« Pourquoi est-ce que tu m'as emmené ici ? »

Le vent balayait ses cheveux détachés alors qu'elle enfouissait ses mains dans les poches de mon sweatshirt. La nuit avait été plus froide qu'à l'accoutumée et j'avais dû le lui céder quitte à tomber malade le lendemain.

« Tu te décides enfin à agir en me kidnappant devant mes amis, prétextant un projet imaginaire ensemble à 5h du matin alors que nous n'avons rien en commun. Pas de la même promotion, pas des mêmes groupes d'activités et encore moins des mêmes cercles d'amis... Rien ne nous relie et si l'histoire devait parler de nos vies, l'un comme l'autre, nous ne serions que des étrangers. Alors pourquoi ? Pourquoi ce soir ? »

Je fixais la mer ténébreuse en regardant ma montre, souriant en la voyant bâiller et tituber à cause de l'alcool.

Elle avait passé son samedi soir à boire quand moi je révisais pour la soutenance de mon mémoire. Je n'étais qu'en Terminal et pourtant, j'avais tenté de sauter les étapes parce qu'on voyait du « génie » en moi.

Je savais que dans quelques semaines, je ne pourrais plus la voir tous les jours. Elle avait raison, nous n'étions rien. Notre relation n'existait pas. D'ailleurs, nous n'avions pas de relation.

J'avais juste passé ma jeunesse à la stalker et au bout de plusieurs années, elle m'avait remarqué.

« Citrus... »

Rien qu'entendre sa voix prononcer mon prénom me remplissait d'une joie immense.

« Pourquoi ? » répéta-t-elle. « Tu as déjà ton « plan cul ». Je l'ai vu et elle a l'air de tenir à toi plus que si tu étais un simple coup régulier. Elle t'aime. Elle est plus belle que moi, plus intelligente, plus méritante, plus... tout. Moi, je ne suis que « moi ». Plus les années passent et moins j'ai à offrir alors qu'elle... Je l'ai entendu chanter et sa voix m'a remuée. »

Je ne peux retenir un petit rire provoquant un coup de coude de sa part.

« Réponds-moi, bordel. » insista-t-elle lorsque je la fis taire et pointa le doigt vers la mer. Saisissant ses épaules et la tournant face à elle afin qu'elle observe un spectacle que j'espérais graver dans sa mémoire.

Ses yeux s'ouvrirent en grand en voyant le lever de soleil, l'excitation la gagnant peu à peu. Moi l'insensible, j'arrivais à faire mon plus beau sourire en la voyant dans cet état. Mon cœur battait la chamade.

Et enfin, mes lèvres se posèrent sur les siennes. Elles avaient un goût de sucre me rappelant la barbe à papa. Elle restait muette, choquée par mon geste, lorsque je répondis à sa question :

« Et alors que le soleil transforme l'eau en or, mes yeux continuent de se noyer dans une mer aux reflets de lune argentés ; où mes rêves ne sont que chimères et où la vie n'a aucune saveur sans toi. »

Je ne suis pas bien, vraiment pas bien.

Ce rêve-souvenir m'a remué autant que la voix de Red hier soir. J'ai même dû calmer mes ardeurs au réveil tellement c'était compliqué de marcher. Rester dans cet état m'aurait fait pisser de travers.

Pourquoi est-ce qu'au réveil, je ne me souviens pas du visage de cette fille qui semblait si importante ? Red me l'avait dit sur la plage l'autre jour : cette phrase écrite à son entrée, c'était un homme qui l'avait déclaré à l'amour de sa vie il y a quelques années.

Cet homme, c'était Citrus Lime. Forcément.

Ce type m'ayant pourri la vie était fou amoureux... Mais de qui ?

Un goût de barbe à papa... Et si... ?

Mon esprit divague alors que le numéro de Wild s'affiche sur mon téléphone lorsque je sors de la douche à 14h passé.

— Alors la belle au bois dormant, elle a bien dormi ? Je pensais que tu passerais me voir au taff comme chaque samedi midi.

— J'étais en route... partiellement. J'ai eu une longue nuit.

— Insomnie ? Tu sais que se branler avant de dormir c'est parfait pour passer une bonne nuit.

— Merci, je suis au courant et j'applique.

Sauf hier soir. Je ne me sentais pas à l'aise de le faire quelques minutes après avoir été autant transporté par la voix de Red. Je l'aurais imaginé et... Bref.

— On se retrouve comme prévu à 21h devant le dortoir ? Pucci et moi, on sera déguisé en clown tueur.

— Nickel.

— Et Citrus ? On peut parler de ton départ précipité d'hier ou je peux aller me faire foutre ?

— N'oublie pas les capotes.

— Connard.

Je raccroche en rigolant avant de soupirer et de regarder mes manuels d'histoire et de géographie m'attendant le pied ferme. Ma dernière matière à rattraper avant d'enfin avoir un rythme scolaire normal.

Allez Citrus, tu étais peut-être un génie dans une autre vie mais actuellement tu n'es qu'au pauvre ado pas capable de réciter cinq dates historiques et dix pays de l'Europe.

Mais avant ça, je sors de mon tiroir les YearBook empruntés à la bibliothèque. Le premier n'a rien donné mais si ce que Roy m'a dit est vrai, alors Red Apple fait partit de la promotion en dessous de celle de Citrus Lime.

Je commence à feuilleter l'ouvrage, trouvant encore plus de photo de « moi » avec une blouse blanche, tenant un prix avec mes camarades du club de science. Une autre photo montre Cotton Candy s'impliquant dans la vie associative de l'Académie alors qu'elle déambule entre les stands des clubs...

Le regard fixant mon double à quelques tables plus loin.

J'arrive enfin à la première promotion des secondes mais lorsque j'arrive sur le trombinoscope, je suis estomaqué.

« Red Apple – voix de l'Académie »

Sa photo est entièrement couverte de stylo noir. Et si ce n'était que ça, mais non. Les autres pages où semble figurer Red ont toutes été agressées. Comme s'il voulait effacer sa présence. Pareil pour les photos du YearBook de l'année suivante.

Je rage de ne pas le voir et suis intrigué d'un tel acharnement lorsque je remarque une association de nom revenant sur plusieurs clichés :

Red Apple et Pina Colada.

Ils étaient vraiment amis et ça même depuis la génération précédente.

Je referme les ouvrages et n'ai besoin que de quelques minutes pour réfléchir à un plan pour en savoir plus sur Red. Un plan vraiment très simple ne s'appuyant que sur les dires de ce dernier.

Pina change de comportement quand elle est bourrée et ce soir c'est la fête d'Halloween. Je vais la retrouver, l'isoler discrètement et profiter de son état d'ébriété pour en apprendre plus sur cette pomme rouge.

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« Wow quel flow mec ! Tu déchires ! »

Je sursaute lorsque Punch me donne une tape dans le dos après m'avoir félicité pour mon costume d'Halloween sans même savoir qui j'étais. Ce dernier, ainsi que sa meute, sont tous déguisé en méchant de Disney ou Marvel. Punch portant un costume eco+ du Joker de Suicide Squad.

Mes doigts s'agitent dans mes gants en faux cuir avant de venir rajuster mon masque de médecin de la peste adapté pour Halloween, donc moins couvrant mais tout aussi flippant.

Je porte un de mes pantalons et chaussures noirs basiques, mais un peu « classe », le tout allant parfaitement bien avec le haut de mon costume composé d'une veste noir imprimé de broderies anciennes couleur or, d'une cape et d'un chapeau tout aussi noir.

Il n'y a qu'en se rapprochant et en observant mes yeux verts émeraude que l'on peut me reconnaitre. Et le test imprévu avec Punch m'a convaincu de l'efficacité de ce costume.

Je repère au loin deux clowns tueurs, clairement identifiés en Wild et Puccino, que je rejoins et réussis à surprendre avec ma tenue. Niveau discrétion à leur côté, on repassera, vu leurs énormes perruques afros multicolores.

— Alors on a le choix, commence Wild en sortant son téléphone, il y a un festin de bonbons et d'alcool dans le gymnase, un couloir hanté, des jeux morbides dans le parc, des présentations de club et la murder party.

— Murder party déjà complète depuis deux semaines et où s'est inscrite Cappuccino d'ailleurs. Kapu-Kapu a décidé de faire le parcours d'activité pour avoir assez de points et participer à la tombola de l'horreur. Quant à nous, on va s'inscrire à l'élection du couple infernal de l'année.

— Ah ouais, il y a énormément de choses à faire.

— La vie étudiante est prise très au sérieux ici. Ça permet de relâcher la pression et d'oublier un certain citron que tout le monde veut presser.

Je roule des yeux face au sourire de Wild avant qu'il ne nous entraine à l'intérieur du bâtiment. De la musique mais également de nombreux bruitages de cri de femme, de grincement et de marmonnements d'enfants surement maléfiques sont diffusés partout dans l'Académie.

La décoration est vraiment très travaillée et tout est fait pour nous mettre dans l'ambiance. Je plains chaque minute les gens ayant Halloween en horreur et devant supporter cet événement.

Wild, Puccino et moi-même passons une bonne quinzaine de minutes dans la salle de festin à goûter toutes sortes de pâtisseries faites maison. Des gâteaux ayant des formes de citrouilles, de maison hantée, de couteau ensanglanté et d'araignées velues, etc. Tous extraordinaires par leur originalité les uns des autres.

Pucci nous achète à chacun un Dexter cupcake, un cupcake Red Velvet mais avec des morceaux de sucre presque caramélisés et cassés de façon à représenter du verre brisé pouvant couper nos lèvres.

L'orgasme gustatif n'est pas loin alors que je remercie le monde d'avoir créé la pâtisserie lorsque nous passons devant la grande salle laboratoire de science où est diffusé Jelly Nightmare III.

Des bougies vertes sont disposées sur plusieurs tables alors que de nombreux coussins moelleux couvrent les chaises hautes. La décoration fait penser à un labo de meth alors que le nanar passe sur le tableau blanc grâce à un projecteur caché par d'épaisses fausses toiles d'araignées.

Je me souviens de cette scène et de ma gêne il y a quelques jours où Cotton Candy caressait ma cuisse et me chuchotait des mots que j'ai déjà oubliés tant elle me troublait.

Et comme si penser à elle l'avait invoqué, une fille déguisée en mariée cadavérique me tapote l'épaule et me fait sursauter. Cotton est entièrement déguisé en Emily des Noces Funèbres, ses cheveux roses cachés par une perruque bleue pour l'occasion.

— Vous passez une bonne soirée ? demande-t-elle avait d'observer Wild et Puccino. Ils sont d'enfer vos costumes ! Vous allez vous inscrire au concours ?

— Ouais c'est prévu, répond Wild. D'ailleurs... Oh putain, on va être en retard pour l'inscription ! On t'enverra un message pour nous retrouver, Citrus !

— Pas de soucis.

Les deux clowns s'en vont en courant dans les couloirs alors que Cotton me regarde avec de grands yeux, presque globuleux comme ceux de son personnage.

« Citrus ? C'est toi ? »

Ah oui effectivement, mon costume est très bien trouvé. Merci Roy !

— Désolé je ne t'avais pas reconnu sous ton masque ! Tu fais plus grand et... plus... baraqué sans toutes ces couches de vêtement. D'ailleurs je dois te rendre ton sweat.

— « Baraqué » c'est peut-être un peu fort comme mot. Je suis à peine sportif et depuis mon arrivée à l'Académie, je mange comme un petit porcelet. J'ai juste un peu de répit avant de perdre ma carrure.

— Tu ne te fais pas livrer des plats tout prêts ? Y'a un service en ville qui fait ça pour les étudiants qui n'ont pas le temps, c'est plutôt équilibré et pas trop cher.

— Je n'étais même pas au courant. Encore un truc que Pina a « oublié » de me dire en tant que référente...

— Sinon... Tu peux te faire à manger dans les cuisines communes de ton dortoir, non ?

— Disons qu'à cause de Pina, encore, j'évite au maximum les pièces communes. Je n'ai pas envie de me retrouver la tête dans le four.

Son sourire désolé suffit comme réponse. Elle n'a pas à s'excuser du comportement de son amie et elle m'a déjà sauvé une fois donc c'est suffisant. Je ne veux pas qu'elle me prenne en pitié.

Nous commençons à déambuler lentement dans le couloir lorsqu'elle casse le silence gênant entre nous :

— Je suis désolé pour l'autre fois... Je... J'ai senti que je te forçais la main et... Je ne sais pas. Je ne suis pas comme ça d'habitude mais avec toi...

— Moi ?

— J'ai l'impression que c'est différent. Comme si tu m'attirais alors que l'on ne se connait à peine... Peut-être est-ce à cause des anciens « nous » ?

Je ne réponds pas et fixe Cotton en fronçant les sourcils.

Elle sait quelque chose que j'ignore sur nous. J'en suis persuadé.

Ces regards entre Citrus et Cotton de l'ancienne génération... Il y avait un lien entre eux. Est-ce que c'était vraiment elle la fille de mes rêves ou...

« Est-ce qu'on couchait ensemble, avant ? »

Cotton semble surprise avant de poser son doigt sur son menton et de faire mine de réfléchir intensément. Elle ne doit en avoir aucun souvenir mais vu ce que j'avais dit lors de ma crise d'identité, c'est fort probable.

Cotton Candy serait mon fameux « plan cul » ? C'est difficile à croire malgré tout qu'une fille comme elle en soit allée jusque-là avec l'ancien moi.

— Il faudrait que je demande à l'autre Cotton Candy. La « moi » précédente. Elle voulait passer la semaine prochaine à l'Académie pour me donner des conseils sur l'organisation de la fête foraine.

— Vraiment ? Tu lui poserais une question pareille sans gêne alors que le Citrus Lime de son époque est considéré comme un détraqué ?

— Justement. Si c'est vrai, ça m'intéresse de savoir le pourquoi du comment. Et puis je te trouve très at- attend.

Elle s'interrompt en sortant son téléphone de la poche invisible de sa robe et semble entrer en conversation intense avec des membres de son équipe veillant à l'organisation de la soirée.

Son air contrarié me fait comprendre que ça peut durer assez longtemps alors je m'éclipse et décide de tester différentes activités de la soirée.

Je me réserve la visite à Popcorn pour la fin de soirée et passe par plusieurs clubs pour voir leurs présentations avant d'aller dans le parc et d'observer cette ambiance automnale qui s'évanouira bientôt. Les arbres continuent de perdre leurs feuilles brunes et seront nus dans quelques jours.

Des lampions en forme de citrouille bordent les chemins où plusieurs stands sont installés. Certains lycéens maquillent des collégiens quand d'autres leur apprennent à tailler dans des citrouilles.

Je passe une bonne demi-heure à déambuler et une heure entière avec Kapu-Kapu croisé au détour d'un stand. L'excentrique clone habillé comme une gothic lolita m'entraine dans son parcours d'activité, de shoot au pistolet à eau, de pêche à la pomme pourrie et de chasse au trésor.

Alors que je l'abandonne enfin, elle continue encore et encore les mêmes activités pour avoir le maximum de point et gagner le plus de tickets pour la tombola de minuit.

La nuit est déjà bien avancée quand je rejoins le gymnase où de nombreuses personnes déguisées dansent ensemble sur de l'electro. Je pars me servir un verre de punch sanglant lorsque je tire une grimace en le portant à mes lèvres.

« Il est chargé hein ??? On a rajouté une booooonne dose de vodka ! »

La fille m'ayant adressé la parole me surprend avec sa familiarité mais surtout parce que j'ai tout de suite reconnu sa voix : c'est Pina Colada.

THIS IS HALLOWEEN ! La fête commence enfin et Citrus en profite pour se fondre dans la masse 🤫

Qu'avez-vous pensé du souvenir de l'ancien Citrus à la place ? Des photos de Red toutes rayés dans le Yearbook ? Du déroulé de la fête d'Halloween et des "retrouvailles" entre Citrus et Cotton ? Est-ce que le plan de Citrus concernant Pina va fonctionner ?

🍬N'hésitez pas à voter et commenter pour me donner votre avis. On se retrouve jeudi prochain pour la suite de la soirée d'Halloween avec une bonne révélation qui risque de chambouler notre citron !🍬

Le costume de Citrus 😎