Chapitre 2

Plus tôt, le même jour ...

Je n'aime pas particulièrement me mêler des affaires de Madeline Underwood, mais je suis un peu inquiet pour la famille Baker. C'est la troisième fois en un mois que je la conduis chez eux, ce qui est rare au vu de ses talents. Cela fait environ deux heures et demie que je l'attends, assis dans la voiture.Je ne rentre jamais avec elle, ce ne serait pas utile et encore moins prudent. Pour la énième fois, je sors fumer, appuyé contre l'aile avant de l'Escalade. J'entends encore la voix de ma mère : « Ces cochonneries finiront par te tuer ! » La pauvre... Si elle avait su.

Je me demande encore combien de temps je vais attendre avant d'aller frapper à la porte, quand finalement celle-ci s'ouvre : la vieille dame apparaît, l'air épuisée. Elle s'appuie encore plus sur sa canne que d'ordinaire. Je pousse un long soupir, jette mon mégot et me précipite pour l'aider à marcher.

- Merci Jack , me dit-elle avec un petit sourire. Mes vieilles jambes ont un peu de mal à me porter aujourd'hui...

Derrière elle se tient Mr Baker : ses traits sont tirés, il a vraiment l'air à bout de nerfs. J'en serais presque désolé pour lui.

- Merci Mme Underwood. Je ne sais pas ce qu'on deviendrait sans vous...

- Je ne fais que mon travail Bob . Elle se tourne à nouveau vers moi. Allons-y Jack.

Je ne réponds pas et nous nous remettons à marcher vers la voiture. J'entraperçois tout de même du coin de l'œil le regard que me lance Mr Baker et auquel je commence à m'habituer. Lorsque j'accompagne GrandMa quelque part, les gens sont toujours assez méfiants à mon égard, et mon attitude distante ne doit pas pencher en ma faveur. A quoi bon faire semblant ? Je n'ai pas besoin de tisser de liens avec ces gens. Et c'est plus sûr comme ça. La solitude me va bien. Créer des liens amène forcément à des complications. Je pense que j'ai eu mon compte pour au moins deux vies entières.
Malheureusement pour moi, ma résistance va être bientôt mise à rude épreuve, comme GrandMa me l'annonce :

- Jack, je dois te dire quelque chose : mes petites filles vont venir me rendre visite. Elles doivent arriver aujourd'hui, demain au plus tard. Toutes les trois.

C'est un choc pour moi, même si je cherche vainement à le lui cacher. Je ne pourrais plus aller et venir aussi librement à la plantation, et je passerais beaucoup moins de temps avec GrandMa.

- Je tenais à te prévenir. Je ne l'ai pas fait plus tôt parce que je ne voulais pas que tu te tortures inutilement. Je sais que ça se passera bien.
- Encore un de vos tours ?
Elle me sourit dans le rétroviseur :
- Non, seulement ma confiance en toi.

Je suis touché par sa gentillesse, mais je ne peux m'empêcher de continuer à penser qu'il sera dangereux de me retrouver si près des filles... Et surtout si près de Lyra.

Nous continuons notre route en silence. C'est un des aspects de notre relation que j'apprécie. Nous pouvons rester ensemble sans avoir forcément besoin de nourrir une conversation, nous sommes à l'aise l'un avec l'autre même en silence. Une fois à destination, j'aide GrandMa à descendre de la voiture. Rapidement, Louis vient nous rejoindre pour prendre le relais. Même si je feins l'indifférence à longueur de journée, j'apprécie les moments avec le vieil homme, parce que je sais qu'il ne me juge pas... Enfin, moins que les autres. J'ai bien conscience d'avoir franchi une ligne invisible avec Lyra, mais je me rattrape tous les jours depuis bientôt trois ans. Trois ans que je suis revenu ici pour faire amende honorable après avoir touché le fond. Un battement de paupière pour lui et moi. Je pense qu'il remarque tout de même mes efforts et les apprécie à leur juste valeur.
Mais aujourd'hui je sais ce que veut me dire son regard. Quoi que je fasse, il ne me laissera pas approcher de sa protégée. Je mesure tout à coup à quel point le chemin parcouru est insignifiant à côté de ce qu'il me reste à accomplir pour être pardonné. Mais est-ce que je suis digne de ce pardon ?

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