6🍬Les filles chtarbées

« Si j'arrive à toucher la cible au milieu, tu acceptes de monter dans la grande roue avec moi. »

Elle me regarde du coin de l'œil avant de saisir un pistolet à eau et de me le tendre. Je sais que je ne suis pas bon pour viser mais ça ne doit pas être plus dur que de résoudre une équation à plusieurs inconnus.

Je rate une fois, deux fois, trois fois, dix fois avant que le vendeur poussant un énième soupir ne me donne un porte-clés pour ma peine et surtout pour me faire partir alors que d'autres attendent leur tour.

« T'es un loser » me dit-elle les mains dans les poches de son sweat, le visage rougit par les lumières de la fête foraine. Elle me vole le porte-clés que je comptais de toute façon lui donner et me fixe.

La musique, les odeurs, l'ambiance, tout me donne envie de l'embrasser. Je suis sûr que ses lèvres sont sucrées à cause des friandises qu'elle a mangées depuis notre arrivée.

Mais je n'ai pas le temps d'esquisser le moindre mouvement qu'un mec l'attrape par la taille pour la soulever avant de l'emmener avec lui faire un tour de manège.

Elle rit aux éclats alors qu'avec moi, elle ne fait que tirer la gueule.

Je me lève le corps engourdit et froid à cause de ma nuit passée sur ma chaise puis au sol. J'étire mes bras et regarde le ciel se colorant peu à peu avec les premières lueurs du jour. Il est tôt mais je pense qu'il est temps de partir.

Je rejoins la salle de bain commune à notre étage pour prendre une douche bien chaude avant d'enfiler mon uniforme de l'Académie et de préparer mes affaires pour la journée. J'hésite quelques secondes en fixant l'escalier et reviens sur ma décision en ouvrant ma fenêtre pour passer par là pour quitter le dortoir.

On n'est jamais trop prudent.

Mon casque sur les oreilles, je marche lentement en direction du portail pour me rendre en ville alors que j'entends les différents clubs sportifs commencer à s'échauffer pour leurs entrainements matinaux.

J'arrive à l'arrêt devant le portail et il me suffit de montrer ma carte d'étudiant au chauffeur de bus pour qu'il me laisse monter et me dépose trois arrêts plus tard au centre-ville. Flavor City s'éveille doucement alors que le vent d'automne souffle les feuilles brunes des arbres pour les emmener devant l'endroit que j'ai envie de tester depuis ma visite d'hier : le café On The Rocks. Un nom que l'on peut traduire par « Au bord du gouffre » mais également « Avec des glaçons » si l'on parle de boisson, traduction plus plausible dans ce cas présent.

Je pousse la porte et la sonnette retentit à peine alors que mon odorat est chamboulé par ces odeurs d'infusions, de café et de cookies sortant du four.

Le sol est en faux carrelages gris alors que les murs oscillent entre le marron et les imprimés style Pop-Art. Des lampes industrielles vintage éclairent l'ensemble de la grande pièce ainsi que les affiches de films et de groupe de musiques accrochés sur certains murs. L'un d'eux est d'ailleurs entièrement caché par une grande bibliothèque en bois avec disposé devant quelques canapés bleus, jaunes et rouge.

J'avance jusqu'au comptoir, observant les tables en bois brut et les chaises des mêmes couleurs que les canapés au fond, avant de taper sur la sonnette devant moi. Il est encore tôt pour qu'il y ait foule mais à en juger par le stock de beignets sous cloche de verre, je ne suis pas le premier à être passé ce matin.

« Bonjour ! » s'exclame la fille sortant de sous le comptoir avec une pelle et balayette rose fluo. Sa voix trop enthousiaste mais surtout la façon dont elle est apparue devant moi me fait sursauter lorsque je remarque que ladite voix me rappelle quelque chose...

« Ah ! Tu vas mieux depuis hier ? J'ai cru que Punch ne s'arrêterait jamais de te frapper. »

Ah mais oui, la fille aux cheveux rose.

Cette dernière éternue avant de disparaitre à nouveau derrière le comptoir et de jurer.

— Euh... Un problème ?

— Ça va, j'ai juste fait tomber une boite de thé en grain à cause de mes éternuements. Je nettoierais ça après. Tu voulais quelque chose ? Notre menu est juste au-dessus de ta tête.

— Un cookie au chocolat blanc et... tu me conseilles quoi ? Euh...

— Appelle-moi Cotton ! s'exclame-t-elle en se relevant avec un grand sourire. En ce moment on a une carte spéciale pour l'automne donc on a des boissons chaudes à la citrouille mais si tu veux, j'ai la dernière spécialité presque en rupture de stock ce matin : le jus de pomme chaud aux épices et au caramel !

— Juste un Cappuccino vanille alors.

— Ça vaut bien la peine de me demander conseil.

C'était par politesse et pour engager le dialogue. Ce n'est pas ma faute si je ne suis pas doué à ce jeu-là.

Si au premier abord, je pensais que Cotton serait un peu comme Popcorn dans son attitude, elle semble au contraire une « enthousiaste pas stupide ». Elle dégage de la sympathie mais les actes et paroles qui ne lui plaise pas ne lui passe pas au-dessus de la tête.

— Tu bosses jusqu'au début des cours ? tenté-je pour être « amical » et me rattraper.

— Yep, presque tous les jours sauf quand il y a une compétition de majorette. D'ailleurs hier après-midi on a dû annuler notre entrainement à cause de toi.

— De moi ?

— Oui enfin non. De Pina qui a fait sa drama queen et que le groupe entier a réconforté pendant toute notre séance. C'était exaspérant.

— Tu n'as pas l'air de trop l'aimer...

— Ne tire pas tes conclusions sur une simple phrase. Pina est mon amie d'enfance et tu ne sais rien d'elle.

Cotton change très rapidement d'expressions, passant de la gentillesse à la méfiance, ce qui rend la discussion un peu compliquée pour moi ne voulant pas encore m'attirer les foudres d'une fille.

— C'est juste que cette histoire comme quoi tu l'as agressé est un peu grosse. Ne le répète pas mais je sais qu'elle ment.

— Comment ?

— Je l'ai surprise dans les toilettes du gymnase après l'entrainement avec le capitaine de l'équipe d'athlétisme ! Et mazette... ils étaient en « fusion » !

— Alors pourquoi tu ne peux pas dire la vérité aux autres ?

— Parce que j'aime bien l'idée que personne ne t'adresse la parole et que tu sois un détraqué.

— ...Quoi ?

Ses paupières se plissent et soudain, la gentille fille aux cheveux roses devant moi aborde une expression... perverse ? Elle se mord la lèvre et se penche sur le comptoir avant de passer ses doigts manucurés sur le col de ma chemise dépassant de mon pull.

Je déglutis lorsqu'elle s'éloigne enfin de moi et commence à préparer mon café. Je reste immobile, mon cerveau réfléchissant encore au sens de ses paroles lorsqu'elle fait glisser mon gobelet fermé et un cookie sur une serviette de papier.

Cotton me fait un grand sourire et me souhaite une « bonne journée » comme si notre échange précédent n'avait pas existé.

Je laisse un billet sur le comptoir sans prendre le temps d'attendre ma monnaie et quitte le café en frissonnant. J'engloutis le cookie alors que je marche en direction de l'Académie, ma boisson encore trop brûlante pour la consommer, quand je remarque un détail sur ma serviette en papier.

Elle a noté son numéro de téléphone.

Mais qu'est-ce que le fuck ?

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Putain, je crois que le but de cette Académie est de réunir le plus de chtarbé possible. Entre Pina l'infidèle drama queen, son copain idiot au sang chaud, Cotton la fille aux mille facettes qui aime que je sois un « détraqué », Pop qui note chaque chose que je fais devant elle et enfin Red qui passe son temps à dormir en cours...

C'est du n'importe toi. Tellement gros qu'on pourrait en écrire une histoire. Un truc original parce que là clairement, ces gens sont surréalistes.

Bon, je ne suis pas mieux mais tout de même.

Je fais défiler mon répertoire téléphonique avant de regarder le contact de Wild qui lui, semblait être un mec normal... Jusqu'à ce qu'avant les cours il m'envoie par SMS une photo de lui pour mettre à jour l'affichage de son numéro sur mon téléphone.

Une photo de lui les mains dans les poches, avec des lunettes de soleil aviateur, sa moto derrière lui, les cheveux au vent et la plage au fond. Bref, une photo où il a tout fait pour être classe.

Je pousse un soupir lorsque la fin du cours sonne enfin. Le calvaire commence à peine alors que pendant deux heures entières, j'ai subi le regard inquisiteur de mes camarades. Les mecs me regardaient avec dégoût alors que les filles chuchotaient entre elles des saloperies sur moi. Faisant grandir la rumeur que j'étais un agresseur.

Pop se lève de sa place en sautillant, pressé de profiter de notre heure de libre pour que je lui serve de modèle d'études, lorsque le professeur de biologie m'interpelle. Je range mes affaires et laisse trainer mon sac derrière moi lorsque j'arrive devant son bureau.

— Est-ce que je vais parler à Citrus l'étudiant ou Citrus mon ancien camarade ?

— Le seul et l'unique étudiant, dis-je d'un ton las en levant les bras.

Il n'aurait pas pu oublier mon attitude extrêmement bizarre d'il y a deux jours, non. C'était beaucoup trop gros.

Pop m'attend devant la porte de la classe et pas dehors, telle une curieuse pas du tout discrète voulant écouter notre conversation et notant tout sur sa tablette.

— J'ai lu votre dossier scolaire et votre moyenne générale entre le collège et maintenant a dégringolé. Pire qu'une descente de montagne-russe.

— J'aime faire de ma vie une fête foraine.

— Très drôle monsieur Lime... J'aimerais comprendre comment le clone d'un élève si brillant que Citrus ait pu laisser tomber à ce point les études ? Lorsque nous étions ensemble en études supérieurs, votre géniteur était une tête dans toutes les matières scientifiques ! Il a rapporté plusieurs prix et-

— Et je ne suis pas lui. Vous l'avez dit, je suis un clone.

— Je suis sûr que vous cachez bien votre potentiel. Que diriez-vous de rejoindre le club de sciences ? Un homme ayant révolutionné les méthodes de clonage et la modification d'ADN pourrait t-

Mes mains tapent sur son bureau d'un coup, le faisant sursauter. Je pousse un long soupir avant de doucement relever la tête et de prendre un air menaçant pour qu'il me laisse tranquille.

« Foutez-moi la paix. Je ne suis pas « ce » Citrus Lime. »

Je balance mon sac sur mon épaule et attrape le poignet de Pop au passage pour vite nous éloigner de cette salle de cours.

Je commence sérieusement à en avoir marre là. Je suis réellement une branle en sciences et il me veut dans son club tout ça parce que l'ancien moi était un cador !

— Ça va ? me demande Pop alors que nous rejoignons enfin mon casier.

— Comme un lundi.

— On est jeudi.

— Tu m'as compris.

— Je ne te demande pas par politesse mais pour savoir en détail comment tu vas. Tes émotions actuellement, sur le moment, tout ce que tu as ressenti et que je pourrais noter et analyser.

— 'Pas croyable cette fille.

Je soupire avant de jeter un œil au casier à côté de moi et de taper un doigt dessus.

— Et il est où le rouge aujourd'hui ?

— Tu as envie d'un verre ?

— Ahah non, je me sens juste plus à l'aise en cours quand il n'est pas là. Ce type fait dresser mes poils de bras... Bref, on bouge.

Popcorn me suit toujours avec sa tablette dans les mains et me posant mille et une questions pour son étude. Elle semble se foutre royalement des regards insistants et des remarques des gens dans les couloirs, comme s'ils étaient invisibles pour elle.

Soudain, elle s'arrête et me tend sa tablette pour fouiller dans ses poches et sortir son portable dont s'échappe du pirate métal. Le choix de musique pour sa sonnerie me surprend beaucoup, moi qui aurais cru qu'elle était le genre à écouter de la pop.

Je profite qu'elle réponde à ce qui semble être un camarade de club pour regarder ce qu'elle a écrit sur moi sur sa tablette.

« +5 en point d'humour – taux d'acidité stable à 11h17 – a demandé des nouvelles de Red – sait qu'il n'est pas aimé mais n'a pas l'air de savoir pourquoi Red le déteste – ne doit pas savoir ce qu'à fait Citrus Lime »

Je fronce les sourcils en lisant les dernières remarques, prêt à lui demander clairement pourquoi Red m'en veut lorsqu'elle m'arrache la tablette des mains et part en courant en s'écriant : « URGENCE AU LABO ! »

Je reçois une minute après un SMS d'un numéro inconnu et à en juger par les smileys et l'écriture, c'est surement Pop. Comment elle a eu mon numéro ? Wild a dû lui envoyer sans m'en parler.

Elle m'explique brièvement qu'elle participe à un projet sur la robotique avec des camarades et qu'il y a eu un souci avec son prototype. Elle s'excuse de ne pas pouvoir passer l'heure avec moi à m'examiner sous toutes les coutures et vu la liste de question qu'elle me pose par message, je suis finalement soulagé de me retrouver seul.

Pour éviter de passer mon heure de pause à être jugé pour un crime que je n'ai pas commis, je quitte le bâtiment principal et vais un peu plus loin sur le campus. J'arrive devant « l'Académie des talents », surement le bâtiment aidant au développement des gens ayant atteint l'Éveil ou encore la formation artistique d'élèves moins chanceux.

Je ne passe pas les portes massives en bois et me contente de faire le tour alors que s'échappent des fenêtres ouvertes des bruits de violoncelles et de piano. Je repère un saule pleureur tout près du bâtiment alors que le ciel devenir de plus en plus gris et me fais craindre une petite averse.

Je cours en jurant jusqu'à l'arbre lorsque je me stop net à quelques pas.

J'entends quelqu'un fredonner. Un charabia de mot mais une voix tellement mélodieuse qu'elle me cloue sur place. Mon cœur s'agite sans que je ne comprenne pourquoi alors que mon cerveau répond par un léger mal de tête.

Comme si « l'autre » part de moi-même voulait prendre le dessus.

C'est une voix de femme et pourtant... Il y a quelque chose en plus. J'ai envie de la voir.

L'averse s'abat enfin sur mes épaules et me sort de mes pensées, me poussant à m'abriter sous cet arbre et à découvrir qui est cette fille dont la voix m'a remué.

Mais elle n'est plus là. Aux premières gouttes, elle a traversé les feuilles et est passée de l'autre côté du mur en brique de ce bâtiment des talents.

Je crois que c'est la première fois depuis longtemps que je suis aussi déçu.



Première rencontre avec Cotton Candy ! Que pensez-vous de cette fille ayant sauvé Citrus alors qu'il se faisait frapper par Punch ? De ses changements d'expressions soudain et de son intérêt pour notre citron ?

Des remarques sur Citrus et sa scolarité ? Du développement de son amitié avec Pop ? Et enfin de cette mystérieuse voix qu'il a entendu ?

🍬On se retrouve jeudi prochain pour deux nouveaux chapitres ! En attendant n'hésitez pas à voter et donner votre avis en commentaire !🍬

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