5🌹2.Andante con moto e poco rubato
— Promets-moi que tu n'attendras pas un coup du destin avant de me recontacter. Et promets-moi de mettre des décolletés plongeants et des push-up, ta poitrine mérite plus d'attention.
— Promis, enfoiré de Simon.
— Ah aussi... réfléchis bien à tout ce qu'on s'est dit hier soir. Tes sentiments et tout ça... Et si tu t'es fait une raison, parles-en à George. Au moins pour passer à la suite sereinement.
Je me contente de sourire à Andréa alors qu'il s'attarde à m'embrasser la joue. Le beau brun, après avoir passé la nuit avec Johanna, nous a accompagnés toute la matinée chez Aamir Lakshmi pour finir de photographier sa femme.
J'ai passé toute cette matinée à alterner entre le tournage et mon bureau de prod improvisé, répondant à plusieurs mails et appels. Je comptais préparer une table de régie pour que tout le monde, entre deux prises, puisse boire et grignoter quelque chose mais Aamir a insisté pour que sa cuisinière se charge de tout, à ses frais.
J'avoue avoir poussé un grand soupir de soulagement parce que grâce à sa gentillesse, j'ai vu mon budget pour le tournage fondre légèrement et rattraper certains coûts imprévus liés aux caprices de Johanna, souvent justifié.
— Prends-soin de toi, Léonore.
— Toi aussi.
— George ! s'exclame-t-il alors que ce dernier boit cul sec un verre de jus de pomme. Viens m'embrasser pour mon départ, sale con !
Ce dernier lève les yeux au ciel mais ne peut retenir un petit rictus face à son meilleur ami. Ces deux-là commencent à se chamailler comme des gosses cherchant la bagarre tout en marchant vers le portail. Je les vois complices, se chuchoter des choses à l'oreille jusqu'à ce qu'Andréa se retourne et me pointe du doigt.
Qu'est-ce qu'il a dit sur moi cet enfoiré ? J'espère qu'il ne m'a pas tendu un piège !
Gigi tourne la tête vers moi en souriant et lui répond quelque chose qui fait rire le photographe. Je tuerais pour pouvoir lire sur les lèvres et je dois attendre quelques minutes avant qu'il ne revienne seul vers moi.
— Qu'est-ce qui vous a fait rire ?
— Oh rien.
— Je sais reconnaitre quand tu mens. Vous vous êtes foutus de ma gueule, c'est ça ?
— Il m'a dit qu'on devrait aller à Undiz t'acheter des push-up.
— Le connard.
Gigi ne se retient pas de rire et même si je fais ma moue boudeuse, je dois reconnaitre que j'adore le voir comme ça. Lui qui est trop souvent « neutre », son rire est dans mon top 3 de mes sons préférés.
« Léo, je peux te demander un truc ? Tu peux me garder ça ? »
Je la connais par cœur cette fameuse phrase. Ce moment où je suis la seule à qui il peut faire confiance et confier n'importe quoi. Je pensais qu'il avait appris à ne pas perdre ses affaires sans moi mais visiblement, cette fois-ci, ça a l'air important.
Je tends la paume par habitude mais Gigi pose son pouce sur ma paume pour relever mes doigts.
Une impression de déjà-vu. Ma respiration se bloque tandis que les battements de mon cœur s'accélèrent alors que ses doigts glissent sur ma peau avec douceur. Et comme il y a vingt ans, se dresse à mon annulaire une bague mais cette fois-ci, une beauté de joaillerie : un anneau en or jaune composé d'une émeraude au centre et ornée de petits diamants l'entourant de façon à former les pétales d'une rose.
— Mon Dieu seigneur, murmuré-je. Elle est magnifique et doit valoir une fortune.
— Moins de six mille euros.
— Gigi... Je p-
— C'est un trésor alors tu ne dois la retirer que lorsque je te le demanderais ! Elle ira parfaitement bien au doigt de ma future femme.
Aïe. J'ai cru entendre mon cœur se briser définitivement en mille morceaux.
Je me suis fait des films, encore. Je me suis dit que la situation était trop belle, que la bague était finalement pour moi et qu'il allait m'avouer son amour avec une déclaration romantique comme pas possible à la George Cartier !
Qu'il s'était rendu compte de ses sentiments et qu'il voulait des miens, maintenant et pour longtemps. Limite une demande en mariage précoce.
J'ai regardé trop de films romantiques et je tombe de très haut.
Mes doigts caressent la bague alors que je me retiens de pleurer devant son sourire éclatant. J'aimerais lui foutre un coup de poing dans la gueule.
— N'oublie pas, il faudra absolument me la rendre quand on rentrera. C'est vraiment important pour moi. Et ne la retire qu'en cas d'extrême nécessité. Je n'ai pas envie de la perdre vu son prix.
— ...Tu peux compter sur ta fidèle amie Léonore.
Mon ton est un peu trop enjoué pour être naturel mais je prends suffisamment sur moi pour contrôler mes sentiments et mettre un retardateur sur mes réactions. Je souris à Gigi avant de le laisser repartir en tournage et de filer jusqu'au bureau de production vide.
Je m'assois lentement avant de fixer la bague.
Elle est vraiment somptueuse et j'aurais tué pour en avoir une similaire. Pour que Gigi me l'offre à genoux et face sa demande, comme dans mes rêves.
Mais réveille-toi ma pauvre fille ! Tu es accroché à un fantasme de gamine romantique depuis vingt ans ! Il est temps d'arrêter les frais et de reprendre ta vie sentimentale en main sinon tu finiras seule à regarder les photos de mariage de Gigi avec sa femme.
J'ai beau me claquer mentalement, il n'y a que de la tristesse qui s'échappe de mes yeux et qui vient saler mes lèvres. Ma tête s'écroule dans mes bras et je m'autorise en plein travail à me laisser aller aux pleurs d'une nouvelle déception amoureuse.
Niveau boulot, la journée se passe très bien. Beaucoup de scène avec Aamir sont tournées autant à l'extérieur qu'à l'intérieur de la villa.
Je suis de plus en plus admirative du travail de Johanna et de son charisme. Elle est une présentatrice vraiment bonne et même si nous avons une relation loin d'être charmante, je ne peux que lui porter des éloges à la fin de la journée.
Le reste de l'équipe a été également très bon et détendu grâce aux blagues d'Aamir mais je pense que demain sera différent quand nous devrons tourner des scènes uniquement avec sa femme. Elle a tellement d'aura qu'elle est intimidante malgré sa gentillesse.
Niveau cœur... Toujours en PLS.
J'ai évité le plus possible de regarder Gigi aujourd'hui mais quand je n'avais pas le choix, je devais me mordre les lèvres pour éviter de le fixer. Il est tellement beau avec son air sérieux quand il travaille que ça en est très troublant. Même les joues de Johanna étaient plus rouges que d'habitude.
Ayant bien bossé toute la journée, je m'accorde un temps de répit histoire de me remettre du dernier coup de Gigi. Je me fais couler un bain avec une boule parfumée dans ma chambre et lance ma playlist favorite quand je veux tout oublier : les meilleures compositions de Gershwin.
Ma mère et celle de Gigi ont eu un amour commun pour la musique de ce compositeur américain du XXème siècle lorsqu'elles étaient à la fac et ont décidé de nous appeler en référence à ce musicien.
« George » pour George Gershwin, c'était une évidence... Mais « Léonore » pour Léonore Gershwin, la femme d'Ira Gershwin aka le frère de George.
Pourquoi ce choix de la part de ma mère ?
Elle avait lu dans une biographie que George était un homme à femmes n'ayant jamais officialisé d'union mais qu'il avait un jour déclaré que s'il devait se marier avec une femme, ce serait avec quelqu'un exactement comme la femme de son frère, Léonore.
Léonore et George était très proche et c'est elle qui avait vu la première les signes de la fin chez le frère de son mari, agissant le plus rapidement qu'elle pouvait pour lui... Sans succès.
Ma mère avait trouvé cette relation romantique et peut-être s'était-elle fait des films sur notre futur alors même que Gigi était né après moi. Peut-être pensait-elle que je serais son soutien dans la vie ou même la femme qu'il pourrait aimer.
Mais depuis des années, je suis plutôt d'accord avec le raisonnement disant que Léonore n'est qu'une meilleure amie et que George cherche à retrouver une femme comme elle mais qu'il n'y arrive pas car il aime trop être un Don Juan romantique consacré à son art. Mourant finalement seul mais toujours soutenu par Léonore.
Sauf que Gigi ne sera pas seul, visiblement.
Je lève mon doigt nu devant moi avant de tourner la tête vers la bague posée délicatement sur ma serviette pliée sur la commode. Je regarde l'anneau doré avec envie en soupirant et en lâchant une larme se perdant dans l'eau chaude de mon bain.
À cet instant, le morceau « The Man I Love » se diffuse dans toute la salle de bain et me fait plonger la tête dans l'eau.
Je suis trop bête. C'est mon morceau préféré et maintenant, j'ai l'impression qu'il me rappelle mon amour stupide et bien trop acharné. Je suis accroché au fantasme de Gigi et c'est dur de s'en défaire seule.
La tête hors de l'eau, la cascade de notes provoque un nouveau ruissellement sur mes joues lorsque la musique se coupe avant la fin quand mon portable se met à vibrer. Je soupire en espérant que ce n'est pas important lorsque je vois le nom de Sergio s'afficher en grand sur mon écran.
« Tu es libre ce soir pour un verre ? »
Sa voix grave diffusée par le haut-parleur me donne un frisson étrange mais agréable. J'hésite plusieurs secondes avant de lui répondre, me disant que finalement Marion avait raison à son sujet.
— Léonore ? dit-il en me sortant de mes brèves pensées.
— Oui ? Pardon excuse-moi, je suis dans mon bain.
— Hum.
Merde. Ce n'était peut-être pas un détail qu'il devait connaitre surtout après sa proposition. Il va peut-être croire que je suis en train de le chauffer.
— Désolé de te déranger pendant que tu joues avec ton petit canard jaune, plaisante-t-il enfin.
— Oh tu sais, moi et les canards, c'est une histoire d'amour qui peut se permettre d'être interrompue quelques minutes.
— Hum hum.
Putain mais quelle conne. Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à m'arrêter quand on me cherche sur ce terrain-là ? C'est à cause de l'influence d'Andréa ça, j'en suis sûre !
— Je connais un bar pas très loin de ton hôtel où ils servent du canari si tu veux.
— Du canari ?
— De l'eau, du citron et du Pastis. Tu peux venir avec ton canard.
— Je... vais éviter d'amener ce genre de « canard » dans un bar.
— Donc j'imagine que c'est un « oui » ?
Je décroche enfin un vrai sourire après une journée à pleurer et réponds par l'affirmative avant de conclure d'une heure pour qu'il vienne me chercher.
Il me souhaite une bonne fin de bain et je m'empresse de me préparer pour sortir, remettant la robe décolletée de la veille. Je regarde la bague de Gigi avec dégout mais malgré tout, je l'enfile à mon annulaire.
C'est mon ami et je tiens toujours mes promesses.
Qu'est-ce que je suis cruche tout de même.
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https://youtu.be/9pNa6X_s3Rk
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