5🍬Un mec « bresom »

J'ai passé tout l'après-midi avec Wild Blackberry et c'est assurément un gars bien. Une sorte de cliché du rebelle mais qui a un bon fond. Il m'a trimballé dans toute la ville pour me faire la visite et je crois qu'à cause de notre promenade, il a liquidé un paquet entier de cigarettes.

Wild est né dans un labo du sud du pays et est arrivé à l'âge de neuf ans à l'Académie, un âge déjà considéré comme tardif. Son air « méchant », d'après ses mots, lui a causé beaucoup de soucis qui font qu'il a dû quitter les dortoirs des primaires et aller vivre en périphérie de la ville pendant deux ans.

Le destin a fait qu'il a atterri dans la famille s'occupant de Popcorn Caramel. Il s'est occupé d'elle comme d'une petite sœur et il m'a raconté qu'à cette époque, elle était déjà bien dérangée et donc naturellement mise à l'écart elle aussi. Mais elle s'en fichait.

Il a réintégré le dortoir de l'Académie deux ans plus tard et tous les enfants se sont mis à l'apprécier et pour cause : ils ont tous suivi des cours d'histoire leur apprenant que Wild Blackberry avait déjà fait partie des Jelly Beans. À cet âge, ils pensaient qu'être amis avec lui leur donnerait plus de chance pour l'avenir.

En me racontant sa vie, il a zappé ses années collège et lycées pour me dire que maintenant, il était un redoublant de dernière année pas encore sûr de ce qu'il voulait faire.

Je savais grâce à sa conversation avec Red l'autre soir qu'il avait un talent mais je n'ai pas demandé lequel.

D'ailleurs Red...

Lorsque j'ai demandé pourquoi Red me détestait à ce point, Wild m'a dit d'aller me renseigner sur l'histoire contemporaine de notre société à la bibliothèque quand j'aurais le temps.

Je pense qu'au fond de moi je le savais. J'étais sûr que l'ancien Citrus avait dû faire quelque chose à l'ancien Red pour qu'il m'en veuille autant.

« Eh Citrus ! »

Wild m'interpelle alors que je m'apprête à le laisser, lui qui m'a raccompagné en moto jusqu'à l'Académie. Il me tend son téléphone portable que je regarde sans comprendre où il veut en venir.

— Rentre ton numéro.

— Pourquoi ?

— T'es con ou quoi ? Je t'enverrais un message vide pour que tu aies le mien.

— Je répète : pourquoi ?

Wild fronce les sourcils avant de comprendre le vrai sens de ma question. Ce n'est pas un « pourquoi tu veux mon numéro » mais un « pourquoi est-ce que tu veux que j'entre dans ton cercle de connaissance alors que je suis Citrus Lime, le clone d'un détraqué ».

— Parce que t'es cool. Et pour t'éviter de devenir un mec « bresom » à la « Dark Sasuke ».

— Yes, merci...

— Et puis, je sais ce que ça fait d'arriver dans un endroit où tout le monde se connait et te juge comme une bête de foire. Mais t'inquiète, ils finiront par t'oublier.

— Pas sûr. Je t'ai dit qu'on m'avait accusé d'être un agresseur sexuel aujourd'hui. Et ce n'est que mon troisième jour.

— Pour leur défense, t'as un peu la tête de l'emploi.

— Sale con.

L'insulte provoque un grand sourire chez lui alors que je retiens le mien. Je rentre mon numéro et lui rends son téléphone alors qu'il m'envoie le fameux SMS vide pour que je l'ajoute à mes contacts. Ma liste de contact plus si vide que ça.

— Merci pour cet après-midi, ça m'a changé les idées. Finalement, je suis content d'avoir fait la connaissance de Popcorn. Et puis ça doit être la seule fille du bahut avec qui je peux être proche maintenant.

— Eh !

Wild me pointe du doigt d'un air volontairement menaçant tout en remettant son casque.

« Pas touche à Pop. »

J'arque un sourcil alors qu'il me fait un clin d'œil et fait démarrer sa moto. Il file sur la route, me laissant seul face aux grilles et au soleil se couchant complètement sur les collines au loin.

« Pas touche » dans le sens « pas touche, elle est comme une petite sœur pour moi et je suis son grand frère protecteur » ou dans le sens « c'est ma target » ? Aucune idée et de toute façon même si l'on devient ami, elle ne risque pas d'être attirée par moi d'un iota !

Je rentre tranquillement en direction du dortoir, observant la masse d'étudiants profitant du début de soirée et ceux se dirigeant vers la sortie de l'Académie pour rentrer chez eux ou se divertir en ville.

J'aimerais bien parler à Pop de mon expérience avec Wild mais je me rends compte que je n'ai pas son numéro et donc que ça devra attendre.

Lorsque j'entre dans le dortoir des hommes, j'esquive le salon commun et son agitation mais m'arrête instinctivement derrière une poutre en bois en entendant la voix de Punch.

« J'vous le dis les mecs, dès qu'il rentre cet enculé, je lui fous sa branlée en règle ! »

Les autres sportifs approuvent alors que je m'éclipse par la fenêtre, seule échappatoire.

Bon Citrus, ce n'est pas la première fois qu'on veut te tendre un guet-apens. Réfléchis... Si tu grimpes de balcon en balcon jusqu'au dernier étage, ça peut le faire. Normalement, j'ai laissé entre-ouvert ma fenêtre donc je pourrais rentrer discrètement. Parfait.

Je resserre les sangles de mon sac à dos avant de faire deux-trois squats pour m'échauffer et d'enfin grimper les étages tel un singe. J'évite chaque fenêtre d'où s'échappe de la lumière jusqu'à en esquiver une dernière pile au timing où son hôte entre à l'intérieur.

Je m'agrippe sur le rebord de la fenêtre du dernier étage et saute les jambes les premières.

Sauf qu'au lieu d'atterrir sur le parquet, je glisse sur un bureau et m'éclate au sol.

Qu'est-ce que le fuck ?

Je serre les dents et frotte l'arrière de mon crâne ayant autant pris cher que mes genoux lorsque j'ouvre les yeux et comprends pourquoi je me suis rétamé : je ne suis pas dans la bonne chambre. Merde. À trop faire le singe, je me suis éloigné de ma fenêtre.

Devant moi et à peine éclairé par une guirlande de LED rouge, se tient mon seul voisin d'étage : Red.

Rectification, « Red sortant de la douche ».

Ses cheveux bordeaux pour la première fois détachés devant moi lui arrivent jusqu'aux épaules et sont encore mouillés. Il n'est habillé que d'un jogging noir, le reste de son corps étant nu comme son torse et ses bras musclés confirmant qu'il pourrait m'envoyer à l'hosto.

Ses yeux jaunes brillent dans la presque obscurité et il a l'air autant surpris qu'en colère de m'avoir vu débarqué dans sa chambre comme le cambrioleur le plus pitoyable du monde.

Putain, il ne manquait plus que ça à ma réputation. Agresseur sexuel et voleur. Parfait. Je suis bon pour retourner dans mon bled paumé avec un Roy désespéré et se noyant dans l'alcool par regret d'avoir fait de ma vie un enchainement de mauvaise décision.

« Qu'est-ce que tu fous ic- »

Red n'a pas le temps de finir sa phrase que nous sursautons en entendant frapper avec virulence à sa porte.

« Red ! Ouvre, on doit te parler de ton voisin ! »

Il me dévisage avant de froncer les sourcils et de m'attraper par le bras.

— Cache-toi sous le lit, me chuchote-t-il.

— Quoi ? Mais-

— Ferme ta gueule et cache-toi !

Alors que je rampe sous son lit, son pied me pousse un peu plus pour me cacher avant d'ouvrir sa porte. Je ne vois rien mais reconnais les voix que j'ai entendues il y a une dizaine de minutes dans le salon commun.

— Qu'est-ce que vous me voulez, les gonzesses ?

— On veut savoir si tu as vu rentrer ton voisin d'à côté.

— Qui ça ? répond Red en feignant l'innocence.

— Le citron ! s'exclame Punch en donnant un coup de poing dans la porte. J'ai des comptes à régler avec lui. Je vais tellement le défigurer que sa mère ne le reconnaitra pas.

— On n'a pas de mère, espèce de débile, on est des clones.

— Je m'en tape, tu m'as compris ! Alors, tu sais où il est ? Vous n'avez pas les mêmes cours ou quoi ?

— Je n'étais pas en cours aujourd'hui, Sherlock, et je m'en tape royalement d'un mec comme ça.

Un court silence se fait. J'entends des chuchotements, comme si les brutes se concertaient entre elles.

— Et il s'est passé quoi pour que ton bureau soit autant en bordel ?

— Je me suis tapé ta copine dessus il y a dix minutes.

— Oh toi ne me cherche pas, sale con !

— Tout le monde sait que Pina est une trainée. Un peu d'alcool et hop, son masque disparait et elle devient la plus bonne des suceuses de Flavor City !

Un nouveau bruit sourd suivi d'un silence. J'aimerais oser regarder mais ça ne m'apporterait que des emmerdes.

— Qu'est-ce qu'il y a « Island » ? On n'accepte pas la vérité ?

— Va chier Red. Tu fais le malin mais t-

— Mais quoi ?

Je ne suis que sous le lit mais au ton de la voix de Red, je sens l'atmosphère devenir tendue. Je les imagine se faire face comme des bêtes sauvages, se défiant et l'homme torse nu les regardant de haut.

J'aimerais être témoin de leur échange silencieux, juste pour jubiler.

— Allez les mecs, on se casse.

— Qu'est-ce qu'il a fait le nouveau pour te foutre en rogne à ce point ?

— Il a tenté d'embrasser ma meuf quand elle était dans sa chambre et il lui a fait un suçon. Fais gaffe, ton voisin est un putain de pervers.

C'est sur ces mots que Punch et ses amis quittent notre couloir. Red fait claquer sa porte, signale pour que je puisse enfin sortir de ma cachette poussiéreuse. Il s'est assis sur sa chaise de bureau et me regarde sévèrement, les bras croisés.

Je remarque que sa joue est rouge, surement à cause d'un coup que Punch a dû lui faire. Nous nous fixons pendant d'interminables secondes parce que je ne sais pas quoi lui dire.

— Pourquoi est-ce que tu n'as rien dit ? demandé-je finalement.

— « Oh tiens salut Punch ! Citrus ? Ouais il est sous mon lit, attends ! Ouais je suis à moitié à poil, ouais. Mais y'a aucun rapport hein ! »

— Ok, j'ai compris... Ben euh... Merc-

— Barre-toi de ma chambre.

Il ne me laisse même pas le temps de faire preuve de politesse... Quel sale con.

Je soupire avant d'ouvrir la porte en vérifiant bien si les brutes sont parties et je m'engage dans le couloir jusqu'à entrer dans ma chambre. La porte claque à nouveau et je commence à plaindre Wild qui doit s'occuper d'un type constamment énervé comme Red.

Mon corps se laisse tomber le long de la porte, fatigué de cette longue journée, lorsque mes doigts frottent un bout de plastique sous mes fesses.

Je me redresse et suis agréablement surpris de retrouver mon carnet de notes emballé avec soin et surement livré pendant la journée. Je le retire de sa protection et trouve un mot écrit sur un post-it de la part de mon tuteur :

« Être honnête ne vous apportera pas beaucoup d'amis mais ça vous apportera les bons. - John Lennon

P.S : Désolé pour le retard. Appelle-moi quand tu l'as reçu. Ne mange pas trop acide.

Roy. »

Ce type est raide dingue des Beatles et des citations de John Lennon. Il a toujours essayé de me faire oublier les horreurs qu'il m'avait fait subir sous la « contrainte de l'argent » lorsque j'étais gosse.

Honnêtement ? Je ne lui en veux pas. Le monde est pourri et parfois il faut sacrifier ses principes pour s'en sortir. Roy a fait les mauvais choix mais tout le reste de mon enfance, il a rattrapé le coup comme il le pouvait. Et puis sans sa prise de conscience, je serais encore enfermé dans un labo à me faire frapper.

J'ouvre le carnet et y retrouve quelques lignes marquées avant mon départ pour l'Académie. Des pensées et paroles que je m'empresse de compléter une bonne partie de la nuit avant de m'endormir comme un sac sur ma chaise.

Tout ça en repensant à mes rencontres de la journée, à la situation catastrophique dans laquelle on m'a mis, à ma découverte de la ville, les coups sur mon corps, l'enthousiasme de Pop et la sympathie de Wild... Ainsi qu'à la fille aux cheveux roses qui s'est interposée entre Punch et moi. Ce souvenir d'une ancienne vie en Citrus où elle semblait être présente...

Et enfin Red qui reste égale à l'image qu'il m'a montrée depuis mon arrivée.



🍬CHAPITRE 6 DÉJÀ DISPONIBLE ! 🍬

Citrus en apprend plus sur la vie à l'Académie (autant en tant que nouvel élève que victime). Que pensez-vous de Wild Blackberry ? De la confrontation entre Red et Punch et ses brutes ? Des théories sur la suite ?

🍬N'hésitez pas à d'ores et déjà me soutenir en votant pour ce chapitre !🍬

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