Partie 1 ◇10◇
C'est un appel qui tire Sura de son sommeil. Ouvrant difficilement les yeux, elle grogne et se saisit sans ménagement de son téléphone.
La soudaine luminosité lui agresse les yeux. Elle soupire et répond.
- Hm ?... Oui c'est moi... Encore ?... Non... j'arrive.
Elle repose sans ménagement son téléphone, souffle longuement, retire ses couvertures et se lève.
Elle se change rapidement, prenant n'importe quel vêtement qui lui passe sous la main. Se regardant dans son miroir sur pied, elle passe une main dans ses cheveux, tentant de se donner un semblant de coiffure et part rapidement.
Elle arrive quelques minutes plus tard, au poste de police. Elle soupire et s'y engouffre, informant l'officier à l'accueil, qu'elle est venu chercher quelqu'un.
- Maître Tanaka, on se voit de plus en plus souvent pour la même chose. Relève l'officier, la mine fatiguée.
- Je sais. Souffle t'elle. Est ce que je peux le récupérer ?
- Il faudrait tout de même qu'il ait une bonne leçon ! Il est dangereux !
- Non... il n'est pas dangereux. Il ne va vraiment pas bien, c'est juste une mauvaise passe.
- Allez dire ça, à l'homme à qui il a brisé le nez en milles morceaux.
Sura s'agace. La fatigue y est pour beaucoup et elle le sait. Elle ne veut qu'une chose, récupérer son ami et rentrer dormir. Ce dernier aura d'ailleurs sa peau, s'il continue comme ça.
- Écoutez... je suis fatiguée, vous êtes fatigué alors, pitié ! Épargnez nous une procédure où je trouverais sûrement deux ou trois raisons pour déclarer cette arrestation illégale, et vous savez que je les trouverai !
L'officier semble peser les paroles de Sura. Puis, il se rappelle de son salaire. Il est beaucoup trop peu payé, pour faire de la résistance.
Il se résigne, lève les yeux au ciel et part chercher celui qui a été arrêté quelques heures plus tôt.
C'est la douzième fois en l'espace d'un an et demi et la deuxième fois ce mois ci, que Sura doit se rendre dans ce poste de police en pleine nuit. Toujours pour la même raison, toujours pour la même personne.
Lorsque l'officier revient, accompagné du jeune homme, Sura lance un regard contrarié à son ami, qui baisse la tête se sentant vraiment honteux.
Elle remercie l'officier, fait un signe de tête au libéré et ils prennent congés. Lorsqu'ils sont dans la voiture de la jeune femme, c'est lui qui prend la parole.
- Je suis désolé, Sura.
- Je m'en fous d'être venue te chercher, Draken. Mais là ça commence à faire beaucoup. Je sais que tu souffres... et c'est normal. Mais... il faut que tu trouves autre chose pour extérioriser, que tabasser n'importe quel bouffon qui te regarde de travers, dans la rue ou dans un bar. Ou alors si tu le fais, assure toi de courir plus vite que les flics.
Voilà un an et demi, que la douleur de Draken est beaucoup trop grande pour lui. Sura le comprend. En plus d'avoir dû faire face à la perte de celle qu'il aimait, il a vu Mikey s'en aller lui aussi.
Il avait réussi à plus ou moins enfouir tout ça. Mais le temps, n'aidant pas toujours, il a finit par se laisser submerger de temps à autre et à libérer son agressivité de cette manière.
Les autres n'en savent rien. Draken a demandé à Sura de garder ça pour elle. C'est ce qu'elle a fait.
- Il va arriver un moment, où je ne pourrais plus te sortir de la merde dans laquelle tu t'es mise. Pas parce que je ne voudrais pas, mais parce que ce sera la fois de trop. Je ne veux pas que tu finisses en prison. Mais c'est ce qui risque d'arriver, si tu ne trouves pas un moyen de canaliser tout ça.
- Pardon. Répond t'il, baissant la tête.
- Je t'ai déjà dit que je m'en foutais de...
- Non. Pardon. Je veux dire... j'ai pas assuré en tant qu'ami, avec toi. Je me suis toujours reposé sur toi. C'était facile. Tu ne montres jamais tes émotions, alors j'ai présumé que tu n'en avais pas et je t'ai laissé gérer les miennes. Alors qu'au fond, je sais que toi aussi, tu souffres. Je suis vraiment désolé pour ça. Pour tout. Je te promets de remonter la pente. Et... je te promet de redevenir un vrai ami, pour toi.
Sura souffle du nez, secoue la tête et fixe la route.
- Dans le genre clichés gnangnan, tu te poses là. Rit elle un peu.
Le sarcasme. Voilà l'arme de Sura, pour cacher tout ce qu'elle peut ressentir. Il est vrai qu'elle ne parle jamais de ce qu'elle peut ressentir. Honnêtement, ça l'aide aussi de gérer les émotions des autres. Étrangement, ça l'aide à ne pas penser aux siennes.
- Mais... tu me dois pas mal d'heures de sommeil.
- Je sais. Merci vraiment, d'avoir toujours été là. Ça va changer fais moi confiance.
- C'est tout ce que je voulais entendre.
Sur ces mots, elle se gare devant chez Draken, lui assurant qu'elle ne lui en veut pas et lui demandant de faire attention à lui. Il la remercie une nouvelle fois, la salue et rentre chez lui.
Lorsque Sura se glisse de nouveau dans son lit, elle réfléchit à la situation de Draken. Si elle ne veut pas connaître les raisons du départ de Mikey, peut être qu'à lui, ça lui ferait du bien.
Peut être qu'il a besoin de réponse, pour commencer à aller mieux. Poussant sa réflexion, elle réalise qu'elle aussi en aurait peut être besoin.
S'il faut en passer par là, pour recommencer à vivre normalement, elle le fera. Une chose est sûre cette discussion, n'aura rien de courtois.
C'est donc le lendemain, lors d'un rendez vous avec Mikey dans son bureau, pour son affaire, que contre toute attente c'est lui, qui aborde le sujet.
- Sanzu m'a dit que vous aviez prit un verre ensemble. Il t'a parlé de quoi ? S'inquiète t'il.
- De toi. Souffle Sura. Sanzu te défendrait même si tu commettais un génocide. Apparemment tu aurais de bonnes raisons d'être partis. Que ce serait plus compliqué que ce que je pense. Je crois qu'il mens. C'est très simple au contraire. Enfin, pour ma part.
- Parce que tu crois que je t'ai laissée, comme ça ? Juste parce que j'avais besoin d'air. S'offusque Mikey.
- Je crois oui. Tu devais en avoir sacrément marre, de me mentir tous les jours en me disant que tu m'aimais. J'espère au moins que c'était pas trop pénible.
- Tu dis n'importe quoi. S'agace le jeune homme.
- Ah oui ? On n'abandonne pas quelqu'un qu'on aime ! On ne lui fait pas autant de mal que ce que tu m'en as fait ! Moi je t'aimais ! Toi t'as juste fait semblant ! Dit elle, en se levant, prête à s'en aller.
Elle aimerait lui parler plus calmement, ne pas lui dire ce genre de chose. Seulement, c'est plus fort qu'elle. Dès qu'il est en face d'elle, elle ne peut empêcher toute cette hargne de sortir.
- Ça suffit, arrêtes ! S'emporte Mikey, se levant à son tour.
Il se rapproche d'elle et tout deux, sont à une distance si ridicule, qu'ils n'avaient pas été aussi proches depuis des années.
- Je t'interdis de douter de mes sentiments pour toi ! Reprend t'il. Je ne t'ai jamais mentit ! Je ne te mentirai jamais ! Je t'aimais aussi. Beaucoup plus que ce que tu veux bien l'admettre. C'est toujours le cas ! Tu as le droit d'être en colère, mais je refuse que tu remettes ce qu'on a vécu en question !
- Alors pourquoi tu es partis ? S'emporte t'elle à son tour. Si tu m'aimais tant que ça, pourquoi tu m'as laissée ?! Pourquoi tu as en plus, gardé contact avec moi ?! Pour après ne plus me donner signe de vie, si c'était pas juste pour te servir de moi ?
Sans s'en rendre compte, ils crient tellement fort, que tous les cadres du Bonten sont forcés, pour plusieurs raisons d'écouter aux portes.
- J'essayais de te protéger ! Reconnaît Mikey, criant toujours.
- Me protéger, alors ça c'est la meilleure. Rit elle, nerveusement. Et de quoi ?
- De moi ! J'aurais fini par te faire bien plus de mal que ce que je t'en ai fait ! J'aurais pu te blesser gravement ou pire encore ! Je n'aurais pas pu le supporter ! J'aurais pas supporter de vous faire plus de mal à vous tous ! Si j'ai gardé contact avec toi, c'est parce que c'était beaucoup trop dur de ne plus t'entendre. Je pensais arriver facilement à contrôler cette merde en moi, qui me bouffe de l'intérieur et qui me pousse à être d'une extrême violence. Mais je n'y suis pas arrivé. Je ne sais même pas ce que c'est, ni d'où ça vient. Alors quand j'ai comprit que c'était beaucoup plus fort que moi, j'ai préféré m'en aller pour de bon. Pour toi, pour ton bien.
- Alors pourquoi tu reviens maintenant ? Demande t'elle, la gorge nouée.
- Parce qu'être loin de toi, ça me bouffe encore plus que tout. Alors, même si tu me craches ta haine au visage, même si tu cherches à me blesser à chaque fois qu'on se voit, je m'en fous. Torture moi. Fais moi autant de mal que tu en auras besoin. Je te laisserai faire. Parce que rien de ce que tu pourras faire, ne sera plus douloureux qu'être loin de toi. Voilà à quel point je t'aime Sura. Je t'en supplie... n'en doute plus jamais.
Lorsqu'il finit son explication, il semble épuisé. Il enfouit son visage dans le cou de la jeune femme, qui ne réagit pas.
Pour cause, elle est comme sonnée par ce qu'il vient de lui dire. Surtout, elle se demande comment le Mikey qu'elle connaissait, aurait pu lui faire du mal. Il était toujours d'une infinie douceur avec elle. Quelle est cette chose en lui dont il parle ?
Après ses révélations, elle se sent perdu. Tout lui semble surréaliste. Le contact du jeune homme contre elle, lui fait presque ressentir tout le poids de sa détresse.
Pourquoi n'a t'il rien dit ? N'aurait il pas pu le leur expliquer, au lieu de s'en aller sans explication ?
Il y a beaucoup trop de questions dans son esprit actuellement. Tout de suite, elle est sur le point de s'effondrer. Au même titre que Mikey. Ils ne peuvent pas laisser ça arriver. Pas en présence l'un de l'autre. Pas comme ça. Pas si rapidement.
Quand le jeune homme se redresse, Sura le regarde complètement perdue. Elle secoue la tête, le regardant toujours, tentant de récupérer un peu d'empire sur elle même.
- T'es pas obligée de dire quoi que ce soit. Assure Mikey, baissant le regard.
Honnêtement, elle n'aurait vraiment pas su quoi dire. Elle n'a qu'une envie. Fuir ce bureau et penser à tout ça à tête reposée.
La voir se demander si elle doit le croire ou non, fait mal. Il ne pensait pas lui dire tout ça aujourd'hui. Mais, quand il l'a entendu remettre en cause pour la énième fois, ses sentiments envers elle, il n'a pas pu s'en empêcher.
- Je... je dois y aller. Dit elle simplement, se précipitant à l'extérieur.
En ouvrant la porte du bureau, elle dévoile les cadres du Bonten, ne sachant plus où se mettre et cherchant interieurement, une explication crédible à leur présence ici.
- Vous n'avez rien de mieux à faire ? Gronde Mikey, les voyant s'en aller à leur tour.
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