Un mois s'est écoulé depuis que je suis parti de chez elle comme un voleur.
Chaque soir avant de m'endormir, je me demande à quoi elle pense, ce qu'elle fait, si elle pense toujours à moi comme moi je pense à elle. J'en doute...
Même si elle a dû être en colère sur le coup, elle s'est sûrement rendue compte que c'est mieux comme ça, jamais je n'aurais été capable de lui offrir le bonheur et la tranquillité qu'elle mérite.

Certains soirs, cette idée me suffit à trouver le sommeil, satisfait de l'imaginer heureuse même si ça veut dire être loin d'elle.
D'autres comme ce soir, mon imagination s'aventure plus loin et ose se la représenter souriante et épanouie dans les bras d'un autre homme. La bile me monte instantanément à cette image et j'empoigne mon téléphone pour appeler Nath.
Les deux premières semaines "après elle" j'ai feint la fatigue, la grippe, le boulot pour justifier mon absence au Madely mais Nathan n'a pas été dupe et a débarqué un soir avec deux bouteilles et son air grave. Il a ouvert la discussion par un sérieux "il faut qu'on parle", au point où j'en étais, déjà à moitié bourré, il n'en a pas fallu davantage pour que je vide mon sac.
Sans moquerie ni sarcasme, il m'a écouté sans broncher, ce soir-là et tous ceux qui ont suivis.
Toujours reconnaissant qu'il ne me juge jamais et surtout, surtout, n'évoque aucune nouvelle ou détail sur Elena.
Ce soir quand il décroche, il y a quelque chose de différent dans sa voix et je dois attendre de l'avoir en face de moi pour cerner ce que c'est. Il est inquiet...
Pas de l'inquiétude genre petits aléas de la vie, non quelque chose d'important. Il ronge son frein pendant que j'essaie de lui tirer les vers du nez et finit par capituler.

∼ Mec, c'est à propos d'Elena... Ça ne va pas... Il y a un truc, je sais que je ne devrais pas t'en parler mais je ne sais pas quoi faire et c'est franchement pas rien, accroche-toi... ∼

Rien que l'évocation de son prénom me met dans tous mes états mais pas le temps pour ça.

∼ Que lui est-il arrivé ?
Qu'est ce qu'il se passe ?
Elle a démissionné?
Elle est repartie à Londres ?
Vas-y, dépêche-toi de déballer !! ∼

Il n'est pas du genre à faire dans le mélodrame alors je présage le pire, non, en fait je croyais présager le pire mais quand il répond par la négative mon esprit s'emballe sur d'autres possibilités beaucoup plus glauques, un tas mais pas celles qu'il va m'expliquer...

∼ Est-ce qu'elle t'a parlé d'un type qui s'appelle Sam ? ∼

Bordel de merde ! J'acquiesce silencieusement.
∼ Il est à Paris. J'ai cru qu'elle couvait une gastro ou un truc du genre car elle venait bosser de plus en plus fatiguée puis un soir ce mec s'est pointé au Madely. J'ai compris tout de suite qu'il y avait un problème à leur façon de se regarder mais elle n'a rien voulu me dire jusqu'à la fermeture où je l'ai trouvée en larmes aux vestiaires et elle m'a expliqué que c'est un malade, de Londres, qui la harcèle. ∼
∼ Si seulement il n'était que ça...
Ne le laisse plus jamais entrer ! ∼
∼ Tu crois que je suis con ? Evidemment qu'il ne mettra plus un pied chez moi ! Qu'est-ce qu'il a bien pu lui faire cet enculé ? ∼
∼ Imagine le pire et dis-toi que t'y es pas encore mon pote. Je vais retrouver ce fumier et lui ôter l'envie de l'approcher ! ∼

Je sens gonfler une veine d'énervement sur mon front tout en faisant les cent pas, poings et mâchoire serrés.

∼ À quoi ressemble cette ordure ? ∼
∼ C'est bon, j'ai pris une photo de lui discrètement pour la montrer à Rebecca mais toi tu commences par te calmer un peu avant que je te l'a montre. Tu vas finir par me faire flipper et c'est pas le moment de jouer au con ! ∼

Je continue à arpenter la pièce de part en part. Tout se bouscule dans ma tête, je n'aurais jamais dû partir et comment revenir vers elle maintenant ?

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