Peau Glacée
Deux longs mois s'écoulèrent avant qu'enfin la Comté ne soit en vue. Bilbon avait décidé de presser le pas sur la route et avait même refusé de séjourner à nouveau chez le Grand Seigneur Elrond malgré son insistance à le voir passer le reste de l'hiver au chaud dans les nids elfes. Il n'en voulait pas. Il ne voyait plus que son lit douillet à présent et tout ce qui le rattachait aux Terres Sauvages il voulait vite tout effacer. Ainsi, lorsque la frontière de la Comté fut traversée, Gandalf, qui était le seul qui avait fait le chemin jusqu'au bout et qui n'avait pas été renvoyé par le Hobbit jusqu'à Erebor, posa pied à terre s'appuyant sur son grand bâton de bois. Bilbon avait également laissé le poney à la frontière, après tout il ne se voyait guère l'emporter avec lui jusqu'à son trou de hobbit, il manquait déjà de place. Il confia donc le jeune Palomino au magicien qui regarda Bilbon d'un œil attendrit. Il avait su retrouver son air de Hobbit un peu grincheux mais après tout, il avait été comme cela bien avant le début de cette aventure. Il revenait presque à la normale. Il tira lentement sur ses longs poils de barbe avant de soupirer.
« C'est donc ici que je vous laisse Bilbon, j'ai bien d'autres choses à effectuer, et il me faut parcourir la Terre du Milieu à la recherche du mal qui plane au-dessus de nos têtes. Et bien des choses se cachent encore dans l'ombre... »
Bilbon se contenta de hocher de la tête et lorsqu'il s'apprêta à repartir Gandalf reprit la parole. « Vous êtes une belle personne Bilbon, et je vous estime comme je vous apprécie beaucoup. Mais malgré tout, vous êtes bien petit dans ce monde trop vaste... et l'usage d'anneaux magique ne devrait être fait à la légère. Je vous ai toujours eu à l'œil depuis que vous l'avez trouvé dans les mines des Montagnes de Brume. Je vous en conjure, protégez-le jusqu'à ce qu'il soit temps. »
Le hobbit papillonna des yeux, un peu décontenancé mais il serra tout de même la grande main du vieil homme. « Adieu, Gandalf, mon ami. »
« Adieu, Bilbon, Maître cambrioleur. »
Le hobbit senti une chose se serrer dans sa poitrine lorsqu'il entendit ces mots, et il se contenta donc de commencer sa route vers chez lui pour oublier cette sensation désagréable. Mais une chose elle avait su rapporter un peu de joie sur son visage, ces paysages lui étaient familiers, les arbres et le chahut au loin ne faisaient que raviver ses doux souvenirs à la Comté. Sans vraiment s'en rendre compte, il pressa le pas et remonta à grande vitesse la route de l'Est avant de voir au loin Cul-de-Sac. Il eut un rire soudain mais ses sourcils se froncèrent lorsqu'il remarqua un grand attroupement devant sa demeure. Il senti ses pas le porter plus vite encore jusqu'à ce qu'il grimpe le chemin qui menait à sa maison. Là, le maire se tenait devant un pupitre, maillet à la main, il recevait des propositions de sommes. Bilbon n'en croyait pas ses yeux, ses affaires étaient mises aux enchères ! il courut jusqu'en haut de l'estrade et secoua le maire par les épaules qui en perdit son chapeau.
« Que diable faites-vous avec mes affaires ?! »
« Le propriétaire de cette maison a maintenant disparu depuis assez longtemps pour être déclaré décédé, ses biens sont donc mis aux enchères. »
« Mais je suis bien vivant bougre d'andouille car me voilà devant vous !! »
« Il me faut des preuves ! Vous pourriez être n'importe qui ! »
Rageusement, Bilbon fouilla dans chaque poche de son veston, c'est alors qu'il en extirpa un vieux parchemin abîmé qui se déroula longuement. L'en-tête affichait ce titre 'Contrat d'entrée dans la Thorin et Compagnie' tandis que se déroulait tout un contrat décrivant son rôle de Maître cambrioleur. Ses yeux se mirent à brûler faiblement lorsqu'il passa ses yeux sur les trois signatures en bas de la page. Il y voyait la sienne, celle du témoin Balin, et enfin, celle du chef de compagnie, Thorin Êcu-de-Chêne. Il tendit d'une main faible le contrat au maire qui le lu lentement à l'aide d'un monocle abîmé. Malgré la douleur qu'avait engendré la vue de ce contrat, Bilbon avait pu récupérer sa maison après que le hobbit gras face à lui avait murmuré un « Un cambrioleur chez nous à présent, tss... les Sacquet... ».
À l'intérieur, tout avait été dépouillé, son fauteuil avait disparu, ses cuillères d'argent également, sans oublier ses étagères, ses livres et mêmes les armoires dans son sellier. Fort heureusement, sa chambre était quasiment intacte tout comme sa salle de bains. C'est donc le cœur drôlement lourd qu'il alla sa baigner dans sa petite baignoire après avoir fait chauffer de l'eau dans sa cheminée. Le silence était tombé chez lui, ce qui était bien différent à Erebor où l'on frappait toujours la pierre, où l'on commerçait sans arrêt et jamais on n'arrêtait de construire. Tout était si vivant...
Le semi-Homme se coula sous la surface de l'eau chaude pendant un instant, tentant d'effacer tous ces souvenirs qui après tant de temps à s'être forcé à oublier avaient décidé de revenir maintenant que Gandalf ne lui contait plus rien. Il était à nouveau seul... il sorti la tête de l'eau lentement et ne fut guère étonné de voir la surface se noircir. Il n'avait pu se laver que bien peu de fois sur le retour et sa salle de bains avait su l'aider à se récurer impeccablement, et comme tout bon hobbit il se brossa de la tête aux pieds -évidemment, les Hobbit n'oubliaient jamais de brosser les poils qui ornaient le cou de leurs pieds-. Autrefois il aurait trouvé un plaisir à faire cela, mais à l'instant il regrettait Dame aventure. Et donc pour oublier, il commença à racheter chacun de ses meubles. Il avait dû parcourir chaque maison de son petit village pour mieux retrouver ses fauteuils, ses couverts et ses livres. Bien des choses qu'il avait perdu, il ne les revit plus, et du donc faire reconstruire ses meubles à l'identique, en tout cas de ce qu'il se souvenait. C'est donc en un mois qu'il avait réussi à refaire un semblant de trou de Hobbit, et son cellier était à nouveau rempli de toutes sortes de nourritures alléchantes. Mais il semblait que Dame Aventure n'en avait toujours pas fini avec lui, et lorsque le printemps fut bien installé, il vit son monde se renverser à nouveau.
Ce jour-ci, il s'était installé sur son petit banc de bois dans sa cour avant. Il venait d'arroser ses chênes qui avaient pointé le bout de leurs feuilles hors du sol peu de temps auparavant. Il avait également jardiné dans son petit potager, et donc à ses pieds trônait un panier où se mêlaient légumes et terre meuble. Il faisait de magnifiques ronds de fumée de son Vieux Toby, tirant sur sa pipe aussi longue que polie. C'est alors qu'un grand vacarme l'arracha de son songe, un cheval au galop s'approchait et remontait le chemin qui menait vers sa maison. Il lui fallut bien quelques instants avant de réellement comprendre ce qui lui arrivait, mais lorsqu'il vit cette jeune personne mettre pied à terre devant son portail il se figea. Ses longs cheveux bruns fouettaient son visage sous l'effet du vent alors qu'il avait un semblant de barbe voulant pousser sur son menton. Il n'avait que peu changé, la fougue se lisait toujours sur son jeune visage, mais son regard avait changé. Oui, le jeune Kili à l'habitude si enjoué était tout à fait paniqué. Bilbon se leva alors dans un saut et se précipita pour ouvrir à son vieil ami. Il osa un sourire alors que Kili dardait des regards indiscrets aux alentours.
« Kili... Quel bonheur de vous revoir ! »
« Entrons Bilbon. »
Le nain poussa son ami hobbit à l'intérieur du trou parfaitement rangé et ils allèrent s'installer pressément dans la cuisine. Kili avait évidemment fait comme chez lui, et il avait chipé plusieurs petits pains dans la corbeille au milieu de la table. Il les dévora goulument et un peu impuissant, le hobbit c'était mis à faire du thé.
Ce n'est que lorsque les trois premiers petits pains furent avalés qu'on entendit enfin la voix caverneuse d'un des héritiers de Durin.
« Je viens à propos de Thorin. »
tentant de ne montrer aucune émotion, Bilbon se contenta de verser une grande tasse de thé à son invité fortuit.
« Il est très malade. »
« Cela ne m'explique guère pourquoi vous vous êtes précipités chez moi. Non loin, les elfes de la forêt peuvent le soigner, ils ont un magnifique don pour la médecine. »
« Nous avons déjà fait appel aux elfes, aux nains, aux hommes... nous sommes démunis, aucun d'eux n'a su rendre sa grandeur au roi sous la montagne. Pas même Gandalf qui a tenté bien des incantations. C'est d'ailleurs en son nom et celui de Thauriel que me voilà. »
« Thauriel ? »
« C'est une grande guérisseuse. Elle n'a pas su soigner Thorin malgré tous ses talents. »
« Je ne vois pas vraiment comment je pourrais être meilleur qu'une guérisseuse elfe... »
Kili but une longue gorgée de thé à la lavande avant d'essuyer sa moustache du revers de la main. « Depuis que vous avez quitté Erebor, Thorin n'a pas quitté son lit. Voilà trois mois qu'il est couché, la peau aussi bleue que fragilisée. Il dort une grande partie de la journée et de la nuit, ne se réveillant que lorsqu'il désire boire un peu d'eau et manger un peu de pain. Ses joues sont creuses, ses yeux noircis et son corps engourdit... son cas ne fait que s'aggraver de jour en jour... mon grand frère a prit le commandement d'Erebor depuis, dirigeant comme il le peut notre peuple. Toute notre alliance est fragilisée par la maladie de mon oncle, nous avons peur pour le peuple de Durin, peur qu'une créature affreuse n'apprenne sa maladie et tente d'attaquer notre royaume pour profiter de ses faiblesses... »
Bilbon c'était assis derrière sa tasse de thé, les yeux à présents embués. « Je ne saisis toujours pas la raison de votre présence. »
« Gandalf dit qu'il souffre d'une maladie du cœur... Selon lui c'est votre départ qui a provoqué cette douleur. »
« Kili ! Il est celui qui m'a mis dehors en refusant de m'écouter. Il me voulait de retour ici... »
« Je sais ce qu'il a fait, et nous savions tous qu'il agissait stupidement lorsqu'il prononça ces ordres. Mais il vous penserait plus heureux ici, entre vos livres votre jardin et vos gâteaux... »
Bilbon lisait dans les yeux de Kili un certain dégoût, comme si le neveu voyait Bilbon comme le coupable de tout cela. En réalité, Kili aurait voulu voir le Hobbit effondré tout comme son oncle, mais il semblait heureux, fumant, buvant et reprenant sa vie là où elle avait été laissée. Il avait soudain la sensation que ce Hobbit n'avait jamais porté des sentiments aussi purs pour son oncle que celui-ci lui portait. Bilbon était son ami, mais son oncle lui était précieux, bien plus précieux même. Il détourna le regard sur sa tasse et le hobbit, blessé joua avec sa serviette.
« Thorin me voudrait-il à nouveau à ses côtés ? A-t-il juste prononcé l'envie de me revoir ? »
« Il ne prononce plus un mot depuis trois mois mis à part votre nom... »
Cela était une raison bien suffisante de croire que Thorin avait besoin de lui. Il avala sa salive durement et regarda Kili. « Pensez-vous que nous arriverons à temps ? Combien de temps avez-vous mit pour venir ? »
« Cela fait un mois que je chevauche nuit et jour pour arriver jusqu'ici. Je communique avec Erebor avec l'aide d'un corbeau qui transmet nos messages. Le dernier que j'ai reçu date d'une semaine et Thorin était dit au plus mal. Nous devons partir dès aujourd'hui si nous ne voulons pas que cet état s'aggrave plus encore. Je refuse d'entendre des chants qui vanteraient les exploits passés d'un roi mort de chagrin et d'amour... »
Le hobbit ne se fit pas prier et il monta dans sa petite chambre pour à nouveau préparer son sac à dos. Il prit également des vivres dans son cellier, aidé par Kili qui mourrait visiblement de faim. Puis ils partirent. Bilbon n'avait aucune idée de comment il allait y aller, ni même quel chemin il emprunterait, mais il avait décidé de retourner à la montagne solitaire. Il monta derrière Kili qui lança à nouveau son poney au galop, et Bilbon n'avait jamais été si secoué. Monter, il avait fini par y être habitué, mais un tel animal, conduit par un prince fougueux, il ne connaissait guère. Ils remontèrent alors sous les yeux de hobbits choqués jusqu'enfin atteindre la limite des terres Sauvages. Là, Bilbon le revit. Son air princier envahissait tout son corps, faisant briller son plumage argenté. Le roi des Aigles attendait là, majestueux, fier et surtout, l'œil vif. Il avait vu de très loin Kili arriver avec le jeune hobbit si bien que sa garde c'était déjà préparée lorsque le prince s'arrêta et mit pied à terre. Bilbon avait suivi sans vraiment comprendre et c'était approché du roi aigle qui se courba longuement. Le hobbit se courba plus bas encore avant d'écouter Kili parler.
« Le voici, je repartirais par la terre, Beorn m'attendait à la lisière de la forêt. Vous, depuis les airs amenez le jusqu'à Erebor. Il possède assez de vivres pour subvenir à ses besoins pendant une semaine. J'espère que vous y serez. »
« Nous y serons, mes gardes sont les meilleurs. Il ne faut guère vous inquiéter. À présent partez héritier de Durin, nous emmenons le hobbit. »
Sans même lui laisser le temps de prononcer un mot, Bilbon fut pris entre les serres d'un grand aigle brun qui décolla quelques secondes plus tard. Et en à peine quelques secondes de plus il était à des dizaines de pied de hauteur. Il hurla pendant longtemps et s'accrocha aux serres des oiseaux quitte à s'ankyloser les doigts. Le roi essayait de le rassurer mais l'air qui fouettait le visage du hobbit l'empêchait d'entendre un seul mot s'échappant de la gorge du roi sage. Ils durent alors supporter ses paniques pendant longtemps avant qu'il ne finisse par s'endormir épuisé par la peur de chuter. Le roi avait même pensé qu'il c'était plutôt évanoui. Les jours passèrent ainsi, ils flottaient au-dessus des terres, leurs plumes sifflants sous l'air printanier. Évidemment, Bilbon avait fini par s'habituer à la sensation de voler et il parlait souvent avec le roi qui avait décidé de faire tout le chemin jusqu'à Erebor. C'est de sa bouche qu'il apprit alors que Thorin semblait plonger dans un sommeil si profond qu'on ne pensait jamais le revoir surgir de celui-ci, il apprit également que chaque fois qu'il se réveillait son œil parcourait la pièce en murmurant le prénom du hobbit. Il disait que dans ces instants il ne semblait pas plus conscient, il lui semblait que le roi nain ne faisait que revivre des scènes, et chaque jour il semblait qu'il revivait le départ du Sacquet de la Montagne Solitaire. Bilbon se sentait coupable de ne pas avoir insisté plus, il ne savait pas que le cœur de Thorin était autant sien...
Six jours passèrent avant qu'enfin la montagne ne soit en vue. Dès qu'à l'horizon on vit apparaître les aigles on sonna une immense cloche depuis l'intérieur de la montagne, et un monde de nain fourmilla à l'extérieur de la ville pour accueillir le roi et ses gardes à plume. Ainsi, une fois au sol ils marchèrent au milieu d'une haie d'honneur composée de nains joyeux qui encourageaient vivement le hobbit à rentrer dans la ville. Car en effet, tous avaient été mis au courant de l'état de leur roi et aucun n'avait eu à redire sur le fait qu'il avait donné son cœur à un semi-homme de la Comté. Thorin était si respectable qu'on ne voulait guère discuter ses choix dans la montagne. C'est donc en héros des nains que Bilbon fut accueilli. Il fut guidé jusqu'aux étages des princes, où il revit rapidement ses anciens amis de la compagnie de Thorin. Thauriel se tenait également là aux cotés de Légolas qui avait fini par apprécier la compagnie de ces petits hommes gauches. Il les salua donc chaleureusement avant d'enfin se retrouver devant la porte de bois du roi. Son ancienne chambre... il hésita longuement mais sa main avait fini par pousser la porte de bois faisant grincer les gonds en métal. À l'intérieur de la pièce, tout était sombre, seul un feu brûlait au creux de la cheminée, crépitant tristement parmi de nombreuses cendres. À l'opposé, se tenait toujours le lit, plaqué contre le mur. Bilbon n'osait qu'à peine regarder et il détourna souvent le regard, le cœur battant.
Ses mains se mirent à trembler tandis qu'il s'avançait dans la chambre, les yeux baissés. Alors qu'il fixait ses orteils il l'entendait de plus en plus respirer, et il sifflait à chaque expiration. Ses genoux finirent par toucher le bord du lit et sans même s'en rendre compte, il observa la main de son ancien amant. La peau était devenue si bleue qu'elle semblait déjà morte. Il glissa doucement ses doigts le long de ceux de Thorin et frémit en les jugeant glacés. Il serra alors sa grande main dans la sienne, alors que sa main gauche était venue remonter le long du bras. Son regard suivait cette main jusqu'à ce qu'enfin il ne voit son visage. Il était cireux, maladif, creusé. Il eut un hoquet de tristesse dès qu'il vit la bouche entrouverte de Thorin asséchée, blessée. Sa main vint doucement passer dans ses cheveux d'un brun palissant avant qu'il ne caresse sa joue creuse. Il avait tant changé... il s'en voulait... il n'osait croire que tout cela était de sa faute.
Le chagrin prenant sa poitrine il grimpa sur le lit immense, se plaçant silencieusement contre le corps à peine animé de Thorin. Il senti que son torse c'était amincit lorsqu'il posa sa tête dessus et son cœur qui autrefois battait si vite, qui semblait si puissant, aujourd'hui ne battait qu'un rythme lent, faible, et les sons étaient étouffés. Il sanglota longtemps contre ce torse mince, serrant le bras de thorin autour de son corps dans l'espoir de le ramener à lui. Mais il avait fini par s'assoupir, la bouche murmurant sans arrêt le nom de son roi.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, une sensation étrange roulait dans ses mèches, comme si un vent chaud passait sur son cuir chevelu. Il regarda alors autour de lui et la main qui autrefois était sur sa hanche c'était posée contre son épaule, les doigts caressaient son bras et le cœur sous son oreille battait à un rythme plus soutenu. Il papillonna alors des yeux et se redressa vivement. Il les vit alors, les deux prunelles de paradis orageux qui le regardaient insérés dans deux orbites fatiguées. Thorin... sa main remonta sur la joue du Semi homme avec lenteur avant que le pouce froid ne passe sur sa lèvre inférieure.
« Bilbon... vous êtes revenu ? » prononça-t-il difficilement alors que sa voix se brisait à chaque fin de mot.
« Oui... Votre neveu Kili est venu me chercher chez moi en me disant que vous étiez mourant. À dos d'aigle j'ai retraversé la terre du Milieu, et me revoilà, à vos côtés. »
Thorin fut animé d'un rire douloureux. « Le courage des Hobbits... ce légendaire courage qui a toujours sut gonfler votre cœur lorsque j'étais en danger... »
Bilbon secoua lentement sa tête. « Non... Non ce n'est pas le courage qui gonflait mon cœur lorsque vous étiez en danger, c'est l'amour que je vous porte. N'importe où je vous aimerai toujours... »
Thorin fut immédiatement secoué par une telle déclaration qui vint se glisser sur son cœur comme une douce pommade qui aurait rempli les saillies qui y avaient été creusée par sa propre stupidité. À présent il ne voulait pas même envisager de renvoyer Bilbon à Cul-De-Sac, il s'avouait égoïste mais il ne pouvait guère se changer, et surtout il savait qu'il avait besoin de ce petit homme à ses côtés. C'est donc ainsi qu'on vit Thorin glisser ses longs doigts sur les joues de son hobbit avant de lui abaisser la tête délicatement. C'est alors qu'avec douceur, respect, et amour, qu'il embrassa son front soucieux du bout des lèvres. Bilbon en fut incroyablement touché quoique bien trop intimidé. Un roi n'aurait jamais dû l'embrasser de la sorte, il n'aurait jamais dû s'abaisser au niveau de baiser le front d'un moins que rien... mais il n'était plus un moins que rien, il ne l'avait jamais été d'ailleurs, il avait toujours eu cette précieuse place dans le cœur du roi sous la Montagne, cette place qu'on ne réservait que pour l'âme qui accompagnerait la vôtre pour l'éternité. Bilbon avait cru comprendre que leur amour leur était précieux, mais il n'avait pas encore réalisé à quel point Thorin descendrait le ciel pour lui s'il le fallait...
Ce soir-ci, on ne vit pas non plus le roi sortir de sa chambre, on l'entendit simplement discuter avec son Hobbit de la Comté, où Bilbon avait planté bien des églantiers et des chênes, et ces récits de bonheur avaient simplement réchauffé tout le corps du Roi. Il écouta et écouta attentivement chaque phrase jusqu'au petit matin où Legolas se permit d'entrer dans la suite royale, faiblement affolé.
« Et donc comme je vous le disais, ma cousine avait toutes mes cuillères dans sa poche ! »
« Thorin... pardonnez moi de faire irruption de la sorte mais... à présent que vous avez rouvert l'œil, je vous en conjure, reprenez le trône en mains... »
On vit rapidement toute la compagnie pénétrer dans la petite pièce -excepté Kili qui était prit dans un voyage plus long-, venant appuyer Legolas ou au contraire le prier de sortir sans faire d'esclandre. Les voix s'élevèrent et bien contrairement à d'habitude, Thorin ne les fit pas taire immédiatement. Il écouta leur joyeux chahut avant de rire doucement en hochant de la tête. C'est alors qu'il se prononça d'une voix sage.
« Mon cher Fili... vous viendrez discuter avec moi durant la promenade de Bilbon, je vous conseillerais... je ne me pense pas encore assez fort pour me remettre sur le trône, mais je peux vous aider à faire les bons choix pour notre peuple. »
Fili hocha de la tête, acceptant le choix de son roi et oncle avant de pousser tout le monde à l'extérieur, même si pousser Bombur ne fut pas une mince à faire. C'est alors que Bilbon embrassa le front de son amant. Il le pria de dormir encore un peu pendant qu'il visiterait la ville sous terre qu'il n'avait jamais vraiment vue dans son entièreté. Après tout... il avait eu trop peur d'être rejeté. Mais l'accueil qu'il avait reçu précédemment le persuada qu'il avait sa place parmi eux. Ainsi, après avoir couvert son amant de baisers et de couvertures, il descendit lentement les marches de pierres qui menaient aux appartements royaux, puis, passant plusieurs couloirs il vit au loin le cœur de la ville fortifiée, qui était baignée de lumière qui passait nonchalamment par la grande porte qui depuis son départ avait été rénovée complètement. Il n'avait jamais été aussi heureux à l'idée de visiter une nouvelle contrée, pas même lorsqu'il visita Fondcombe où sa joie lui avait semblé être à son comble pourtant. Il noua alors ses petites mains dans son dos et marchant joyeusement sur la pointe des pieds il s'avança vers l'immense marché qui c'était organisé. Une fois au plus proche des stands, il fut baigné par les odeurs d'épices et de viandes qui étaient présentées sur les étals. Il fut même surprit de voir que les nains vendaient des étoffes d'une manufacture très fine, cousue d'or et de bijoux, et tout cela à des prix très abordables. Il ne put alors que se laisser emporter et il acheta une grande quantité de draperies et de chemises qu'il s'était juré de porter fièrement -même s'il ne savait guère que tout cela était à taille de nain et non pas de Hobbit, ce qui était bien trop grand sur son petit corps. - Il fila ensuite vers l'étale d'un boulanger qui vendait des miches superbes. Il en prit deux différentes qu'il fourra joyeusement dans un sac de toile offert par le même boulanger. Le marché était devenu une belle, voire magnifique expérience à ses yeux, mais il ne fut impressionné que lorsqu'il s'approcha d'immense portes sculptées qu'il avait déjà vue auparavant mais jamais passées. Or, ce jour-ci, elles étaient ouvertes. Timidement, il s'approcha alors et un jeune nain lui confisqua rapidement ses achats pour qu'il puisse entrer en l'échange d'une pièce de métal accrochée à un morceau de ficelle.
« Contre l'insigne vous récupèrerez vos affaires. »
« Ingénieux ! » s'exclama le jeune homme avant de passer joyeusement les portes.
C'est alors qu'il fut subjugué, face à lui, immenses, presque aussi grandes que la montagne elle-même, se dressaient des étagères remplies de livres d'époques toutes différentes. L'odeur d'encre et de vieux papier baignait la pièce avec douceur alors que les dizaines de feu qui chauffaient la pièce crépitaient en harmonie avec le son des pages tournées par les différents lecteurs, érudits et curieux. Il n'aurait jamais rêvé d'une telle collection par chez lui, et même les sièges semblaient on ne peut plus confortables et il ne put résister. Il se glissa dans une allée où se trouvaient des livres avec des runes qu'il savait déchiffrer, et il s'installa dans un grand fauteuil de cuir teint. C'est alors qu'il commença à lire, à déchiffrer, à étudier.
Le livre qu'il avait choisi ce jour-là avait été -par un pur hasard- l'un des livres les plus complets relatant les aventures et les mythes qui composaient l'histoire de la lignée de Durin. Il en apprit alors bien des choses sur l'ancêtre de son aimé, et plus il lisait plus il se sentait joyeux. Certes, son espèce n'était que peu représentée dans ces livres, et il se doutait beaucoup que le hobbit ne représentait guère une race qui intéressait les nains, mais il fut très heureux de lire que Durin était un nain très sage qui avait enseigné aux plus jeunes l'amour de son prochain. Il se sentait alors très fier, et il savait au plus profond de son cœur que ce nain originel avait été celui qui avait permit son amour avec Thorin.
Le sourire ne le quitta guère, même lorsqu'il referma le livre et le rangea à sa place, après tout, il en savait bien plus à présent ! et une chose passa rapidement dans son esprit lorsqu'il rendit son médaillon au garçon de la consigne, et s'il enrichissait la bibliothèque de ce peuple avec d'autres écrits. Certes, il y avait vu des écrits d'hommes d'elfes et même des écrits interdits, mais rien ne parlait de son petit monde. Il se disait que si un jour quelqu'un venait à savoir qu'il avait été le compagnon du roi, il fallait bien qu'ils en connaissent plus sur les hobbits... c'est ce jour-là qu'il trouva son occupation pour les jours suivants, il voulait que les nains voient la beauté du hobbit lorsqu'il n'est pas paresseux.
Il était dans une joie inépuisable si bien qu'il sauta au cou de son amant lorsqu'il retourna dans sa chambre. Il embrassa ses joues avec tendresse avant de lui murmurer qu'il était une personne d'exception. Thorin fut bien étonné de cette annonce alors qu'il avait embrassé la joue de son amant. Bien peu habitué aux démonstrations d'amour il n'avait pu que se sentir mal à l'aise. Il toussota et se racla la gorge lorsque Bilbon était venu embrasser son cou, mais cela ne témoignait que de son bien-être et sa joie d'avoir retrouvé son aimé. Ainsi, il se senti le cœur en joie lorsque Bilbon le qualifia de « la plus belle personne de toute la terre du milieu », et il sauta sur la peau du cou du hobbit. Il la dévora de baisers alors qu'il caressait amoureusement son ventre qu'il s'amusa à dénuder. Il joua avec son nombril avec douceur avant de murmurer à son oreille un 'je t'aime' plein de justesse. Malheureusement il dû relâcher son hobbit rougissant pour lui sourire.
« Je dois faire une annonce à mon peuple. Je me sens déjà revigoré... de partout même. » il gratta sa nuque nerveusement alors que Bilbon se permit de remarquer que sa peau avait retrouvé tout sa splendeur.
« Je serai à vos côtés au cas où. »
Thorin eut un rire. « Le seul garde qui saura à jamais me protéger sera vous, alors je comptais bien sur votre présence ! »
Bilbon ne put s'empêcher de rire également avant de voler un tendre baiser à son amant, un baiser qu'il avait tant attendu depuis qu'il avait vu la montagne s'éloigner il y a longtemps. Son menton fut faiblement chatouillé par la barbe de son amant tandis que ses lèvres épousaient avec perfection celles du roi. Il ressentait tout, le souffle contre sa pommette, les mains venues prendre sa taille avec fermeté, et surtout ces mouvements si complexes qui prenaient part contre ses lèvres. Elles bougeaient, dansaient et s'amusaient ensemble sans qu'il ne sache vraiment ce qu'il faisait. Parfois il se disait même qu'il pouvait imiter le poisson respirant sous l'eau qu'il ne le saurait pas. La seule chose qui comptait après tout était le fait que ce baiser partagé était d'une douceur, d'un plaisir et d'une complicité qu'on ne pourrait jamais leur ôter.
Malheureusement, Thorin, le souffle court, prit une faible distance et murmura.
« J'attendrais ce soir avec bien d'impatience mon aimé... pour retrouver enfin vos baisers... »
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