Chapitre 7 : Prochain coup à jouer
- Patron, vous voulez un café ? Souffla Sally en jetant un coup d'œil hasardeux à son supérieur.
Greg se trouvait assis sur une chaise aux couleurs délavées en plastique inconfortable depuis plusieurs heures maintenant. Le DI de Scotland Yard ne comptait plus le nombre de médecin qu'il avait vu défiler devant ses yeux et du nombre de fois où son coeur avait faillit s'arrêter chaque fois qu'il avait cru que l'un d'eux allait venir le voir pour lui donner des nouvelles de Mycroft, toujours inconscient et conduit au bloc opératoir. La seule compagnie qui lui restait était Sherlock qui s'était retiré dans son palais mental. Toute communication avec lui était donc impossible et pourtant le renard d'argent aurait voulu pouvoir s'appuyer sur l'un de ses plus proches amis. Levant finalement les yeux à la question de l'agent Donovan, le plus vieux des deux se passa une main fatiguée sur son visage et soupira lourdement.
- Non merci, Sally, pas de café. Des nouvelles de la scène de crime ? S'enquit-il malgré tout.
- Tous les corps ont été récupérés et emmenés à la morgue pour examen. Seuls Mycroft Holmes et son assistantes s'en sont sorti vivant, en espérant qu'il survive à ses blessures. Vous êtes sûr que ça va aller patron ? C'est gentil à vous de vous inquiéter pour le frère du taré mais vous n'êtes pas...
- Donovan si vous insultez une fois de plus mon compagnon ou Sherlock je vous jure que je vous met aux arrêts pour outrage, c'est compris ?! S'exclama-t-il d'un ton brusque et énervé, accentué par la fatigue accumulée depuis des heures. Maintenant laissez moi tranquille, je ne veux vous revoir que si c'est pour de nouveaux éléments de l'enquête...
Face à lui, Sally pâlit brusquement, comprenant l'erreur qu'elle venait de commettre et les paroles de son supérieur prenant sens dans son esprit. Déglutissant difficilement, elle hocha la tête en marmonnant quelques excuses et quitta le couloir d'un pas pressé. Greg, de son côté, soupira plus lourdement encore, prenant son visage entre ses mains tremblantes de la colère qui l'avait submergé quelques instants plus tôt. Il était épuisé. Tout ce qu'il voulait, c'était que quelqu'un vienne lui dire que son fiancé allait bien, qu'il allait s'en sortir et que toute cette situation n'était qu'un mauvais rêve dont il se réveillerait bientôt. Il ne sut combien de temps s'écoula encore avant qu'une main tiède ne vienne se poser sur son avant bras, lui faisant relever la tête une fois de plus. Assis à ses côtés, opposé à Sherlock, John venait de revenir après près de quatre heures d'absence au bloc. Le médecin portait encore la tunique bleue sombre et la charlotte sur ses cheveux courts et grisonnant qu'il retira avant de tendre un gobelet en carton blanc à son ami.
- Du thé au fruits rouges, je crois que c'est celui que tu aimes, chuchota-t-il presque avec compassion.
- Comment va-t-il ? Demanda l'inspecteur les larmes aux yeux et ses mains tremblant toujours.
- Je ne sais pas, avoua John avec dépit. Je n'ai pas pu aller au bloc avec lui, ils ont dit que j'étais trop impliqué, alors j'ai accompagné un autre chirurgien qui s'occupait d'Anthéa. Elle avait des blessures ouvertes un peu partout sur le corps mais elle est tirée d'affaire, elle pourra sortir bientôt. Pour Mycroft je n'en sais pas plus, je suis désolé Greg, vraiment désolé...
Le plus vieux ferma les yeux à s'en fendre les paupières, retenant ses larmes qui menaçaient à tout instant de déborder de ses yeux clairs. Il avait espéré, depuis des heures, que John puisse lui donner des nouvelles de son cher et tendre à son retour, et voilà que tous ses espoirs s'éffondraient les uns après les autres. Au moins avec John l'aîné des frères Holmes aurait été entre de bonnes mains. A présent, les dés étaient jetés et il fallait attendre que le destin joue son coup. Baissant les yeux sur son thé fumant, Greg eut un rire brisé qui se transforma rapidement en de douloureux sanglots désespérés. L'ancien soldat, émut et attristé de voir l'un de ses plus proches amis ainsi détruit, prit son aîné dans ses bras, vérifiant que Sherlock était toujours dans son palais mental, ce qui était heureusement le cas.
- Tout va bien..., le rassura-t-il en passant une main apaisante dans son dos. Tout va bien se passer, Greg, je suis sûr que Mycroft va s'en sortir, il est plus fort que ça, tout ira bien...
- J'aimerais que ce soit vrai..., renifla l'inspecteur en se réinstallant dans le creux de sa chaise inconfortable. Tu sais que c'est lui qui m'as apprit à boire du thé...? Je détestais ça avant de le connaitre...
- Tu veux me raconter ? Proposa gentiment le médecin avec un sourire avenant, prêt à tout pour changer les idées de son ami.
- D'accord....
Le soleil de mars brillait haut en ce début d'après-midi sur la maison de Mycroft Holmes, éclairant la cuisine de ses rayons chauds et caressants. Le politicien était dans le salon à lire l'un des livres que son compagnon lui avait offert à son dernier anniversaire et qu'il n'avait pas encore eu l'occasion de commencer. Il était vrai que l'aîné des frères Holmes, comme son cadet, bien que Sherlock eut moins de patience que lui, adorait lire. Malheureusement, avec son métier prenant, il n'avait que rarement l'occasion de se plonger à corps perdu dans une histoire et de se perdre au fil des pages dans ces univers de fantaisie et de merveilles qui le fascinaient tant. Alors qu'il s'était installé avec un thé, Greg, lui, était partit se préparer un café en cuisine. Pourtant, le policier avait bien envie de tester de boire un thé. Bon, d'accord, il voulait surtout partager quelque chose avec Mycroft et n'avait trouvé que le thé pour débuter, mais c'était déjà bien, non ? Déterminé, le DI commença par verser de l'eau dans une tasse et la plaça dans le micro-onde puis la chauffa deux minutes pendant lesquelles il sortit un sachet de thé, la boîte de sucre et un paquet de gâteaux. Sûr de lui, le renard d'argent sortit la tasse du micro-onde une fois que celle-ci fut à bonne température et plongea le sachet de thé dans l'eau avant d'y ajouter quelques sucres et d'y goûter. La grimace qui s'ensuivit aurait pu figurer dans le bêtisier des archives de Scotland Yard si un quelconque témoin avait pu assister à la scène. L'inspecteur goûta une nouvelle fois, juste pour être sûr, et manqua une fois de plus de recracher le breuvage.
- Gregory, est-ce que tout va bien ? S'enquit Mycroft en reposant son roman et rejoignant son compagnon en cuisine, alerté par son absence prolongée.
- Comment tu peux boire ça ?! Grimaça encore l'intéressé. C'est de l'eau chaude sans goût, j'ai beau mettre du sucre c'est toujours aussi mauvais !
- Combien de sucre est-ce que tu as mis ? interrogea le politicien en goûtant lui-même la préparation de son compagnon.
- Je sais plus...Cinq ou six ? Mais ça ne change pas le goût, j'y comprends plus rien !
- Tu as mélangé le sucre avec une cuillère au moins ?
Greg ouvrit la bouche pour répliquer mais garda le silence en réalisant que non, il n'avait pas mélangé le sucre à son thé. Après tout, pourquoi l'aurait-il fait, il ne mélangeait jamais son sucre à son café et pourtant il en sentait la saveur dès la première gorgée ! Mycroft sentit son cœur de glace fondre de tendresse à la moue attristée et pourtant adorable de son compagnon et il embrassa sa tempe avant de jeter le thé dans l'évier et de lui en préparer un nouveau. Greg vit donc son cher et tendre remplir la bouilloire d'eau et la placer sur le feu avant de sortir un nouveau sachet de thé et de préparer deux sucres et une cuillère. Lorsque l'eau fut à bonne température, le politicien en versa dans la tasse et y plongea le sachet de thé. Ses gestes étaient minutieux et firent l'effet au politicien qu'il dansait en véritable ballet culinaire. Avec Mycroft, le thé devenait un art qu'il était agréable et satisfaisant à regarder, presque reposant. Une fois le mélange fait et reposé, l'aîné des frères Holmes y ajouta deux sucres et mélangea le tout avec la cuillère avant de tendre la tasse à son compagnon avec un sourire aimant et confiant que seul Greg était en droit de voir dans leur intimité. L'inspecteur de Scotland Yard prit la tasse chaude entre ses mains, un air suspicieux accroché au visage, faisant rire son homme gentiment, et il but prudemment.
- Bordel, mais c'est bon ce truc là ! S'écria-t-il en reprenant plusieurs gorgées.
- Langage, Gregory, s'amusa Mycroft en posant une main sur la sienne. Et boit doucement. Évidemment que le thé est bon, quand on sait comment le préparer.
Le policier lui tira la langue comme un enfant et écopa d'un baiser tendre sur la joue. Il rejoignit son chéri dans le salon et s'installa à ses côtés pour savourer son thé bien mérité...
- Alors c'est comme ça que tu as commencé à boire du thé ? Résuma John en riant sous cape. Mycroft est vraiment un génie, si ça m'était arrivé, Sherlock me l'aurait directement fait couler dans la gorge à l'aide d'un entonnoir.
- J'en boit presque tout le temps maintenant, confia encore le renard d'argent en finissant son gobelet refroidi. Je sais ce qu'on raconte sur lui, je sais que Moriarty et Irène Adler l'ont appelé l'Homme de Glace...Mais Mycroft est plus que ce qu'il n'y paraît, c'est un homme bien, et un homme bon.
- Je n'en ai jamais douté, sourit John en coin.
C'est à ce moment-là que choisit d'arriver un médecin en blouse blanche pour se planter devant eux, un air grave sur le visage. Instantanément, les deux hommes cessèrent de rire, retenant inconsciemment leur respiration. Le médecin face à eux retira ses lunettes et les observa avec attention.
- Vous êtes monsieur Gregory Lestrade ? Le contact d'urgence de monsieur Holmes ? Docteur Box, j'ai été au bloc avec monsieur Holmes. Nous lui avons fait un lavage d'estomac afin de purifier son organisme. Il avait également plusieurs côtes félées et quelques blessures ouvertes, ainsi qu'une cheville déboitée mais il devrait rapidement se remettre, il ne gardera aucune séquelles sur le long-terme.
Greg soupira de soulagement en prenant son visage entre ses mains, le souffle tremblant et des larmes d'émotions perlant au coin de ses yeux. John, encore inquiet, passa une main compatissante dans son dos pour le rassurer et le médecin eut la politesse d'attendre que l'inspecteur reprenne un peu d'aplomb avant de reprendre.
- Il a été emmené dans sa chambre et ne devrait pas tarder à se réveiller. Vous pouvez aller le voir si vous le souhaitez, mais soyez patient : il sort d'une lourde opération et risque de ne pas être très réceptif ni de rester éveillé longtemps.
Le policier le remercia avec bienveillance en séchant ses larmes et alla à la chambre indiqué par le médecin. John était à de pas derrière lui, prêt à le soutenir, ainsi que Sherlock qui semblait peu à peu en train de s'extirper de son palais mental, bien qu'avec quelques difficultées plus ou moins apparentes. La chambre était blanche et impersonnelle, calme, trop calme, seul le bip constant du moniteur perçait ce silence pesant et assourdissant. Là, allongé sur un lit médicalisé, le grand Mycroft Holmes n'était plus réduit qu'à un corps brisé et endormis, immobile, blessé. Greg sentit un sanglot remonter le long de sa gorge et il plaqua une main sur sa bouche pour s'empêcher de fondre en larmes. Se dirigeant comme un automate vers le lit de son compagnon, il s'effondra sur une chaise à ses côtés et prit sa main dans la sienne, nouant leurs doigts et caressant tendrement son visage, presque timidement, comme s'il avait peur de le briser plus qu'il ne l'était déjà. A cet instant, il se fichait que quiconque soit au courant de leur histoire, tant pis si le monde tout entier le savait, il n'y avait plus que Mycroft et lui, dans cette triste chambre d'hôpital.
- Je suis là...Je suis là My'...Si tu savais comme j'ai eu peur de te perdre..., murmura-t-il en embrassant doucement sa main. Je suis là maintenant...Je suis là, tout va bien se passer...On va s'en sortir ensemble, je te le promet...
- Qu'est-ce que tu fais ? Cingla la voix froide de Sherlock qui fronça les sourcils en voyant son ami tenir la main de son frère.
- Sherlock, c'est pas le moment, souffla gentiment John d'un ton pourtant déterminé. On en reparlera plus tard, mais pas maintenant. S'il te plait.
- Vous êtes ensembles ? Demanda le détective, plus comme une accusation, sans se préoccuper de ce que son époux venait de dire alors que l'ancien soldat se pinçait l'arrête du nez, marmonnant que de toute façon Sherlock n'écoutait que ce qu'il voulait bien entendre.
- Oui, ton frère et moi sommes ensemble, Sherlock, soupira finalement le renard d'argent en caressant la main de son compagnon. Et nous sommes fiancés. Il comptait te l'annoncer lui-même, je te le promets. On ne voulait pas te tenir à l'écart, vraiment...
Mais face à lui, le détective consultant serra les poings en le fusillant du regard. La tornade qui s'ensuivit fut si soudaine que ni Greg ni John ne la virent venir de l'homme pourtant si calme qui était avec eux.
- Vous êtes fiancés ?! Répéta Sherlock en se levant d'un bon, les yeux furibond brûlant de colère. Tu te rends compte de ce que ça implique ?! Mycroft n'a jamais subi aucune attaque, il a toujours un coup d'avance, il prévoit tout. Et là il est à l'hôpital, et c'est entièrement ta faute !
- Que...Quoi ? Comment ça, ma faute ? S'étrangla le plus vieux.
- Sherlock, comment tu peux dire ça ? S'étonna même le médecin militaire. Greg n'a rien à voir avec ce qu'il s'est passé, et c'est son droit de sortir avec ton frère. Mycroft n'est pas infaillible, c'est un être humain comme toi et moi, pas un super-héros.
- Si ! Mycroft ne s'est jamais laissé distraire par personne ! Et maintenant il est ici parce qu'il n'a pas fait attention ! Tu vas finir par le tuer et ce sera entièrement ta faute ! Laisse le tranquille, sort de sa vie, va-t-en ! Tu n'as aucun droit d'être ici, tu n'es pas de la famille, tu ne devrais même pas être fiancés avec lui, je t'interdis de l'approcher !
- Sherlock...Maintenant...ça suffit, trancha une voix lasse et écorchée.
Écarquillant les yeux, John et Greg se tournèrent vers le lit comme un seul homme pour voir Mycroft éveillé, bien qu'encore affaibli et dans le brouillard, son regard d'acier rivé sur son petit frère qui serrait encore les poings de colère comme un enfant boudeur. Ses yeux étaient troubles de fatigue et de douleur mais son regard était déterminé.
- C'est sa faute si..., tenta le plus jeune avant de se faire interrompre une nouvelle fois.
- Sherlock, ce que je fais de ma vie privée ne te regarde pas. Oui, je suis en couple avec Gregory et oui, je vais l'épouser. Ce qu'il s'est passé au Parlement n'est pas de son due et j'ai parfaitement conscience de mon incompétence à ne pas avoir prévu une attaque de ce genre. J'enquêterais personnellement, mais en ce moment j'ai besoin de repos, alors si tu veux t'énerver fait le, mais fais le en dehors de cette chambre. Ou alors, tu peux rester ici, avec nous, en famille, insista-t-il en pesant ses mots, lourd de sens.
Pour toute réponse, le détective consultant quitta la pièce en claquant la porte derrière lui. John s'excusa auprès de Mycroft, lui soufflant qu'il était heureux de le savoir réveillé et vivant, puis il rejoignit son mari pour tâcher de le calmer. Le politicien se tourna alors vers son fiancé en gémissant de douleur, une main pressée contre ses côtes, et il serra sa main dans la sienne.
- Pardon pour son comportement. Je sais que ce n'est pas une excuse mais quand il était petit, on a diagnostiqué à Sherlock une forme légère d'autisme et dès que ça me concerne étrangement ça se manifeste. J'ai tendance à espérer que c'est parce qu'il tient à moi...
- Je me fiche de Sherlock, Mycroft, tu es en vie ! Seigneur, tu es en vie...
Laissant libre court à ses larmes, le policier fondit sur les lèvres de son compagnon qu'il embrassa de tout l'amour dont il était capable. Contre lui, Mycroft se détendit lentement, soupirant de soulagement. Lui aussi était heureux d'être en vie, et quoi qu'en dise son frère, il avait la sensation que c'était Greg qui l'avait sauvé, contre vents et marées, toujours son cher inspecteur, Gregory Lestrade.
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