Enfin !
Un sourire figé sur mon visage, mon regard semble perdu par la fenêtre du taxi, mais j'essaye juste de visualiser toutes les possibilités de cette soirée. Je laisse mon esprit divaguer.
D'habitude c'est moi qui invite, c'est moi qui prend les devants, c'est moi l'initiateur du premier rendez-vous ... j'ai la position de chasseur dans ma course à l'amour. Tristan, avec ce petit mot auquel mes doigts sont désespérément accrochés, m'a complètement déstabilisé. Cette fois, je suis cette petite proie, qu'il a observé de loin, analysé dans l'ombre, apprivoisé et pourtant je ne me sens ni faible ni à sa merci. C'est tout le contraire. J'ai l'impression qu'il m'a donné tous les pouvoirs avec simplement cette adresse notée sur un vulgaire bout de papier. Je trouve son audace touchante : aller dîner avec ma meilleure amie pour pouvoir se renseigner sur moi dans l'ombre, me plonge plusieurs années en arrière. Comme lorsque nous avions une quinzaine d'années et où nous envoyons nos copains quémander l'amour à notre place. Tristan m'a pris de court en me donnant ce pouvoir incroyable de décideur dans cette histoire.
Face à la porte du bar, je sens le trac prendre possession lentement, doucement de moi. Je passe mes doigts dans mes cheveux poivre et sel afin de dompter cette tignasse ou pour me donner un peu de courage, je ne sais plus. D'un geste mal assuré, je replace le col de ma veste et souffle un grand coup. Je pousse cette petite porte en bois et mon regard est irrémédiablement attiré par lui. Assis au bar, il a le regard perdu dans son verre, les épaules affaissées, le dos voûté et je peux voir qu'il se masse lentement la nuque. Je pense qu'il doit être tout aussi nerveux que moi alors que c'est lui qui me déstabilise.
Je m'approche tout en observant son visage éclairé par une faible lumière orangée. Il est beau. Ses mains qui caressent sa nuque m'hypnotisent. Je suis stressé, impatient, fébrile.
Ressaisis-toi, mon pauvre ! essayé-je de me motiver, mais je ne suis clairement pas dans mon rôle de chasseur cette fois.
Son regard croise le mien et s'y encre. C'est LE moment !
Le moment où éclate dans mon estomac cet essaim de papillons comme si l'étincelle qui venait de prendre vie dans son regard avait permis, enfin, à toutes ses chrysalides d'amour de se libérer.
La vie autour de nous devient floue jusqu'à disparaître complètement, nous isolant dans une bulle d'attraction pure. Son sourire qui est un assemblage de surprise et de soulagement ne fait qu'attiser les battements d'ailes des papillons et me donnent le frisson.
La distance entre nous se réduit lentement. Le temps semble suspendu nous laissant tout le loisir de profiter de ce tendre moment où les mots sont inutiles, où ce qui importe le plus ce sont tous nos sentiments qui se libèrent et se mélangent.
C'est la chaleur de sa voix qui me ramène un peu sur terre.
— J'espère que tu n'es pas venu par dépit, sa voix est hésitante et son sourire reflète sa nervosité.
— Non, par envie.
Son regard s'anime de satisfaction face à ma réponse et instantanément me remplit de bonheur. Il m'invite à m'asseoir et me demande ce que je veux boire.
Il commence par m'expliquer pourquoi il n'a pas osé m'aborder de lui-même. Je découvre un homme timide, sensible et charmeur sans le savoir.
Je me noie dans ses yeux tout en buvant ses paroles.
Pour la première fois, je partage une conversation, j'écoute, j'apprécie le moment présent en sa compagnie et j'ai envie de m'ouvrir à cet homme.
— J'espère que tu n'as pas trouvé ma démarche trop ... cavalière?
Ah, Tristan et son langage d'autrefois !
— Je suis forcé de t'avouer que c'est bien la première fois que je suis dans cette position, mais bizarrement je trouve ça agréable !
Son petit regard en coin et son sourire satisfait ne m'échappent pas même dans cette demi-pénombre.
— Tu es énigmatique Tristan, repris-je me surprenant moi-même de cet aveu.
— Ah bon et en quoi suis-je énigmatique ? le ton grave de sa voix me caresse.
Ses yeux profondément plongé dans les miens sondant mon âme me troublent et son verre qu'il porte à ses lèvres me donne des idées. Je déglutis avant de répondre sans vraiment réfléchir.
— J'ai toujours pensé que tu draguais Maxine et maintenant te voilà en face de moi. Je souris. Tu es si sûr de toi au travail et pourtant totalement inconscient de ton pouvoir d'attraction. Tu as l'audace de prendre l'initiative de ce rendez-vous et en même temps tu parais presque gêné, timide... et le meilleur c'est que tu me troubles complètement.
— Détrompe-toi Joshua... si tu savais que je me suis rapproché de ta meilleure amie parce que tu m'impressionnes. Il détourne le regard passant de nouveau sa main sur sa nuque. Combien de fois j'ai retourné cette soirée dans ma tête ? Combien de fois j'ai rêvé de t'aborder ? Plus je te découvre plus je tombe sous ton charme. Il fallait que je tente ma chance.
Son regard qui se perd un peu dans le vide me fait penser qu'il s'excuse presque. Pour le rassurer, je pose ma main sur sa cuisse qui ne cesse de tressauter attrapant son regard.
— Je suis très heureux que tu l'aies fait.
Son sourire illumine son visage et je peux apprécier cette sensation qui me remplit. Tristan, malgré lui, me pousse à lui dire ce que je ressens et naturellement je l'écoute.
Le barman vient nous signaler que la fermeture est imminente et c'est seulement à ce moment que nous nous rendons compte que nous avons passé des heures à parler. Alors, peu sûr de lui, il m'invite à prendre un dernier verre chez lui. Evidemment, j'accepte, mais cette fois, je n'ai aucune arrière-pensée. Je veux juste faire durer le temps que je passe avec cet homme qui fait chavirer mon cœur.
Tristan vient de réveiller cet amour inconditionnel qui dormait en moi. Cet amour qui nous donne envie de découvrir l'autre et nous même doucement. Cet amour qui écrase ce simple besoin primitif de satisfaire une pulsion sexuelle. Il est mon âme sœur et je compte bien prendre mon temps cette fois pour ne rien gâcher.
Au petit matin, je le quitte à regrets, non sans l'embrasser (quand même !) désirant laisser mon empreinte sur sa peau, voulant juste fouler ses lèvres une fois avant de le laisser.
Tristan vient d'attiser un feu qui sommeillait depuis trop longtemps. Plus je m'éloigne de lui plus une chaleur intense s'installe en moi : un mélange de frustration et de bonheur pur. Frustré car je dois le laisser et de bonheur car je vais le retrouver.
Je peux enfin le dire : je suis amoureux ... enfin.
par jeannebio
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