3🍬Sale réputation

« Allez, on se dépêche les enfants ! »

Je baille à m'en décrocher la mâchoire alors que nous faisons tous la queue pour les tests sanguins du mois. Une habitude de l'Académie pour constater de l'évolution du potentiel de leurs élèves mais également avoir un contrôle sur l'Éveil.

L'Éveil est un moment précis et inexplicable où le talent d'un être humain « jelly belly » peut se manifester. Généralement, on en détecte des ondes dès la naissance et le talent ne se manifeste qu'à l'adolescence.

Dans mon cas de clone raté, je n'ai pas la moindre trace d'ondes talentueuses dans mon corps. Comme le Citrus original, malgré son désir ardent de me voir devenir un Jelly Beans. Et ce n'est pas plus mal.

« Citrus Lime, venez avec moi. » m'interpelle une infirmière avant de m'entrainer à l'écart.

Elle me fait m'assoir devant elle, me donne une balle en mousse à serrer fort avant de sortir une seringue pour me prélever du sang.

— J'ai lu votre dossier. Votre tuteur m'a appelé et m'a dit que vous aviez un problème avec les prises de sang.

— C'est aimable de sa part, dis-je en roulant des yeux avant de relever les manches de ma chemise.

L'infirmière observe mon bras marqué par des cicatrices en fronçant les sourcils. Elle passe une main dans ses cheveux bruns avant d'inspirer un grand coup et de retrouver le fil de ses pensées.

— On vous en faisait combien ?

— Une par semaine.

— Non je... Hm. Combien lorsque vous...

— Ah, quand j'étais enfermé ? Je ne sais plus trop... Deux par jour. Parfois j'étais relié à une aiguille pendant plusieurs heures. C'était nécessaire pour « lui » et ses expériences.

— Je vois. On va éviter de vous en faire autant mais on est obligé d'en faire une toutes les deux semaines ici. Il me faudra votre urine aussi.

— Pour vérifier l'acidité ?

— Non p-

— Je déconne. Prenez tout ce que vous voulez, j'ai l'habitude.

L'aiguille s'insère doucement dans ma peau et si je ne la voyais pas, je jurerais qu'elle n'est pas là. Le tube se rempli rapidement et après en avoir rempli un autre avec mon urine, je reviens les mains dans les poches vers l'infirmière en train de noter ses remarques dans mon dossier.

— Est-ce que vous avez eu le temps de vous renseigner sur tout ce que propose l'Académie ? Les clubs ? Les sorties de groupe ? Les jobs étudiants ?... Les entretiens psychologiques ? Je pense que ce serait bien après tout ce que vous avez subit.

— Et tout ce qu'on me fait encore, réponds-je en rajustant mes manches. Merci mais non merci. Les adultes ne font que m'enfoncer un peu plus dans le trou à merde où ils m'ont foutu dès la création donc voir un psy ne serait pas la meilleure des idées.

— Citrus, nous sommes ici pour vous aider.

— Vous êtes ici pour me contrôler. Être sûr que je n'ai pas des pulsions de détraqué comme mon « original ». Vous pouvez être rassuré, on est qu'au deuxième jour et je n'ai encore tué personne.

L'infirmière a l'air choquée par mon ton sérieux et je suis obligé de rajouter que c'est une blague avant de quitter le gymnase où se tiennent tous les tests. Les autres me dévisagent comme si j'étais la pire des ordures à être passé devant tout le monde mais je les ignore royalement et m'en vais nettoyer mon casier plein de colorant de la veille.

Par chance, je ne croise pas le caïd appelé « Red » chez qui je provoque une violente envie de bagarre et termine de tout nettoyer et de ranger mes manuels juste avant la sonnerie de mon cours de biologie.

Je me présente rapidement au vieux professeur bedonnant visiblement blasé de donner son cours et qui m'indique une place au hasard mais qu'un camarade de classe refuse de me céder.

Comme si j'avais la peste, toutes les places libres semblent être prises par des « élèves qui ne vont pas tarder à arriver » et je finis inévitablement sur mon pire choix : la place à côté de Popcorn.

Cette dernière est excitée comme une puce et devient un moulin à parole dès que je pose mes fesses sur le tabouret. Je me retiens de lui dire de se la fermer lorsque mon regard est attiré par Red entrant dans la classe.

Un air nonchalant sur son visage marqué d'une simple cicatrice à l'arcade sourcilière datant d'hier. Une bien maigre punition comparée à ce qu'il a infligé au sportif qu'il a cogné.

J'essaie en vain de me rappeler où j'ai pu croiser ce caïd, quitte à avoir un mal de tête accentué par le flot de paroles de Popcorn. Un sifflement strident que je dois être le seul à entendre vient m'achever et je suis obligé de me lever de ma place, retenant mes mains agrippant mon pantalon.

« Un problème, le nouveau ? »

J'ignore le professeur ainsi que l'inquiétude de ma voisine alors que mes mains viennent s'appuyer sur ma tête et que mes dents se frottent entre elles.

Allez ! Fais un effort ! Pourquoi est-ce que ça ne te revient pas en mém-

Et enfin, le silence.

Je relâche mes mains et fixe le professeur avant de lui sortir en souriant et l'air de rien :

« Salut Sherbet, tu n'aurais pas pris du poids ? Et elle en est où ta thèse sur l'évolution génétique des clones sur plusieurs générations ? »

Pas un bruit. Pas un mouvement. Le professeur que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam me regarde avec de grands yeux jusqu'à chuchoter la phrase me faisant sortir de mon état second :

« Citrus ? C'est toi ? »

Je secoue vivement la tête, prenant conscience de ce qu'il vient d'arriver et ne perd pas une seconde à ramasser mes affaires pour sortir de la classe. Je bouscule Red au passage qui me regarde avec curiosité comme si j'étais un monstre et quitte la salle en m'excusant.

Ma respiration est erratique. J'ai besoin d'air. Peu importe si je rate les cours et si j'ai des problèmes.

Je file jusqu'au parc devant le bâtiment principal et m'assois sur le rebord de la fontaine pour reprendre mon souffle. La brise de l'automne amenant les feuilles mortes jusqu'à mes genoux me fait un bien fou alors que je repense à cette sensation d'étouffement dans la salle de biologie.

Je sais ce qu'il m'a pris : j'ai eu une nouvelle « crise d'identité ».

C'est comme ça que les médecins et Roy l'ont appelé dans les rares cas où ça m'est arrivé. Ils avaient hésité avec la « bipolarité » mais en se rendant compte que j'avais une tendance à évoquer des souvenirs appartenant à mon ancien moi, ils avaient changé d'avis.

Tout le monde voulait comprendre mais personne ne me demandait ce que ça faisait de vivre ce genre d'expérience. Et faire une crise dès mon deuxième jour n'allait clairement pas arranger ma situation.

Le premier qui me compare à un emo parce que je me fais des monologues intérieurs, que je donne l'impression d'être seul et mal-aimé de tous, je viens lui péter la gueule. Ça s'appelle être un adolescent qui n'a pas une vie facile ! Merde ! Je ne fais que le constat de ma situation donc allez vous faire foutre !

Peut-être que parler à un psychologue n'est pas une si mauvaise idée...

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Popcorn sautille à côté de moi comme une puce alors que je range mes affaires dans mon casier pour mon troisième jour que j'espère plus chanceux. La rondouillette à lunette et à la peau de caramel, sans aucune blague comme son nom de famille, serre ses dents pour se retenir de me poser les milliers de questions lui traversant l'esprit.

Jusqu'à ce qu'elle craque.

« Dis, dis dis ! Pourquoi maintenant ?! Pourquoi t'as accepté de devenir mon sujet d'étude sociologique ? »

Eh oui, moi aussi j'avais craqué.

Ma crise d'identité ayant fait surface en plein cours et à peine installée à l'Académie, je ne pouvais pas me permettre que les choses dégénèrent comme dans mes précédents établissements.

Alors en croisant Pop ce matin pendant que j'esquivais les coups de téléphone de ma référente Pina, j'ai eu l'idée brillante de confier mon suivi psychologique à une fille dont je ne sais rien.

Pourquoi ? Parce qu'étrangement, elle m'intrigue assez pour avoir envie de la connaitre un peu plus. Mais surtout, elle se fiche éperdument du jugement des autres la voyant trainer avec moi.

— Tu sais très bien pourquoi j'ai accepté.

— Parce que t'as eu un comportement ultra chelou en cours hier ? Tu aurais pu aller voir un psy... Ou tu préfères que l'on t'observe au lieu de raconter tes problèmes, c'est ça ? T'es du genre introverti ?

— Si tu commences à me voir comme un geek solitaire et victime de la société, je vais me tirer une balle.

— « Tendance suicidaire », je note. Mais non, je suis la dernière personne qui peut te mettre dans une case. Tu n'es le cliché de rien.

— Juste le clone raté d'un sociopathe.

— Être un clone ne t'enlève pas ton originalité. Tu es toi avant d'être un autre. Si on étudie le parcours de Citrus Lime, ses relations et accomplissements, tu n'as pour l'instant rien en commun avec lui. Enfin je crois.

Son aveu et son sourire illuminent soudainement mon environnement, comme un rayon de soleil après une averse. Une sincérité qui me fait espérer une amitié improbable dans cet enfer écolier entre un citron et du popcorn. De l'acidité et du sucré, un mélange étrange mais qui pourrait me plaire.

Popcorn Caramel pourrait me plaire.

« Dégage. »

Un coup d'épaule puissant me fait presque perdre l'équilibre alors que nous arrivions devant notre salle de cours d'économie. Un simple œil jaune m'immobilise tant son propriétaire semble vouloir arracher les miens alors que ses cheveux bordeaux en bordel, attachés avec un simple élastique, viennent me fouetter la joue à son passage.

Je regarde le caïd entrer et s'installer à côté de ma place nouvellement attitrée alors qu'il sort son casque et pose sa tête dans ses bras.

— Pour qui il se prend ce con ? laissé-je échapper de ma bouche sans attendre de réponse.

— Évite de le traiter de con, me répond Pop en le pointant du doigt, monsieur est une tête dans plusieurs matières principales.

— Alors qu'il dort à chaque cours ?

— Que veux-tu ! Il n'a pas des masses d'intérêts à être encore à l'école alors qu'il est quasiment sûr de devenir un Jelly Beans.

— Eh bien qu'il me foute la paix. J'en ai marre qu'il me regarde comme si j'avais tué sa mère !

Pop fronce subitement les sourcils, m'observant pendant de longues secondes avant de noter quelque chose sur son carnet alors que la sonnerie finit par retentir.

« C'est intéressant... Tu n'as aucune connaissance du monde qui t'entoure. Très intéressant. »

Qu'est-ce qu'elle veut dire par là ?

Je n'ai pas le temps de lui poser la question que nous sommes priés de nous assoir pour le début du cours. J'essaie d'être assidu malgré les regards insistants de Pop vers moi qui semble observer à la loupe chacune de mes expressions faciales.

Je suis redevenu un sujet d'expérience et c'est entièrement de ma faute. À moi d'assumer.

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— « Tu vois, ça c'est tes couilles. Et tu sais ce que j'en fais de tes couilles si tu t'approches encore de moi ? Je te les broie avec mes ongles. »

— C'est vraiment ce qu'elle t'a dit ?!

— Susie Sue, en troisième quand je lui ai demandé de m'accompagner au bal de mi-saison avec moi.

— Et qu'est-ce que tu as répondu ? Tu t'es écrasé ou tu l'as insulté ?

— J'ai... pas envie d'en parler.

Je touille ma purée trop salée en soupirant, conscient de devenir un mec torturé incapable de parler de son passé, le rendant sombre et mystérieux juste ce qu'il faut pour faire craquer la gent féminine.

Popcorn elle, est assise sur la table. Pas derrière mais bien dessus, en tailleur et croquant sa pomme de temps à autre alors qu'elle gribouille frénétiquement sur son carnet en murmurant toutes les cinq minutes que la prochaine fois, elle prendra sa tablette.

— Et du coup, change-t-elle de sujet, tu ne sais rien des Jelly Beans ? Malgré le fait que ce soit le sujet de conversation numéro 1 de notre monde, que toute la planète les idolâtres depuis des décennies et qu'ils sont les fondateurs de cette Académie ?

— Ça va, c'est pas eux qui ont choisi la chaise sur laquelle est posé mon cul.

— Comment ça se fait ? C'est pourtant eux qui t'ont... recueilli, non ?

— Non, c'est l'État qui m'a refilé à mon tuteur Roy et ce dernier m'a tenu le plus éloigné possible de toute cette merde de Jelly Beans à la con.

— Oua. Tu es l'un des rares adolescents qui seraient prêts à refuser d'intégrer les Jelly Beans s'il atteignait l'Éveil et gagnait un talent phénoménal ! Ce serait ironique que ça t'arrive, non ?

Nous levons tous les deux la tête vers le ciel, attendant un signe du destin confirmant l'ironie avant d'en rire ensemble. Pop m'apporte une bouffée d'air frais et je commencerais presque à apprécier sa présence en à peine une demi-journée.

Ce serait ironique, hein ? Vraiment ironique que ça arrive ? Encore plus ironique que ce soit déjà arrivé et que personne ne s'en soit rendu compte, pas même moi, non ?

« Et si tu t'inscrivais dans un club ? »

Je laisse ma cuillère tomber toute seule de ma bouche pour s'échouer dans ma purée, fronçant les sourcils aux paroles de Pop et prêt à répondre lorsqu'un bruit de verre se brisant au sol nous fait sursauter.

« Putain Pina ! Fais gaffe avec tes obus ! »

Certains se moquent face au spectacle se déroulant au centre du réfectoire donné par un brun ultra baraqué et ma référente Pina Colada ayant visiblement fait tomber une carafe d'eau en le cognant.

— Aie aie aie... chuchote Pop en descendant de la table pour s'assoir à côté de moi. Ce n'est pas bon, ça.

— Quoi ? Ils se sont juste cognés.

— Hm non. Ce gars, c'est le copain de Pina. Un des membres de l'équipe de football américain. S'il est en rage comme ça, c'est qu'il y a une rumeur sur la blonde, comme quoi elle s'est tapé le capitaine de l'équipe d'athlétisme. Il paraît que ce serait parce qu'il a été approché par un des membres des Jelly Beans, donc plus de chance d'en devenir un.

Je suis déjà vanné par ses explications me confirmant que cet endroit est pourri par la compétition et la possibilité de devenir un Jelly Beans.

Pop a eu raison car visiblement, l'échange entre Pina et son mec ne s'arrête pas là. Ils captent toute l'attention du réfectoire lorsque le sportif commence à l'insulter.

— T'es qu'une salope ! s'écrit-il. Comment t'as pu me tromper avec lui, putain ?!

— Je ne t'ai pas trompé Punch ! Ce ne sont que des rumeurs qu-

— Ah ouais ?! Et c'est quoi ce suçon dans ton cou ?!

— J-Je... euh...

Tout le monde est pendu à ses lèvres, même Pop dont les yeux brillent par l'excitation de suivre une série télévisée, mais dans la vie réelle. Quant à moi, je termine ma purée, pressé de me casser de ce lieu.

« C-C'est Citrus qui me l'a fait ! »

Ma cuillère retombe sur mon plateau alors que je me tourne doucement. Pina a le doigt pointé vers moi quand son petit-copain passe de la surprise à la colère. Tout le monde me dévisage comme la bête que je suis depuis à peine trois jours.

Soudain, je reconnais le visage de son copain appelé « Punch ». Il fait partie des mecs du dortoir à m'avoir accueilli avec un seau d'eau glacée.

— Le citron ? T'es sérieuse ?

— Je suis sa référente et...

Pina se met à bafouiller, un signe qui pourrait casser sa crédibilité et m'exclure de cette histoire ne me regardant absolument pas, lorsque son regard change. Elle a l'air sûre d'elle et presque... dégoûtée.

— Lorsque j'étais dans sa chambre, commence-t-elle, ce détraqué m'a attrapé par la taille et a tenté de m'embrasser de force ! Il voulait profiter de ma gentillesse ! J'ai résisté mais il a réussi à me faire ce suçon !

— Quoi ?! m'exclamé-je en me levant, outré par ses accusations.

— Je ne voulais pas que tu interviennes bébé parce que ça aurait pu entacher ta réputation et ce n'est qu'un nouveau...

— Oh alors c'est ça... répond Punch en posant sa main sur l'épaule de sa copine. Tu t'inquiétais en silence pour moi. Pour ce que je pourrais lui faire à cette raclure.

— Non mais vous n'allez pas croire ça ?!

Silence. Mes mots n'atteignent personne et les fausses larmes de Pina gagnent le cœur de tous ces inconnus ne me jugeant qu'à cause de la réputation de l'ancien Citrus.

« T'as osé poser tes mains et tes lèvres sur ma meuf, sale bâtard ! »


🍬CHAPITRE 4 DÉJÀ DISPONIBLE ! 🍬

Notre Citrus continue de prendre cher alors qu'il n'est qu'à son troisième jour... Je suis méchante avec lui 🙄

Que pensez-vous des tests et de l'entretien de santé qu'il passe ? De sa crise d'identité en début de cours ? Est-ce que c'est une bonne idée d'accepter de devenir le "sujet" de Popcorn ? 

Que pensez-vous du coup de pute de Pina au réfectoire pour se sauver ? Vos théories sur la suite ? Ça s'annonce tendu pour le petit citron 😬

🍬N'hésitez pas à d'ores et déjà me soutenir en votant pour ce chapitre !🍬

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