Chapitre 8 - New-York est si loin d'ici
CHANSON EN MÉDIA 🖤
Une légère odeur de vanille et de tabac me tire de mon sommeil.
La pipe.
Toujours vêtue de ma couverture, je me redresse sur la banquette arrière de cuir noir, vieilli par le temps, et j'aperçois Alex par la petite fenêtre de la voiture. Habillé d'un tee-shirt noir, il fait les 100 pas autour de la décapotable rouge, entouré d'un nuage de fumée.
Ses cheveux d'un brun profond un peu bouclés sont légèrement décoiffés et ses yeux teintés de vert émeraude regardent au loin le soleil faire doucement son apparition dans le ciel aux nuances diverses de rose, de bleu et d'ocre.
L'ensemble du spectacle est assez parfait.
Lorsqu'il me voit, il toque délicatement ses phalanges contre la vitre de verre trempé et me fait signe d'ouvrir la fenêtre. Je me penche en avant et je fais tourner la manivelle vers la gauche. La vitre s'abaisse à mesure que je tourne la poignée et finit par entrer entièrement dans la fente de la portière.
Je vous fais remarquer, au passage, la modernité de ce système.
- Bien dormi ?, me fait-il en passant la tête au travers de l'encadrement de la fenêtre.
- C'aurait été parfait si je n'avais pas eu un boulet dans ton genre pour ronfler sur le siège avant., je rétorque avec un sourire malicieux.
Il prend un air faussement offensé avant d'avouer.
- Quand j'étais petit, mes parents ont fait analyser mon sommeil et il s'est avéré que je suis un cas typique de ronfleur sonore. Je gagne à être connu, pas vrai ?
- Effectivement.
- Et où allons-nous aujourd'hui, capitaine ?
Je me penche vers mes genoux et attrape le cahier en liège que j'ai caché sous le siège passager à l'avant du véhicule.
En tournant les pages, je finis par tomber sur ce que je cherchais.
- New-York.
Son visage s'illumine.
- Attends... T'as vraiment dit New-York ? New-York comme la ville ?
J'éclate de rire.
- Oui... New-York comme la ville.
Il sort son gsm et commence à pianoter dessus. Après quelques secondes, il me tend l'appareil. De votre position, le temps de parcours en direction de New-York est de 9h35 minutes. Bonne Route !
- 9h35 nous séparent de la ville de nos rêves..., dit-il en souriant.
Je fais un rapide calcul. Cela signifie que nous avons déjà roulé 10 heures hier. 9h35... C'est si peu dans une vie.
- On y sera. Ca prendra le temps qu'il faudra et on y arrivera.
Nous commençons par aller prendre le petit-déjeuner dans un café de la ville. Après hésitation, nous nous décidons pour le Betty's café et nous installons à une table nappée d'un tissu à carreaux rouge et blanc. Lorsque nos plats arrivent, j'ai une angoisse. Le bacon grillé dégouline de graisse et les oeufs brouillés ont l'air plus que caloriques. J'en mange deux bouchées puis repousse mon assiette.
Putain de réflexes d'anorexique.
- Pas faim, Jane ?, s'enquiert Alex.
Comment te dire... ? Savez-vous combien d'amis j'ai perdu à cause la maladie ? Et combien de mecs j'ai fait fuir parce que j'avais peur de manger ?
Voila pourquoi je décide de contourner le sujet.
- Non. Ta tête me coupe l'appétit, figure-toi.
- Heille ! Ne victimise pas ton fidèle copilote !, proteste-t-il.
- Mon fidèle copilote ?! Ha. Ha. Ca fait juste 24 heures que tu as embarqué, je te signale. Heureusement que tu es fidèle !
Mon téléphone vibre dans ma poche gauche. Je le fais glisser dans ma main d'un geste du pouce. Maman. Je fais signe à mon "fidèle copilote" de m'attendre et je sors précipitamment du café de Betty. La chaleur de ce début du mois de juillet s'empare de moi et pénètre chaque pore de ma peau alors que je pousse sur le téléphone vert pour accepter la communication.
- Mam' ?
- Ma chériiiie !, s'exclame ma mère. Tu nous manques !
Euh. Calme. Ca fait juste 24 heures que je suis partie et je ne compte pas rentrer de sitôt.
- Vous aussi, maman. Vous me manquez fort tous les trois., je mens.
- C'est vrai ? Rentre plus tôt alors !
Oups.
- Maman... Tu sais très bien que Jenkins serait ultra déçue ! C'est elle qui m'envoie ici, je te rappelle !
La bonne excuse.
- Oui, tu as raison. Il n'empêche que la maison est vide sans toi ! Tu manges bien, j'espère ?
J'ai un moment d'hésitation en repensant à cette assiette de bacon que je n'ai pas réussi à avaler.
- Mmmmh... Oui, mam', stresse pas, tout se passe bien.
Je l'entends pousser un soupir de soulagement de l'autre coté du combiné. Ma mère est plutôt facile à duper si vous voyez ce que je veux dire. Si elle ne l'avait pas été, je n'aurai certainement pas fini à l'hôpital avec 35 kilos.
- Chou, je dois aller chez le dentiste avec ta soeur. On s'appelle demain ?
Je pousse un soupir.
- Oui, maman. Et après-demain aussi. Et même après-après-demain. Et...
BIIIIP. Je suis coupée dans mon discours par la tonalité. Je me suis fait raccrocher au nez par ma mère. Insultant. Vexée, je pousse la porte en verre et regagne la table que je partage avec Alex. En m'asseyant, je me rends compte que mon assiette est vide et que seules quelques traces de Ketchup restent et salissent le blanc immaculé de la vaisselle en porcelaine.
- OUPS. Tu comptais le manger ?, me demande Alex, embarrassé.
- Non, t'inquiete. Ca t'a plu ?
- OH que oui !
- C'est le principal., je murmure en souriant.
Il me regarde si profondément que j'ai cette impression qu'il lit en moi. Ses yeux transpercent les miens comme un éclair transperce le ciel noirci par les nuages lors d'un orage violent. Sans me quitter des yeux, il repose son verre de jus d'orange à coté de sa tasse de café ébréchée, puis pose ses bras sur la table et se penche doucement vers moi.
- Et, maintenant, si tu me disais la vérité ?
- Quoi ?, je demande, surprise.
- Pourquoi tu ne m'as pas embrassée hier soir alors que tu en meurs d'envie ?
Je me mords la lèvre tout en soutenant son regard. A vrai dire, ce gars me rend dingue.
- C'est un copilote que je cherche. Pas un coup d'un soir., je tranche violemment.
A ces mots, je dépose un billet de 20 dollars sur la table pour payer ce déjeuner auquel je n'ai pas touché, je pousse ma chaise vers l'arrière et je pars en courant.
De l'eau salée coule sous mes yeux. J'ai perdu un allié de taille, et je ne peux m'en vouloir qu'a moi-même.
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