15🍬Jelly Nightmare
Il y a ce cliché que lorsque l'on est puceau, on surréagit au moindre contact physique avec une personne qui nous plait. Même sans être puceau d'ailleurs. Juste en étant un peu intéressé par quelqu'un d'autre.
Les mains moites, la gorge sèche, une bouffée de chaleur mais également des frissons.
Et accessoirement, un début d'érection.
Alors j'ai toujours refusé d'être un cliché ambulant mais là, je suis obligé d'avouer que mon corps a décidé de ne pas obéir à mon cerveau.
Assis au fond d'une salle de cinéma plongé dans le noir, c'est totalement logique, face à un nanar tel que Jelly Nightmare III : Smoothie Blend. Nous sommes presque seuls dans la cette petite pièce et il n'y a qu'un autre couple à l'opposé qui regarde le film.
Enfin « regarde », non. Il y a un roulage de pelle illégal et ça ne m'étonnerait même pas que ça aille plus loin entre eux.
Revenons au cliché... Pourquoi est-ce que je ressentais ces émotions ? Ah oui.
Parce que Cotton Candy, la fille toujours souriante et surement la plus occupée de l'Académie, est en train de caresser ma cuisse.
Après qu'elle se soit extasiée sur moi alors que je lui prêtais mon sweat, nous avons regardé les bandes-annonces et eu le temps de terminer nos popcorns avant même le début du film. Un classique.
Or, nous ne sommes même pas à la moitié que sa main est posée sur ma jambe. La première minute, je croyais qu'elle s'était endormie. J'ai profité d'une baisse de lumière d'un des plans pour la regarder du coin de l'œil et non, elle était attentive au film.
Lorsqu'elle s'est mise à caresser mon jean, j'ai dégluti et eu soudainement très chaud. Mes yeux ont dérivé de l'écran pour fixer le couple un peu plus loin. Aucune attention sur le film, clairement.
Et là, je suis perdu. Qu'est-ce que je dois faire ? Est-ce que je dois virer sa main ? Est-ce que je dois la prendre dans la mienne ? Dois-je me lever et partir aux toilettes ? Ou tourner la tête et l'embrasser ?
Comment est-ce qu'on embrasse « bien » ? J'en sais foutre rien putain ! Je n'ai jamais embrassé personne sur la bouche ! Mon acidité faisait fuir les filles que je tentais de draguer !
Soudain, ses doigts glissent jusqu'à mon genou et font des allers-retours me provoquant des frissons et une légère sensation de bien-être.
Putain mais qu'est-ce qu'elle attend de moi ? Elle est vraiment intéressée ou elle profite du fait que je sois « catégorisé » comme un pervers ?
Moi, un pervers, alors que je n'ai même pas eu mon premier baiser. C'est vraiment un scandale.
« Alors ? Je valide ou pas ? » chuchote-t-elle en collant son épaule à la mienne.
Je fixe l'écran alors qu'elle a tourné la tête vers moi, ses lèvres à quelques centimètres de mon oreille. J'entends sa respiration bien trop près et ne peux m'empêcher de faire mine de boire ma citronnade déjà terminée depuis une dizaine de minutes.
— Tu peux valider en tant que nanar d'Halloween, confirmé-je sans la regarder.
— On pense le projeter dans un des labos de science avec des saladiers de bonbons sur chaque table. Je ne suis pas trop sûr de l'idée. J'aurais voulu quelque chose de plus... intimiste.
— C'est un film nul fait pour qu'une bande de potes le regarde en étant défoncé aux joints et au sucre donc... l'intimité n'est pas nécessaire.
— Et si des couples ressentent le besoin de se retrouver... à l'écart ?
— Qu'ils prennent une chambre d'hôtel.
— Tu me fais rire, Citrus... Et ce que tu m'as dit l'autre fois... J'ai l'impression que toi et moi, ce n'est pas la première fois que l'on passe du temps aussi proche. Et j'aimerais bien en passer plus avec toi.
Je sursaute lorsque je sens les lèvres de Cotton dans mon cou et me tourne vers elle. Ses yeux semblent briller dans le noir et cette proximité entre nous me trouble... mais pas dans le bon sens.
Elle est mignonne mais trop entreprenante. Elle attend que j'agisse d'une certaine façon. Peut-être comme l'ancien Citrus. Je...
Je n'ai pas envie de ça. Pas maintenant. Pas deux jours après m'être fait humilier devant tout le lycée. Je me sens encore vulnérable.
Sans un mot, j'attrape mon sac et me lève pour quitter la salle. Je n'ai pas le temps de me retourner pour voir la surprise sur son visage, ni pour récupérer mon sweat. Je traverse le hall au courant et affronte à nouveau la pluie battante.
Le ciel est assez gris pour que les lampadaires soient déjà allumés, installant une nuit prématurée sur cette fin d'après-midi d'automne.
Je pousse un soupir et continue à courir en direction de l'arrêt de bus, l'eau mouillant entièrement mes vêtements et mes bras quasi nus. J'y arrive enfin et jure lorsque je vois au loin le bus déjà passé, le prochain étant dans une demi-heure.
Mon corps décide tout seul de me ramener jusqu'à l'Académie, quitte à marcher plus longtemps sous l'averse. Ma solitude et le froid me mettent en mode automatique alors que mon cerveau carbure.
Dans ma tête, j'écris déjà des paroles. Je visualise mon carnet de notes et griffonne des mots, ratures, réécris, reformule... Et puis j'imagine Red les lire puis les chanter.
Je n'ai jamais entendu sa voix mais je l'imagine. Je le vois fermer les paupières et se concentrer sur le sens des paroles et comprenant mes sentiments actuels.
Mon trouble, mes incertitudes, mes questionnements et cette peur qui m'envahit peu à peu.
Peur de ne jamais vraiment être « moi » et que l'on arrive à aimer qu'une version disparue d'un Citrus Lime.
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J'ai froid, mon ventre gargouille et j'ai un terrible mal de tête.
Je suis allongé sur le sol de ma chambre avec mes vêtements humides et une vingtaine de feuilles de mon carnet arrachées. Certaines sont en boule, d'autres noirs de mots.
Je me souviens être rentré complètement trempé au dortoir et avoir passé toute ma soirée à écrire. Et puis plus rien. J'ai dû m'endormir.
Mon corps roule jusqu'à mon téléphone posé sur mon lit, la lumière m'aveuglant presque dans la pénombre.
Deux heures du matin. Putain. Je n'ai même pas pris de douche.
Je me relève avec difficulté et fouille dans les tiroirs de ma commode à la recherche d'un médicament pour calmer ce martèlement incessant dans ma tête, mais rien. La douleur progresse et un sifflement me fait serrer les dents alors que j'ouvre ma porte et traverse le couloir jusqu'à celle de mon voisin de dortoir.
Ma main tape mollement à sa porte, attendant désespérément une réponse. Encore. Encore et encore. Autant que mon mal.
« Red... Ouvre-moi ta porte... S'il te plait. Je suis prêt à me mettre à genoux et supplier mais par pitié, donne-moi un foutu Doliprane sinon je vais caner. »
Comme si j'avais sorti des mots magiques, la porte s'ouvre sur un Red visiblement très énervé d'avoir été réveillé et... encore habiller d'un pauvre boxer noir. J'ai l'impression qu'il est à deux doigts de me foutre le coup de poing de ma vie lorsqu'il passe de la colère à l'inquiétude en quelques secondes après m'avoir observé.
— Putain mais qu'est-ce que t'as foutu ?! s'exclame-t-il en touchant mes épaules. T'es gelé !
— T'aurais pas... du Doli...
— Hein ? Non je n'ai pas de loli sur moi actuellement.
— Non... Dolipr-
Je sens mes jambes me lâcher alors que je suis rattrapé de justesse par Red, la tête contre son torse et ma respiration devenant irrégulière.
« Ton front est brûlant. Putain... Combien de fois est-ce que je vais devoir te sauver la mise ? »
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Allez, je prends ta place pour cette fois.
J'ouvre les paupières alors que le silence dans cette chambre m'étant inconnue n'est perturbé que par quelques piaillements d'oiseaux. Ils ne font ce bruit qu'aux alentours de 4h du matin, ceci expliquant la pénombre encore persistante.
Je suis allongé dans un lit plus moelleux que le mien, une petite serviette tiède sur le front mais surtout débarrassé de mes vêtements et ne portant que mon boxer.
Je tourne la tête et croise les yeux jaunes de mon voisin me fixant. Il est allongé à côté de moi dans ce lit semblant bien trop petit pour deux corps.
Il semble détailler chaque parcelle de ma peau, s'attardant sur chaque cicatrise et chaque tatouage. Surtout sur le « huit ».
Je ne détourne pas le regard. Je ne rougis pas et je l'examine à mon tour en fronçant les sourcils.
« Tu n'étais pas comme ça. » chuchoté-je.
Il plisse les paupières et souffle un air chaud contre ma peau avant d'humidifier ses lèvres.
— À qui est-ce que je parle ? me demande-t-il.
— Devine.
— Tu sais très bien pourquoi je pose cette question.
— Et je suis surpris que tu arrives si facilement à comprendre mon problème.
— Crise d'identité basée sur l'implantation d'une partie des souvenirs et des traits de personnalité d'un modèle d'origine à son premier clone.
— Impressionnant.
— Pas tant que ça, j'ai lu « ta » thèse sur le sujet. Ta première crise m'a intrigué et j'ai voulu comprendre comment tu étais devenu presque un parfait opposé au « criminel » dont on parlait en cours d'histoire.
— Alors c'est pour ça que tu t'intéresses à moi... Moi qui pensais que toi aussi, tu avais la mémoire de ton clone précédent.
— Je n'ai que des sensations et des bribes. Rien de plus. Mais je sais ce que tu lui as fait, ce que tu m'as fait.
— Qu'est-ce que tu vas faire ? Me frapper jusqu'à la mort ?
— Non parce que ça ne changerait rien. Tu n'es pas vraiment là. Tu t'incrustes dans la tête de Citrus mais tu n'as pas de raison d'exister.
— Tu sais que même si j'ai le contrôle, il se souviendra de tout ce que tu viens de dire à son réveil ? Il a conscience de mes paroles et mes actes, comme un simple spectateur brûlant de monter sur scène.
Soudain, Red passe son pouce sur mon torse, là où est marqué à l'encre noire le chiffre huit.
« Alors retiens bien ce que je vais dire : Citrus et moi, on va se débarrasser de toi. Je vais te faire disparaitre de sa tête et ça même si ça doit me prendre l'année entière. J'ai mes raisons, il n'a pas à les connaitre mais crois-moi qu'elles sont suffisantes pour nourrir ma colère. »
Essaie donc.
J'entends la pluie taper contre ma fenêtre alors qu'une délicieuse odeur de chocolat me réveille. J'étire mon cou et mes bras avant d'observe le mug fumant posé sur ma table de nuit.
Mais... quand est-ce que je me suis déshabillé et mis au lit moi ?
Je suis bel et bien dans ma chambre mais mon dernier souvenir remonte au moment où j'ai demandé à Red un Doliprane. Et puis le noir complet...
Non, il y avait aussi mon cauchemar. Je sentais une chaleur étrange contre moi, mes souvenirs se mélangeant entre eux jusqu'à ce que j'entende ma propre voix répondre à celle de Red. Comme si en plein sommeil, j'avais eu une crise d'identité...
Est-ce que j'ai imaginé ce moment où il a affirmé pouvoir m'aider ?
Ce que je sais, c'est que j'ai ensuite eu l'impression de tomber, encore et toujours dans le vide. Une grande solitude m'envahissant autant que les ténèbres autour de moi. Je suffoquais alors que se matérialisait ma chambre au laboratoire.
J'observais une version plus jeune de moi en train de se faire frapper par l'ancien Citrus Lime.
Les larmes n'arrêtaient pas de couler et j'avais envie de vomir face à ce douloureux souvenir.
Je masse mes tempes en sortant de mon lit avant de tremper mes lèvres de chocolat, la boisson m'apportant une telle sensation de bien-être que je pousse un soupir lascif.
Mes yeux dérivent sur la table de nuit et repère une boite de médicament ainsi qu'un bout de papier déchiré où je dois décrypter l'écriture de mon voisin de chambre :
« Avale ça et reste dans ta chambre aujourd'hui.
P.S : Tu m'as cassé les couilles en me réveillant hier soir alors j'ai décidé de me servir dans le bordel de papier sur le sol de ta chambre. Je vais chanter ce que tu as écrit jusqu'à en tomber malade, même si tu ne trouves pas ça assez bon.
Ton texte m'appartient. »
Ces derniers mots agitent mon cœur alors que ses premiers ordres m'avaient fait tirer la gueule. Je me laisse tomber sur mon oreiller tout en soupirant.
Je ne suis plus sûr de ce que j'ai vécu, de ce que j'ai rêvé ou cauchemardé...
Est-ce qu'il y en a ici qui aimerait que Red s'occupe de vous ? Un petit calin et un chocolat chaud au réveil ? Parce que moi, ça ne me dérangerait pas 🤫
Qu'avez-vous pensé du moment au cinéma avec Cotton ? De leur rapprochement et de la réaction de gêne de Citrus ? De ses sentiments et de sa crise d'identité face à Red ? Que pensez-vous que l'ancien Citrus ait pu faire à Red pour qu'il réagisse comme ça ?
🍬On se retrouve jeudi prochain pour la suite ! En attendant n'hésitez pas à me soutenir en votant et en donnant votre avis sur ce chapitre ! 🍬
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