La soirée se poursuit, les commérages aussi. Toutes les messes basses concernent Sura, la choix de Mikey de la prendre pour avocate et les spéculations sur leur vraie relation.

Malgré l'envie de discrétion des invités, Sura ne peut s'empêcher de les entendre et de s'en irriter.

De quoi se mêlent ils ? Se demande t'elle. Sa relation avec Mikey ne regarde qu'eux. Elle se demande s'ils n'ont pas autre chose à faire.

Voyant son patron serrer plusieurs mains et se réjouir de futures collaborations, elle comprend vraiment les enjeux de cette soirée.

Mikey et elle sont une attraction. Un appât pour attirer le plus de monde possible à travailler avec ce cabinet d'avocat.

Elle se sent utilisée et s'en veut d'avoir écouter Mikey. Elle réfléchit à un moyen de renverser la vapeur. Hors de question de ne pas leur rendre la monnaie de leur pièce.

C'est lorsque son patron annonce que le temps de danser est arrivé, qu'elle le trouve malgré elle.

En effet, lorsqu'une musique douce retentit, elle voit le même homme que toute à l'heure s'avancer vers elle.

Elle doit se sortir de cette situation. Hors de question de danser avec lui. Alors, sans vraiment réfléchir, elle s'approche de Mikey et lui attrape le bras, baissant la tête.

- Hm ? Fait Mikey, un peu surpris.

- Danse avec moi. Répond t'elle, d'un ton calme.

Alors ça, il ne s'y attendait pas. Mais, lorsqu'il jette son regard un peu plus loin, il comprend les raisons de la demande de Sura.

- Très bien. Lui dit il, avançant avec elle au milieu de la salle, au milieu de plusieurs couples dansant déjà.

Ils se retrouve face à face. Mikey baisse son regard vers elle, tandis que Sura évite de relever le sien.

Soupirant, elle enroule timidement ses bras autour du cou du jeune homme, qui pose de manière hésitante, ses mains sur sa taille.

Lentement, il la guide à travers la musique. Leur danse est timide mais semble faire sensation.

Sura comprend ce qu'il fallait pour que les messes basses s'arrêtent. Leur donner un os à ronger. C'est exactement ce que Mikey et elle sont en train de faire. Bien que l'intention de la jeune femme n'était pas celle là, au départ.

- Depuis quand tu sais danser ? Demande Sura, le ton neutre.

Elle s'étonne vraiment qu'il ne lui ait pas encore marché sur les pieds.

- J'ai dû assister à plusieurs soirées aussi guindées que celle là. Alors, je me suis adapté.

Elle hoche la tête en guise de réponse. Elle sent son regard sur elle, la chaleur de ses paumes sur ses hanches et elle se sent frissonner, une nouvelle fois.

Elle est si proche de lui, qu'elle sent son odeur. Une odeur si familière et autrefois si rassurante. Son parfum l'enivre et elle en oublierait presque qu'ils sont entourés de tant de monde.

Préférant que son trouble ne s'empare pas d'elle plus que nécessaire, elle décide de lui parler de la découverte qu'elle a faite, dans la poche de sa veste.

- Alors c'est toi qui offre des chocolats à ma mère, une fois par semaine ?

- Ouais. Reconnaît Mikey, se pinçant les lèvres entre elles et soufflant du nez.

- Pourquoi ?

- Ta mère a toujours été adorable avec nous. C'était la moindre des choses.

- Pourquoi tu ne voulais pas que je le saches ?

- Parce que je te connais. Tu l'aurais pris de travers.

- Et comment je dois le prendre ?

- A ton avis ?

- J'en sais rien, Mikey. Souffle t'elle.

- Arrêtes de m'appeler, Mikey ! S'agace t'il. Tu ne m'appelais pas comme ça avant !

Il n'a pas pu se retenir de lui dire ça. Le fait qu'elle ait arrêté de l'appeler par son prénom, le blesse. Il ne peut pas le nier plus longtemps. Il la voit enfin planter son regard dans le sien et lui répondre.

- C'est ce que tu es devenu. Tu es devenu Mikey. Mikey l'invincible. Tu es à des années lumières de celui que j'ai connu. De celui que j'aimais. De celui qui m'a promit il y a quatre ans, après m'avoir fait l'amour, de revenir me chercher. T'es jamais revenu. Pourquoi je devrais t'appeler autrement, maintenant ?

Le ton de sa voix, trahit la blessure profonde de la jeune femme. A cet instant précis, Mikey peut clairement sentir toute cette souffrance que son comportement lui a infligé.

Une colère monte en lui. Elle n'est pas dirigée contre Sura. Il est en colère contre lui même. Il s'en veut de lui avoir fait tant de mal. Pourtant, il pensait chacun des mots qui lui a dit.

Il voulait revenir pour elle. Malheureusement, il n'est toujours pas parvenu à trouver un moyen de contrôler cette noirceur qui le bouffe de l'intérieur.

Lorsqu'il a comprit qu'il n'arriverait pas facilement à maîtriser cette chose en lui, il a préféré rompre tout contact avec elle.

Pas parce qu'il ne l'aimait plus. Mais, parce qu'il l'aimait assez pour la protéger de lui même, quitte à souffrir lui aussi de cet éloignement volontaire. Il n'aurait pas supporté de lui faire du mal de sa main.

La chanson se termine et Sura se détache rapidement de lui, se dirigeant vers le buffet, où se trouve une de ses collègues.

Mikey baisse la tête et s'éloigne à son tour, du milieu de la pièce. Il demande un verre de whisky au barman, engagé pour la soirée. Il s'en saisit et s'adosse au bar, posant son coude libre dessus.

Il observe Sura de loin. Elle est toujours aussi belle et douée pour faire bonne figure. Elle offre un sourire à la femme avec qui elle parle. Ce même sourire auquel il n'a plus le droit maintenant.

Le sortant de ses pensées, le collègue de Sura que Mikey a éconduit sur le balcon, quelques heures plus tôt, s'adosse à son tour au bar, s'adressant à Mikey.

- Insaisissable cette femme, hein ? Lance t'il, dans un petit rire.

Mikey ne répond pas mais pose son regard froid sur lui.

- En tout cas, je vais tout faire pour avoir un deuxième rendez-vous. Annonce t'il, fièrement.

Mikey se sent bouillir. De toutes les choses agaçantes de cette soirée, c'est bien ce mec qui le met le plus en rogne.

- Je pense qu'elle n'en a aucune envie. Déclare Mikey, tentant de garder son calme.

- Oh, si je m'y prend bien, je ne devrais pas avoir de problème.

Mikey a un rire nerveux et s'approche un peu plus, de son interlocuteur.

- Je vais être plus clair. Souffle Mikey.

Il lui saisit fermement le bras et se rapproche de son visage, parlant doucement.

- Fous lui la paix. Oublies la. Ne penses même plus à elle. Parce que si tu penses à elle, tu penses à moi. Et si tu penses à moi, je viendrai et je ferai en sorte que tu ne sois plus en capacité de penser à quoi que ce soit.

Jamais cet homme, n'avait eu une telle frayeur dans sa vie. Il déglutit bruyament, hochant la tète pour signifier qu'il a bien comprit ce que Mikey lui a dit.

Une fois son bras libéré de son emprise, l'homme décide qu'il est temps pour lui de s'en aller. C'est ce qu'il fait à une vitesse que lui même ne se connaissait pas.

Sura le remarque et trace du regard, le chemin qu'il a fait. Elle s'arrête sur Mikey et comprend qu'il doit y être pour quelque chose.

Elle s'excuse auprès de sa collègue et se dirige vers lui.

- Qu'est ce que tu lui as dit ? Demande t'elle, une pointe d'appréhension dans sa voix.

- De passer une bonne soirée. Lui répond Mikey, haussant les épaules.

Sura roule des yeux et soupire fortement. Il ne lui dira pas la vérité et elle le sait. Ça la surprendrait aussi, que celui qui a prit la fuite, lui explique un jour ce qu'à bien pu lui dire Mikey.

- Est ce qu'on peut s'en aller ? Demande Sura. On a assez joué les divertissements pour ce soir.

- Comme tu veux.

Ils se dirigent vers le patron de Sura. L'homme est souriant et surtout pas mal aviné.

- Oh vous nous quittez déjà ? Demande t'il, à Sura.

- Oui, je suis un peu fatiguée. Assure t'elle.

- Je comprend vous travaillez beaucoup, en ce moment. Monsieur Sano ? Très bon choix, pour vôtre avocate.

- Je n'en doute pas. Affirme Mikey, regardant Sura.

- En tout cas, c'est un honneur de vous compter parmi nos clients. Si vous avez besoin d'un autre avocat en renfort n'hésitez pas.

- Non... je n'ai besoin que d'elle. Comme toujours. Soupire Mikey.

Se sentant de plus en plus mal à l'aise, Sura pousse discrètement Mikey vers la sortie, l'incitant à écourter sa conversation.

Une fois dans la voiture, elle compte bien lui faire entendre, la raison de son malaise.

- C'était quoi ça ? Demande t'elle, la machoire serrée.

- De quoi ?

- "Je n'ai besoin que d'elle, comme toujours." T'es devenu fou, ou quoi ?

- C'est quoi qui te gêne, là dedans ? J'ai dis ce que je pensais.

- Mais t'as plus le droit de parler comme ça ! S'emporte Sura. Pas après tout ce qui s'est passé ! Pas après m'avoir abandonnée !

Elle retient comme elle peut ses pleurs, qui menacent de sortir. Craquer devant lui serait encore pire pour elle. Elle se pince fortement les lèvres entre elles. Elle s'en fait mal, tant la pression qu'elle y exerce est forte.

Elle ferme les yeux, prend une profonde inspiration et arrive à retrouver son calme, expirant lentement. Toutefois, Mikey tient à lui répondre.

- Tu crois que j'avais le choix, Sura ? Tu crois que ça ne me fait rien ? Que ça me plaît d'être loin de vous, loin de toi ? Je donnerai tout ce que j'ai, pour pouvoir faire autrement ! Pour que tout redevienne comme avant ! Je ne sais pas pour qui te me prends maintenant, mais je pensais et je pense encore chaque mot que j'ai pu te dire !

- C'est ça. Prend moi pour une conne. Tu ne pensais rien du tout. Si tu m'aimais vraiment à cette époque, tu ne serais jamais partit sans...

- Sans quoi ?

- Sans m'emmener avec toi. J'avais besoin de toi. J'avais besoin que tu restes près de moi. Je t'aurais suivi n'importe où et tu le savais !

- Je ne pouvais pas, Sura. Soupire t'il.

- Non... tu ne voulais pas. Tu t'étais lassé de moi ou je ne sais pas quel autre raison, mais t'as décidé de te passer de moi.

- Jamais tu m'entend ? Jamais je ne me suis lassé de toi.

- Ça suffit. Tais toi ! J'en ai ras le bol de tes mensonges.

En vérité, il est beaucoup plus facile pour Sura de se dire qu'il ment. Qu'il ne l'a jamais aimé. Qu'il s'est joué d'elle. Étrangement, cela lui semble plus facile à accepter que n'importe quelle autre explication.

Chaque mot qu'elle prononce est comme un coup en plein visage, pour Mikey. C'est dur de l'entendre douter de ses sentiments pour elle. Parce qu'ils sont bien réels et ne se sont jamais dissipés.

Lorsqu'il la dépose en bas de chez elle, c'est sans aucun autre regard ni mot pour lui, qu'elle sort de la voiture, rentrant rapidement dans le bâtiment.