Chapitre 2
Chance se souvenait tout à fait de ce qu'il s'était passé ces derniers jours, avant de se retrouver dans cette nouvelle cage.
Il allait combattre un énorme mastiff appelé King, Tallon, son maître ou plutôt son tortionnaire avait parié gros sur ce combat là. Il ne devait pas le décevoir sous peine de se retrouver encore dans ce noir qu'il ne supportait plus.
- Si tu t'appelles Chance, ce n'est pas pour rien sale clebs ! Tâche de pas me décevoir, t'es un champion essaie de t'en souvenir ! avait hurlé Tallon cette journée là.
Juste après, celui-ci avait encore reçu une bonne trentaine de coups de cette barre de fer que Tallon utilisait pour comme il disait « le dresser ». Ensuite, il devait marcher sur cette espèce de tapis roulant pendant des heures pour muscler son corps meurtri.
Après toutes ces années, Chance se disait qu'il n'avait plus rien à perdre et que c'était cela une vie de chien, que tous les hommes devaient être pareils envers leurs semblables.
La seule chose de bien qu'il avait connue, c'était sa mère. Elle l'avait rassuré comme elle avait pu. Il se souvenait encore de ses coups de langue affectueux. Il n'avait pas vraiment eu le temps de passer du temps avec elle et ses frères et sœurs car très tôt, Tallon et Grey l'avaient emmené dans cette cave qui puait les excréments et l'urine, où les rats étaient sa seule compagnie les jours ou il ne luttait pas pour sa vie.
Ils avaient choisi le plus robuste des chiots, celui qui aurait plus de mordant que les autres, celui qui n'aurait pas peur.
Très vite, ils avaient appris à Chance à être fort et méchant. Et l'avaient habitué au goût du sang en lui apprenant à chasser et à tuer ces petits chatons que Tallon et Grey ramenaient quelques fois.
Mais ce soir-là c'était différent, King n'était pas un chaton, c'était un énorme mastiff noir. Le long de ses mâchoires coulaient des filets de bave qui gouttaient jusqu'à terre. A chaque fois qu'il secouait la tête il aspergeait ses maîtres et les spectateurs impatients derrière les grilles.
- Allez entre dans l'arène ! Ne traîne pas si tu ne veux pas te retrouver roué de coups! cria Tallon en poussant son chien à l'aide d'une barre d'acier.
L'arène, Chance la connaissait par cœur. Elle sentait la mort, la mort des dizaines de chiens qu'il avait déjà tués. Elle sentait le sang séché, la sueur et les égouts. Et ces bruits, le bruit des chaînes qui retenaient les chiens, les acclamations des spectateurs qui n'attendaient qu'une seule chose : que le sang coule à flot.
- Allez ! Vas-y t'es le meilleur, réduis-le en bouillie ! criaient les spectateurs qui pariaient de grosses sommes d'argent sur sa victoire.
Le berger allemand se tenait devant l'énorme mastiff. Tous deux retenus par des chaînes en acier qui cliquetaient sur le sol.
Tallon et Grey détachèrent la chaîne tandis que la foule hurlait de plus belle.
- Vas-y vieux. Bonne chance, avait murmuré Grey.
Entre les deux, c'était sans aucun doute Grey le plus gentil avec l'animal. Il suivait les ordres de Tallon seulement parce qu'il n'avait pas le choix et lorsqu'il devait battre le chien, celui-ci s'arrangeait pour ne pas lui faire trop mal.
Au moins quand c'était Grey qui le battait, Chance savait que ça durerait moins longtemps et qu'il souffrirait moins.
Les maîtres de King détachèrent également sa chaîne. Les deux combattants ne purent plus reculer et le combat put commencer.
Les deux chiens se jetèrent littéralement l'un sur l'autre, tous crocs dehors. Chance n'avait qu'une idée en tête : tuer King, car il savait que c'est ce qu'il devait faire si il ne voulait pas retourner dans le noir et encore avoir mal.
King envoya valser son adversaire de l'autre côté de l'arène. Le berger allemand se releva d'un seul coup et bondit sur le mastiff sous les acclamations de la foule en totale admiration.
Les deux chiens se mordaient le cou en faisant craquer leurs mâchoires et claquer leurs dents. Chance propulsa King sur le sol, le mastiff étant sur le dos, il était à sa portée. Il n'avait plus qu'à lui mordre la nuque assez fort pour la lui briser.
Et c'est à ce moment que les sirènes ont retenti.
Les chiens abandonnèrent leur combat, interloqués par ce bruit inconnu.
Chance n'avait pas compris ce qu'il s'était passé, mais la foule hurlait et se dirigeait vers la sortie précipitamment comme si ils avaient peur.
- La police ! Foutons le camp en vitesse ! criaient certains.
Grey et Tallon étaient déjà partis laissant Chance et King enfermés dans l'arène.
Les autres chiens s'étaient échappés par la porte principale hors de l'arène.
Le berger allemand et le mastiff se regardèrent. Ils devaient sortir de là tout comme les autres chiens. Chance regarda tout autour de lui cherchant un infime passage où il pourrait se faufiler.
Les policiers étaient tout près, Chance les entendait tout proche Il ne les entendait presque pas à cause de ses oreilles atrophiées, ou plutôt coupées. Malgré que Tallon lui ait coupé les oreilles alors qu'il était encore un tout jeune chiot, il avait encore une excellente ouïe. Même après la douleur que cette torture lui avait infligée, il avait conservé toutes ses capacités auditives.
Alors que Chance regardait aux alentours, King cherchait lui aussi après une issue. Ils savaient qu'ils ne devaient pas rester là ou alors ils allaient être emmenés. Et qui sait quel endroit horrible leur réserverait-on encore ?
La sirène du fourgon retentissait plus proche cette fois, à quelques mètres du repaire de la Dog Valley. Ils arrivaient.
Chance aperçut une petite brèche dans la porte en bois de l'arène. S'il grattait suffisamment, il pourrait agrandir le trou et sortir par là. Il se mit à la tâche directement. Le bois était solide, Chance gratta de toutes ses forces sur la porte et chargea dessus espérant qu'elle allait s'ouvrir ou se briser. Mais ce ne fut pas le cas...
C'est alors que King se rua sur la porte lui aussi, joignant ses forces aux siennes. Tallon et Grey, eux, étaient déjà loin et hors de portée.
Les deux chiens mirent toutes leurs forces à essayer de briser la porte en bois tandis que des pas résonnaient près de l'entrée du repaire.
Deux policiers entrèrent armés braquant leurs armes vers l'arène :
- Bien sûr, dit le premier. Ils ont filé les enfoirés !
La brèche dans la porte s'agrandit alors après les efforts des deux chiens. Ceux-ci ne s'arrêtèrent pas de gratter.
- Mike ! Regarde ! Il reste deux chiens, il faut pas les laisser partir ! dit le deuxième policier.
Les deux hommes se ruèrent vers la porte de l'arène, le premier ouvrit la cage en tremblant. Les efforts des deux chiens pour briser la porte en bois ne leur avaient pas servi finalement, mais ils avaient mieux. Les policiers avaient ouvert la porte d'entrée pour eux.
Chance et King se ruèrent au dehors de l'arène. Le berger allemand poussa le policier qui tomba à la renverse, il sortit enfin de l'enclos, sentant la liberté toute proche qu'il avait tant voulu connaître.
Le policier jura en se relevant et réussit à saisir King dans un coin de la pièce :
- Rattrape l'autre ! criait-il à son collègue.
Chance fit volte-face et aperçut le mastiff pris au piège, ils lui avaient déjà passé un collier serrant autour du cou. King se débattait tant bien que mal mais le nœud du collier se resserrait de plus belle, lui lacérant le cou.
Il était malheureusement trop tard pour lui, il ne pouvait rien y faire. La seule chose qui comptait pour lui à l'instant, c'était sa liberté tant convoitée.
Il s'élança vers la route qui longeait le repaire, échappant tant bien que mal au policier à ses trousses. Celui-ci jura et manqua de tomber plusieurs fois sur le gravier de la route.
Chance courait de plus en plus vite, s'élançant sur la route où les voitures klaxonnaient. De nombreux véhicules firent crisser leurs pneus freinant de toutes leurs forces pour ne pas percuter l'animal. Le berger allemand avait été très bien entraîné pour esquiver les attaques de ses adversaires, aussi arriva-t-il à passer de l'autre côté de la route créant une collision entre une voiture et une camionnette. Le policier toujours à ses trousses, se retrouva bloqué par l'accident.
- Et merde ! jura-t-il au milieu de ce désordre, il se dirige vers la ville, il faut à tout prix l'intercepter pensa-t-il.
Il sortit son téléphone de service, composa le numéro du poste et dit :
- J'ai besoin d'une patrouille pour retrouver un chien. Un berger allemand. Faites au plus vite. Il est dangereux !
Oui c'était comme ça que Chance avait obtenue sa liberté. Il avait réussi à semer le policier et à s'en être sorti indemne.
Il s'était dirigé vers un étroit petit chemin derrière un bâtiment où des poubelles et des planches étaient entreposées. Mourant de faim, il avait renversé les poubelles pour y trouver de quoi manger. Il n'avait réussi à dégoter que quelques malheureux hamburgers à moitié moisis. Mais ça il s'en fichait, c'était déjà beaucoup mieux que les morceaux de pain rassis et l'eau au goût de fer que Tallon et Grey lui donnaient tous les jours.
Il était tard et Chance sentit la fatigue venir. Il décida de se mettre à l'abri. Après tout, les policiers étaient encore dans les parages toujours à sa recherche. Il avait fini par trouver une vieille caisse assez grande pour lui près d'un vieux restaurant abandonné.
Le berger allemand s'était endormi ce soir-là sans avoir peur, sans avoir mal même si au loin on entendait les sirènes résonner dans la nuit.
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