2🍬Bête de foire

Mon casque sur les oreilles, je finis de déballer mes affaires reçues ce matin par les déménageurs envoyés par Roy, mon tuteur. Si cette matinée avant mon premier cours de l'après-midi aurait pu me détendre, je suis sur les nerfs pour une excellente raison.

Pas parce que les mecs de mon dortoir ont décidé de boucher les toilettes de mon étage ou parce qu'ils ont augmenté la puissance du micro-ondes lorsque mon plat était en train de se réchauffer... non.

Parce que Roy a égaré mon carnet de notes. Mon bien le plus précieux.

« Ne t'inquiète pas, dès que je le retrouve, je te l'expédie en urgence ! » m'a-t-il dit alors que je retenais ma colère au téléphone.


*TOC TOC TOC*


« C-Citrus ? Tu es là ? »

La porte s'ouvre timidement sur Pina Colada habillée de son uniforme bordeaux. Je lui jette à peine un coup d'œil en continuant à sortir des manuels de mes cartons lorsqu'elle se racle la gorge.

— Quoi ?

— Tu n'es pas venu pour ta première matinée de cours...

— Je t'ai laissé un message pour te dire que je ne pouvais pas.

— Mais il me fallait un justificatif. Je t'ai envoyé un SMS.

— Je devais finir d'emménager, ça suffit comme justification ?

— Tu n'as pas un document des déménageurs ou un message de ton tuteur ?

Je pousse un long soupire la faisant rougir de gêne. J'attrape mon sac de cours et enfile le polo bordeaux de mon uniforme avant de la suivre jusqu'au lycée où, le temps de remplir un formulaire justifiant mon absence matinale, les cours de l'après-midi viennent de commencer.

Pina et son faux sourire de fille populaire m'accompagne jusqu'à ma salle de classe où un cours d'histoire vient de commencer. Elle inspire un grand coup avant de toquer à la porte et de nous annoncer devant la professeure.

J'adopte une démarche normale, pas trop marginale ni trop confiance et me plante devant le tableau et les membres de ma classe me dévisageant.

« Voici monsieur Citrus Lime, nouvel élève qui va rejoindre votre formation. Présentez-vous en quelques mots, je vous en prie. » déclare la professeure alors que Pina quitte la classe.

Je le vois dans leur regard, mon prénom les a tous fait réagir et maintenant je suis dans la fosse aux lions.

« Salut, Citrus. 17 ans. Je suis arrivé hier à Flavor City et- »

« Pourquoi tu t'es fait virer de ton bahut ? » s'exclame un gars aux cheveux rouges en train de faire la bascule avec sa chaise, son pied sur sa table.

Je fronce les sourcils, déjà agacé par ce qui semblait être le « caïd » de la classe.

— Red, commence la professeure visiblement vannée, c'est une information confidentielle. Monsieur Lime n'a pas à te répondre.

— Vous avez dit qu'aujourd'hui on étudierait les grands criminels de ces dernières années. On a un spécimen concerné par la question juste devant nous, c'est le moment parfait pour voir s'il est bien une copie conforme ou une coquille vide !

— On ne peut pas juste revenir au cours ? intervient un élève.

— Il n'a qu'à répondre ! Qu'est-ce qu'il pourrait cacher à ses nouveaux camarades ?

— « Comportement déviant », répété-je comme indiqué sur mon dossier.

— Ça ne veut rien dire ! Dans ce cas-là une bonne partie du bahut devrait être viré. Allez le citron, balance la vérité !

— Ce n'est pas parce que tu es le clone d'un Jelly Beans que tu peux te permettre de faire chier le monde, répond une fille à la peau caramel et aux cheveux blancs.

— Pop a raison, reprend la professeure. Excusez la provocation de votre camarade monsieur Lime et allez vous asseoir à la place à côté de lui.

Comme par hasard, la seule place de libre est à côté de lui.

Je m'installe alors que le caïd aux cheveux rouges n'arrête pas de me fixer avec un rictus mauvais sur le visage. J'ai beau regarder le tableau et l'ignorer, ce dernier bascule avec sa chaise de mon côté pour me chuchoter :

« Tu sais pourquoi cette place est libre ? Parce que le dernier mec qui a été mon voisin a fini à l'hosto. »

Et quoi ? Je devrais avoir peur de toi, sale con ?

Je continue à l'ignorer et sors mon manuel pour rattraper le cours d'histoire parlant des impacts des modifications génétiques sur la société.

Je vous épargne les détails des cours car personne ne s'intéresse à ce que pourrait apprendre un lycéen. Depuis quand les cours sont le moment le plus passionnant des histoires ? Jamais.

C'est lorsque la sonnerie retentit après deux heures sans pause que mon calvaire reprend.

Le caïd à côté de moi ne m'a pas embêté, trop occupé à dormir sur sa table, et je ne me souviens de sa présence que lorsqu'il pousse un grognement en s'étirant. Il range ses affaires en un clin d'œil et sort de la salle pendant que les gens s'écartent pour lui laisser le passage.

Je roule des yeux face à ce nouveau cliché tout en espérant qu'il me laissera tranquille lorsque la bouille ronde d'une fille à lunette apparait soudainement devant mes yeux.

L'adolescente à la peau caramel de tout à l'heure... « Pop ».

Un grand sourire sur le visage, elle recoiffe rapidement ses cheveux blancs et réajuste son nœud couleur prune avant de se racler la gorge et de m'adresser la parole :

— Salut, Popcorn Caramel mais tout le monde m'appelle Pop. Est-ce que tu me laisserais t'observer pour une étude sociologique, Citrus ?

— Une étude ? réponds-je perplexe.

— J'avais tellement hâte de te rencontrer ! Quand on a appris que le premier clone de Citrus Lime allait arriver dans notre école, tout le monde était dégouté mais pour moi c'est la meilleure des nouvelles !

— Tu veux étudier la bête de foire que je suis ?

— Exactement !

Sa franchise et son excitation provoquent un vrai sourire chez moi qui pensait avoir oublié comment être sincère dans mes expressions faciales. Pop agrippe mon bureau et se met à sautiller comme une puce, attirant les regards de ceux encore présents dans la salle sur nous, et me suppliant d'accepter son expérience.

— Désolé mais ça ne m'intéresse pas. Ce n'est pas parce que je suis un cobaye depuis ma naissance que ça doit continuer ici.

— Ah oui... Vu comme ça. Ben si tu changes d'avis n'hésite pas à me le dire !

— Ça ne risque pas. Tu as l'air bien gentille mais tu ferais mieux de t'éloigner de moi.

Popcorn tourne la tête vers ses camarades avant de hausser les épaules, montrant clairement qu'elle n'en a rien à faire du regard des autres avant d'enfin lâcher mon bureau.

Elle me pointe comme si son doigt était un fusil pour enfin s'éloigner à reculons jusqu'à la sortie de la classe.

Ça c'est la timbrée de service, pas de doute.

Je sors de la salle, direction mon casier, et ressent à nouveau cette sensation dérangeante d'être dans le viseur de chaque élève. Des yeux qui me dévisageant, des chuchotements et tout le monde qui m'évite.

Si seulement j'avais mon carnet, je pourrais noter tout ce que m'inspire ce climat nauséabond m'entourant. Cette aura que je dégage et qui répugne tous ces gens que je ne connais pas.

Adieu le cliché du mec mal dans sa peau, invisible, un peu geek et amoureux de la capitaine des pom-pom girls qui ferait une belle histoire d'amour avec une grosse dose de guimauve saupoudrée d'amitié encourageante et de drama.

Ici, c'est l'Académie de Flavor City. Une ville-campus accueillant tous les enfants et adolescents ayant le potentiel de devenir des gens importants dans notre monde et, par le plus grand des miracles, d'intégrer les Jelly Beans.

Des gamins aux teintes de cheveux improbables, aux comportements soient hypocrites, soient déjantés mais toujours coincés dans ces rôles que leurs ancêtres ont créés pour eux.

Un mélange homogène de bonbons enfermés dans une jarre dont une seule anomalie en ferait exploser le verre les retenant prisonniers.

L'anomalie, c'est moi. Et tout le monde semble l'avoir compris.

Tout le monde veut m'éjecter de ce cocon qu'ils croient protecteur.

« Bouge ! »

Je sors de mes pensées lorsque le type aux cheveux rouge me donne un coup d'épaule pour accéder à son casier mitoyen au mien.

« C'est une blague... » chuchoté-je pour moi-même tout en faisant tourner les rouages du cadenas au code improbable qu'est « 1-2-3-4 » ayant été assigné de base.

Je n'ai qu'une milliseconde pour comprendre ce qui va m'arriver.

Je vois au ralenti un mécanisme rudimentaire s'enclencher lorsque j'ouvre la porte, faisant tomber un ballon rempli d'une substance inconnue jusqu'au fond de mon casier. La « bombe » m'explosant en pleine face.

Un ballon rempli de colorant vert.

Je passe mes doigts sur mes paupières colorées alors que les rires de tous les élèves résonnent dans les couloirs de l'établissement. Je me retourne en ouvrant les yeux et constate même que l'action a été filmée par un sportif, à en juger par sa veste.

*BOOM*

La porte du casier à côté du mien se referme violemment, interrompant immédiatement les rires des hyènes autour de nous.

Je tourne la tête et constate que mon calvaire n'est pas fini en voyant le caïd de ma classe ayant reçu un peu de colorant vert sur le visage dont les traits sont tendus.

Une trace partant de son grain de beauté noir sous sa bouche, remontant sur sa paupière ouverte et dévoilant un œil jaune menaçant, pour finir dans ses cheveux plus bordeaux que rouges, à bien y regarder.

Sa mâchoire se contracte tout comme son poing serré et son regard de tueur me transperce en un instant. Je n'avais pas pris le temps de le détailler en arrivant dans la classe mais ce mec...

Il me dit quelque chose.

« BASTON ! BASTON ! BASTON ! »

J'aimerais bien fusiller du regard celui ayant crié ce mot revenant en boucle dans la bouche des autres élèves depuis quelques secondes mais pas moyen. Je n'arrive pas à m'échapper des yeux jaunes menaçants de mon voisin de casier.

Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à me souvenir où j'aurais pu le voir ?

Je sursaute lorsque son poing frappe son casier, faisant taire les autres. Il passe deux doigts sur la trace verte, l'observant un court instant avant de me menacer de sa voix grave :

— Excuse-toi, et à genoux.

— Pardon ?

— T'es sourd ou bien ? À genoux.

— Je n'ai aucune raison de m'excuser, réponds-je en contrôlant le plus possible ma colère. Si tu dois en vouloir à quelqu'un, c'est aux gens qui ont piégé mon casier.

Ses yeux observent en détail la foule réunie autour de nous jusqu'à ce qu'étrangement, ses épaules se détendent et qu'il me tourne le dos. Il pousse un petit grognement énervé avant de partir en direction des toilettes, empêchant tout conflit d'éclater.

Alors le caïd n'est pas si cliché que ça, finalement.

— T'as peur du nouveau, Red ?! s'exclame un des sportifs filmant la scène.

— J'ai pas à me donner en spectacle devant vous, répond-il sans s'arrêter.

— Vous avez entendu ça ? Red, futur Jelly Beans n'a pas les couilles de frapper le clone raté d'une erreur de la nature ! Applaudissez cette fillette qu-

Le sportif n'a pas le temps de finir sa phrase qu'il se mange le poing de Red ayant couru vers lui à pleine vitesse. Les gens se remettent à scander « BASTON ! BASTON ! » alors que le caïd aux cheveux rouges semble mettre la misère à celui l'ayant provoqué.

Il se prend néanmoins quelques bons coups jusqu'à ce qu'enfin un des membres du personnel de l'école réagisse et vienne les séparer.

J'en profite pour filer jusqu'au dortoir pour aller me nettoyer quitte à arriver en retard au cours suivant, ce qui bien évidemment est le cas. L'intello déjanté me jette des regards bizarres tout le cours alors que la place à côté de moi, celle près de la fenêtre appartenant à « Red », reste vide jusqu'à la fin de la journée.

Bilan de ce premier jour ? Une petite dose de harcèlement avec des farces toutes plus nulles les unes que les autres, une fille étrange qui veut que je devienne son sujet d'analyse, un caïd menaçant que j'ai l'impression d'avoir vu quelque part et enfin un diner aux nouilles instantanées, car les mecs de mon dortoir ont bloqué le micro-ondes pile lorsque j'en avais besoin.

Allongé sur mon lit inconfortable, je gigote dans tous les sens tant j'ai du mal à dormir à cause de mon arrivée déjà chaotique à l'Académie, lorsque j'entends des bruits dans le couloir.

N'ayant perçu aucun signe de vie depuis mon arrivée à cet étage, je laisse faire ma curiosité et colle mon oreille à la porte avant de finalement l'ouvrir tout doucement et de chercher la source du bruit.

Deux formes dans le noir, à peine éclairées par les panneaux « sortie de secours », à l'opposé de ma chambre et dont j'arrive à entendre la conversation prise sur le tard.

— T'avais bien commencé l'année sans aucune bavure et là, tu recommences. Qu'est-ce qui t'a pris ?

— C'est ce con là, il m'a provoqué. Ça et l'arrivée de ce mec, c'était trop sur la même journée.

— Tu parles de Citrus ? Écoute, plus tu lui fous la paix et mieux ce sera. Les gens n'attendent que ça, que tu te battes pour perdre ta future place de Jelly Beans pour te la piquer. Tu ne peux pas commettre cette erreur.

— Pff... Si au moins ce bahut n'était pas autant merdique.

— Tiens-toi à carreau et ne me donne pas plus de travail. Je suis ton référent mais j'ai aussi de nouvelles responsabilités depuis que j'ai mon boulot étudiant.

— Ok... Mais je vais avoir du mal à ignorer le nouveau, il me provoque une envie puissante de le frapper !

—Tu es libre de tes actions mais n'oublie pas que tu es le clone d'un Jelly Beans. Plus tard, ce sera à toi de montrer l'exemple... Allez, je vais pioncer, bonne nuit.

Je referme doucement la porte et me laisse glisser jusqu'au sol en soupirant.

Être défini depuis sa naissance et jusqu'à la fin de sa vie comme quelqu'un d'autre. Ne pas être original, avoir le monde à dos alors que l'on a rien fait...

Est-ce que je suis le cliché du garçon innocent souffre-douleur de toute une école ?

Pas si innocent malheureusement mais j'espère qu'ils ne le sauront pas. Quitte à passer toute une année seul, ainsi soit-il.



Alors qu'avez-vous pensé de ce début d'histoire ? Est-ce que ça vous tente déjà ? Je compte publier 2 chapitres chaque jeudi jusqu'au chapitres 10 pour vous mettre bien en jambe !

Citrus commence bien sa scolarité... Que pensez-vous de son premier jour ? De ses camarades ? Et de la façon dont il se fait déjà traité ?

🍬On se retrouve jeudi prochain pour deux nouveaux chapitres ! En attendant n'hésitez pas à donner votre avis en commentaire et voter, ces petits gestes m'encourage pour la suite :)🍬

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top