Chapitre 12 : Quand l'enfer se déchaine


- Monsieur ? Où voulez-vous que je vous dépose ? demanda le chauffeur en regardant son patron d'un air compatissant dans le rétroviseur.

- Hum..? S'enquit Mycroft en relevant la tête, sa main toujours fermement serrée autour de son parapluie. Oh, peu importe, David, vous n'êtes officiellement plus mon chauffeur, je peux prendre un taxi.

- J'aimerais quand même vous conduire une dernière fois, monsieur, si vous le voulez bien, objecta gentiment David.

Mycroft, la gorge nouée par la culpabilité, se contenta de hocher la tête pour le remercier. David ne lui demanda, finalement, pas de seconde fois où il voulait se rendre et préféra l'emmener chez lui pour qu'il puisse se reposer. A ses côtés, sur la banquette arrière, Anthéa pianotait frénétiquement sur son téléphone, et Mycroft ne l'empêcha de rien. Il n'essaya même pas de savoir ce qu'elle faisait, il se sentait trop coupable pour chercher à savoir. Il venait de perdre son travail, mais aussi de ruiner la vie des deux seules personnes qu'il côtoyait depuis des années maintenant et qu'il en était venu à considérer comme ses rares amis.

- Je suis désolé, confia-t-il après un lourd silence, long de plusieurs minutes. Tout ceci est de ma faute, je veillerais à ce que vous touchiez de bonnes indemnités, quitte à les payer moi-même, et je téléphonerais à mes contacts pour vous retrouver un emploi, je m'y engage.

- Entre nous, monsieur, sourit David, je préfère encore être au chômage que de travailler pour des gens qui ne savent pas vous respecter, alors que vous leur avez consacré de nombreuses heures de votre vie.

- Ce n'est pas de votre faute, reprit Anthéa pour soutenir son collègue. Vous n'y êtes pour rien dans cette histoire, si seulement Lady Smallwood était assez intelligente pour le voir. Vous verrez, quand ils se rendront compte qu'ils ont besoin de vous, ils reviendront en rampant. Je pourrais passer demain pour que nous réfléchissions à une stratégie pour les confronter et...

- Merci, Anthéa, sourit tristement Mycroft, mais ce n'est pas la peine. Tu n'es plus mon assistante à présent, tu n'as plus aucune obligation envers moi. Je ne suis plus ton patron, et je ne vaut guère mieux qu'un ami de pacotille à présent.

- Je vous serais toujours loyale, monsieur, sourit-elle en posant une main sur la sienne. Toujours.

Le politicien, une nouvelle fois, acquiesça avant de se replonger dans le mutisme afin de réfléchir à la situation, savoir ce qu'il pouvait faire pour arranger tout ça, qui il pouvait appeler, etc. Vingt minutes plus tard, alors que David se garait devant chez lui, Mycroft était encore dans ses pensées, ne réalisant pas qu'ils s'étaient arrêtés. Le chauffeur remercia son patron, pour toutes ces années à son service, et Anthéa le raccompagna à la porte pour lui offrir une dernière étreinte, proposant même de rester avec lui jusqu'au retour de Greg, le soir même. Mais Mycroft refusa. Il avait besoin d'être un peu seul avec lui-même et de faire le point sur la situation. L'homme de glace passa la porte avec un soupire, déposant veste et parapluie dans l'entrée, puis il monta d'un pas pesant à son bureau, à l'étage, pour faire ce qu'il faisait le mieux d'ordinaire : réparer les dégâts....

- Chéri, je suis rentré ! Cria Greg en entrant dans l'immense batisse plongée dans le noir.

L'inspecteur de Scotland Yard venait enfin de rentrer chez lui, à dix-neuf heures trente passées, plusieurs heures après le retour de son homme. Le DI n'avait pas eu de nouvelles de son fiancé depuis le matin, lorsqu'ils s'étaient quitté à l'hôpital, mais, en dépit de son inquiétude, n'avait pas cherché à lui forcer la main, sachant que l'emploi du temps du politicien était relativement chargé. Pourtant, de constater que leur maison était aussi silencieuse et éteinte l'angoissait quelque peu. Mycroft prévenait toujours lorsqu'il rentrait plus tard, ne serait-ce qu'un simple message, et pourtant il n'avait rien reçu. Alors qu'il s'apprêtait à appeler une nouvelle fois le nom de son homme, le renard d'argent entendit un bruit sourd provenant de l'étage et il s'empressa de monter les escalier quatre à quatre jusqu'au bureau de Mycroft...Qu'il trouva d'ailleurs penché en avant, essoufflé, ramassant une pile de dossier qui venait se tomber et de s'éparpiller sur le parquet vieillis. L'aîné des frères Holmes était pâle, les cheveux légèrement ébouriffés. Ses yeux étaient rouges, ainsi que le minuscule bout de son nez, ce que Greg aurait pu trouver adorable qu'il n'avait pas sentit la forte odeur d'alcool dans la pièce.

- Attends, laisse moi t'aider, proposa-t-il en prenant une partie des dossiers. Myc' est-ce que ça va ? S'enquit-il ensuite en posant une main sur sa joue qu'il trouva particulièrement fraîche.

- Je vais très bien Gregory, merci de t'en soucier, lui répondit Mycroft avec un sourire de convenance. Et comment va Scotland Yard ? Des pistes sur cette enveloppe que j'ai reçue ce matin ? Demanda-t-il en se rasseyant à son fauteuil.

- Les analyses sont toujours en cours, répondit Greg avec une certaine méfiance. Chéri, est-ce que tu as bu ? Est-ce que...ça se serait mal passé avec Lady Smallwood ? Tu sais que tu peux m'en parler ?

- J'ai été viré. Maintenant si tu veux bien me laisser j'ai encore du travail, je te rejoindrai plus tard pour le dîner.

Sous le choc de la nouvelle, Greg écarquilla les yeux, la bouche ouverte dans un cri pétrifié et incompréhensif. Comment Mycroft avait-il pu être viré ? Il n'avait jamais rien fait de mal ! Posant mille questions pour tâcher d'en savoir plus, le plus vieux se retrouva avec une enveloppe dans les mains, celle que Lady Smallwood avait confié à Mycroft. Elle contenait un justificatif de rupture de contrat, une lettre de licenciement et une fiche de ses indemnités, ainsi qu'un chèque qui ne valait pas le quart de ce qu'il gagnait en un mois. Pour un homme qui avait consacré son existence à son pays, c'était bien peu cher payé comme remerciement. Avant qu'il ait pu demander plus d'explications au politicien, Greg fut surpris par le bruit de la clé dans la serrure de la porte d'entrée. Il n'y avait qu'une seule autre personne à avoir accès à leur maison, et c'était l'assistante de Mycroft, Anthéa. La jeune brune monta les escaliers et Greg aperçut le sac de la pharmacie dans sa main droite, qu'elle lui tendit en poussant un profond soupir désolé.

- C'est son traitement ? Devina le plus vieux en lui lançant un sourire pour la remercier. C'est gentil de l'avoir amené, merci de...

- Ne me remerciez pas trop vite, le coupa-t-elle en secouant la tête. Je n'apporte pas que des bonnes nouvelles malheureusement. Je suis passé au bureau pour récupérer vos effets personnels, confia-t-elle en se tournant vers Mycroft. Lady Smallwood avait laissé ça près de l'ordinateur. Je suis vraiment désolée...

Prenant d'une main tremblante la lettre que lui confiait son assistante, Mycroft la décacheta et la lu rapidement avant de pâlir un peu plus qu'il ne l'était déjà et de se laisser aller dans son fauteuil, ses yeux gris perdu dans le vague. Greg, inquiet, la lui prit des mains et la lu à haute voix en sentant ses larmes déborder de ses yeux.

" Monsieur,

Suite à la plainte déposée tantôt par Lady Elizabeth Smallwood à vôtre encontre, j'ai la charge de vous convoquer à la cour royale de justice pour un procès où vous aurez à répondre des chefs d'accusations suivants :

Faute professionnelle grave

Mise en danger de la vie d'autrui

Homicide involontaire"

Greg cessa sa lecture, il en avait bien assez. L'envie de vomir lui prit aux tripes mais il se retint, sachant que Mycroft allait avoir besoin de lui. Non seulement Lady Smallwood l'avait renvoyée, mais elle allait maintenant le détruire comme un insecte indésirable. La lettre précisait que Mycroft pouvait choisir un avocat, ou se défendre lui-même, et que le procès avait lieu dans à peine deux semaines, ce qui ne leur laissait pas une grande marge de manœuvre pour préparer leur défense et contrer les arguments de cette vipère. Dans son fauteuil, Mycroft garda le silence, les yeux dans le flou, respirant à peine. Son fiancé s'approcha de lui, caressa sa joue faiblement, mais l'homme de glace, complètement pétrifié, ne réagit pas. L'inspecteur se tourna vers Anthéa avec mille questions dans le regard.

- Est-ce que...Est-ce qu'il...?

- Je ne sais pas, il n'a jamais réagi comme ça, avoua la brune en déglutissant difficilement. J'appelle son frère, décréta-t-elle en composant le numéro avant de le mettre sur haut parleur.

- Allô ? Décrocha la voix de John à l'autre bout du fil.

- John, c'est moi ! Lança Greg avec un ton d'urgence dans la voix. Est-ce que Sherlock est avec toi ? J'ai besoin de lui ! Est-ce qu'il sait si Mycroft a un palais mental comme lui ou quelque chose qui s'en rapproche ?

- Attends...Non, il dit que non...Bon, Sherlock tu ne vas pas râler parce que ton frère se souvient plus facilement des choses que toi et qu'il n'a pas besoin de palais mental ! Désolé, Greg, pourquoi cette question ?

- Parce que je crois que Mycroft est en état de choc...,

Il y eut des murmures étouffés à l'autre bout du téléphone et, cette fois, ce fut la voix de Sherlock qui prit le relais dans la conversation avec Greg.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Il s'est figé d'un coup, et là il ne bouge plus je...

- Non, avant ! S'énerva Sherlock. Qu'est-ce qu'il s'est passé avant ? Il a avalé quelque chose, entendu quelque chose ?

- Il a été viré ce matin, et Lady Smallwood porte plainte contre lui pour homicide involontaire. Il a bu de l'alcool aussi, mais je ne sais pas en quelle quantité !

- Mycroft n'a pas l'habitude de boire de l'alcool, il n'en prend jamais. Il doit être en état de choc, ajoute à ça l'alcool qu'il a bu...

- Greg, reprit John, vu ses symptômes il y a peu de doutes, Mycroft risque de faire une psychose. Surveille le de prêt il pourrait devenir violent et se débattre, on prend le premier taxi et on arrive ! Ne le laisse surtout pas seul ! Ordonna le médecin avant de raccrocher.

Greg regarda fébrilement son compagnon et Anthéa, incertain de ce qu'il devait faire à présent. L'avertissement qu'ils avaient reçu était vrai : il n'allait bientôt rester du roi qu'un tas de cendres, et ce ne serait pas joli à voir...

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