3🌹Summertime
« Tu amènes le soleil avec toi, Léonore. »
Je ne peux m'empêcher de rire alors que Sergio me fait le baise-main avec une révérence très exagérée, concentrant l'attention de tous les clients présents dans le hall de l'hôtel.
Ses cheveux châtain clair sont rasés de près et sa barbe bien taillée alors qu'il détonne dans le cadre méditerranéen avec son espèce de pantalon baggy et son t-shirt de groupe de métal.
Physiquement et même dans le style, il me rappelle mon premier et unique copain.
Un gars nommé Bernard.
... Il se trouve que j'ai des goûts très étranges concernant les hommes avec des prénoms faisant « plus de quarante ans ».
Bernard était un mec gentil et à qui j'ai raconté toute mon histoire d'amour à sens unique un soir où j'étais bourrée. Ce fourbe en a profité en se servant de sa sympathie pour m'embrasser et faire de moi sa copine.
J'avais été un peu piégé mais la relation était agréable... Jusqu'à ce que ça aille trop loin.
— Alors on peut y aller ? me demande Sergio en me sortant de mes souvenirs. J'ai chargé le matos dans la camionnette.
— Tu as bien fait attention ? C'est du matériel de location et je n'ai pas envie qu'on perde notre caution.
— T'inquiètes paupiette, vu le prix des engins je compte bien en prendre soin. Et il n'est pas avec toi « Cartier le BG » ? J'ai grave envie de lui montrer ces merveilles.
Je pointe mon pouce en arrière dès que j'entends la voix de Johanna alors qu'elle semble toujours coller à Gigi. À cause de ma réponse dans le train, elle a décidé de tout donner pendant cette semaine de tournage et de ne pas le laisser avec moi une seule minute.
En lui disant que je l'aimais depuis l'âge de 10 ans, elle a compris que nous étions amis d'enfances et donc naturellement proches. Pour rattraper son retard, elle fait tout pour en savoir un peu plus sur Gigi qui lui, se laisse faire.
Parce que monsieur n'est pas aveugle quand une fille le drague mais il a toujours adoré ça même s'il affirme qu'elle le colle trop. Ces faux espoirs qu'il donne sont la preuve qu'il peut être un homme romantique mais aussi sadique.
Je présente l'assistante du réalisateur ainsi que celui de Gigi à Sergio avant de dire à tout le monde de grimper dans la camionnette. Johanna regarde avec dédain l'engin conduit par l'ingénieur son mais accepte lorsque c'est Gigi lui-même qui lui presse le pas pour aller faire des repérages de la ville.
Je m'assois à côté du conducteur pour lui indiquer les lieux vus en amont lors de la préparation des plans d'introduction à l'épisode mais malheureusement et même si j'apprécie Sergio, sa conduite laisse à désirer.
Obligée de me taire pour me concentrer sur la route, ce dernier tourne abruptement à chaque changement de direction, ce qui me donne envie de vomir.
— Eh Sergio ! l'interpelle soudain Gigi assis juste derrière nous. Sois plus doux quand tu tournes. Et ralenti aussi.
— Quoi ? Tu veux prendre des plans avant le coucher du soleil ou pas ? T'inquiètes pour le matos, il est bien protégé.
— C'est pour Lé-.. Bertier que je m'inquiète. Tu es en train de réveiller sa cinétose.
— Sa quoi ? Une envie de cinéma ?
— « Cinétose », ça veut dire « mal des transports » et elle a vraiment du mal en voiture donc vas-y doucement.
— Ah merde, fallait me dire Léonore ! Merci Cartier !
Je réussis à tourner légèrement la tête vers arrière pour remercier Gigi d'un clin d'œil mais celui-ci enfonce son index dans ma joue pour que je me retourne et me concentre sur la route afin de ne pas vomir.
Ce geste me fait sourire et même si ce n'est que de l'amitié, ça me fait plaisir qu'il s'en inquiète.
Bien sûr ça n'échappe pas à Johanna qui passe le reste du trajet mais également de la fin d'après-midi contre lui. Nous visitons plusieurs points d'intérêt jusqu'au coucher du soleil et cela permet à Gigi et son assistant de prendre quelques plans de la ville, de ses hauteurs et de la plage au loin.
Même si ce sont eux qui font le plus gros du travail, j'ai pour rôle de diriger toute la production étape par étape pour que l'organisation de la charge et du temps soit optimale.
Sur le chemin du retour, je discute longtemps avec Clémence qui est tout excitée pour le lendemain jusqu'à ce qu'Ahmed, un gars un peu plus jeune que Gigi, l'invite à prendre un verre pour ce soir.
Ne comprenant pas qu'il s'agit d'une invitation claire pour un « rencard », Sergio propose à tout le monde d'aller dans un bar dont il est habitué pour fêter le début du tournage. Malgré l'entrain du reste de l'équipe et ma jalousie lorsque je vois Johanna se délecter de ma réponse, je refuse l'invitation.
Je bosse dans ma chambre sur les choses à préparer pour le tournage mais également d'autres projets à venir et ça jusqu'à tard quitte à ce que mes yeux me piquent à cause de la fatigue. Ayant bien avancé sur ce que je voulais, je décide de descendre au bar de l'hôtel pour me prendre un « verre dodo » qui m'aidera à immédiatement me coucher après être remontée dans ma chambre.
Mes doigts glissent sur mon verre de mojito et je me surprends à imaginer Gigi me rejoindre et discuter avec moi. Je ne pense pas qu'ils soient rentrés du bar mais j'aime me faire des films de fille romantique.
Le voir arriver dans le hall, que nos regards se croisent et qu'il vienne me rejoindre. Faisant une blague sur mon choix de boisson puis discutant quelques instants du boulot avant qu'il ne m'avoue qu'il est tombé amoureux de moi et que la vie sans sa meilleure amie n'a pas de saveur...
Je prends une grande gorgée pour faire taire mon esprit bien trop imaginatif et berné par les scénarii de film à l'eau de rose.
Gigi ne viendra pas et même s'il passe le hall, il ne me verra pas. Même s'il me retrouve au bar, jamais il n'avouera son amour parce qu'il ne ressent qu'une profonde amitié pour moi. Je le sais parce que j'ai déjà vu comment il était quand il est amoureux d'une fille.
Et c'est en terminant mon verre que je brise ce fantasme alors que je remonte seule jusqu'à ma chambre pour passer une courte nuit et me réveiller aux aurores.
Je retrouve l'assistante réal le lendemain matin au petit-déjeuner pour parler de la journée autour de bols de muesli et de jus de fruits pressé lorsque Gigi et Ahmed nous rejoignent en bâillant. L'alternant salut timidement Clémence à côté de moi qui se concentre sur son bol et je devine qu'hier soir, il y a dû avoir quelque chose de gênant entre eux.
Nous parlons tous ensemble de la journée avant de retrouver Johanna, ayant pris son petit-déjeuner en ville, devant la camionnette de Sergio. Ce dernier nous amène jusqu'au lieu de tournage dans les hauteurs de la ville méditerranéenne où de somptueuses villas cachées derrière d'immenses portails nous rendent curieux d'en voir plus.
Mais c'est lorsque nous arrivons au sommet face à l'immense grille couleur or que nous restons bouche bée et ça, malgré avoir déjà vu des photos de la demeure. Le portail s'ouvre tout seul devant nous, permettant à Sergio de rouler sur l'allée en pierres blanches dont je distingue des motifs fleuris bleus. Tout autour de nous, une pelouse parfaitement entretenue, mais surtout de nombreux arbres tropicaux nous faisait complètement oublier que nous sommes dans le sud de la France.
Après être passée par une entrée contrôlée par un vigile, la camionnette se gare sur le mini-parking devant la façade de l'immense villa dans le style luxueux contemporain et méditerranéen. Il y a de nombreuses grandes arches aux couleurs de la façade immaculée mais parfois sublimée par des pierres peintes d'un bleu rappelant les toits des maisons de Santorin.
Un toit en tuiles brunes, de grande fenêtre en arc de cercle et du lierre grimpant mais taillé parfaitement pour donner une image romantique du lieu, accentué par la fontaine en pierre à plusieurs jets face à l'entrée et en forme de divinité hindoue.
Nous sortons de la voiture et sommes accueillis par Aamir Lakshmi, le propriétaire de la maison et « accessoirement » une des plus grandes fortunes indiennes vivant en Europe.
« Bienvenue dans la maison de l'amour ! » s'exclame-t-il dans un français fluide avec un léger accent. « Je suis heureux de vous accueillir dans ma demeure et j'espère que vous montrerez toute la beauté de ma maison au monde ! »
Aamir commence à serrer la main de toute l'équipe mais s'arrête devant Gigi pour le prendre dans ses bras. Nous sommes surpris par sa familiarité mais vu le regard que fait mon ami d'enfance, je suis sûre qu'ils se connaissent déjà.
— Ah George ! Ça fait longtemps ! Quand j'ai vu ton adresse mail dans les échanges avec ta boite, j'étais tellement content, tu ne peux pas savoir !
— Si je le sais, tu m'as laissé un message vocal de quinze minutes.
— Ahah ! Tu sais comment je suis ! Excusez mon effusion de tendresse mais je connais George Cartier depuis quelque temps et grâce à un stupide malentendu ! Je vous raconterais ça !
Aamir se tourne enfin vers moi pour me serrer la main et me permettre de me présenter en bonne et due forme :
— Bonjour monsieur Lakshmi, je suis Léonore Bertier. La chargée de production avec qui vous avez échangé par mail pendant tout ce mois.
— Tu peux me tutoyer, Léonore. On va tous se tutoyer d'ailleurs, à la cool ! Les amis de George sont mes amis et donc mes invités !
— Merci beaucoup, réponds-je en souriant. Est-ce que votre femme sera présente aujourd'hui ?
— Ma belle Anushka est en shooting photo dans la serre tropicale toute la journée mais vous aurez l'occasion de faire des plans avec elle demain. En attendant, je vous fais une grande visite de ma villa !
Nous suivons tous Aamir à la trace, Johanna en profitant pour déjà lui poser des questions et se mettre à l'aise avec l'ambiance du lieu et la personnalité de l'indien un poil excentrique.
Aamir Lakshmi est issue d'une grande famille de joaillier mais a fait sa fortune personnelle en investissant dans la production de film Bollywood. Un travail qui lui a fait rencontrer l'amour de sa vie, Anushka, une actrice dans le top des femmes les plus belles du monde et des actrices indiennes les mieux payés de ces dernières années.
Alors que nous déambulons dans de magnifiques couloirs où se succèdent de très belles représentations des divinités hindoues, Aamir nous avoue qu'à l'instant où il a rencontré sa femme, c'était un coup de foudre mutuel.
Il l'a demandé en mariage avant même de la fréquenter et la demande était tellement romantique qu'Anushka a cédé. Mariés depuis dix ans, ils s'aiment passionnément et apprennent chaque jour l'un de l'autre.
C'est lorsque nous traversons un immense salon très moderne avec de multiples canapés en cuir et une grande télévision qu'Aamir se décide à raconter son anecdote sur sa rencontre avec Gigi :
« J'avais fait venir mon équipe de tournage parce qu'un réalisateur avait besoin de filmer quelques scènes en France mais le cadreur nous a lâché au dernier moment. Un ami français qui était dans le coin pour les vacances m'a amené George et il a pu nous dépanner le temps qu'il faut. Quand on m'a dit qu'il s'appelait « Cartier », j'ai tout de suite pensé au joaillier et je n'ai pas arrêté de lui parler des liens entre nos familles, de lui payer à boire et de l'emmener aux meilleures soirées pendant ses vacances... Jusqu'à ce qu'à la fin il m'avoue qu'il n'avait aucun lien avec eux ! Qu'est-ce qu'on s'était marré de ce malentendu ! »
Tout le monde rigole en chœur avec Aamir mais un seul regard vers Gigi confirme mes pensées : il est gêné. Il sait qu'il aurait dû me parler de son amitié avec le riche producteur mais il devait craindre que ça se sache et qu'il ait été mis sur le coup par pistonnage.
Aamir nous entraine devant une gigantesque terrasse avec une grande piscine à débordement au carrelage blanc et avec vu sur la plage au loin. Mais alors que Johanne lui pose des questions sur le choix du style de piscine, j'entends une voix familière arriver vers nous depuis le jardin tropical.
Je découvre la femme d'Aamir, la magnifique Anushka Lakshmi, accompagné d'un homme de ma taille, cheveux bruns courts frisés avec accroché à son cou un appareil photo.
« Andréa ! » m'exclamé-je en le reconnaissant « Gigi, tu savais qu'Andréa était là et tu ne m'as rien dit ?! »
🌹🌹🌹
https://youtu.be/lnXLVTi_m_M
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top