Lumière de ma vie.



Blottie sous une montagne de couvertures, la chevelure blonde détachée recouvrant un oreiller bien doux, je réfléchis avec intensité à la manière dont je vais pouvoir m'éclipser un moment du bureau.

Aujourd'hui, j'ai un rendez-vous galant.

C'est la première fois. Privée de toute relation amoureuse réelle, à cause de mon travail...Je secoue la tête... C'est une excuse... les hommes me pétrifient, m'intimident.

Je doute tellement de moi... Et donc des hommes. Mon intransigeance m'a conduite à l'isolement et à la quête du parfait, c'est-à-dire de l'impossible.

Devenue experte dans l'art de cacher qui je suis vraiment, je compte bien ne pas me laisser distraire par un homme. Et pourtant je vacille, prise soudain d'un vertige. Une petite voix me murmure :

_ Aujourd'hui, tu as un rendez-vous galant.

Il me plait, il est élégant, beau, charmeur, pour moi, il a toutes les qualités.

A ses côtés, je reprends vie. Il est un homme merveilleux, exceptionnel, je pense que lui seul me rendra heureuse. Mais comment lui dire, comment lui révéler qu'il a déversé sur mon cœur une cascade de tendresse, de bonheur. Qu'il m'a redonné espoir en la vie.

Grâce à lui, je crois à nouveau à l'amour, celui avec un grand A. Je suis presque certaine qu'il durera. Je l'attends depuis si longtemps.

Tous les matins, je le croise dans la grande entrée de la tour de verre teinté, d'acier et de béton, monolithe bleuté surplombant la verdure du quartier.

Nous empruntons le même ascenseur de verre qui nous amène à nos bureaux respectifs. Nous profitons ensemble de la vue sur l'immense patio laissé creux au cœur de la tour. Il s'approche de moi, je sens son odeur. Mes yeux se bloquent sur lui. Il est parfait. Ses propos dénotent une culture déconcertante. Et j'en reste toute perplexe.

La porte s'ouvre, il s'éloigne et je reste planté là à le regarder disparaître dans son service.

_ Une conversation a suffi à te désorienter ? Tu es amoureuse, ma petite Cleophée ! Remarqua Tura, en la fixant.

Je soupire et j'ouvre le gros dossier devant moi :

_ Non, c'est autre chose, oh, et puis, on en parlera plus tard, nous avons du travail sur la planche

La jolie rousse ne dit rien mais continue à l'étudier en douce. Il y avait un voile à lever, elle l'aurait parié.

Plus tard, dans la salle de réunion, j'observe l'homme discourir avec fougue et enthousiasme sur des nouvelles technologies expérimentales. J'aime sa façon de parler, ces cheveux bruns en bataille, ces yeux vifs pétillants, ce sourire aux lèvres.

Nos regards ne se sont pas quittés, face à face, d'un bout à l'autre de la longue table. Un tourbillon d'émotions colorées me bouleverse le corps, et l'esprit. Ma respiration s'accélère, mon cœur palpite et des papillons s'affolent dans mon ventre.

Je ressens ce mélange d'intense excitation et d'appréhension, mon cerveau s'emballe jusqu'à saturation. J'expose pour la énième fois mes doutes, mes peurs, mais également mes espérances, d'un geste de la main, je les gomme.

Il m'a glissé un petit billet dans ma main en passant, à la pause-café. A ce moment-là, le monde autour de moi semble s'effacer. J'enfouis ma tête dans mes mains un instant, comme pour chasser ce trouble visuel.

Je marche légère et heureuse. Un vent de chaleur s'engouffre dans mon cœur et je souris bêtement.

Depuis, je ne dors plus. L'aiguille de la pendule n'avance pas. Il est trop tôt pour se préparer, j'ai du temps devant moi. Avec un grand sourire, j'entame une omelette, l'assiette posée sur mes genoux, ma tasse en équilibre sur l'oreiller. Je suis heureuse et amoureuse.

Aujourd'hui, j'ai un rendez-vous galant.

Le téléphone se met à vibrer, je me jette sur l'appareil. C'est lui, non, c'est ma meilleure amie.

Quelle chance, la solution m'apparaît comme une évidence.

_ Peux-tu me remplacer au bureau, je vais devoir m'absenter ?

_ Bien sûr, tu as des soucis, tu es malade ?

_ Ne t'inquiète pas, tout va bien.

Soulagée, je dévore mon petit déjeuner en regardant la vue sur le parc depuis la fenêtre de ma chambre. Le tour est joué. Je peux avoir confiance, mon amie ne me trahira pas.

Il est 15h00, lorsque j'arrive chez lui, sur un petit nuage. Nous bavardons avec politesse en buvant le thé et en grignotant les petits gâteaux. Je me prends la tête pour lui répondre, réfléchissant à chaque mot.

Quelquefois, le silence se fait, il n'est pas pesant, il s'élève, nous entoure doucement. Le temps n'a plus d'importance.

Mon amour, ma vie, mon âme, j'ai mal à en crever, il n'y a que toi dans mon esprit, tu es l'homme de ma vie, c'est une évidence.

Nos mains se frôlent pour prendre un biscuit, je reçois une décharge émotionnelle qui remue tout mon être. J'ai à la fois peur et terriblement envie de me jeter dans ses bras et sur ses lèvres. Il fait vibrer chaque cellule qui me compose, trembler chaque nerf.

Il a cette merveilleuse douceur du regard, un pouvoir de séduction tel qu'il peut avoir n'importe quelle fille à ses pieds. Un long frisson me parcourt le dos, il est là, devant moi, j'immortalise à jamais ce moment.

En se levant pour contempler la vue, nous nous heurtons, un peu de thé éclabousse ma robe. Je ris, lui aussi.

Et puis, tout bascule, nous déconnectons. Pour ne laisser que nos corps s'exprimer. Nos bouches se rencontrent, nos mains se font pressantes, il m'étreint avec puissance.

Le lit est tout près, deux pas encore, les rideaux blancs tombent en vagues de velours, le tapis est moelleux.

Les vêtements nous encombrent, nous parvenons à nous en défaire, avec des gestes empressés, saccadés. Le désir est présent dans tous les recoins de la pièce, il est palpable. Dans ce lit, nous ne faisons plus qu'un, dans les bras l'un de l'autre, amoureusement entortillés.

Des étincelles de tendresse dans les yeux, il me caresse les cheveux et me murmure des « je t'aime».

Lumière de ma vie, je succombe à la flamme de ton amour.

Le reste, je ne peux que l'imaginer.

Je ne sais pas combien de temps, je suis restée assise sur ce banc, au musée de la Galaxie, devant cette toile de Fragonus.

Je me lève et continue ma visite.


par fibyecrit

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