4🌹I Got Rythm
« Vous connaissez monsieur Simon ? C'est un des photographes préférés de ma femme et c'est lui qui m'avait dépanné en me présentant George. Le monde est vraiment petit ! »
Je tangue sur mes chaussures à talon alors que je meurs d'envie d'enlacer Andréa Simon. Ce dernier me fait son fameux sourire en coin et tend ses bras, faisant valser mon attitude professionnelle le temps d'une étreinte amicale.
Andréa est le meilleur pote de Gigi depuis le lycée et les deux font tellement la paire qu'ils étaient surnommés « les tombeurs de ses dames » pendant un temps. Si Gigi est un charmeur malgré lui avec son physique plus qu'avantageux, Andréa est un Don Juan assumé qui a fait des efforts monstres pour être à la hauteur de mon ami d'enfance.
Et comme il fréquentait très souvent Gigi, on est naturellement devenu ami. Il a bien essayé de me draguer une fois mais il a vite compris, rien que par le regard, que mon cœur était déjà pris. Je n'avais pas revu Andréa depuis une longue année et ça me fait plaisir de voir que sa passion pour la photographie est devenue un métier où il perce.
— T'aurais pas pris des seins, Léonore ? Ou alors tu mets enfin le soutien-gorge push-up que je t'avais offert pour tes 18 ans ?!
— Va chier Andréa.
Son petit air malicieux me fait reprendre conscience de la situation et j'ai besoin de m'éloigner de lui pour clarifier le fait qu'il est un ami de longue date. Andréa vient chaleureusement serrer la main de Gigi avant de lui chuchoter quelque chose à l'oreille. Une chose que j'aimerais tellement entendre vu la gêne provoquée par ses paroles.
Le photographe salue le reste de l'équipe et ne manque pas de s'attarder sur Johanna. Je pense lui laisser moins de deux heures pour la charmer totalement et finir la journée dans sa chambre vu la rapidité avec laquelle Andréa drague.
Anushka Lakshmi se présente enfin officiellement en rejoignant les bras de son mari qu'elle embrasse avec une passion faisant naitre une pointe de jalousie injustifiée en moi. Elle nous parle du travail d'Andréa qui la prenait déjà en photo quand il a débuté dans le milieu et qu'elle adore pour son œil artistique.
Nous passons le reste de la matinée à visiter la villa sans fin, s'extasiant sur la beauté de chaque mètre carré, puis nous faisons une pause déjeuner avec un repas indien de grand standing préparé par la cuisinière du couple.
J'ai du mal à retenir mon corps m'implorant une sieste digestive et ça malgré le travail conséquent devant nous. Pendant que l'équipe installe le matériel, s'entretien par visioconférence avec le réalisateur et se régalent des anecdotes croustillantes d'Aamir, je cours partout.
Mon ordinateur portable dans une main, mon smartphone dans l'autre, je transmets notre rétroplanning au chef de la sécurité de la villa mais également aux employés pour les prévenir et éviter qu'ils ne débarquent dans champ de la caméra en plein tournage.
Je fais signer de la paperasse administrative, m'installe un « bureau de prod » temporaire dans une des pièces libres de la villa et me renseigne sur l'endroit adéquat où installer une table de régie pour le lendemain. Bref, la journée file à toute allure et je profite du trajet du retour en camionnette pour piquer un court somme.
Mais alors que je voulais m'écrouler sur mon lit et ne jamais me réveiller, j'entends toquer à ma porte avant l'heure du diner, que je comptais également zapper.
— Gigi ? m'étonné-je en le dévisageant. Tu ne devais pas manger avec Johanna ?
— Elle veut passer la soirée à préparer son interview et les autres sont déjà partis au restaurant de l'hôtel. Andréa repart demain et il voulait qu'on aille manger un bout tous les trois en ville, ça te dit ?
— On ne peut rien refuser à Andréa Simon ! Laisse-moi dix minutes et je suis prête.
Je laisse entrer Gigi dans ma chambre, plus par habitude qu'autre chose, et fouille dans ma valise pour sortir des habits décontractés et légers avant de filer dans la salle de bain. Après une très rapide douche mais décontractante, je commence à me maquiller mais ouvre la porte pour pouvoir discuter avec Gigi.
— Je suis désolé, Léo.
— Pour ? m'étonné-je.
— Tu dois m'en vouloir de ne pas t'avoir dit que je connaissais Aamir. Et pour Andréa aussi. Je pensais qu'il était encore en Italie et j'ai appris le matin même qu'il était chez Aamir.
— Tu penses que je t'en veux ?
— T'as toujours mis un point d'honneur sur la sincérité entre nous. Je me rappelle d'une fois où je t'avais menti pour partir fumer des joints avec Andréa et tu m'avais salement engueulé pour ça, pire que ma mère. Même pas pour les joints en plus, ça tu t'en foutais.
— Tu sais, je ne t'en veux que très rarement. Quand tu fais une grosse connerie, que tu te comportes très mal avec une fille ou...
Que tu me foutes un râteau tellement violent que ça brise mon cœur.
Je ne termine pas ma phrase et attache négligemment mes boucles brunes avec une pince avant de me tourner vers Gigi et de lui demander silencieusement son avis sur ma tenue et mon maquillage.
Il me détaille de mes chaussures à talon noires à ma robe décolletée bleu marine avant de me sourire d'une étrange façon et de déclarer :
— Moi je t'en veux.
— Hein ? Pourquoi ?
— Parce que j'aurais voulu que tu me sautes dans les bras après des années de séparation, comme ce que tu as fait avec Andréa.
— Gigi...
— Ça me saoule, c'est tout. Je suis obligé de t'appeler par ton nom, de faire comme si tu étais une collègue lambda alors que tu es ma meilleure amie, Léo. Parfois, je me demande si tu aurais repris contact avec moi si je n'avais pas postulé dans ta boite.
J'ai envie de le serrer dans mes bras, de lui dire que ce sont des efforts nécessaires pour que mon cœur l'oublie... Des efforts visiblement inutiles. Ça m'a presque fait rougir qu'il soit jaloux d'Andréa mais dans mes fantasmes, ça résonnait comme de l'amour et pas juste de l'amitié.
Johanna m'avait convaincu mais maintenant je ne sais plus. Est-ce que je dois me battre ?
Je m'apprête à détourner la conversation lorsque la sonnerie de mon téléphone pro me sauve. J'entends le soupire de Gigi alors que je décroche et commence à faire un débrief de la journée à mon boss.
« Tu m'envoies un message si tu te décides à venir, Léo. » déclare mon ami en me faisant un bref salut et en quittant ma chambre d'hôtel.
L'appel s'éternise et m'oblige à commander un sandwich en room-service, ratant un moment surement très agréable à écouter les dernières folles aventures d'Andréa Simon. J'envoie mes derniers mails de la soirée et décide de décompresser en descendant au bar comme la veille.
Cette fois-ci, je me prends un bol de nachos et un Blue Lagoon tout en soupirant chaque minute lorsqu'une voix familière m'interpelle.
« Andréa ? Qu'est-ce que tu fais là ? » dis-je en observant sa démarche trop contrôlée pour qu'il soit totalement sobre. Il passe une main dans ses cheveux pour se donner un air sexy et appuie son coude sur le bar avant de me faire un clin d'œil. Geste provoquant un coup de coude dans son ventre de ma part.
— Je viens de ramener le p'tit George à sa chambre. J'étais déçue que tu ne viennes pas mais il m'a dit que tu avais encore du travail.
— Désolé... On pourra prendre le petit déjeuner ensemble ?
—Disons que... J'ai des plans pour la nuit qui m'empêche d'être disponible pour toi demain matin.
—Hum hum je vois. Et ce plan il s'appelle comment ?
—Johanna Coudrey.
— Pfff... Tellement évident ! Vous êtes vraiment un charmeur monsieur Simon parce que détourner Johanna de son objectif pour une nuit, c'est fort.
— Ouais j'ai vu comment elle dévorait George des yeux. Comme presque toutes les femmes d'ailleurs. Ça doit être énervant pour toi d'assister à ça.
J'ignore la remarque d'Andréa et bois d'une traite mon verre. Il en commande un nouveau pour moi mais également pour lui avant de me piquer un nacho tout en souriant.
—Ça me rappelle un truc... Tu sais qu'un jour pour faire rire une fille, j'ai mangé un nacho tout en buvant un mojito ? J'en avais plein partout et ma peau était collante mais son rire était si beau à entendre.
— Oua la chanceuse. Tu t'es fait contaminer par Gigi ou quoi ? C'est exactement un truc qu'il pourrait faire.
—Sauf qu'il finirait rouge comme une tomate tellement il serait gêné ! Il faudrait que je te présente cette fille un jour... Je ne croyais pas en l'amitié profonde entre une fille et un garçon avant de la rencontrer et je peux affirmer avoir une meilleure amie maintenant.
—Donc tu ne croyais pas en mon amitié avec Gigi ?
Le rire soudain d'Andréa me vexe et je suis obligée de faire une moue boudeuse pour le forcer à s'arrêter. Je sais très bien ce que cette hilarité veut dire. Lui et moi, nous n'en avons jamais clairement parlé ensemble mais tous ces sous-entendus entre nous me confirment sa pensée.
— Léonore, ta relation avec Gigi est une sorte de délire masochiste. T'aimes te faire souffrir en le voyant sortir avec d'autres filles et inconsciemment, il aime que tu en sois spectatrice. Je suis sûre que tu jubiles quand il rejette toutes ces filles lui courant après mais dès qu'il est sérieusement en couple avec l'une d'elles, tu déprimes pendant des jours.
—Je déteste quand tu cernes aussi bien les gens... Foutue Simon. Est-ce qu'on va vraiment avoir cette conversation ?
—Ici et maintenant.
Andréa étire ses bras avant de boire une nouvelle gorgée alcoolisée et de me fixer avec intensité. Cherchant à décrypter mes pensées et mes sentiments.
Alors je décide de faire le premier pas et de tout avouer. Mon amour à sens unique depuis vingt ans malgré les innombrables baffes, ma déclaration bourrée, ma fuite, nos retrouvailles malaisantes après des années de silence et enfin mon comportement actuel vis-à-vis de notre relation au boulot.
Andréa écoute attentivement, opinant à certains moments et ne se moquant même pas de certains passages de ma vie amoureuse honteuse. Ce que j'ai toujours aimé avec lui, c'est qu'il est capable d'une grande écoute lorsqu'on lui expose nos problèmes.
— Est-ce que vous avez reparlé de tes sentiments ?
—Tu es fou. Je n'ai pas envie de me prendre un autre râteau.
— Il tient énormément à toi. Ça le fait chier que tu ne le considères que comme un collègue après toute votre histoire.
— Et moi j'en ai marre de souffrir alors j'ai pris une décision avant de venir ici : soit je me bats une dernière fois, soit je laisse définitivement tomber. Franchement... Je suis pour l'instant en train de pencher vers l'abandon. Je pense qu'en rentrant je vais faire une petite pause dans le travail et me consacrer à ma vie sociale. M'inscrire sur un site de rencontre, tout ça...
Andréa est étrangement silencieux et agite ses doigts sur le bar en fixant son verre avant de soupirer et de me faire un aveu qui semble lui peser depuis un certain temps.
— Tu te souviens de ton mec ? Bertrand ?
— Bernard.
— T'as vraiment des goûts de chiotte en termes de prénom de mec.
—C'est « Andréa Simon » qui me dit ça ? L'hôpital qui se fout de la charité... Mais ouais, pourquoi ? C'est mon frère qui t'en parlé ?
—Ben ouais. Et on est allé lui rendre une petite visite.
Je déglutis, pas sûre de comprendre. Bernard était un mec « bien » au début de notre relation mais m'a un peu forcé à sauter le pas au niveau du sexe et au fil des semaines, je me sentais de moins en moins à l'aise avec mon corps et avec lui.
Je l'ai quitté après ma deuxième année d'études sauf qu'il a complètement pété un câble. Il me stalkait sur les réseaux sociaux, s'arrangeait pour aller aux mêmes endroits que moi et me suivait parfois jusqu'à chez moi. Un jour, il a croisé la route de mon frère et j'ai dû tout raconter à ce dernier. Il m'avait dit « Ok, on s'en occupe ».
Je me doutais qu'il en avait parlé à Andréa mais je n'ai jamais posé de question et du jour au lendemain, Bernard a disparu de ma vie. J'ai donc déduit qu'ils l'avaient menacé.
— Au départ on voulait juste lui faire peur mais... Disons qu'on lui a un peu pété la gueule et saccager son appartement.
— Putain Andréa ! m'exclamé-je.
— Ce n'est pas moi qui avais le sang chaud, c'était George !
— Attends... Quoi ? Gigi était avec vous ? Il était au courant ? Mais comment ? Il n'était pas dans le nord pour ses études à ce moment-là ?
— Je lui en ai parlé parce que c'était assez grave pour lui en parler et... ben le sang chaud quoi ! Il a pris le premier train, nous a rejoints et a effacé toute trace de toi dans l'appartement de ce mec. C'était glauque Léonore ! Tu savais que le type avait gardé une de tes culottes ?!
— Oh bordel, c'est dégueulasse. Je me sens sale maintenant.
— George lui a pété la gueule quand il a vu... Enfin...
— Andréa, tu es lancé alors avoue tout.
— Ce détraqué avait des photos de toi endormie et totalement nue accrochées à côté de son ordinateur. Je n'avais jamais George aussi en colère de ma vie. Si on ne l'avait pas arrêté avec ton frère, ce type serait mort.
Je ne dis rien, digérant l'information et tentant de réprimer les frissons de dégoût me parcourant. Je ne pensais pas que son obsession était allée jusque-là et je me sens soudain vulnérable.
Les bras d'Andréa m'enlacent tendrement, calmant petit à petit mes émotions. Je termine mon verre et enchaine avec un autre sans dire un mot de plus, réfléchissant à cet aveu lorsqu'il reprend la parole :
— Ce que je voulais dire avec cette histoire c'est que malgré votre silence pendant des années, George n'a pas hésité une seconde à agir. Même si c'est un grand romantique, jamais il ne serait allé aussi loin pour une autre fille.
—C'est parce qu'il cherche encore sa « femme parfaite ». Sa vision de la femme idéale qu'il nous rabâche depuis des années... Quand il l'aura trouvé, il pourra donner sa vie pour elle.
—Ce genre de femme n'existe que dans ses fantasmes. Avec toi, il est « vrai ». Il n'a pas besoin de faire d'une relation un film à l'eau de rose.
— Pourquoi tu me dis tout ça Andréa ? Ce n'est pas moi que tu dois convaincre, je prêche déjà pour l'église « George Cartier » depuis des lustres. C'est lui qui doit ouvrir les yeux et se rendre compte que j'existe autant en tant qu'amie que potentielle petite copine.
Andréa me donne un coup de poing dans l'épaule en souriant, me rassurant à sa façon sur ma vie amoureuse. Nous savons que Gigi n'ouvrira jamais les yeux sur moi et que rester éternellement son amie est la seule chose que je peux avoir.
C'est sur ce constat amer pour moi que je me sépare d'Andréa ayant tout fait pour me consoler sur ma situation. Nous nous promettons de nous recroiser demain matin avant son départ et après une dernière blague me remontant le moral, il me quitte pour rejoindre la chambre de Johanna.
Me laissant gamberger sur les actes passés de Gigi et prenant enfin une décision : laisser couler et abandonner une bonne fois pour toute.
🌹🌹🌹
https://youtu.be/yRsRSfEY5M0
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top