39🍬We're Shameless

« J'adore les changements que tu as fait pour cette chanson ! »

Kapu-Kapu s'agite devant moi en secouant les partitions du morceau de ce soir alors que Puccino répète les passages qu'elle doit chanter avec Red.

Je regarde la scène se mettre en place tout autant que les décorations d'un gymnase rendant le lieu temporairement magique sous cette neige artificielle et ses flocons suspendus.

Il y a tout pour passer une très bonne fête hivernale, la dernière soirée de l'année avant, le week-end prochain, la remise de notre dernier bulletin de notes et le départ en vacances.

La boule au ventre depuis mercredi, je marche sur des œufs avec mes amis m'ayant, encore une fois, pardonné.

Nous avons eu une longue discussion sur mon trouble me pourrissant la vie et ayant provoqué la pire situation possible.

J'ai également dû leur avouer que je n'aimais pas Cotton, ce qu'ils avaient remarqué, mais que j'étais également amoureux de Red.

Ce que tout le monde avait remarqué sauf Wild et Puccino. Le « couple d'aveugle » comme l'a si bien dit Popcorn.

J'ai eu le droit à un silence très gênant toute la soirée de la part de Wild et d'une flopée de questions provenant de sa copine. J'ai cru à un moment donné que mon pote allait faire une réflexion homophobe mais je m'étais trompé.

À la fin de la soirée, alors qu'il m'avait ramené sur sa bécane, il m'a avoué qu'il avait eu des doutes sur moi et sur Red. Pas compliqué à voir, en réalité, mais il avait tenté de refouler son impression à cause d'une sombre histoire.

Il m'a raconté qu'il avait eu un pote gay au collège mais qu'il s'en était tellement pris la gueule de la part des autres mecs qu'il a maintenant peur des effets que pouvait entrainer « la différence ».

« J'ai juste peur que vous en baviez à cause de ça. J'ai pas envie qu'il t'arrive un truc juste parce que t'es attiré par un mec. Pour Red, je sais qu'il fait genre que ça ne l'atteint pas mais je suis sûr qu'il est aussi flippé. Il croit qu'on peut assumer ça sans conséquence mais les gens à Flavor City sont cruels, Citrus. Ils te jugent et si tu ne rentres pas dans le moule créé par les Jelly Beans, ils te le font payer. »

J'étais étonné qu'à notre époque, être autre chose qu'hétérosexuel pouvait poser problème. Mais visiblement, les règles ne sont pas les mêmes lorsque l'on est un potentiel Jelly Beans.

J'avoue que je n'étais pas le plus ouvert et renseigné des adolescents mais c'est un grand retour en arrière comparé au monde extérieur à l'Académie de Flavor City.

À part mon groupe d'ami, je n'ai reçu de Roy qu'un message me disant qu'il « fallait que l'on discute de mon comportement » à mon retour à la maison.

J'ai déjà peur de ce qu'il va dire. Je crains même qu'il me retire de l'Académie en invoquant la mauvaise influence de cet environnement « toxique pour moi ». Il l'avait déjà dit en plaisantant la dernière fois qu'il est venu mais là...

« J'ai tellement hâte que le directeur entende ça. »

Je croise le regard de Red en train de s'attacher les cheveux avant de porter à lui seul une enceinte. Ses manches retroussés montrant sans retenue ses bras musclés mais dont le teint blafard réclame des rayons de soleil.

Le grand rouge m'accorde ce fameux regard du « bon travail », me remerciant surement des paroles que j'ai encore modifiées à la dernière minute pour lui.

Par miracle, il n'a toujours pas été mis au courant de mon dépucelage involontaire mais j'ai la boule au ventre chaque minute qui passe à cause de ce secret.

Red n'a rien entendu de ma nuit avec Cotton tout simplement parce que, d'après la petite enquête de Wild, il a commencé à prendre des somnifères et se coucher tôt pour être parfaitement en forme pour la fête de ce soir.

Cotton n'a pas dû en parler autour d'elle, trop occupé avec son emploi du temps de ministre, pour oser même en parler un instant à Red en personne. Elle est même tellement occupée que je n'ai pas eu l'occasion de lui en reparler et de mettre les choses au clair avec elle.

Je veux rompre, c'est une certitude.

Nous n'avons rien à faire ensemble et même si nous avons un passé « charnel » en commun, ça ne doit pas forcer notre présent. C'est une fille sympa quoiqu'un peu bizarre mais ça s'arrête là.

La barbe à papa, ça peut être écœurant à la longue.

Je reviens à la réalité lorsque Cappuccino m'appelle depuis les coulisses pour me demander de vérifier plusieurs choses, dont ma guitare. Enfin, celle que Puccino a décidé de m'offrir.

Celle que Citrus Lime voulait offrir à Red Apple.

— Et pour la chanson « surprise », tu es prêt ? Tu m'as dit que tu avais un peu changé les paroles ?

— Ce n'est pas embêtant, ça suit le même rythme. J'espère que Red va réussir à la chanter sans la connaitre.

— Ne t'inquiète pas, ça va lui faire un petit challenge. Je suis persuadé qu'il va y arriver surtout si tu donnes de toi-même.

Son sourire rassurant autant que sa voix me calme un petit peu, et ça, malgré le malaise toujours bien pesant dans ma poitrine.

N'ayant plus rien à faire pour la préparation de la fête, je retourne au dortoir et n'en sors qu'en début de soirée, préparé et habillé comme l'a désiré Cotton.

De par mon refus qu'elle me paie l'entièreté de ma tenue, j'ai réussi à ne porter pour ce soir qu'une veste chic noire avec en dessous un t-shirt blanc accompagné d'un jean noir.

Oui, malgré mes chaussures de soirée, j'ai pu mettre un jean, miracle !

J'ai fait l'effort de me coiffer en mettant une sorte de gel bizarre que Wild m'a conseillé, ramenant suffisamment mes cheveux en arrière mais pas trop histoire d'avoir quelques mèches tombant sur mon front. Cachant le peu de boutons que je n'ai pas encore réussi à éradiquer avec de la crème.

De l'eau de Cologne française, carrément, qu'il m'a également donnée plus pour la blague qu'autre chose : Eau de citron noir d'Hermès.

« Il ne m'a rien coûté, c'est un vieux cadeau que j'ai retrouvé dans mes placards ! »

Il est con c'te Wild mais en vrai, une odeur épicée de citron boisé me convient parfaitement. Le flacon était déjà entamé mais pas grave, je lui demanderais si je peux la garder pour d'autres occasions.

En quittant le dortoir, les yeux rivés sur l'heure pour ne rien manquer du début de la fête, je manque de me cogner à d'autres étudiants qui eux, ont été un peu plus forcés par leurs copines niveau vestimentaires.

Les filles, que je vois défiler entre les arbres illuminés, portent en dessous de leurs grosses doudounes colorées, des robes tout en volume manquant de faire exploser leurs manteaux tant elles sont serrées à l'intérieur.

Attendant patiemment la libération que nous offre la chaleur du gymnase en entrant.

La décoration est encore plus soignée que tout à l'heure avec un parfum diffusé dans toute la pièce rappelant le marché de Noël. De faux arbres immaculés un peu partout dans la salle accompagnent la neige artificielle au sol et les flocons brillants accrochés au plafond.

Il y a quelques tables, un buffet et une partie de l'estrade dépliée, comme lors de la fête d'Halloween.

Ce qui change, c'est toutes les filles bien habillées et encore sobres cherchant comme des carnivores leurs proies de ce soir.

Ah, le fameux quart d'heure américain qui va se transformer en foire à la saucisse !

Je repère Cotton au loin, parfaitement coiffée et maquillée dans sa robe de soirée blanche avec un col en dentelle. Son parfum de barbe à papa fait remonter la pression en moi alors qu'elle m'embrasse devant les gens qui la félicitent de l'organisation.

— Voilà qu'il tombe bien ! Je vous présente mon petit-ami, Citrus. Mon chéri, voici deux membres du comité chargé des examens de nouveaux Jelly Beans.

— Enchanté, réponds-je avec un sourire forcé face à ces deux adultes me dévisageant sans retenue.

— Citrus... Lime ? Vous êtes donc le clone du scientifique fou, n'est-ce pas ? Et vous, Cotton, vous sortez avec lui ?

— Il faut accorder la rédemption à chaque nouvelle génération. Chaque clone se doit de surpasser la version précédente et en tant que Cotton Candy, je ne veux pas faire preuve de discrimination envers mes camarades moins chanceux sur leur passif.

— Impressionnant, mademoiselle.

Je plisse les paupières, pas heureux de la tournure de la conversation. Cotton a réussi à les manipuler en leur faisant croire que sortir avec moi était une « bonne action » mais cela, tout en ne disant pas un mot en trop pour me blesser ou me faire ressentir qu'elle se sert de moi.

Lorsque les deux adultes partent rejoindre nos professeurs chaperons et le directeur de l'Académie, je l'entends pousser un grand soupir de soulagement avant de remettre en place ma veste légèrement de travers.

— Ça te va bien mais un costume aurait été plus adéquat.

— Mmm... Est-ce qu'on pourrait discuter en privé ? J'ai besoin de te parler de quelque chose d'important sur « nous ».

— On verra ça tout à l'heure ? J'ai une montagne de chose à faire et de gens à saluer !

— C'est vraiment im-

Je suis interrompu par le bras de Kapu-Kapu m'agrippant fermement pour mieux me tirer vers la scène. Elle s'excuse brièvement envers Cotton qui ne cherche même pas à me retenir alors que la pile électrique du trio de sœurs clonées m'amène derrière la scène.

Un simple grand rideau blanc nous sépare du reste de la salle mais fait parfaitement office de coulisse pour les musiciens présents ce soir. Notre groupe est le premier à jouer suivi des autres de l'Académie qui seront ensuite remplacés par un DJ jusqu'à la fin de la soirée où... eh bien je serais la surprise, moi et mon morceau secret.

Je regarde les filles habillées avec la même robe mais dans des couleurs différentes : rose pour Kapu-Kapu, noir pour Puccino et bleu marine pour Cappuccino. Pop aide d'ailleurs cette dernière à bien fermer sa fermeture éclair, ma meilleure amie se foutant des conventions et ayant opté pour un pantalon de tailleur noir et un haut corset rouge avec de la fausse fourrure blanche, style mère Noël.

Wild, lui, a de la chance que sa petite-amie se foute de son style vestimentaire car il porte... une de ses tenues habituelles. Ah si, il a fait l'effort de se coiffer et de troquer ses pompes pour d'autres plus classe. C'est tout.

« On est prêt ? »

Je me retourne et retiens la douleur en moi en voyant Red.

Ses cheveux coiffés comme moi, surement un conseil de Wild, des chaussures, un jean noir et un t-shirt blanc identiques mais une veste verte pétante avec des motifs de tête de père Noël et de canne à sucre.

— C'est le truc le plus kitch que j'ai jamais vu, lâché-je sans filtre.

— C'est dégueulasse, hein ? J'adore. Le seul moment de l'année où ça peut être toléré sans être une faute de goût.

— Tu parles ! s'exclame Wild en le pointant du doigt. C'est ignoble, mec ! On dirait qu'un lutin t'a vomi dessus.

— Moi au moins, j'ai fait un effort. T'as quoi comme excuse, flemmard de mes deux ?

— Pas l'envie et l'intérêt. Et puis ma meuf m'aime comme je suis, pas besoin de porter un costume. Dis-leur, bébé.

— Appelle-moi encore bébé et je te fous ma basse dans le cul ! répond Puccino d'un air menaçant auprès de son copain.

Nous rigolons face à la détresse de Wild qui finit par quitter les coulisses avec Pop pour nous laisser faire les derniers préparatifs.

Je regarde le groupe se concentrer et faire son petit rituel de chauffe avant de monter sur scène. Décidé à les regarder depuis les coulisses, je m'installe à l'écart et les observe brancher leur matos jusqu'à ce que Red redescende vers moi et appuie sa main sur mon épaule.

— On va prendre cher pour ce que tu vas me faire chanter.

— T'avais pas dit que tu en prenais la responsabilité ?

— Je dirais au directeur que je t'ai forcé à écrire ça mais... C'était parfait. T'as bien compris que je ne voulais pas chanter pour ce connard. Merci, Citrus.

— De rien.

— Et pour notre pari... On verra tout à l'heure.

Un simple clin d'œil et un petit sourire suffisent à agiter mon cœur alors que mon cerveau hurle d'arrêter de mentir à cet homme que j'aime de plus en plus.

Mais si je lui avoue, je vais non seulement briser son cœur mais le mien avec...

Mes pensées sont interrompues à la seconde où j'entends les premières notes ainsi que la voix de Red dans le micro.

« On m'a demandé de chanter à nouveau ce soir », commence Red en souriant à la foule alors qu'il doit surement fusiller du regard le directeur. « Ce n'était pas vraiment dans mes plans mais j'ai eu assez de soutien de la part de mon parolier, que j'ai bien évidemment menacé parce que tout le monde me voit comme un caïd, ainsi que des sœurs Cappuccino. J'espère que ça vous plaira et que ça vous redonnera envie de me faire chanter. Let's fucking go ! »

Je rigole d'avance en l'entendant prononcer ces mots lorsqu'il claque des doigts et commence à accompagner de sa voix la guitare de Cappuccino.

Puccino l'accompagne quelques notes plus tard d'une voix volontairement charmeuse pour correspondre au ton de la chanson que j'ai écrite :

Cette dernière raconte la rencontre entre un mec en chien et une fille dans le même état, voulant tous les deux vite coucher ensemble. Un vocabulaire volontairement cru et sans détour qui semble faire rire toute l'assistance sauf le corps enseignant.

Je vois au loin le directeur bouillir mais se retenir de faire un scandale alors que les deux membres du comité à côté de lui observent Red avec attention.

Vient enfin mon passage préféré : le refrain que nous avons écrit ensemble. Ce même refrain qu'il chante avec ardeur en pointant du doigt notre directeur tout en rendant tous les étudiants en délire.

WE'RE SHAMELESS

Nous sommes effrontés

Oooh, I love it all

Oooh, j'adore ça

You might think I'm kinda crass

Tu peux penser que je suis un peu grossier

But baby, you can kiss my ass!

Mais bébé, tu peux embrasser mon cul !

WE'RE SHAMELESS

Nous sommes effrontés

You're mom can join in too

Ta mère peut aussi nous rejoindre

That's right

C'est vrai

I delight in being lewd

Je me réjouis d'être obscène*

C'est tellement bon. Sa voix, mes paroles, la musique, tout est bon.

Red était vénère contre ce directeur ne nous servant à rien et moi, eh bien, je n'ai pas besoin de rappeler comment il m'a exaspéré lors de la venue de Roy.

Il s'en fout de nous et ne veux qu'être bien vu par les Jelly Beans, comme un fournisseur de bétail se servant de l'Académie pour bien nous dresser avant que les plus talentueux tentent l'examen pour entrer dans ce fameux groupe que tout le monde adule depuis des générations.

Sauf que Red et moi, nous n'en avons rien à foutre. On voulait juste se défouler et répondre à sa « demande » tout en lui rappelant que c'était une très mauvaise idée de nous faire chier.

Lorsque la chanson se termine et que la voix ensorceleuse de Red disparait, la foule en liesse applaudit à en faire trembler les décorations. J'observe le grand rouge savourer cette victoire alors qu'il sourit comme jamais devant tous ces gens qu'il a déjà dû menacer à de nombreuses reprises.

Il aime la scène. Il est fait pour ça, je le sens.

Soudain, il tourne la tête vers les coulisses. Vers moi.

Son sourire s'étire encore plus et ses paupières se plissent avant qu'il ne hoche la tête et me remercie silencieusement de tout mon travail.

Je dois l'avouer, je me sens fier. J'ai l'impression d'avoir accompli quelque chose et je suis heureux d'avoir fait ça avec lui. Avec eux.

Les filles et lui saluent avant de laisser la place à l'autre groupe nous félicitant. On m'a bien proposé de me montrer sur scène pour recevoir un peu des applaudissements mais je serais bien trop gêné devant toute cette foule.

Kapu-Kapu me prend dans ses bras, Puccino me frappe gentiment l'épaule et Cappuccino se retient du moindre geste car elle sait que la soirée n'est pas finie. Le plus dur pour moi est à réaliser.

Alors que nous sommes quasiment seuls en coulisse, Red vient enfin vers moi et cache sa joie derrière la paume de sa main.

— Je t'avais dit que t'avais le talent de faire ressortir le mien.

— Mouais, t'as juste bien bossé mes textes.

— Tu sais que c'est bien plus. T'as entendu ma voix ? T'as vu comment on me regardait ? C'est grâce à ce que tu me fais chanter.

— Bon, si tu veux et parce que c'est bientôt Noël, je l'accepte. On va le supposer et l'accepter rien que pour ce soir.

— Alors comme j'ai gagné le pari, j'ai le droit de te demander une faveur, non ?

— La soirée n'est pas finie, pomme d'amour.

Je suis autant surpris que lui d'avoir prononcé ces mots avec tellement d'aplomb que je suis obligé de me sauver, mais avec dignité, très loin de lui et de l'effet qu'à eu mes mots sur le rougissement de ses joues.

Attends d'entendre mes vrais sentiments et après ça, j'espère que tu pourras tout me pardonner.

Même l'infidélité entre mon corps et mon cœur.



Alors qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? De ce début de fête de noël et du concert ? Des paroles écrites par Citrus pour se moquer du directeur ?

Que pensez-vous de ses sentiments ? De sa relation avec Cotton et avec Red ? Est-ce qu'il arrivera à lui avouer ce qu'il a fait ? Comment Red va le prendre ?

🍬N'hésitez pas à me soutenir en votant ou donnant votre avis en commentaire ! On se retrouve bientôt pour la suite !🍬

*We're Shameless - Ken Ashcorp (un doujinshi en chanson, voilà.)



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