Chapitre 16 - How I met your mother
{ La chanson est en média les amis ❤️}
PDV, Alex
L'odeur du café fumant me chatouille les narines et finit par me réveiller. Jane se tient devant moi, un gobelet à la main.
- Tu es une perle, je soupire en prenant mon café.
- Mon Dieu. Si ma grand mère me voyait, elle appellerait ça de la soumission. Pardon, mémé.
- Mémé te pardonne, je souris. Dis, le soleil se lève à peine. Quelle heure il est ?
- Si je te le disais, tu m'en voudrais à mort de te réveiller à cette heure-là, réplique Jane.
Je jette un coup d'oeil à sa Casio dorée. 5h48.
- Tu es pardonnée.
- Qu'est ce qui t'a fait changer d'avis ?
- Ce délicieux cappuccino.
- Il est si bon que ça ?, s'étonne-t-elle.
Je prends une gorgée de la mousse de lait immaculée qui recouvre le café.
- Non.
- C'est bien ce qu'il me semblait.
Un moment se passe sans que nous ne disions rien. C'est un joli matin. Certains matins sont plus jolis que d'autres, et leur beauté dépend de la personne avec qui vous le partagez. Le ciel est poudré de rose et se reflète sur la rosée fraîche et humide qui recouvre les brins d'herbe.Je regarde Jane siroter son chocolat chaud assise en tailleur face au lever du soleil. Oui, c'est un joli matin.
- C'est la meilleure heure de la journée..., murmure-t-elle.
- Carrément. Pourquoi tu m'as réveillé ?
- Pourquoi tu me demandes ça ?
- Tu vois ce que je veux dire... C'est le genre de moment qu'on aime vivre seul.
- Il y a eu des matins. Beaucoup de matins. Et il y en aura encore. Beaucoup. Ou pas, car le monde peut s'arrêter de tourner demain. Quoi qu'il en soit, je veux passer tous les matins de ma vie avec toi. Du premier au dernier. Qu'il en reste cinq ou dix-mille.
- Moi aussi, je souffle. Tous les matins de ma vie.
- Je vais me doucher, me prévient-elle.
- Je te suis.
***************************
Dire que l'air est doux ce matin serait carrément cliché. Il ne fait jamais chaud les matins d'été, du moins, pas à 6h28, et la nostalgie de la mi-juillet commence à se faire ressentir. Je ne peux pas imaginer la fin de ce périple. Je ne peux pas imaginer que lorsque la rentrée arrivera, Jane va se lever, se doucher, prendre son sac et aller à l'école. Pour moi, elle vaut bien plus que cela. Jane est une rêveuse idéaliste, pas une simple lycéenne, et les temps sont durs pour les gens comme elle. De nos jours, pour avoir des rêves, il faut se donner les moyens de les réaliser et seuls les plus solides d'entre nous, les plus optimistes, s'y accrochent. Les autres tentent juste de se persuader que la réalité vaut mieux que les rêves. De toute façon, avec un peu de chance, en affrontant les évènements, en affrontant la vie, elle finira par se rendre compte que le véritable rêve, c'est d'être encore capable de rêver. Et ce jour là, elle sera triste. Mais elle n'abandonnera pas.
- Alex ?
- Jane.
- On va où après ?, demande-t-elle.
- Tu me laisses le choix de la destination ? Je suis chanceux comme gars, quand même.
- C'est surtout parce que je suis assez peu inspirée.
Je réfléchis un instant, assis en indien sur le matelas pneumatique à l'odeur de caoutchouc intenable.
- On va en Indiana.
- En Indiana ?, répète-t-elle.
- En Indiana.
Elle fronce un sourcil, mais elle ne dit rien. Elle se penche dans son sac et fini par récupérer son petit cahier doré.
- Tiens, me dit-elle en pointant du doigt une carte routière. Il y a 977 miles entre notre camping et l'état d'Indiana. On pourra le faire en deux étapes, je pense. Tu es certain de vouloir aller là ?
- J'ai deux ou trois rêves de gosse à réaliser, moi aussi.
- Alors, c'est maintenant ou jamais, déclare-t-elle en refermant son bouquin.
- Donc, pour résumer, on traverse l'Etat jusqu'à l'autre côté de la côte, ensuite on longe la mer en passant par l'Etat de New York et la Pennsylvanie, arrivés dans l'Ohio, on bifurque vers Indiana et on y est, c'est ça ?
- Impressionnant. T'es pas un si mauvais copilote qu'on ne pourrait le croire.
- Venant de toi, je ne peux espérer un plus beau compliment.
Jane rit. Elle est si jolie lorsqu'elle rit. Enfin, elle est jolie tout court. Non, elle est belle.
Elle veut avancer vers la voiture, mais bute sur mon petit livre à la couverture bleu azur.
- Il faut ramener ça, aussi, dit-elle en le pointant du doigt.
- Je ne te permets pas. Ce livre, ce n'est pas « ça ». Il a une importance capitale, c'est clair ? C'est avec lui que je t'ai fait ma première déclaration d'amour. Et il était présent quand tu m'as embrassé pour la première fois, sous les étoiles et le ciel noir d'encre. Alors à chaque fois que tu verras ce livre...
-... Je penserai à toi, complète-t-elle. Et inversement.
- Et inversement.
Point de vue, Jane.
Ouvrir le toit de sa voiture, c'est un geste d'adulte. Un mélange de confiance en soi, de classe, et de satisfaction. Et lorsqu'il fait chaud, ce n'est pas négligeable. Le vent fait voler mes cheveux le long de mon visage comme dans ces vieux films en noir et blanc. C'est magique.
- Ici, tu dois aller à droite, me rappelle Alex.
Je m'exécute et nous nous garons devant la façade en brique.
- Je ne sais pas si je suis prêt à rendre le livre avec lequel j'ai fait ma première déclaration d'amour..., chouine-t-il.
- Alex... ce n'est qu'un livre ! Je t'en offrirai un si tu veux.
Il ouvre la porte et la cloche tinte derrière moi.
- Bonjour, les jeunes !, lance la bibliothécaire derrière son bureau. Vous n'étiez pas obligés de venir si tôt.
- On doit s'en aller, de toute façon, dit Alex.
- Vous partez déjà ? Où ?
- Dans l'Indiana..., je soupire. Il paraît que c'est une destination de rêve, d'après lui.
- C'en est une, je te le promets, réplique-t-il.
- Un petit croissant avant de partir ?, propose-y-elle en nous tendant un panier en bois.
Alex se jette dessus et en attrape deux.
- Non merci..., je bredouille.
Il me fait de grands yeux.
- Je n'ai pas faim, je prétexte.
- Sans problème, dit-elle en haussant les épaules.
Soudain, Alex devient livide. Il manque même de s'étouffer avec son croissant.
- Alex ? Tu vas bien ?, je demande en lui tapant dans le dos.
- Nous... devons partir, déclare-t-il froidement. Au revoir.
Il se précipite à la porte et s'affale dans la voiture. Je le rejoins.
- Tout va bien ?
Pas de réponse. Il regarde le va-et-vient des voitures sous la pluie devant la supérette du coin d'un œil distant, son croissant à la main.
- Alex ?
Il mord une bouchée.
- Merde, Alex, réponds.
Il pose ses yeux sur les miens. Je n'avais jamais remarqué, Alex Silfax a de jolis yeux couleurs chocolat, avec quelques nuances dorées.
J'ai l'impression d'être a des centaines de kilomètres de lui.
- C'est ma mère.
Une larme perle sur sa joue.
- Alex, ta mère est décédée le 11 septembre 2001. Ça fait 16 ans. Ce n'est pas elle.
Pourtant, au fond de moi, je sais que c'est elle.
- Je dois appeler mon père... Ton téléphone. Je peux l'avoir ?
- Je... je... il est déchargé. Voilà. C'est embêtant.
- Je ne connais pas le numéro de mon père, de toute façon.
Je sèche ses larmes du bout de mes doigts et met le contact.
- On va suivre notre plan de départ, ok ? On part en Indiana. On réalise ton mystérieux rêve de gosse. Le reste passera après. Rien n'est plus important que les rêves.
- D'accord.., murmure-t-il.
Quelques gouttes de pluies tombent sur le pare brise et les essuies glace s'activent. Notre deux chevaux démarre sous la pluie, éclairant de sa couleur rouge chaque endroit où elle passe, un peu comme le sourire d'Alex... sauf qu'il a disparu pour l'instant.
- Je suis sur que c'est elle...
- Comment ce serait possible ?! Et surtout... pourquoi ?
- Je n'en sais rien. Peut-être qu'elle voulait juste refaire sa vie. Qu'on ne lui plaisait plus.
- Ne dis pas ça..., je souffle.
- Tu sais, papa a pris une photo d'elle juste avant son départ. Elle est dans un album de famille...
- Et ?
- Et son regard, ce jour là... il était anormal. Anormalement triste. Il n'y avait rien de normal ce jour-là. La taille de sa valise était anormale pour un city-trip de trois jours. Ses adieux étaient anormalement longs et profonds. La dispute qu'elle a eu avec mon père était anormale. C'était juste... une drôle de journée.
- Sa dispute ?, je répète. Comment tu peux t'en rappeler ? Tu avais... 2 ans.
- 3, rectifie-t-il. On n'oublie pas ce genre de détails. On n'oublie pas les cris, le sol qui tremble, on n'oublie pas un regard déchiré. On n'oublie pas sa mère.
Une larme coule sur ma joue.
- Mon Dieu, tu es vraiment trop sensible, soupire Alex.
- Je sais.
Je dois m'arrêter sur le bord de la route pour laisser mes émotions remonter. Un flot de larme me traverse, et Alex passe un bras autour de mes épaules.
- Allez... Oublie ça.
- T'as raison, je souffle en reprenant peu à peu mon aplomb.
- Tu veux un mouchoir ?, propose-t-il.
- Non...
Je regarde un peu autour de moi en reprenant mon souffle quand j'aperçois un logo vert au loin.
- OH ! ALEX ! UN... UN STARBUCKS !!
- T'aimes pas le café et t'aimes le Starbucks ?
- Logique féminine, je réplique en haussant les épaules.
- Que du commercial..., soupire Alex.
- Les filles aiment le commercial, je te signale.
Je rallume le contact et nous roulons jusqu'a l'aire d'autoroute.
Chez Starbucks, il règne une odeur réconfortante de cannelle et de sucre. J'adore cet endroit.
- Tu bois un truc ?, me propose Alex.
- Monsieur s'abaisse à faire vivre le patron d'une firme aussi commerciale que Starbucks ?, je constate avec un sourire victorieux.
- Tant qu'on est là..., soupire-t-il.
- Une bouteille d'eau pétillante? s'il te plaît.
Il me regarde d'un air incrédule.
- Tu m'as traîné chez Starbucks pour une eau pétillante ?
- Logique féminine.
Il soupire et part faire la file, tandis que j'aperçois un combiné fixe dans le hall. Mon téléphone étant soi-disant « déchargé », je décide que c'est le bon moment pour appeler ma mère, même si il n'y a pas de bon moment pour appeler ma mère, dans le fond.
Je compose le numéro, et elle décroche après deux tonalités.
- Allo ?
- Maman ?
- Jane ! Pourquoi m'appelles-tu d'un numéro fixe dans le Maine ?
- Parce que c'est la qu'on est. Chez Starbucks, précisément. On se dirige tranquillement vers l'Indiana.
- « On » ? Vous êtes plusieurs ?
Merde.
- Euh.. oui. A ce propos... j'ai rencontré un charmant garçon. Pas un potentiel mari, juste un super pote, vous pouvez être rassurés.
- Je suis contente que tu ne sois pas seule, à vrai dire. Comment s'appelle-t-il ?
Je le regarde passer sa commande auprès de la serveuse, lui offrant son légendaire sourire.
- Alex. Enfin, Alexander, mais c'est trop bizarre de l'appeler comme ça. Il est super. Intelligent, drôle, tout ce qu'on peut attendre d'un gars.
- C'est très bien. Je peux te passer ta sœur ?
- Bien sur.
- JANIE ?
- Mon cœur ! Tu vas bien ?
- Ca va, Janie. Et Toi ? Tu manges bien ?
Je repense à mon quart de pizza avalé péniblement hier soir.
- On peut dire ça, oui.
- C'est bien parce que maman elle a dit que si tu mangeais pas, ben... ben tu irais en soins-étude et je veux pas que tu partes, moi.
Je n'en crois pas mes oreilles.
- Lonie, va dans le tiroir de la cuisine.
- Pourquoi ?
- Fais ce que je te demande, j'ordonne.
- D'accord. Il y a un papier.
- Qu'est ce qu'il est écrit ?
- Me... MENU. Pizza... na.. napoli... taine... 10 dollars. Pizza... qua.. treu... fro... ma... fromages... 14...
- Lonie, c'est le menu de Chez Gepetto.
- Oups. Ça donne faim.
- Il y a d'autres papiers ?
- Oui. Test... de... dé... dépistage... et... trai... traitement... des... problèmes... d'érre... d'érections... chez.. les hommes... mûrs ?
- Toujours pas. Change de papier.
- C'est quoi, une érection, Janie ?, demande ma sœur.
Je rougis un peu.
- C'est... de là que tu viens. Il est écrit quoi sur le troisième papier, Lonie ?
- Ad... Admission... en... soi... soins... études.
- Il y a un chiffre quelque part ?
- 500 dollars... l'année.
- Un autre ?
- La... patiente... doit.. avoir... un. un. un... IMC... inf... inférieur... à 15.
- Merci, chérie. Tu peux aller.
- Tu rentres bientôt, Janie ?
- Je ne sais pas. Tu me manques. Prends soin des parents, Lonie.
Je pose le combiné, et Alex vient me rejoindre.
- J'y crois pas..., je souffle.
- Quoi ?
- Mes parents veulent m'envoyer en soins-étude ! A l'internat !
- C'est peut-être une bonne solution pour te défaire une fois pour toutes de... ça.
- Je suis guérie, je proteste.
- Arrête, Jane. C'est faux. Tu le sais.
Je soupire et j'ouvre ma bouteille d'eau en silence. Alex mord un morceau de muffin aux myrtilles - il a la délicatesse de ne pas m'en proposer.
Je regarde par la fenêtre. Les voitures passent et se ressemblent. Nous nous ressemblons tous.
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