'un qui a tant de facilité.
—Gi-..George n'est pas si parfait. Je le connais depuis sa naissance et je peux t'affirmer que c'était un timide avant. Il n'a que très peu d'amis d'enfance parce que son côté beau gosse, comme tu dis, lui a causé du tort. Des mecs jaloux et des filles rancunières. Il était aussi très mature pour son âge donc peu compris.
—Sérieux ? On ne dirait pas !
— Je te jure. Mais quand on est proche de lui, on se rend compte qu'il a beaucoup à dire mais qu'il prend sur lui. Il a fait énormément d'efforts pour devenir comme ça. Toutes les fois où j'ai dû le pousser... Enfin sauf en amour. Là, dès qu'il est sûr de sa cible, rien ne peut l'arrêter !
— Ah ouais ? Je pensais qu'avec sa gueule, il n'avait qu'à claquer des doigts ?
— Fréquenter un mec aussi beau que lui m'a appris un truc : c'est que ce n'est pas si facile pour les gens bien foutus. Ils ont une pression et beaucoup se disent qu'ils ne sont pas des options justement parce qu'ils sont trop beaux. Pour faire craquer les filles qui le voient comme inaccessible, Gigi fait en sorte d'être un grand romantique avec des roses en veux-tu en voilà et autres déclarations dignes de films Disney.
Sergio frotte sa barbe, l'air songeur, avant de prendre une gorgée et de murmurer :
« Tu l'as appelé Gigi. Vous êtes plus proche que vous ne le laissez paraitre. »
Je déglutis puis finis mon verre d'une traite et en commande un dernier. J'oriente la discussion sur le domaine des études puis sur des films et séries qu'on apprécie jusqu'à ce qu'il soit l'heure de me ramener à mon hôtel.
Arrivé dans le hall, près des ascenseurs, je ne sais pas trop comment conclure la soirée.
Est-ce que je dois lui faire la bise ? L'embrasser ? Lui dire de monter dans ma chambre prendre un café ? Je dois avouer que Sergio me plait, autant physiquement que mentalement mais je ne sais pas si mon cœur encore en morceau peut s'en remettre si vite.
— Bon eh bien... commencé-je en tanguant sur mes talons. Merci pour cette soirée. On se revoit d-
—Léonore ? m'interrompt-il en fixant ma main. Je n'ai pas osé te demander mais cette bague à ton doigt... C'est une bague de fiançailles ?
—Hein ? Euh non, je ne crois pas.
— C'est un cadeau de ton petit-ami ?
—Non je n'ai pas de copain, je te l'ai dit tout à l'heure. Ça c'est juste...
Je ne termine pas ma phrase lorsque l'ascenseur derrière Sergio s'ouvre sur Gigi. Ses yeux passant de son téléphone à moi et me troublant en une milliseconde. Il n'a qu'un t-shirt noir moulant ses bras musclés et un bas de jogging gris avec des tennis qu'il portait déjà quand on était au lycée.
Ses cheveux bruns sont en bataille, coupe à la « retour de baise », et il n'arrange rien en passant sa main dedans. Je vois ses lèvres dire mon prénom en silence alors que le vert de ses yeux alterne rapidement entre moi et l'ingénieur son.
Mon trouble est assez perceptible pour que ce dernier ne se retourne et ne découvre notre collègue à une heure aussi tardive.
« Cartier ? Qu'est-ce que tu fais là si tard ? »
Je suis surprise du temps que prend Gigi à répondre. Lui qui est généralement très réactif, j'ai l'impression qu'il analyse la situation pour trouver les mots adéquats. Soudain, sa fameuse ride entre ses deux sourcils apparait alors qu'il ouvre enfin la bouche.
— Je devais parler d'un truc avec... Bertier.
— Oh vu comment elle a parlé de toi ce soir, votre amitié n'est plus un secret ! Pas la peine de l'appeler « Bertier », hein Léonore ?
— T'as pas reçu mon message, Léo ?
Gigi insiste sur mon diminutif, comme s'il était en train de... marquer son territoire ? Non, ce serait stupide. Juste parce que je rentre un peu bourrée à l'hôtel et que Sergio m'accompagne ?
Peut-être qu'il est juste très protecteur... comme un frère.
— Désolé, je n'avais plus de batterie. On peut en parler demain ?
— Ok. Tu devrais aller dormir. Sergio, est-ce qu'on peut parler deux secondes avant que tu ne partes ?
— Pas de soucis. Bonne nuit, Léonore.
Ce dernier me fait une bise bien trop proche de mes lèvres pour ne pas être un signe d'intérêt, me faisant rougir avant que je ne m'engouffre dans l'ascenseur. Je regarde les deux hommes me saluer mais je ne peux m'empêcher d'être perplexe.
Gigi avait l'air contrarié par quelque chose et j'aurais voulu savoir quoi.
C'est dès le lendemain matin que je constate que j'avais raison. Non seulement Gigi, malgré son expression neutre, a l'air silencieusement contrarié mais en plus, Sergio me drague sans retenue à chaque occasion.
Je suis obligé de calmer son flirte entre deux pauses, lui rappelant que l'on est au travail malgré le cadre enchanteur. Johanna, elle, continue à flirter avec Gigi et obtient le succès d'aller déjeuner avec lui en ville alors que le reste de l'équipe mange chez Aamir Lakshmi.
Je suis toujours autant jalouse mais la compagnie de Sergio me détend et me permet de mieux gérer mes émotions durant cette journée de tournage. Nous nous attardons sur des plans de la ville et laissons les plans de « couple » entre Aamir et Anushka pour la dernière journée de tournage.
« Elle vous va bien. »
Je sursaute, mes réflexions perturbées par la présence d'Aamir dans mon bureau de production temporaire alors que j'avais la tête sur mon budget. Le maitre des lieux me fait un sourire Colgate avant de déposer un verre d'eau devant moi. Je le remercie silencieusement et fais tomber dans l'eau un effervescent calmant ma mini gueule de bois de la veille.
— La bague, précise-t-il en s'asseyant à côté de moi. C'est ma famille qui la fait. Lorsque j'ai rencontré George, je n'ai pas hésité à lui montrer les créations en cours chez nos artisans joailliers et il m'a demandé de modifier celle-là pour lui.
— Elle est vraiment magnifique et j'avoue que j'aurais souhaité la garder à mon doigt mais... Je m'occupe simplement de la garder temporairement. George compte l'offrir à sa copine, ou du moins à la femme qu'il aime.
— Ah oui, il m'en a parlé.
Eh bien moi, il ne m'a rien dit mais je ne peux en vouloir qu'à moi-même.
J'ai tout fait pour m'éloigner de lui ces derniers mois... Et puis Andréa n'avait pas l'air d'en savoir plus sur cette fille non plus donc il ne doit y avoir qu'Aamir qui est au courant.
— Comment est-elle ? osé-je demander. Vous les avez déjà vus ensemble ou...
— Oui et je comprends le choix de George sur la pierre. Ses yeux verts brillent quand il la regarde et ça me rappelle cette émeraude. Est-ce que vous avez déjà vu le secret de cette bague ?
— Son secret ?
— À l'intérieur de l'anneau, on a fait graver quelque chose à la demande de George.
Je m'apprête à retirer la bague pour en être certaine mais me ravise en repensant à mon cœur brisé. Je n'ai pas envie de lire une phrase de type « Je t'aime machin-truc » ou « À toi à jamais, ton Georginounet ».
Aamir est visiblement étonné que je ne souhaite pas en savoir plus et s'apprête à repartir lorsque je lui pose la question le faisant sourire jusqu'aux oreilles :
— Comment est-ce que vous avez su que votre femme était « la bonne » ? Si vous vous êtes proposé pour cette émission, c'est parce que vous êtes fermement convaincu qu'entre vous, c'est pour la vie, non ?
— Non, je suis convaincu que c'est mon âme sœur et celle qui me faut. On ne peut pas prédire l'avenir mais si je suis sûr d'une seule chose dans ce monde, c'est que je l'aimerais et ça peu importe si elle décide de me rejeter.
— Vous êtes romantique mais réaliste.
— Je pense que l'être aimé doit faire ressortir le meilleur de nous et doit autant nous apporter qu'on lui apporte. Même si notre mariage était précoce, nous avons passé chaque jour à nous bonifier. Que nous soyons ensemble ou séparé, à des milliers de kilomètres.
— C'est très beau comme vision.
— Et vous Léonore ? Comment est-ce que vous voyez l'amour ?
Il me piège avec la fameuse catch-phrase de notre émission. Celle toujours posée par Johanna dès qu'elle interview un couple. Je suis obligé de répondre et ne pas inspirer la pitié va être compliqué.
— Je suis le genre de personne simple qui peut aimer le même homme pendant des années et ça, même si j'essaie de tromper mon cœur avec un autre. Une sorte de masochiste acharnée dont la tête est lucide mais dont le cœur est stupide.
— Sans acharnement, je n'aurais jamais eu autant de richesse ! Je trouve ça magnifique au contraire, c'est très romantique et digne d'un film d'amour.
— Dans la vie réelle, c'est pathétique. Vous me demandez ma vision de l'amour ? Je pense que ça va au-delà du sentiment mutuel. L'amour pur c'est tout faire pour l'autre même si l'on n'a rien en retour, le soutenir peu importe ses choix et être fidèle à sa personne.
— C'est une vision d'amour à sens unique comme une autre.
Je suis piqué par la remarque d'Aamir qui pourtant n'avait pas directement vocation à me blesser. Je sais que tout faire pour un homme, lui être dévoué et blablabla, c'est à l'encontre de certaines de mes pensées féministes...
Mais quand Gigi est en jeu, je ne peux rien lui refuser. Je veux le pousser vers l'avant, qu'il devienne encore meilleur et que tous le voient comme moi je le vois : un bel homme pas si parfait mais qui s'est démené pour en arriver là.
« Peut-être qu'il est temps de voir l'amour autrement, car après tout, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. » murmuré-je après le départ d'Aamir.
C'est décidé. Je vais devoir avouer une nouvelle fois mes sentiments à Gigi et tourner définitivement la page pour pouvoir avancer.
Et je n'attendrais pas demain pour le faire.
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https://youtu.be/HjHIn1i6Nvw
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