Passenger - Let her go

Assise en face de moi, ses yeux lancent des éclairs tandis qu'elle mâche lentement un morceau de bacon. Putain, comment lui dire ce que je sais ? Par où commencer ?
Tant pis, je ne peux plus reculer...
"Maxine m'a contacté par E-mail un peu avant ton retour.
Je crois qu'elle a voulu bien faire pour toi.. Dedans, elle m'explique un peu ta vie à Londres... Avec LUI...
∼ Montre-moi cet E-Mail.  ∼
Comme je ne réagis pas tout de suite, elle joint le geste à la parole en tendant la main vers moi pour que je lui remette mon téléphone. Confus et résigné devant la douleur et la honte qui remplissent ses yeux, je le lui tends, ouvert sur le courriel.
À  mesure qu'elle le parcours, elle se raidit considérablement et se met à trembler lors de certains passages. Lorsque ses larmes commencent à perler sur ses joues, c'en est trop pour moi. Je la rejoins et l'assieds sur mes jambes en une fraction de seconde. Blottie contre moi, elle me semble bien frêle en cet instant, je me maudis d'avoir évoqué le sujet de façon aussi directe. Je ne supporte pas de la voir pleurer et me dire que c'est de ma faute, me conforte dans l'idée que je ne suis pas bon pour elle.
Certe ce n'est pas moi qui lui ai infligé tout ce qu'elle a vécu mais elle essayait de tourner la page et à cause de moi la voilà une fois de plus malheureuse. Max a raison, je dois sortir de sa vie...
Je sursaute quand d'un bond, elle se lève et se précipite à la salle de bain. Je l'y trouve les bras étendus sur la lunette des wc, la tête au centre. Impuissant, je ne peux que retenir ses cheveux en arrière pendant qu'elle rend le peu qu'elle a mangé. Je reste là, à lui caresser le dos jusqu'au dernier vestige et quand je suis certain que c'est fini, je lui prépare des serviettes humides et fraîches que j'applique tendrement sur sa nuque et son front.

Elle est si faible qu'elle ne proteste même pas quand je la porte jusqu'à son lit.
Quand ses grands yeux livides plongent dans les miens, elle me demande :
∼ Pourquoi es-tu resté près de moi ?  ∼
Une petite voix intérieure et inconnue lui hurle :
" Parce que je t'aime !!! "
Mais ma bouche n'est pas d'accord et se contente de lui répondre qu'on en parlera plus tard.
Elle sombre à nouveau sauf que cette fois, son sommeil est très agité.
De pire en pire, je pose la main sur son bras pour la réveiller, au même moment, elle crie un "NON" douloureux et se redresse dans le lit.
Tout son corps est en alerte, ses yeux remplis de panique...
Tout ça c'est de ma faute, je n'aurais jamais dû la replonger là-dedans...
Quel homme oserait dire qu'il aime une femme et lui ferait une pareille horreur ?
J'y pense autant pour moi que pour ce connard qui l'a maltraitée !
Elle s'excuse, prétextant le besoin de prendre une douche, je me sers de ce manque de proximité pour rassembler mon courage et lui griffonner un mot avant de sortir de sa chambre, et de sa vie...
Durant tout le trajet jusqu'à chez moi, je me demande ce que j'aurais pu faire d'autre. À
l'arrêt au feu, c'est mon volant qui morfle d'un coup de poing : "Enculé"
Elle est au plus bas et tu l'as laissée ! Jamais elle te le pardonnera !
À  l'heure qu'il est, elle doit avoir lu mon bout de papier posé sur l'oreiller :
"Je ne suis pas quelqu'un pour toi"
Comment a-t-elle réagi ? Dans quel état est-elle ? Je crève d'envie d'y retourner mais je ferais pire que mieux, encore.

"Je suis mauvais pour elle
Je ne la mérite pas
Elle sera plus heureuse sans moi"

Je me répète ces phrases inlassablement pour m'empêcher de l'appeler ou d'aller chez elle.

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