Chapitre 3 : Saccrifier certaines pièces

Mycroft Holmes n'était pas le genre d'homme à se vanter de sa réussite, de sa carrière, ni même de sa fortune. Le politicien avait gravit l'échelle en un temps record mais n'en parlait jamais. Il était l'homme le plus puissant du pays, voire peut-être même de l'Europe, mais il restait dans l'ombre et assurait que sa position n'était que « mineure ». Et il était riche, très riche, aussi bien qu'il avait offert une demeure de vacances à ses parents et qu'il alimentait le compte en banque de son petit frère chaque mois. Il avait aussi une voiture avec chauffeur, certes, mais c'était une voiture de fonction, un service proposé grâce à son emploie. Autrement, Mycroft ne dépensait jamais à outrance. Cependant, il arrivait parfois que le Gouvernement se fasse plaisir lorsqu'il s'ennuyait et, alors, il abusait peut-être un peu de sa fonction.

Assis sur la banquette arrière, les yeux rivés sur son téléphone, Mycroft observait son compagnon sur la scène de crime. Il avait demandé à David, son chauffeur, de passer chercher Anthéa avant de se rendre au Parlement, étant donné qu'elle était sa PA. Alors, coincés dans les embouteillages pour un temps latent, l'ainé Holmes regardait son fiancé sur son travail et lui envoya quelques messages pour qu'il fasse attention à lui. L'homme s'inquiétait sans cesse pour sa famille et pour le peu d'amis qu'il avait. C'était un défaut qu'il avait toujours eu, et sous ses airs d'homme de glace Mycroft était un cœur sensible.

La voiture s'arrêta finalement devant une façade d'immeuble assez chic. Les assistants et secrétaires étaient logés par leurs employeurs, aux frais du gouvernement de sa majesté. Mycroft, quand l'idée lui fut proposée, avait simplement demandé à Anthéa de lui donner l'adresse où elle souhaitait habiter et il s'était chargé du reste. La jeune femme ouvrit la portière à côté de son patron et s'installa, bouclant sa ceinture, alors que Mycroft rangeait son téléphone et coupait les caméras. Il avait déjà bien assez profité de la vue de Gregory comme ça. Anthéa, pour une fois, n'était pas sur son téléphone et sourit à son employeur.

-          Bonjour Monsieur.

-          Bonjour Anthéa. David vous pouvez démarrer.

Dans le rétroviseur intérieur, il vit son chauffeur acquiescer sans répondre. C'était une règle tacite entre eux. Quand Anthéa, ou un quelconque invité était présent, il devait se taire mais pouvait écouter. Mycroft n'avait confiance qu'en son assistante et son chauffeur quand il était au travail. Il connaissait David depuis plus de vingt ans. Il l'avait rencontré dès son premier jour au gouvernement et les deux hommes s'étaient vite bien entendu. Pour Anthéa, en revanche, c'était une toute autre histoire. Lisa McAllister, de son vrai nom, avait fait ses classes à Cambridge en même temps que Sherlock. Mycroft avait vingt-quatre ans à l'époque, elle et son frère dix-sept. Il savait que Sherlock commençait à filer du mauvais coton alors il avait soudoyé la jeune femme. Il avait promis de payer chacun de ses frais d'étude si, chaque semaine, elle lui faisait un rapport complet sur son frère et si, tous les jours, elle lui envoyait des messages pour le tenir informé. C'est de cette manière qu'il avait appris pour Sherlock et la drogue, c'est de cette manière qu'il avait appris la disparition de son frère, faisant une overdose dans un squat non loin de son école. Il se souvenait encore de la panique qu'il avait ressentie ce jour-là. C'était à cette époque qu'il avait rencontré Gregory Lestrade, alors chargé d'une enquête similaire.

A la fin de ses études, Anthéa avait pris un pseudonyme et était entrée au service de Mycroft. Elle le connaissait depuis un moment déjà, et il lui fallait un travail. Elle fit d'une pierre deux coups.

-          Emploie du temps de la journée ? Demanda-t-il.

-          Réunion au Parlement avec les représentants des états européens et le Premier Ministre. Quelle que soit la durée de cette réunion elle finira au plus tard à quatorze heures à causes des obligations de l'ambassadeur espagnol. Cette après-midi à quinze heures vous avez rendez-vous chez le dentiste aussi.

Mycroft grommela à cette information et la jeune femme de permit un sourire amusé avant de reprendre son sérieux.

-          C'est tout pour aujourd'hui, monsieur.

Mycroft avait fermé les yeux, l'écoutant mais réfléchissant par la même occasion. Son manque de réactivité inquiéta la PA qui toussota légèrement.

-          Monsieur ?

-          Oui, merci Anthéa, déclara-t-il en rouvrant les yeux. Ajoutez un rendez-vous à Baker Street pour demain matin première heure également.

-          Quel motif dois-je indiquer ? S'enquit-elle.

-          L'annonce de mes fiançailles à mon frère.

-          Oui, monsieur, sourit-elle cette fois sans le cacher, notant précieusement l'information, s'enfermant dans son téléphone.

Anthéa tapait sur les touches aussi vite que Sherlock, et ce pour la même raison, ou presque. La jeune femme lisait et relisait des tweets, des mails, des messages, des articles, tout ce qui pouvait permettre à son patron de tirer les ficelles du jeu à son avantage. Car être le Gouvernement Britannique en personne était une chose, encore fallait-il réussir à le rester. Et Mycroft avait conscience que ce n'était pas un métier de tout repos, mais ça lui plaisait, depuis toujours. Les gens, ces poissons-rouges, ne comprenaient jamais son engouement. Même son petit frère, à l'époque, n'avait pas compris. Alors Mycroft lui avait expliqué comme il l'avait pu. Il avait toujours aimé cette comparaison qu'il lui avait faite, l'été de ses vingt ans.

L'année scolaire venait de se terminer mais déjà Mycroft travaillait-il pour prendre de l'avance sur ses camarade. Installé dans la grande bibliothèque, il révisait ses livres d'économie avancée et d'histoire du monde. Sa mère travaillait sur son livre, à l'étage, et son père jardinait. Sherlock, âgé de treize ans, jouait aux échecs dans un coin de la pièce, épiant Mycroft mais n'osant guère le déranger. En vérité, il s'ennuyait. Alors le jeune garçon se leva finalement et s'approchait de son grand frère, qu'il adulait encore à l'époque, et tenta de lire par-dessus son épaule.

-          Qu'est-ce que tu veux ? Demanda l'aîné d'un ton neutre.

-          Comprendre.

Sherlock n'était pas plus bavard à l'époque que maintenant, se contentant toujours d'aller à l'essentiel.

-          C'est trop avancé pour toi, pour le moment. N'essaie pas de faire l'intelligent Sherlock, s'amusa un peu Mycroft, je suis le plus intelligent de nous deux.

-          Même pas vrai !

-          Oh que si, la preuve c'est que tu m'as dit vouloir comprendre. Donc c'est que tu ne connais pas ce que je fais, donc je suis plus intelligent.

-          Je te déteste !

Et il partit bouder, retournant à sa place, la tête entre les bras croisés. Mycroft savait que son frère utilisait cette technique en dernier recours, quand il n'avait plus d'arguments valables, mais c'était toujours aussi douloureux. Il soupira et l'appela.

-          Quoi ? Marmonna le jeune.

-          Je ne peux pas tout t'expliquer, mais je veux bien te montrer pourquoi j'étudie ça.

Sherlock bondit sur ses pieds et s'installa face à son frère. Ce dernier ne lui avait jamais clairement dit quels projets il avait pour l'avenir. Mycroft le laissa s'asseoir, se leva et alla chercher le jeu d'échec derrière lui avant de le placer entre eux, les blancs de son côté.

-          Tu vois ce jeu Sherlock ? Essaie de déduire quel serait, pour toi, l'élément le plus puissant de ce jeu.

Le garçon pencha la tête et plissa les yeux. Tout comme Mycroft, il ne résistait jamais à une énigme. Il réfléchit un instant et commença ses explications.

-          Les pièces blanches commencent toujours, ça leur donne donc un avantage. Les pions sont sacrifiés les premiers et ne servent qu'à ouvrir le jeu, donc ce n'est pas eux. Les tours de son pas très utile et le fous ne peut aller qu'en diagonale donc en faisant bien attention on peut préserver nos pions. Le cavalier est plus coriace mais il n'est pas plus fort que les autres. Le roi...le roi est important vu que le but du jeu est de lui faire échec mais il ne bouge que d'une case à la fois alors...je dirais la reine ! J'ai bon ?

-          C'est une bonne déduction Sherlock, mais tu as faux. L'élément le plus puissant de ce jeu n'est pas une pièce, c'est le joueur. C'est celui qui bouge les pièces.

-          Mais tu triches ! Un joueur n'est pas une pièce !

-          Mais si tu m'avais correctement écouté, Sherlock, tu saurais que j'ai dit « élément » et non pas « pièce ». C'est ça, ce que je veux faire. Je veux être le joueur qui bouge les pièces, qui tire les ficèles.

-          Pourquoi ? Demanda l'enfant.

-          Parce que comme ça je pourrais vous protéger, toi, maman et papa. Tu comprends ?

Sherlock avait hoché la tête. Oui, il comprenait.

-          Monsieur ? Nous sommes arrivés, l'informa David.

Mycroft le remercia et descendit de voiture, Anthéa à sa suite. Le Parlement se dressait devant eux dans toute sa splendeur et, pourtant, jamais il n'avait paru plus fade. Mycroft se ramollissait, il le savait. Depuis qu'il vivait avec Greg, il ne prenait plus autant de plaisir que ça à jouer aux échecs avec l'Europe comme il pouvait le faire autrefois. Soupirant, il se décida enfin à s'engager et passer les portes de l'illustre bâtiment. Dans un dédalle de couloir sans fin, il cheminait en quête de la chambre de réunion. Lorsqu'il la trouva, tout le monde était déjà présent. A la liste de invités figurait le Premier Ministre, les ambassadeurs d'Espagne et de Belgique, le premier ministre français, la ministre des affaires étrangères italiennes, la chancelière allemande et lui-même, bien entendu. Il serra la main de chacun, échangeant quelques mots avec eux. Tous le connaissaient, ou pensaient le connaitre. Ils avaient tous déjà fait appel à lui pour des conseils, des conflits, des accords. Dans le cadre actuel, Mycroft avait surtout la désagréable impression d'être leur nounou à tous.

La réunion commença rapidement, comme tous étaient présents, et s'éternisa une bonne heure avant qu'il ne faille faire une pause, pour la santé mentale de tous. Il plateau chargé de thé étonnement lourd arriva et Mycroft en prit une tasse qu'il ne dégusta pas tout de suite. Quelque chose le chiffonnait, et ce depuis un moment déjà. Le Parlement était étrangement calme, les fenêtres étaient toutes closes alors qu'il faisait une chaleur étouffante et les messes-basses allaient bon train. Pour ajouter au tout, Anthéa vint le trouver pour l'informer à l'oreille.

-          Monsieur, plus aucun réseau, et personne dans le bâtiment, chuchota-t-elle. Je pense que quelque chose se trame.

Il hocha la tête, essayant de garder son calme et de ne pas affoler ses collègues. Il se leva et marcha dans la pièce de long en large, prétextant devoir se dégourdir les jambes, Anthéa à ses côtés. Soudain, des coups de feu dans la cours intérieure fit relever la tête de chacun et, un cours instant plus tard, les fenêtres volèrent en éclats, la table s'ébranla, certains furent tués sur le coup, d'autres projeté aux quatre coins de la pièce avec des blessures graves. Mycroft et Anthéa volèrent contre le mur face à eux. La jeune femme perdit connaissance tandis que son patron, étourdit, venait d'atterrir violement contre une bibliothèque. A ce moment-là, Mycroft se dit qu'il n'avait jamais aussi bien fait de sa vie de vouloir marcher : c'était le chariot de thé qui venait d'exploser.

*****
Alors ? Avis et théories ? A bientôt !

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