Les murs jaunes et gris de la salle m'entouraient, m'étouffaient, comme s'ils voulaient se refermer sur moi.

Face à moi, de l'autre côté de la table en fer, trônait une chaise vide, elle aussi en fer.

Une main douce tenta d'attraper la mienne, posée sur la table froide. Je croisai les bras pour l'en empêcher.

Alors qu'un sanglot menaçait de sortir de ma gorge, la porte s'ouvrit sur un homme élégant et bien coiffé.

Il me salua poliment et lança un regard amer à la personne près de moi.

-Matthew John Alexander Carter, comme on se retrouve! Je savais que tous les chemins menaient à Rome, pas dans mon interrogatoire.

Matthew ne répondit rien, accablé de... Honte ? Non il était bien trop conscient pour cela.

-Si on m'avait dit que tu trouverais une petite amie un jour! J'aurais pu parier le contraire... Quelqu'un qui veuille bien de toi après toutes tes conneries, ça ne doit pas se trouver tous les jours. Un petit merdeux comme toi...

-Et bien figure-toi que si, toutes les filles du lycée ou presque sont passées dans mon lit! répliqua Matthew brutalement. La prof d'Italien m'a même fait des avances, si je n'étais pas revenu ici elle aussi aurait fini...

-Suis-je vraiment obligée de rester ici? le coupai-je en sanglotant.

-C'est la procédure ma petite demoiselle. Je suis sincèrement désolé pour vous d'avoir un jour été obligée de croiser sa route.

-Je le regrette amèrement aussi. Chaque jour.

Du coin de l'oeil, j'observai Matthew. Il avait à nouveau baissé la tête. Était-il seulement conscient de ce qu'il venait de dire?

-Avez-vous une question à lui poser? Ensuite, procédure ou pas, vous pourrez vous en aller, me proposa le commissaire de la brigade des stups.

-Est-ce que tu regrettes? Tout ça, les filles, la drogue, l'alcool... ou même moi? demandai-je calmement en me tournant vers Matthew.

Quelques secondes passèrent sans que rien ne se passe, puis il releva la tête et riva son regard au mien comme un bateau qui, en son port, retrouve son chez-lui.

-Je ne regrette pas de t'avoir rencontrée.

Cette simple phrase acheva ma présence ici.

Il ne regrettait peut-être pas de m'avoir rencontrée mais regrettait-il le reste? Seul Dieu le savait.

Je repoussai ma chaise contre la table et serrai la main de l'inspecteur.

-Si vous avez d'autres questions n'hésitez pas, mais sans lui s'il vous plaît.

Il hocha la tête avec un sourire contris.

Un homme arriva vers moi, une tonne de papiers à la main, pour que je les remplisse.

-Laissez-la, elle s'occupera de ces papiers plus tard, intervint l'inspecteur .

Ce dernier me tint la porte.

Je m'asseyai sur le rebord des marches du commissariat en laissant échapper mes larmes.

-Vous avez vu la face cachée de Matthew. Si vous le souhaitez vous pouvez retourner en France, un billet vous attendra.

-Je ne suis pas venue ici que pour lui. Je veux m'installer ici, prendre un appartement loin de lui.

L'inspecteur s'assit à côté de moi.

-Vous en voulez une? me proposa-t-il en me tendant une cigarette.

-Non merci. Dites-moi, depuis combien de temps vous connaissez Matthew?

-Ça doit faire environ 6 ans. Il était jeune et avait ramené une quantité impressionnante de cannabis dans une soirée. Malheureusement à 12 ans, la loi ne prévoit rien pour cela. Certains ont dit que ce n'était qu'une erreur de jeunesse, que ça ne se reproduirait plus. Je leur ai affirmé le contraire. J'étais certain qu'il recommencerait. Pourtant j'espérais qu'il se réveillerait un jour, mais ce jour n'est pas encore arrivé.

-Comment le saviez-vous? Je veux dire... vous étiez certain qu'il recommencerait, pourquoi ?

-J'ai été jeune moi aussi, et j'étais loin d'être un enfant sage. Les conneries de Matthew, j'ai fait les mêmes. Vous voyez, il n'a rien inventé. La seule différence entre lui et moi c'est qu'un jour j'ai rencontré ma femme, elle m'a poussée à changer pour devenir meilleur. Et me voilà, à faire la morale à Matthew!

Mes pensées étaient chamboulées, je n'arrivais plus à réfléchir normalement.

-Vous savez, j'ai vraiment cru qu'il s'en sortirait lui aussi. Mais je pense qu'il est arrivé à un point de non retour. Faire rentrer pratiquement deux kilos de drogue sur le territoire, il va prendre pour au moins 20 ans.