Je me dis qu'il est temps que je téléphone à ma famille et quelques amis dont je me suis peu occupée depuis mon arrivée, me contentant de poster des messages, vagues comme toujours, sur les réseaux sociaux tels que « Bien arrivée » ou « Journées chargées, à bientôt ».
Une fois tout le monde en possession de mon numéro et de la fraîche nouvelle professionnelle, nous passons la soirée avec Max à parler des nouveaux changements que mes horaires vont impliquer au quotidien et mettre au point une nouvelle organisation de cohabitation.
Demain sera encore une longue journée, je ne demande pas mon reste, après une bonne douche je vais me coucher. J'ai du mal à m'endormir, Casanova s'est incrusté dans ma tête et refuse d'en sortir. Je nous imagine dans tous les contextes qui me viennent à l'esprit. A l'épicerie, dans la rue, chez moi, chez lui... Et je finis par m'endormir en tentant d'imaginer à quoi sa maison peut bien ressembler.

Quelques jours passent, Max et moi ne nous voyons pas beaucoup et je fais la connaissance de Rebecca, ma collègue. Un petit bout de femme d'un mètre soixante à la chevelure brune bouclée qui lui tombe en cascade jusqu'au bas du dos et un corps à tomber par terre. Hyper-énergique et dure à suivre, elle est géniale et rend nos services tellement distrayants, une personne qui m'apprend tout ce que j'ai besoin de savoir de cet endroit d'autant que Nathan a décidé de me faire signer à temps plein afin de lui permettre de gagner un maximum de temps sur ses projets annexes.
Ma vie devient de plus en plus facile et vraiment agréable, je me sens plus légère, ce changement de vie était plus qu'une bonne idée, une nécessité !

Aujourd'hui, je me sens particulièrement bien, pour un lundi je suis en forme. J'ai envie de refaire le monde. Je pars au travail avec un entrain sans précédent !
Lorsque je pousse la porte d entrée...
Il est là, toujours à la même place, il est de dos et pourtant, il a été la première chose que j'ai vu et j'ai su que c'était lui.
Comme s'il avait senti ma présence aussi, il se retourne sur moi.

Il y a dans son regard quelque chose d'intense, de sauvage, mêlé à de la curiosité et son sourire semble me défier dans un jeu que lui seul connaît.
Il faut que je bouge, que j'entre dans le bar et que je récupère la pleine maîtrise de moi-même. Tout en m'avançant j'ai la sensation de graviter autour de lui mais j'arrive néanmoins à quitter son regard hypnotique pour murmurer un bref
"salut, ça va ?" à Becca.

~ Moi ça va, toi en revanche tu as l'air d'avoir vu un mort. Tout se passe bien?
Tu vas pas me faire un malaise ? ~
~ Ça va aller, mauvaise nuit ~ je lui mens.
~ Je ne sais pas ce que tu as fait cette nuit mais ça ne te réussis pas. T'as l'air encore plus mal en point que moi la semaine passée quand j'ai dû reprendre le boulot !
Au fait, t'as vu le beau ténébreux au comptoir ? Je te présente Adriel.
C'est étonnant qu'il ne se soit pas pointé ces derniers jours, en général il vient très souvent, c'est un ami à Nathan. ~

L'espace d'un instant elle paraît pensive et poursuit :

~ En tout cas, si tu veux mon avis, fantasme dessus comme nous toutes mais accepte son indifférence comme un cadeau... Quand j'y pense, il est toujours seul ici, pourtant il a la réputation du pire des salauds. C'est assez paradoxal, tu ne trouves pas ?! ~

J'acquiesce faussement désintéressée et me mets au boulot.
Elle n'a donc rien remarqué quand je suis arrivée et tant mieux.
Cependant, de tout évidence, si je veux continuer à aller de l'avant dans cette ville, il va falloir que je l'évite.
Ma conscience me susurre que c'est pas gagné... Tu m'étonnes !
De temps à autre, j'ose un regard discret dans sa direction, il joue au billard qui se trouve dans la pénombre au fond du pub.
Tout chez lui respire la sensualité. Sa façon de se mouvoir tel un prédateur autour de la table, sa façon de se concentrer sur les boules avant de les frapper d'un coup sec...
Son jeu est normal et pourtant si ambiguë qu'au moment où nous tombons dans les yeux l'un de l'autre, toutes les répliques salaces me sembleraient fades à côté de cet échange.
Je ne sais depuis combien de temps je le fixe mais le «V» que forme ses sourcils m'indique que je suis prise en flagrant délit. Le verre que j'essuie m'échappe et le fracas me sort de cette espèce de transe.
Il éclate de rire puis le temps de ramasser les débris, il est face à moi.

~ Hé mer...~
~ Dis-moi, si je te commande un verre, est-ce que j'ai une chance de l'avoir avant que tu ne le fasses tomber ? ~

Petit c.. arrogant, il éclate de rire me laissant découvrir une fossette à damner un mort, mais ce n'est pas assez pour faire taire mon ego qui décide de prendre le dessus :

~ Pas sûr, tu devrais demander à Becca. Il y a sûrement moins de risque ~
~ Dommage ~ me lance-t-il avec un clin d'oeil avant de sortir.

Je reste plantée là à le regarder passer la porte, ahurie. Non mais il est sérieux là ?

~ Te préoccupe pas de lui, comme je t'ai prévenue, il n'y a que quand il ne dit rien qu'il est agréable. Ce gars est arrogant et prétentieux, il s'imagine que parce qu'il est riche et beau il peut se permettre n'importe quoi ~
~ Il travaille dans quoi ? ~
~ Oh il est dans l'immobilier. Il avait commencé à bosser dans une agence puis comme ça allait plutôt bien pour lui il s'est mis à son compte. Il est doué dans le domaine, c'est lui qui gère les plus gros bureaux et la plupart des quartiers chics du coin. Laisse tomber Elena, on vit pas dans le même monde, je ne sais même pas pourquoi il perd encore son temps à venir ici. ~

Le reste de la journée se passe sans embûches ni bris de verres, je redeviens maître de mon corps.
Lorsqu'on est prête à partir, Becca me propose une tequila :

~ À la santé de tous ceux qui oublient que aussi haut placé que l'on soit, on est jamais assis que sur son cul ! ~
~ Rien à ajouter ! ~

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