Lorsque je me réveille, ma tête est prête à exploser. Le souvenir de l'alcool me laisse un goût amer en bouche puis tout me revient en pleine figure. Elle dans ce bar, ses gloussements, ses yeux, la façon dont j'ai tenté de convaincre Nat de l'engager...
J'ai vraiment déconné sur ce coup.
Je passe de l'eau froide sur mon visage comme si elle avait le pouvoir de me faire tout oublier, en vain. Je décide donc d'aller courir et de toute évidence ça ne fonctionne pas mieux. Après ma douche, je consulte ma montre, il me reste 30 minutes avant mon premier rendez-vous donc je vais comme d'habitude boire un café au Madely. C'est Nat qui est de service, je vais devoir subir un discours quasi paternel sur mon état d'hier.
Lui et moi nous sommes connus à l'agence, on a bossé ensemble jusqu'au jour où il a eu l'idée absurde d'acheter un bar miteux.
Les travaux y ont été faramineux mais au final ça en a valu la peine, The Madely est une mine d'or. Malgré la compétition que le travail nous avait imposé, nous avons gardé une forme d'amitié et ainsi il fut aux premières loges de mon succès tout autant que de ma descente aux enfers.

L'architecture a toujours été une passion, pendant mes études j'avais choisi l'immobilier sans conviction et je fus le premier surpris de remarquer à quel point ce travail pouvait me plaire. La possibilité d'être mon propre patron n'y étant pas pour rien. Si j'avais d'abord visé l'architecture, mes beuveries et mes conneries de jeunesse m'avaient trop accaparées pour suivre les cours. En revanche dans une ville comme Paris, acheter et vendre des bâtiments quand on maîtrise autant le sujet ça aide. Voilà comment petit à petit, je suis parvenu à ne plus m'occuper que des acquéreurs fortunés.
J'ai vite découvert à quel point plus les clients sont riches et au plus ils deviennent pénibles. Rien n'est jamais assez bien pour eux. Trop cher, trop petit ou pas assez bien situé. Je pourrais encore offrir un duplex qu'ils se plaindraient de la couleur des murs !
Ça me bouffe de plus en plus au point d'envisager de payer des gens pour travailler à ma place...
Peut être un jour...
Quand j'aurai mieux à faire de mes journées...

Pendant plusieurs jours, mes rendez-vous pro s'enchaînent, j'arpente la ville de part en part pour des visites et je me surprends à vérifier de temps à autre si elle n'est pas parmi les passants à défaut de la croiser à nouveau au pub !

Aujourd'hui, je n'ai pas grand chose à faire, je flemmarde, je vais courir, je classe des papiers et lorsque je sors de chez moi, il est 14h30, direction The Madely.
Il y a un monde de fou et j'aurais presque pitié pour Nat qui doit tout gérer tout seul tant que son unique employée est malade, ceci dit, au plus il sera débordé et au plus vite j'aurai une chance de revoir Mademoiselle Elena.

~ Alors, encore victime de ton succès ? ~
~ Ne m'en parle pas, Becca est malade. J'ai dû appeler la fille de l'autre soir pour un essai, quoi qu'elle fasse aujourd'hui, ça m'aidera toujours plus que de terminer cette journée tout seul. ~
~ Ah oui, ça est, tu t'es enfin décidé à la rappeler ? ~
~ C'est à dire que je n'ai plus trop le choix, par contre ce que je ne comprends pas c'est pourquoi, toi, tu tiens tant à ce que je lui donne sa chance. Ce n'est sûrement pas uniquement dans mon intérêt et tu as tout l'embarras du choix auprès des femmes que tu fréquentes alors dis-moi, qu'est ce qu'elle a de différent pour capter ton attention? ~
~ Apparemment, elle vient de débarquer en ville. Pourquoi ne pas lui donner sa chance tout simplement ? ~
~ Parce que ton sens de l'hospitalité a toujours eu qu'un seul objectif mon pote. Si tu devais être connu pour ton altruisme plutôt que ta bite vagabonde, je serais déjà au courant ! D'ailleurs, en parlant du loup... ~

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