Chapitre 9 : Hors Jeu
Il ne savait pas où il se trouvait. Il ne savait plus rien. Tout ce qu'il ressentait était cette terreur sans nom, cette angoisse oppressante qui lui comprimait la poitrine et faisant trembler ses membres. Il pouvait sentir les larmes rouler sur ses joues pâles et son sang battre à ses oreilles bourdonnantes, l'assourdissant et le coupant momentanément du monde qui l'entourait. Tout était flou, mélange de nuances noires et blanches qui lui donnaient l'impression d'être piégé entre deux mondes. Une voix lointaine tâchait de percer ce brouillard de douleur et d'arriver jusqu'à lui sans pourtant arriver à l'atteindre. A force de répétition, pourtant, il reconnut que la voix, celle d'un homme, l'appelait lui, murmurant son prénom avec tact et calme. Essayant de faire le point, souhaitant de toutes ses forces revenir à la réalité, bien loin de ce cauchemar morbide, Mycroft lâchant un sanglot déchirant. Alors qu'il commençait à distinguer plus clairement les murs clairs de sa chambre à l'hôpital, le politicien revit les images du meutre de ses proches qu'il avait lui-même tué en rêve. Il pouvait encore sentir le corps mort de son petit frère l'enlacer comme lorsqu'il était enfant, sa froideur cadavérique contrastant avec la chaleur qui sang qui s'écoulait en abondance de la plaie ouverte sur son front. A ce souvenir, l'homme de glace au cœur brisé sentit son estomac se tordre et un goût de bile remonter le long de son œsophage et emplir sa bouche pâteuse. Son corps prit de soubresaut, l'aîné des frères Holmes se pencha brusquement en avant et vomit en gémissant dans un haricot médical qui lui avait été heureusement présenté à temps par l'homme qui s'était trouvé près de lui à son réveil. Mycroft rendit le faible contenu de son estomac pendant quelques minutes encore avant de se laisser tomber contre ses oreillers. Reprenant lentement son souffle, l'homme du gouvernement essuya ses dernières larmes et remarqua enfin John, assis au bord du lit, l'observant avec compassion. Le médecin lui tendit d'ailleurs un morceau de papier pour qu'il puisse essuyer la commissure de ses lèvres tachées. Mycroft prit le bout de sopalin d'une main tremblante et s'essuya la bouche avant d'accepter un verre d'eau muni d'une paille pour le réhydrater.
- Merci, souffla lentement le plus vieux. Je suis désolé que vous m'ayez vu comme ça, John, l'anesthésie...
- On sait tous les deux que ce qu'il s'est passé n'a rien à voir avec l'anesthésie, Mycroft, le coupa doucement le médecin d'un air entendu et pourtant doux.
Avisant sa main qui tremblait, Iceman agrippa les draps pour la cacher aux yeux du plus jeune qui secoua la tête en soupirant. John savait ce que ça faisait, d'avoir des cauchemars à répétition et d'y voir ses pires démons vous manipuler sans vergogne pour vous faire haïr le monde, ainsi que vous-même.
- John, s'il vous plaît...
- On pourrait peut-être se tutoyer, non ? Proposa le plus jeune pour détendre l'atmosphère. Après tout on se connait depuis des années et je suis marié à Sherlock, on pourrait s'y mettre.
- Oui, vous..., pardon, tu as raison, grimaça Mycroft, autant de douleur que face au fait de tutoyer un homme qu'il avait si longtemps vouvoyé. Je vais bien, reprit-il d'un ton qui ne relevait aucune contradiction.
- Depuis combien de temps ça dure, exactement ? Tenta de savoir John. Mycroft, je ne suis pas comme Sherlock, je n'arrive pas à détailler la vie d'une personne en me basant sur son rasage, mais j'ai été soldat, j'ai vécu des traumatismes, je sais en reconnaître un quand j'en vois...
Avec un soupire résigné, mis peu à peu en confiance par le médecin militaire, le Gouvernement Britannique vida finalement son sac, lui parlant des premiers cauchemars, qui étaient survenu après ce qu'il s'était passé à Sherrinford, de ses angoisses nées de cette fameuse journée et qui ne l'avaient plus jamais lâché jusqu'à aujourd'hui, puis de ce qu'il s'était passé avant de perdre connaissance au Parlement, finissait par le cauchemars qu'il venait de faire. Alors que Mycroft essuyait ses larmes d'une main tremblantes, paraissant aussi fragile qu'un château de cartes derrière ses allures de forteresses imprenable, John prit conscience que son beau-frère et ami n'était qu'un homme comme un autre, secrètement à la tête de la nation britannique, agissant dans l'ombre, plus intelligent que n'importe qui, mais pas moins un homme pour autant, avec ses fragilités et ses inquiétudes. Mycroft Holmes avait été surnommé l'Homme de Glace par Jim Moriarty, mais à présent le médecin voyait qu'il était fait de tout sauf de glace. Mycroft était un homme au cœur tendre qu'il dissimulait sous une carapace de neutralité absolue, dont le seul et unique but était de prendre soins de ses proches, et plus particulièrement son petit frère et son fiancé.
- Je sais que Sherlock n'est pas toujours facile à gérer, concéda John en se grattant la nuque, mais il sait que tu l'aimes et que tu le protèges.
- Au contraire, il est persuadé que je le déteste et que je l'ai abandonné, et ce depuis que j'ai quitté la maison familiale. Je m'en allais à l'université, Sherlock n'avait que douze ans. Je suis parti le jour où nos parents ont reçu les résultats des tests qu'ils lui avaient fait passer. Il pense que c'est pour ça que je suis partit et il en est encore convaincu aujourd'hui, voilà pourquoi mon cher petit frère s'évertu corps et âme à me compliquer la vie, gémit Mycroft en massant son abdomen douloureux, faisant passer une nouvelle crampe.
- Les résultats ? S'enquit John avant d'écarquiller les yeux en comprenant. Oh...ces résultats là...Je comprends mieux pourquoi il en fait des caisses à chaque fois maintenant...
- Sherlock sait que son autisme est au premier niveau, et qu'en dépit de ses quelques difficultées sociales il n'y a que lors de graves crises ou chocs il est totalement indépendant, pourtant ça ne l'empêchera pas d'en jouer et d'en rajouter chaque fois que je suis là pour lui faire payer mon départ...Et malgré tout, je sais dès lors qu'il arrive quelque chose à quelqu'un qu'il affectionne que ses crises s'aggravent et deviennent plus fréquentes.
- Je l'ai vu oui, après ce qu'il s'est passé. Il s'est enfermé dans son palais mental sans parler à personne jusqu'à ce que tu sortes du bloc opératoire. D'ailleurs il fait les cent pas dans le couloir en espérant pouvoir entrer, tu veux le voir ? Je peux aussi lui dire de partir, de toute façon je vais bientôt devoir aller récupérer Rosie que j'ai laissée chez madame Hudson.
Mycroft soupira en se frottant le côté gauche du ventre en grimaçant et autorisa le médecin à faire entrer son frère. John hocha lentement la tête et s'apprêta à sortir quand Mycroft le retint, juste avant qu'il n'atteigne la porte.
- John...Pas un mot de tout ça à Sherlock, et encore moins à Gregory.
- C'est promis, assura le plus jeune en sortant de la chambre après un dernier au revoir.
John ne fut pas parti plus d'une minute que ce fut au tour de Sherlock d'arriver en trombe dans la chambre du convalescent. Le médecin n'avait pas menti, le détective consultant ressemblait plus à un lion en cage qu'à l'homme neutre qu'il avait l'habitude d'être. Son grand frère se redressa sur ses oreillers en retenant un gémissement lorsque sa couverture effleura à peine son ventre et il souffla en se passant une main lasse sur son visage pour se donner du courage. Il savait que Sherlock allait avoir besoin de lui, même s'il n'était pas réellement en état de le prendre en charge.
- Tu dois quitter Lestrade, lança sans préambule le plus jeune sans regarder son frère, continuant ses allers-retour incessant qui manquèrent de donner le mal de mer au plus vieux.
- Sherlock, nous en avons déjà parlé, je ne vais pas mettre fin à ma relation avec Gregory simplement pour te faire plaisir.
- Il te met en danger, protesta une nouvelle fois le détective. Tu es intelligent mais lui te rend compplétement idiot, Mycroft. Tu as toujours l'habitude d'avoir plusieurs coups d'avance, c'est toi qui m'a appris à prévoir l'imprévisible et tu es dans un hôpital ! Cria-t-il en commençant à perdre son sang froid.
- Je sais que tu détestes les hôpitaux, Sherlock, contra Mycroft en commençant à se sentir essoufflé, son côté gauche lui lançant des décharges sourdes de douleurs qui irradiaient dans tout son corps. Mais je vais me remettre. Je sais de quoi tu as peur, je ne vais pas t'abandonner.
- Tu l'as déjà fait, rétorqua furieusement le plus jeune comme un enfant boudeur. Tu m'as laissé tomber, rien ne t'empêchera de recommencer.
L'homme du Gouvernement soupira lourdement alors que ses yeux se mirent à briller de larmes de compassion et de culpabilité qu'il essuya discrètement en essayant de démêler le nœud de chagrin qui lui obstruait la gorge. Sherlock, lui, commençant à faire une crise, serrait frénétiquement ses poings en parcourant la chambre de long en large.
- Sherlock...Sherlock..., l'appela Mycroft, sans succès,...William ! Cria-t-il pour attirer son attention.
A l'entente de son premier prénom, que son frère n'utilisait qu'en cas de dernier recours, Sherlock se tourna vers lui, avisa les bras ouverts de son aîné dans une invitation maladroite à une étreinte rassurante et, cédant à son angoisse, le rejoignit dans un soupire. Iceman referma ses bras tremblant autour du torse de son cadet pour lui assurer qu'il ne le laissait pas tomber, que ça n'avait jamais été son attention. Il aurait voulu faire plus, mais il ne se sentait pas en état pour ça. Il avait l'impression d'étouffer, comme si la température de la pièce avait brusquement grimpé et il avait eu un certain mal à suivre l'échange qu'il venait d'avoir avec son frère. Quelque chose n'allait pas, il le sentait, mais son esprit embrumé l'empêchait de comprendre quoi et ses mots moururent dans sa bouche pâteuse lorsqu'il tenta de prévenir son petit frère. Ce dernier, sentant l'étreinte de son aîné lentement se relâcher, se releva en fronçant les sourcils, prêt à lui faire de nouveaux reproches. Pourtant, il s'arrêta en voyant le teint plus pâle que la mort du politicien qui suait à grosses goûtes en gémissant et en se tenant le ventre.
- Mycroft, qu'est-ce que...Mycroft ! S'interrompit-il lui-même alors que le plus vieux perdait connaissance, les yeux pourtant grand ouverts, comme mort, et que du sang commençait à couler de sa bouche à un rythme effréné.
Ni une ni deux, tachant de ne pas céder à la prochaine crise qui se présageait, Sherlock appuya sur tous les boutons d'appels qu'il put et hurla après quelqu'un, n'importe qui, pour venir sauver la vie de son grand frère dont le moniteur commençait à s'affoler, jusqu'à dangereusement ralentir...un peu plus...chaque minutes...jusqu'à la fin...
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