Chapitre 10 : Espoir de victoire
Greg n'avait jamais été au Parlement, en tous cas pas dans l'une des prestigieuses salles de réunion que son fiancé, lui, avait l'habitude de côtoyer. Pourtant, celle salle n'avait plus rien de prestigieux, avec ses murs aux tapisseries déchirées et couvertes de cendres, ses dorures ternies, ses fenêtres éclatées dont les morceaux de verre jonchaient le sol par millier de petits éclats étincelants, et ses tapis noircis par le feux et couverts de sang séché. Dans un coin gisait le chariot à thé, celui-là même qui avait explosé et qui avait coûté la vie à tant de personnes innocentes, qui avait envoyé son compagnon à l'hôpital, à cause d'un malade qui l'avait drogué et fait avoir une overdose...L'inspecteur de Scotland Yard secoua brusquement la tête en serrant les poings. Ce n'était pas le moment de penser à ça. Imaginer Mycroft seul ici, à la merci du premier criminel venu, et le revoir ensuite étendu, si fatigué et fragile dans son lit médicalisé aux draps immaculés lui donnait autant envie de pleurer que de hurler et il devait garder la tête froide. S'il craquait maintenant, c'en serait fini de lui, hors il avait cette affaire à résoudre, et, surtout, il devait tenir le coup pour que son cher et tendre puisse s'appuyer sur lui pour reprendre sa vie en main, même s'il doutait fortement que Mycroft le laisse voir les parties les plus fragiles de son être. Déjà après l'incident de Sherrinford, l'Homme de Glace ne lui avait fait part que de certains cauchemars, mais Greg n'était pas dupe. Il ne comptait plus le nombre de fois où il avait entendu Mycroft se lever en pleine nuit pour se faire un thé, lire, ou le plus souvent aller au bureau et travailler pour se vider l'esprit, ne revenant qu'aux aurores pour être avec son compagnon pour son réveil. Jamais le renard d'argent ne l'avait soupçonné d'adultère. Ce n'était pas le genre de Mycroft d'aller voir ailleurs lorsqu'il était en couple, lui qui était d'une fidélité sans faille, mais avant tout parce que le plus jeune avait prit l'habitude de déposer un mot sur la table de nuit au cas où Greg se réveillerait avant son retour. Soufflant doucement, retrouvant son calme, le DI inspecta les lieux en compagnie d'Anderson et de Donovan, eux aussi en tenue stérilisée pour ne pas détruire d'éventuelles preuves. Les deux agents gardaient le silence, ne se concentrant que sur le travail. Maintenant que la relation entre leur patron et l'aîné des frères Holmes avait été révélée, tous se tenaient à carreau en compagnie de Greg, de peur de le pousser à bout ou de prononcer une parole déplacée par accident.
- Patron ? S'approcha Sally avec lenteur, raide comme un piquet.
- Hum ? Marmonna Greg en levant les yeux vers elle. Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Je voulais vous dire que j'étais désolée, avoua-t-il avec son professionnalisme habituel. Je sais que c'est dûr pour vous en ce moment, et qu'on a pas été très sympa avec le tar...avec Sherlock, se reprit-elle juste à temps. Et...félicitation pour vos fiançailles.
- Merci, Sally, souffla-t-il en se passant une main sur le visage. C'est très gentil...
- On va le coincer, le salaud qui a fait ça, je vous le promets.
En remerciement, Greg opina du chef et se remit à la recherche d'indices. Tout était bon à prendre, une empreinte, un cheveux, un morceau de tissu, quoi que ce soit qui puisse les mener à l'auteur de cette attaque. Alors qu'il se relevait péniblement, s'étant agenouillé pour ramasser et mettre sous scellés un morceau de chair humaine, le regard de l'inspecteur se posa sur un parapluie noir à la toile déchirée et au paumeau brisé et son coeur dégringola à ses pieds alors qu'il s'approchait de l'object lentement pour le prendre dans ses mains avec révérence et un respect certain. Le parapluie de Mycroft, celui que le politicien emmenait partout avec lui. Peu de personnes savaient qu'en réalité, l'objet dissimulait une épée qui elle-même dissimulait une petit revolver. Prudence était le mot d'ordre avec Mycroft : toujours prévoir l'imprévisible. Soudain, le DI éclata de rire d'avoir retrouvé le parapluie de son homme, mais son rire se transforma en sanglot et il serra le précieux objet contre son coeur en baissant la tête, les larmes dévalant ses joues, la pression des dernières quarante-huit heures revenant à la charge, prête à le faire flancher. Derrière lui, Donovan et Anderson échangèrent un regard aussi surprit que douloureux et ils laissèrent un peu d'espace à leur patron pour souffler. Il lui fallu de longues, très longues minutes, pour retrouver son calme et arrêter le tremblement excessif de ses mains. Finalement, Greg revint à lui-même et garda le parapluie avec lui pour le ramener à son fiancé, se disant que l'attention le toucherait peut-être.
- Bon, on a autre chose ? Quelque chose de tangible qui pourrait nous aider à avancer ? Allez, trouvez-moi quelque chose ! Hurla-t-il à son équipe.
Chacun se remit au travail avec empressement et Greg soupira en se disant qu'il mériterait de se griller une cigarette après cette journée. Alors que lui aussi reprenait ses investigations, il fut interrompu par Sherlock qui déboula en trombe sur la scène de crime. Sally tenta de l'empêcher de passer mais son air déterminé et presque haineux, qui ne lui était pas coutumier, la dissuada d'intervenir. Lestrade le regarda en soupirant, se demandant intérieurement ce qu'il pouvait bien se passer encore, et il sentit, plus qu'il ne le vit, le poing du détective s'abattre sur son visage avec une force inouïe. Levant le bras pour se protéger alors qu'il venait de se retrouver à présent écroulé au sol par la violence du choc, Greg reçut deux autres coups avant qu'Anderson ne se décide à retenir Sherlock pour l'empêcher de continuer son massacre.
- Mais qu'est-ce qu'il te prend, bon sang ?! S'écria l'inspecteur en se relevant, essuyant sa lèvre en sang du revers de sa manche et massant sa joue endoloris. Je peux savoir ce qu'il t'est passé par la tête ?
- Tu l'as tué ! Tu as tué mon frère ! Hurla le détective en se débattant contre la poigne ferme d'Anderson qui se fit violence pour ne pas le relâcher sous le choc de la nouvelle.
- My...Mycroft est mort..? Répéta bêtement le DI en sentant ses jambes vaciller, Sally venait le soutenir pour qu'il ne s'écroule pas.
Il avait envie de vomir, sa tête tournait et sa vision se brouilla de tâches sombres. Mycroft était...non, non Mycroft allait bien quand il l'avait vu au matin, comment pouvait-il...mort...Non, non...Mort...Alors que ses pensées n'était plus qu'un tourbillon incohérent et que ses larmes coulaient sans qu'il ne puisse s'en empêcher sur ses joues dans le silence pesant de la pièce, le téléphone de Greg sonna une fois, deux fois, trois fois, avant que Donovan ne le sorte de la poche de son patron pour décrocher à sa place.
- Téléphone de Gregory Lestrade, je peux vous aider ? Oui...Non il ne peut pas vous répondre, je peux prendre un message ? Non il n'est pas...Très bien. C'est pour vous patron, une femme qui s'appelle Anthéa...
- Allô...? Souffla-t-il d'une voix incertaine.
- Greg, est-ce que Sherlock est venu vous voir ? S'empressa de demander l'assistance de son fiancé.
- Il....il a dit...Mort..., bredouilla le DI en tremblant violemment.
- Oubliez ce que Sherlock a dit, Mycroft est vivant. Il a fait un arrêt cardiaque, oui, mais ils ont réussi à faire repartir son coeur. J'ai vu le médecin juste après le départ de Sherlock, la rate de Mycroft a éclaté, ils n'avaient pas vu qu'elle avait été fragilisée au scanner. L'opération s'est faite en urgence, ça se présentait mal mais apparemment ils ne seront pas obligés de la retirer complètement. Revenez vite à l'hôpital.
Hochant la tête, incapable de répondre de vive voix, Greg raccrocha, encore en état de choc, l'incompréhension, la douleur et le soulagement bataillant dans son coeur et dans sa tête pour prendre la première place. Tremblant de tous ses membres, l'inspecteur garda un souvenir très flou des événements qui se succédèrent suite à l'appel d'Anthéa, mais à la fin, il se retrouva dans la chambre d'hôpital de Mycroft à attendre que ce dernier sorte du bloc opératoir. Sherlock était avec lui, peut-être l'avait-il suivi dans le taxi. En avait-il seulement prit un, ou avait-il pu conduire ? Greg n'en savait rien. Il ne voulait pas savoir. Tout ce qu'il voulait, c'était que Mycroft revienne, vivant. Sherlock, assis dans une chaise inconfortable face à Greg, garda son regard perçant rivé sur l'homme de Scotland Yard, avant de finalement rompre le silence entre eux.
- J'ai mal jugé la situation, te frapper était une erreur, souffla-t-il d'un ton détaché.
- Sérieusement, Sherlock ? S'énerva Greg en serrant les poings. Tu as "mal jugé la situation" ? Il y a deux jours tu m'as insulté parce que ton frère a été victime d'une attaque et pourtant c'est sur moi que tu rejette toute la faute ! Et aujourd'hui tu viens m'annoncer que l'homme que j'aime est mort, tu viens me frapper, sans même te soucier de ce que je peux ressentir ! Bon sang, Sherlock mais tu te rends compte que je l'aime ?! Jamais je ne ferais de mal à Mycroft !
- Tu le distrait...
- Et John ne te distrait pas, peut-être ?! Répliqua le DI. Pourquoi toi tu pourrais être heureux et pas ton frère ? Pourquoi tu pourrais connaître l'amour et pas lui ?! Tu n'es qu'un égoïste Sherlock, tu ne penses qu'à toi et tu en joues parce que tu sais que Mycroft ferait absolument tout pour toi !!
Le détective consultant garda le silence en baissant les yeux, retournant sans doute dans son palais mental pour réfléchir. Heureusement, peu de temps après, Mycroft fut ramené en chambre, suivi par Anthéa qui ne le lâchait pas d'une semelle. Le politicien était inconscient dans son lit, paraissant minuscule au milieu de cet océan de draps blancs. Une canule passée dans son nez l'aidait à respirer et un énorme bandage barrait son ventre là où l'opération avait eu lieu. Anthéa, les yeux rougis et le teint pâle, enlaça Greg avec bienveillance.
- Je suis heureuse que vous soyez là ! Souffla-t-elle avec soulagement. Tout s'est passé très vite, sa rate a été fragilisée par l'explosion mais avec son overdose et l'hémorragie interne qu'il avait fait, ils sont passés à côté. Elle a fini par éclater tout à l'heure, il était en état de choc, sa tension à dégringolé et quand les médecins sont arrivés dans la chambre pour l'emmener son coeur à lâché...
- Et ensuite...? Bredouilla Greg en retenant ses larmes.
- Sherlock était là, il a tout vu. Greg...Je l'ai vu s'écrouler, avoua-t-elle à voix basse. Ses jambes ont lâchées, il était en chien de fusil sur le sol, incapable de bouger. Je pense qu'il s'est retiré dans son palais mental. Les médecins ont réussi à faire repartir son cœur et ils l'ont emmené en urgence pour une splénectomie, une ablation de la rate. Heureusement l'épanchement était moins grave que prévu et ils ne lui ont retiré que partiellement. Il va devoir prendre un traitement pendant deux ans et avoir des vaccins tous les cinq ans, ainsi qu'un suivi à vie mais au moins il va s'en sortir.
- Et pour Sherlock ? S'enquit l'inspecteur.
- Il est sorti de son état de choc pendant que Mycroft était au bloc est il s'est convaincu qu'il était mort. Je suis vraiment désolée qu'il ait réagi aussi violemment, mais quand il s'agit de son frère...Enfin, c'est Sherlock...
Le renard d'argent hocha la tête, remerciant la jeune femme qui quitta la pièce pour leur laisser un peu d'intimité. Greg se laissa tomber sur sa chaise et prit la main de Mycroft dans la sienne alors que ce dernier gémissait dans son sommeil. Le plus vieux s'employa à le rassurer à voix basse en caressant ses cheveux, son front pressé contre le sien, des larmes dévalant de ses yeux noisettes.
- Je suis désolé, chuchota-t-il avec remords. J'aurai dû être là pour toi...Je ferais ce qu'il faut pour trouver celui qui t'a fait ça, je te le promet...Ne me fais plus de frayeurs comme ça, je t'en prie...Ne nous abandonne pas, Mycroft...
- Tu l'aime..., souffla Sherlock après un long silence.
- Sherlock, stop, on ne va pas revenir sur le fait que...
- Tu l'aime sincèrement, reprit-il comme si de rien n'était. Je suis désolé, ajouta-t-il finalement. Pour t'avoir frappé et pour t'avoir insulté. Tu vas faire partie de la famille, autant m'habituer.
Greg lui sourit doucement pour le remercier, se disant que, venant de Sherlock, ces excuses là étaient sans doute les plus sincères possible. Le détective s'approcha alors de son frère et le couvrit d'une des couvertures chaudes, bien que rêche, qui étaient à leur disposition dans le placard de la chambre. Mycroft ne se réveilla que bien des heures plus tard, au beau milieu de la nuit, pour découvrir son fiancé et son frère à ses côtés, chacun lui tenant une main, et tous deux endormis, leurs têtes posées l'une contre l'autre sur ses jambes étendues. Le politicien caressa leurs cheveux, serein de les voir en paix, et il se rendormis pour un repos bien mérité.
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