La veille des vacances d'été

-Je passes te chercher demain matin 5h. Ne sois pas en retard, me recommanda-t-il.

-Ne t'en fais pas pour ça ! Mes valises sont prêtes depuis une semaine! Mais pourquoi tu me dis ça maintenant?

-Je ne reste pas ici. Je vais...

-Voir John?

-Ne t'inquiète pas pour moi, me souria-t-il en m'embrassant sur la joue.

-Tu sais que prendre l'avion en étant défoncé est interdit? essayais-je alors qu'il partait.

-Et toi, tu sais que out de l'avion c'est interdit too ? ricana-t-il en tournant au bout du couloir.
(out=à l'extérieur too= aussi)

Matthew Carter: 1 Hannah Bradford: 0

~Ellipse de l'apres-midi~

-Bonnes vacances! Et à l'année prochaine pour les futurs terminals L! nous cria presque le professeur de mathématiques qui essayait de cacher nos bruits de trousses.

Mr Mando était le professeur de mathématique attitré des terminals L et bien sûr le possible professeur des autres, mais il savait que pour nous les maths n'étaient pas une partie de plaisir alors il nous lançait des piques dès qu'il en avait l'occasion car pour lui, les mathématiques étaient la plus belle des matières!

Je grommelais un léger "au revoir" et sortais en allumant mon portable. Je composais le numéro de Matthew en embrassant mes amis.

Lorsque je m'installais dans le bus, je composais son numéro pour la septième fois. Il ne répondait pas et ça me faisait peur. Et si Matthew n'avait pas voulu payer John? Mais je ne pouvais pas... je....
Je descendais précipitamment du bus en regardant autour de moi. Nous étions le dernier bus du lycée. Le dernier qui partait donc plus personne n'était là. Plus personne pour m'emmener au 'repère' de John. Oui je savais où était le repère de John. J'avais demandé à Matthew de me donner l'adresse au cas où. Et ce au cas où, c'était aujourd'hui.

Je me mis à courir en direction de la grande route dans l'espoir que quelqu'un me rapproche le plus de l'endroit.

En tendant mon bras, le pouce levé, je me disais que j'étais tombée bien bas. Bien bas, à cause de lui.

Un jeune homme s'arrêta sur le bas-côté et ouvrit sa fenêtre.

-Salut poupée, t'as besoin que je t'emmène quelque part? me dit-il d'une voix grave.

-Euh... non pas toi sale pervers, dis-je en retendant mon pouce.

Il redémarra.

Matthew avait besoin de moi.

-Attends! En fait je... Je veux bien. Vous allez en direction d'où ? demandais-je, confuse.

-Vers la capitale. Je joues en tant que guitariste ce soir là -bas pour un groupe très connu du nom...

J'avais décroché après le "capitale". Le reste n'était très certainement pas intéressant.

-Vous pourriez m'avancer le plus possible vers la banlieue?

-Pas de soucis ma jolie, c'est sur mon chemin. Si tu veux je peux t'avoir des places pour ce soir si...

Ça y est il était reparti! Je déclinais le plus gentillement possible l'invitation. Quelques minutes plus tard il me déposait sur le bord de la route en insistant pour me passer son numéro de téléphone, que je fus obligée de prendre puisqu'il avait verrouillé la portière.

0679853601 était désormais inscrit au stylo sur mon avant-bras.

Un peu lourd le gars quand même...

-Euh... Merci! répondis-je en me précipitant à l'extérieur.

La voiture s'éloigna alors que je cherchais autour de moi un plan pour me repérer dans ce quartier que je ne connaissais pas.

Mais malheureusement il n'y en avait pas et je fus obligée d'avancer sans savoir où j'allais. J'essayais en même temps d'avoir Matthew au téléphone mais rien n'y faisait, il ne répondait pas.

Heureusement, les soirées d'été étaient longues donc même à 18h il faisait encore jour. Des jeunes étaient assis en bas des immeubles et chantaient à voix haute des refrains de chansons de rap que je ne connaissais pas.

-Eh mademoiselle t'es perdue? m'accosta un jeune homme avec une casquette.

-Euh... Ouais en fait je cherche le 356 rue Jeanne d'Arc.

-John?

-Oui.

-Qu'est-ce que tu lui veux à John? se méfia-t-il.

-Je...

Vite Hannah, vite! Je ne pouvais pas lui dire la vérité, il connaissait John donc devait être son ami.

-Je viens pour les affaires, dis-je mystérieusement.

-Ah! Toi aussi t'aimes bien la marchandise de John?

-Ouais. Mais ça fait longtemps que je suis pas venue je ne me rappelle plus vraiment comment on y va. Tu crois que tu pourrais m'accompagner ? lui demandais-je avec un air aguicheur.

En voyant qu'il tombait dans le panneau, je me félicitais d'avoir pris des cours de théâtre.

À peine deux minutes plus tard nous arrivions devant une grande bâtisse aux murs sales et aux boites aux lettres cassées.

Lui aussi insista pour me laisser son numéro sur mon avant-bras.
Il haussa simplement les sourcils lorsqu'il vit le numéro de mon gentil chauffeur de taxi improvise avec écrit à côté "tél. du beau gosse". Il écrivit à son tour son numéro et signa "le plus beau des deux". Je lui souriai faussement et partis.

Arrivée devant les boîtes aux lettres, le doute m'assailla. John quoi? Je parcourais au hasard les noms en espérant que l'un d'eux me dise quelque chose.

Taclo?
Oluet?
Perry?
Bransal?

Bransal ?... Hmm... Je tente ma chance et je sonne.

"Ouais?

-John?

-Ouais.

-Je peux monter?

-Ouais."

Extraordinaire conversation!
La porte de l'immeuble s'ouvrit et je montais jusqu'au 4e étage sans ascenseur. Arrivée en haut, je n'étais -presque- pas essoufflée. Les bienfaits de la danse! Parce que oui, je dansais. Beaucoup.
C'était d'ailleurs pour cette raison que je partais avec Matthew à Los Angeles pendant ce mois de juillet. Parce que Los Angeles est comme la capitale du hip hop.

Je sonnais au numéro 32 et la porte s'ouvrit presque tout de suite sur un homme d'une trentaine d'années avec une barbichette tressée. Il était chauve et portait un simple débardeur blanc avec un jogging. Son tatouage de dragon sur la partie gauche de son crâne, revenant vers ses yeux, lui donnait un air très méchant. C'est vrai que je l'aurais croisé dans la rue, je ne lui aurais même pas donner l'heure!

-C'est toi Christine? me demanda-t-il en me reluquant.

-Euh...

-Non t'as pas une tête de Christine. Alors t'es qui? me coupa-t-il.

Même sa voix était vulgaire.

-Je cherche Matthew.

Il releva un sourcil.

-Je répète ma question. T'es qui?

-Une amie. Il ne répond pas et je sais qu'il devait venir vous voir.

Un sourire se dessina sur ses lèvres mais je ne savais pas pourquoi, et c'était bien ça qui me faisait le plus peur.

-En effet il est venu. Mais il voulait pas me payer alors... Je le garde le temps qu'il trouve une solution!

-Mais, mais... C'est pas possible on doit partir demain! Et puis de toute façon, tu peux pas le garder c'est un kidnapping! hurlais-je.

J'avais oublié le "vous" pour le remplacer par un "tu" beaucoup plus familier, parce que quand j'étais énervée je tutoyais tout le monde.

-Mais ma belle, regarde autour de toi, tu crois que quelqu'un va aller me dénoncer ? Mais si tu as une meilleure idée à proposer tu... dit-il en me caressant la joue.

-Je préfèrerais le laisser crever ici pour ses conneries! Il te doit combien? répliquais-je en repoussant sa main.

-250.

-Quoi?! Mais c'est impossible je n'ai pas 250€ sur moi!

-Je suis sûr que si tu le voyais un peu tu trouverais une solution. Allez entre, dit-il en refermant la porte derrière moi.