35🍬Double jeu
« Pourquoi est-ce que tu sors avec Cotton si tu aimes Red ? »
Je triture la paille en carton humide devant moi alors que Pop me fixe intensément, me faisant détourner plusieurs fois le regard.
— C'est un peu plus compliqué que ça... avoué-je. Je ne sais pas s-
— Bien sûr que si, tu sais. Tu sais que tu ressens quelque chose de fort pour Red sinon tu ne l'aurais pas embrassé. T'es assez rationnel dans ce genre de moment.
— Oui, ce n'est pas ce que je voulais dire. Je reconnais, sincèrement, que j'éprouve quelque chose pour lui.
Le sourire de ma meilleure amie n'arrête pas de s'étirer et je sens ses jambes s'agiter sous la table tellement elle est excitée par ma révélation.
— Ce que je voulais dire, c'est que Cotton ne me laisse pas indifférent aussi... Enfin... Ce n'est pas vraiment « moi ». Elle m'intimide et prend des aises avec moi qui me force à l'accepter, comme si elle se basait sur notre passé commun.
— Entre nous et je te l'ai dit, elle profite de la situation. Je l'aime bien, hein, mais elle ne voulait de toi que ton corps en privé et dès que tu gagnes en popularité, elle veut s'afficher avec toi. Elle est adorable mais ce n'est pas un secret d'État qu'elle a un grand esprit de compétition.
— J'avais remarqué en la voyant face à Red.
— Mais tu dis que c'est lié à tes crises d'identités si tu es si proche d'elle ? C'est un peu inquiétant si ton cerveau et les souvenirs de l'autre Citrus arrivent à te manipuler autant... Il faudrait en parler à ton tuteur.
— S'il te plait, garde ça pour toi. Ne lui dit rien, ni à Wild. Je n'ai pas envie de me retrouver à nouveau enfermé parce que je n'arrive pas à gérer « l'autre ».
Pop est sceptique face à ma demande mais la respecte en hochant la tête avant de croquer dans son morceau de réglisse. Nous ne disons rien pendant une deux bonnes minutes, écoutant la musique kitch du Diner alors que les clients se succèdent.
« J'avais mal au cœur », avoué-je la tête baissée. « Quand j'ai vu la réaction de Red en apprenant que je sortais avec Cotton, heureusement que tu m'as poussé en avant parce que je n'aurais pas été capable d'y aller seul sans une impulsion. Je ne me suis jamais senti autant comme un con, Pop. J'avais envie de me frapper et je suis sûr que je me suis laissé tabasser un peu plus le soir même comme pour accepter une sorte de punition sur ce que j'avais fait. Je ne sais pas ce que ressens Red pour moi, s'il s'amuse ou s'il est honnête mais le voir avec cette expression de tristesse une demi-seconde par ma faute, ça m'a brisé le cœur. »
La main de ma meilleure amie vient rejoindre la mienne sur la table, caressant doucement mes phalanges encore blessées d'hier soir, alors qu'elle m'offre un sourire réconfortant.
Rien de plus mais tellement suffisant pour me soulager de ce que j'ai ressenti et de la tempête intérieure qui ruine mon cerveau depuis des jours.
C'est ça, être le héros d'une histoire d'adolescent cliché ? Ben bordel, c'est épuisant et je comprends ceux qui devienne des émo.
Alors que Pop me laisse quelques instants pour aller aux toilettes, j'en profite pour sortir mon portable et envoyer un message sur Whatsapp à Cappuccino.
Tous ces chamboulements en si peu de temps à eu un effet « positif », c'est de m'inspirer assez pour savoir ce que je dois écrire pour la fête de Noël.
Citrus ✉ Est-ce que tu penses pouvoir composer deux mélodies pour la fête ? J'ai une idée.
Cappuccino ✉ Tu as écrit deux chansons ?
Citrus ✉ C'est en cours. Une pour la fête, pour les gens de l'Académie et qui les satisfera assez. Une autre plus... personnelle.
Cappuccino ✉ Une qui conviendrait à Red ?
L'ainé du trio de clone est une voyante ? Parfois je me le demande. Son sens de l'observation et de la déduction fait limite peur. Ou alors, c'est du pur hasard.
Citrus ✉ Une que j'aimerais jouer avec lui à la guitare, toi au synthé. Et j'aimerais aussi qu'il ne découvre les paroles et la mélodie qu'au dernier moment avant de monter sur scène.
Cappuccino ✉ Une petite surprise alors ? Je vais demander à ce que l'on passe une chanson au début de la soirée et une à la fin. Tu m'envoies les paroles dès que tu peux et dès demain après-midi on voit ensemble le genre de mélodie que tu veux que je compose.
Citrus ✉ Merci beaucoup. T'es vraiment géniale.
Cappuccino ✉ Juste une clone performante... La fête de fin d'année devait se passer dans l'auditorium mais c'est devenu une sorte de bal de Noël cliché à cause de la pression de pas mal de filles. Tu connais le quart d'heure américain ?
Citrus ✉ Le quoi ?
Cappuccino ✉ Bon courage pour ce qui t'attend ce soir-là, alors.
Cappuccino conclut notre conversation alors que Pop revient des toilettes en secouant ses mains alors que je la rejoins pour aller payer nos consommations au comptoir.
— Dis, c'est quoi le quart d'heure américain ? C'est genre un moment où on doit se tourner vers le drapeau et chanter l'hymne pour la gloire du pays ?
— Tellement pas, Citrus ! Je pensais que t'en avais déjà fait, non ? C'est une soirée où ce sont les filles qui invitent les garçons à danser, contrairement aux « normes » habituelles que je pense dépassées pour notre époque.
— Ah ! Donc... À la fête de Noël transformé en bal... Les filles vont se ruer sur les mecs pour danser avec eux. En quoi c'est spécial ? Ok, j'ai vu quelques teeenage movie romantiques, mais je ne vois pas ce que ça a de particulier comme geste.
— Il faut qu'on se fasse une soirée film « My first Jelly date » ! C'est une trilogie de film à l'eau de rose joué par des acteurs des Jelly Beans il y a des années ! Tu vas comprendre pourquoi il y a un tel engouement pour ce genre de soirée !
Meh. Au moins, ça va me changer les idées.
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Je pourrais vomir tellement c'est cliché.
Il est bien une heure du matin quand Pop, Wild et les sœurs Cappuccino et moi-même terminons la trilogie de film nian-nian devant nous.
Posé sur un coussin dos au canapé de l'appartement des trois clones caféinés, je pousse un grand soupir de soulagement pas du tout discret alors que le générique coloré as fuck se lance devant nous.
Wild rigole à ce simple bruit que je lui donne et me tend la main pour m'aider à me relever et aller ensemble jusqu'à la cuisine. Nous débarrassons les cadavres de bières, de paquet de chips et de pizza alors que les filles discutent entre elles de ce « classique ».
— Rassure-moi mec, commencé-je, c'était vraiment bien ces films ? Ou c'est moi qui n'ai aucun cœur ?
— En vrai... J'aime bien. C'est cul cul, mais...
— La vérité.
— Ok, y'a beaucoup de moments chiants, mais les musiques sont bonnes, les chorégraphies travaillées et...
— Wild.
— Pucci m'a forcé à regarder la trilogie et, moi qui pensais que ma racaille de copine n'aimerait pas ça... eh ben elle kiff à mort ! Elle ADORE ce genre de film ! Ça doit être l'effet du jeu d'acteur des Jelly Beans. En tout cas, après ça, elle est toujours...
Wild s'interrompt soudain et fait un grand sourire à sa petite-amie rajustant le bonnet sur sa tête alors qu'elle s'arrête à quelques millimètres de son torse. Je suis surpris de voir une pointe de gêne chez elle alors qu'habituellement, elle est bien plus franche et directe.
— Mon sauvage... Tu veux rester dormir ?
— 'Faut que je ramène Citrus en moto, bébé.
Elle fait une petite moue et ne relève même pas le « bébé » qu'il vient de lui lâcher, provoquant très souvent un coup de pied dans les jambes de la part de Puccino.
— T'inquiètes, interviens-je, je vais prendre le bus de nuit.
— Un samedi soir avec tous les soulard ?
— Je n'ai rien de valeur sur moi et la vidéo de lundi a tellement tourné dans toute la ville que personne n'ose même plus me regarder dans les yeux. Même pas le chauffeur du bus.
— Limoncello le casseur de gueule ! s'exclame Pucci toute contente que je lui laisse son homme pour la nuit. D'ailleurs, suis-moi. J'ai un truc à te filer.
Je les interroge du regard et d'un hochement de tête approbateur de Wild, je suis sa copine jusqu'à leur garage.
Les trois sœurs Cappuccino ayant accumulé un gros capital d'argent de leurs clones précédents, possède une grande maison dans les hauteurs de Flavor City, pas très loin de chez Popcorn.
Une villa, je dirais même. Une sorte de lieu parfait pour des soirées entre adolescents à la fin des examens. Une piscine intérieure devenant extérieure avec un toit rétractable, un immense salon avec cuisine ouverte et bar mais surtout une scène dans leur jardin pour des concerts en plein air quand viennent les beaux jours.
Rajoutés à ça, plusieurs chambres et salles de bains ainsi que le garage où Puccino m'emmène qui a été transformé en studio d'enregistrement et de répétition.
De nombreux tapis tribaux jonchent le sol alors que des photos et récompenses ornent les murs. Des disques d'or, d'argent, de platine, des selfies avec de grands noms de la musique me montrant pour la première fois l'image de la Cappuccino originale.
Le visage de Cappuccino, les vêtements de Puccino et l'attitude de Kapu-Kapu. Un mix étrange mais qui match bien ensemble.
« Tiens, c'est pour toi. »
Arrivé au bout de la salle, près de nombreux instruments valant surement très cher tant monétairement que sentimentalement, Puccino me tend une guitare acoustique.
Je caresse le bois peint en vert et aux bordures noires comme un trésor qu'elle me donne. Levant doucement les yeux vers elle, lui demandant ce qui justifie ce geste de charité.
— Elle s'appelle « revient », dit-elle en caressant sa nuque. Enfin, sauf si elle te plait vraiment beaucoup. Je t'avoue que j'en ai une chiée de guitares, donc bon.
— Elle est magnifique... Mais pourquoi ?
— Cappuccino m'a fait écouter ce que vous avez écrit mercredi et vendredi pour la fête de Noël. J'attends d'entendre les paroles que tu es en train d'écrire mais elle m'a dit que c'était toi qui jouerais à la guitare le deuxième morceau. Ça a l'air d'être important pour toi.
— Assez oui, merci beaucoup. C'est...
Je n'ai pas les mots à cet instant parce que je n'ai jamais eu d'amis comme eux. Entre Pop qui m'écoute et me conseille, Wild qui me protège et les sœurs Cappuccino qui sont adorables avec moi alors que l'on ne se connait que depuis peu...
J'ai beau avoir un passé et une réputation à chier, je suis très chanceux d'être tombé sur eux. Surtout sur Pop, à vrai dire. C'est elle qui m'a fait entrer dans son univers et les rencontrer.
Il faut vraiment que je la remercie et que je lui achète un beau cadeau de Noël.
— Merci, dis-je enfin à Puccino me frappant gentiment l'épaule.
— T'inquiètes bro. En plus, celle-là est spéciale. Déjà, elle va super bien avec la couleur de tes yeux.
— J'ai vu, ouais. Elle est vraiment belle. Mais pourquoi spéciale ?
— C'était la guitare qu'avait achetée Citrus Lime à Cappuccino.
— ...Qu'est-ce que le fuck ?
— Cappuccino avait joué pendant un concert avec Red Apple lors de la génération précédente et Citrus Lime, à la fin du concert, lui a racheté cette guitare. Apparemment, il a été tellement secoué par la musique et la voix de Red qu'il a eu une soudaine envie de gratter les cordes.
— Citrus Lime ? Vraiment ? On parle bien du même gars ?
— Yep. Mais il n'est jamais venu chercher la guitare parce que quelque temps après, il a été mise en cause pour des expériences illégales et tout ça... Enfin, tout ce qui l'a amené à nous cloner et toi par la suite. Sa réputation s'est bien tachée avec ça et il ne pouvait plus se montrer en public comme ça donc il n'a pas pu la récupérer.
Citrus Lime. J'ai l'impression que tu étais deux hommes à la fois. Le froid et cruel que j'ai connu depuis ma naissance contre celui que me dépeignent tes souvenirs coincés dans mes rêves et certaines descriptions de toi du passé.
Un homme qui visiblement, était passionné à chaque fois qu'il croisait la route d'une certaine Red Apple...
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Je soupire une nouvelle fois en sortant de la salle de cours où je viens de passer l'examen de maths le plus incompréhensible de ma vie. C'était rude, vraiment.
En plus le professeur m'a regardé salement lorsque j'ai rendu ma copie avant tout le monde, comme si je voulais m'échapper de l'enfer et qu'il savait déjà quelle note il allait me donner.
« Une honte quand on s'appelle Citrus Lime ! » m'avait-il dit lors du test précédent. J'avais répondu d'un « Meh » magistral accompagné d'une hausse innocente de mes épaules qui avait bien faire rire Pop à mes côtés.
Par contre, Roy n'a pas beaucoup rigolé au téléphone lorsqu'il a reçu mon bulletin de notes.
Qu'est-ce que j'y peux moi, si Citrus Lime a décidé de me rendre plus créatif que logique ?
« Citrus ? Tu n'es pas censé avoir cours ? »
Je sursaute alors que je me croyais seul à arpenter les couloirs vides de l'Académie lorsque je croise le regard de Cotton Candy...
Ma petite amie.
C'est vrai que ça sonne un peu faux.
Son odeur de barbe à papa habituelle vient me chatouiller les narines alors qu'elle s'approche dangereusement de moi pour embrasser mes lèvres. Comme si c'était naturel.
Ah ben si, c'est censé l'être puisqu'on est en couple. Merde. J'y connais rien là-dessus, moi.
Par réflexe et alors que l'image de Red me revient en mémoire, j'amorce un mouvement de recule mais elle arrive à chopper ma bouche juste avant, scellant nos lèvres ensemble dans un baiser étrangement sucré.
« Tu as mangé des fraises Tagada ? » est la première parole qui sort de ma bouche.
Bravo Citrus. 20/20 en relation sociale et amoureuse.
Malgré cette remarque, Cotton me fait un chaleureux sourire et se met à me détailler des pieds à la tête d'un air satisfait.
— Tu as réservé un costume ? me demande-t-elle sans plus de préambule.
— Pour ?
— La fête de Noël ! On a tout planifié avec le comité ! Il y a des affiches partout et si tu ne réserves pas maintenant un costume, tu devras venir en sweat à la soirée. Et je n'ai pas envie d'inviter mon petit ami devant tout le monde alors qu'il est mal sapé !
— Ah oui, le fameux quart d'heure américain. Mais tu sais, euh... Je serais aussi sur l'organisation du concert.
— La prestation de Red et les sœurs Cappuccino ? Ils ne jouent qu'à l'ouverture pour ensuite laisser la place à un DJ non ?
— Ils jouent aussi à la fin.
— Ah oui ? Visiblement, quelqu'un du comité ne m'a pas tenu au courant de ça...
L'air légèrement contrarié, Cotton sort son portable et se met à pianoter à toute vitesse sur son clavier numérique. Me laissant devant elle, les bras ballants et ne sachant si notre conversation est terminée ou non.
En fait, j'ai envie d'aller pisser là... Donc ce serait bien que... Bon.
— Tu veux qu'on aille te trouver un costume demain en ville ? J'ai deux heures de trou entre les cours et mon boulot.
— C'est que... je devais bosser mes textes pour Red et-
— Oh ça va ! se met-elle à rire. Red peut attendre ! T'as vu comment il a parlé de toi l'autre fois ? Tu n'as pas à être son esclave. Tu as peur qu'il se mette en colère ?
— C'est quelque chose que j'aimerais éviter.
— Pourtant, vu la vidéo qui circule, tu ne devrais pas. N'est-ce pas, mon Limoncello ?
Je détourne le regard, gêné de l'entendre m'appeler comme ça mais également agacé parce que mon envie de me vider devient de plus en plus grande.
Allez, on torche ça vite fait.
— T'as raison, conclus-je, on va aller en ville. J'écrirais pour Red à un autre moment.
— Alors on se fait enfin notre premier vrai rencard ? J'ai hâte ! Ça va être cours mais je vais me pomponner pour mon copain le bad boy. Je t'offrirais du jus de citron bien frais au On the Rocks quand on aura fini !
— Comme ça je serais encore plus acide, yeah !
Cotton arque un sourcil, se demandant surement si c'est du sarcasme avant de rire doucement et de caresser mon pull d'uniforme de sa main. Elle m'embrasse sur la joue en me disant qu'elle m'enverra un message ce soir pour tout préparer et me laisse dans le couloir jusqu'à ce que je la vois disparaitre à un croisement de casier.
J'en profite pour courir en furie jusqu'aux toilettes pour mec et enfin me soulager. Débarrasser d'un litre de thé bu le matin même pour tenir après une nuit blanche à écrire, débarrassé d'une montagne de chiffres de mon précédent contrôle...
Mais avec toujours un poids dans la poitrine.
Loin d'être débarrassé de cette culpabilité de « jouer double jeu » avec Cotton et Red.
Entre ma tête, mon cœur et une crise d'identité qui continuent de me compliquer la vie et que je dois calmer avant de perdre à nouveau le contrôle au pire moment.
Un chapitre un peu plus long que d'habitude mais rempli de petits moments. Qu'en avez-vous pensé ? De l'affirmation de Citrus sur ses sentiments mais aussi sur le bordel dans sa tête ? Du soutien de Pop ?
Du cadeau que lui fait Puccino et de ce qu'il apprend un peu plus sur l'ancien Citrus ?
De sa relation avec Cotton ? Est-ce qu'on est pas tous frustré qu'il reste avec elle ?
🍬N'hésitez pas à me soutenir en votant ou donnant votre avis en commentaire ! On se retrouve bientôt pour la suite mais en attendant, je vous souhaite un bon réveillon et une bonne fin d'année cauchemardesque de 2020 !🍬
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