14🍬Barbe à moi

« Tu veux savoir si Red a eu des petites copines ? C'est chelou comme question. »

Le bip de la caisse enregistreuse résonne dans la supérette vide en ce samedi midi. Wild fait passer mes nouilles instantanées comme un robot avant de tilter sur mon alimentation et de secouer la tête l'air de dire « attention, tu ne manges pas équilibré ».

Je hausse les épaules, les mains dans les poches de mon sweat avant de détourner le regard sur la pluie battante dehors.

Comme me l'ont demandé les sœurs Cappuccino, j'ai commencé à bosser sur les paroles de l'unique chanson qu'elles joueront à la fête foraine de l'automne. J'ai donné l'air que j'imaginais à Cappuccino et cette génie m'a annoncé pouvoir composer la musique pour mercredi prochain.

Les filles ont décidé de bosser entre elles chaque soir de la semaine et de nous retrouver au local le mercredi soir et toute la journée du vendredi.

Et en attendant, je dois écrire le reste et retravailler les paroles déjà existantes. Mais ça, c'est quelque chose que je dois faire avec Red car nous aussi, nous ne devons pas chômer alors qu'elles répètent. Je dois aider le grand rouge à bien poser sa voix sur l'air et à le guider sur l'interprétation du sens de mes paroles.

Mais je...

Hum.

Je ne sais pas trop quoi penser des dernières révélations sur lui. Comme quoi il aurait envoyé un mec à l'hôpital.

Bon, ça j'ai déjà fait. Au pire, on sera voisin de brancard.

Comme quoi il était ami avec Pina Colada.

Le « juste ami », je n'y crois pas trop. En tout cas, il a l'air de lui en vouloir.

Et puis...

— Red a déjà eu deux-trois copines, oui. Hors de l'Académie par contre. Il m'avait avoué ne pas aimer les « cul-serrés » qu'il y avait au bahut. Pourquoi tu veux savoir ça ? Vous convoitez la même personne ?

— Non c'est... Rien.

Pourquoi est-ce que je suis gêné de le dire ? Pourquoi est-ce le fait que Red soit gay me perturbe ? C'est juste mon voisin de chambre et un camarade de classe. Et maintenant le mec pour qui je vais écrire des chansons qu'il va transmettre aux autres.

Je masse mes tempes avant de ranger mes articles et de rajouter une cannette de jus de pomme.

De la pomme...

Je crois que ce qui me perturbe le plus, ce n'est pas qu'il soit gay. Non.

C'est qu'en repensant à lui avec cette nouvelle information, son corps à moitié nu et encore mouillé, ça accélère mon pouls.

C'est ça, qui me perturbe. Ma réaction physique en décalage avec mon cerveau.

Mon regard croise celui de Wild cherchant à savoir pourquoi je semble perdu, lorsqu'il soupire et quitte le comptoir de sa caisse en sortant son paquet de cigarettes de sa poche. Nous nous retrouvons dehors, devant la supérette vide et à l'abri de la pluie alors qu'il allume sa clope et tire quelques taffes en silence.

« Pop m'a raconté ce qu'il t'est arrivé jeudi midi. »

Je déglutis avant de fixer mes baskets. Nous observons un couple courir sous la pluie en rigolant, fonçant vers le cinéma sur le trottoir d'en face et à quelques pas d'ici.

— Je vais péter la gueule de ce con de Punch, murmure Wild avant de souffler sa fumée.

— Pas besoin de t'attirer des emmerdes pour moi. Je gère.

— T'as pas l'air. Quoique, je te voyais plus amocher que ça. T'es sûr que ça va aller ?

Je hoche la tête en silence mais continuer à fixer mes pompes.

J'ai l'impression que la seule façon de me tirer de là est soit d'accepter de me faire démonter devant toute l'Académie, soit d'envoyer des gens à l'hosto.

Sauf que si le directeur n'a fait qu'exclure Red pendant quelques mois, je risque l'exclusion à vie.

— Pucci m'a dit que tu allais écrire des paroles pour leur groupe. Je ne savais pas que t'étais du genre littéraire ?

— C'est tout nouveau pour moi, avoué-je, enfin non, j'écris depuis un moment mais je n'avais jamais songé à utiliser mes mots pour en faire des chansons. La sœur de Pucci, Cappuccino, est vraiment une génie de la composition ! On en a parlé vendredi après-midi et elle m'a déjà envoyé une proposition musicale sur Whatsapp ce matin !

— Ouais, elle est vraiment douée. Toutes les trois, elles veulent créer une sorte d'empire musical qui saurait rivaliser avec les artistes des Jelly Beans. Franchement, elles sont sous-estimées.

— Pourquoi ça ?

— À ton avis ? Pour la même raison qui fait que tout le monde te traite « d'expérience ratée » : parce qu'elles existent qu'à cause de Citrus Lime. Mais même si l'ancien toi a joué avec la vie humaine à excès, je serais bien tenté de le remercier d'avoir créée ma Pucci. Belle dans l'imperfection...

Le sourire amoureux de Wild en serait presque contagieux. Peu à peu, grâce à lui et à Popcorn, mon monde s'élargit et je commence à apprécier ça.

Je n'ai pas une myriade d'amis et je suis détesté par le reste de l'Académie mais peu importe. Eux, ils se soucient de moi et ne me voient pas comme l'ancien Citrus Lime mais comme une personne à part entière.

« T'aurais pas un rencard par hasard ? »

J'arque un sourcil en regardant Wild qui me pointe du doigt le trottoir d'en face, le sourire aux lèvres. Mes paupières se plissent avant de s'agrandir en reconnaissant la fille agitant son bras dans notre direction.

Cotton Candy.

Ses cheveux roses sont attachés en chignon et quelques mèches sont retenues par une barrette en forme de cookie. Malgré la pluie et surtout les fraiches températures de l'automne s'étant déjà bien installé, l'étudiante pour une robe blanche avec des broderies représentant des berlingots. Ses jambes sont protégées du froid par un épais collant noir et des bottines de la même couleur.

Elle traverse le passage piéton pour nous rejoindre quitte à se prendre l'averse alors qu'elle garde dans sa main un parapluie fermé. Son sourire semble tout illuminer lorsqu'elle se plante devant moi, attendant que je lui fasse la bise.

— Salut Citrus.

— S-Salut ! bégayé-je malgré moi en m'approchant d'elle.

Ses joues sont douces et son cou sent la barbe à papa, comme son prénom. Cette fille a l'air de sortir d'une série à regarder emmitoufler dans un plaid avec le crépitement de la cheminée et un mug de chocolat chaud avec des chamallows dedans.

Wild la salue en levant simplement la main et son sourire s'étire alors que mes joues rougissent par ma propre réaction face à elle.

Putain d'hormones.

— J'ai cassé mon parapluie, est-ce que tu en aurais pour moi ?

— On m'a acheté le dernier tout à l'heure mais je vais voir s'il reste un truc en réserve.

Nous entrons tous les trois dans la supérette alors que le gérant s'est installé à la caisse pour faire ses mots croisés. Wild nous laisse tous les deux et ne manque pas de me faire un clin d'œil avant de s'éclipser au fond du magasin.

Les mains dans les poches et faisant le balancier avec mes deux pieds, j'ose enfin parler à Cotton Candy attendant sagement près du présentoir à magazine.

— Je n'ai pas eu l'occasion de m'excuser pour l'autre fois.

— De quoi ?

— Quand... Tu sais... hum... j'ai failli...

— M'embrasser ?

— Ouais. Hum... Ce n'était pas « moi ». Ce que je t'ai dit aussi. C'était... Enfin c'est compliqué. Bref, je ne suis pas un pervers comme tout le monde le pense. Et merci de ne pas en avoir parlé aux autres.

— Je te l'ai déjà dit, Citrus.

Soudain, Cotton s'approche de moi et se met sur la pointe des pieds pour me chuchoter à l'oreille :

« J'aime l'idée que tu sois un détraqué. »

Je déglutis et m'écarte par gêne avant de faire tomber des conserves hors de leur rayon. Le patron lève à peine les yeux vers nous avant de retourner à ses mots croisés, s'en foutant complètement de me voir au sol en train de réparer mon erreur.

Cotton s'agenouille et m'aide à ramasser les conserves alors que mes yeux dérivent du sol pour s'attarder sur le décolleté de sa robe, la pluie ayant dévoilé le rose de son soutien-gorge en dentelle.

Respire. Reprends-toi. Ce n'est qu'une fille. Tu viens de dire que tu n'étais pas un pervers alors ne commence pas à agir comme tel.

« Ça va vous deux ? »

Je me relève d'un coup et dépose les conserves alors que Cotton rigole à ma réaction face à Wild nous ayant surpris. Il me regarde l'air de dire « Eh bien, le citron a du succès finalement ! » alors que je détourne les yeux.

Je n'ai jamais été très proche des filles, en tout cas jamais plus loin que l'amitié. J'ai bien tenté de draguer mais je me faisais à chaque fois recaler alors là... C'est assez inattendu.

Et en même temps... Les Citrus Lime et Cotton Candy de la génération précédente ne semblaient pas être de simple camarade de classe.

— Désolé Cotton mais je n'ai rien pour toi. Tu devais aller jusqu'à l'Académie ?

— Oh non, c'était pour le retour. Je vais au cinéma là.

— Ah ouais ? Toi tu trouves le temps de te divertir alors que tu as un emploi du temps de ministre ?

— Faux ! s'exclame-t-elle. Je vais voir un film d'horreur ennuyeux mais qui a été sélectionné pour être diffusé lorsque de la soirée d'Halloween de l'Académie. Ça doit être validé par au moins un membre du comité et c'est tombé sur moi. Le pire, c'est que c'est « Jelly Nightmare III : Smoothie Blend ».

— Oh merde, réponds-je en faisant la grimace. Le premier était excellent mais dès qu'ils ont remplacé les acteurs principaux par des « non jelly belly », c'est devenu n'importe quoi.

— Comme quoi, on est bien formé à l'acting à l'Académie.

— Et si Citrus t'accompagnait ?

Je fusille Wild du regard, visiblement amusé par ma réaction, alors que Cotton penche la tête et me regarde d'un air beaucoup trop craquant.

— Je veux dire, insiste Wild en croisant les bras, tu as déjà vu le film donc tu saurais conseiller Cotton pendant le visionnage sur ce qui peut être montré à la fête d'Halloween ou pas.

— Je trouve que c'est une bonne idée ! Ça ne te dérange pas ? Ou alors tu avais autre chose à faire aujourd'hui ?

— Ça m'étonnerait, il n'a pas d'autres amis que moi donc aucun plan !

— Va chier, Wild. Mais ouais, je suis dispo. Enfin... Si ça ne te gêne pas de trainer avec « le citron à abattre » de Flavor City !

— Oh non, regarde.

Cotton attrape la capuche de mon sweat pour me la mettre sur la tête avant de murmurer un « parfait » et de sortir de la supérette en me faisant signe de la suivre. Wild pose sa main sur mon épaule, son sourire s'étirant de plus en plus avant de me pousser vers la sortie en me souhaitant une bonne soirée.

Alors que la pluie continue à tomber sur nous, Cotton court à travers la ville en direction du cinéma. Je la rattrape devant le bâtiment et constate qu'elle est totalement trempée.

En robe blanche. TOTALEMENT trempée.

Ok, ok, ok, ça craint. On voit complètement sa peau et son soutien-gorge.

— Je crois qu'il faut que tu passes aux toilettes pour... te sécher.

— Ah oui... Je n'ai pas le temps de tomber malade surtout ! Tiens, j'ai déjà les places, tu peux les donner au guichet et normalement ça commence dans une dizaine de minutes. Ah et prend des popcorns !

Je n'ai pas le temps de répondre qu'elle entre déjà à l'intérieur et file aux toilettes.

Je pousse les portes vitrées du cinéma et passe ma GIC devant la borne d'entrée, obligation en termes de sécurité à chaque fois que l'on pénètre dans un lieu culturel. Le hall d'accueil mêle l'ambiance des anciens cinémas avec de la moquette rouge, des machines à popcorns et même des flippers dans une zone d'attente, mais également modernité avec les bornes de choix de film et les projections des affiches sur les murs.

Je fais comme me l'a indiqué Cotton et achète un gros cornet de popcorn au caramel, même si j'aurais préféré une saveur salée, avec en plus une citronnade.

Je l'attends devant la salle lorsqu'elle revient, ses bras croisés pour cacher sa robe devenue transparente et dévoilant sa petite poitrine. Ses joues sont rouges, mais elle n'ose rien dire jusqu'à ce que je cède par galanterie et lui confie nos confiseries.

Je regrette déjà ce que je m'apprête à faire.

Je tire sur mon sweat vert menthe par le bas et le fais passer par-dessus ma tête pour le lui tendre. Je me retrouve en t-shirt noir manche courte devant elle alors que ses yeux sont écarquillés et me détaille.

— Enfile ça. Ça te réchauffera et tu seras plus à l'aise.

— Je... Merci... Putain.

— Quoi ?

Ses yeux fixent mes avant-bras, là où sont situés de chaque côté mes tatouages faits en laboratoire et n'étant qu'une suite de chiffres et de lettres n'ayant aucun sens pour une personne lambda.

— Ça t'intrigue ? demandé-je en les pointant du doigt. Si tu pouvais garder le silence là-dessus. Ça me complexe.

— Oui euh... bien sûr. Mais juste... putain quoi.

— Quoi encore ?

— Je ne pensais pas que tu étais aussi... musclé.

Je cligne plusieurs fois des yeux, pas certains d'avoir compris sa réaction. Ce n'est pas mes multiples cicatrices et mes tatouages qui la font bugguer mais... mon corps ?

D'accord, je cache bien mon jeu au quotidien mais de là à m'imaginer fin comme un bâton, c'est se faire avoir par mes couches de vêtements.

— Je ne suis pas taillé comme Punch ou un les autres sportif, dis-je alors qu'elle observe mes mouvements.

— Non mais... oua. Je... Tu es « sec » mais bien taillé et tes bras... Tu pourrais me soulever sans sourciller !

Oula.

Cotton souffle doucement un air frais comme pour se détendre avant de me regarder d'un air... pervers ? Elle enfile mon sweat et ferme les yeux en reniflant les manches avant de m'entrainer dans la salle au début des bandes-annonces.

Elle a l'air d'être très contente, trop contente.

Et moi, je ne sais pas trop comment interpréter ses paroles et l'effet qu'elles viennent de provoquer dans tout mon corps.



Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? Des questions de Citrus sur Red ? De la venue de Cotton et de Wild qui tente de pousser Citrus vers elle ?

Du rencard improvisé avec Cotton et... Eh bien de la musculature "sèche" de notre citron ? Comment pensez-vous que cette séance va-t-elle se passer ? Vos théories ? Team Citton ou Citred ? 

🍬N'hésitez pas à me soutenir en votant et donner votre avis en commentaire. On se retrouve jeudi prochain pour la suite !🍬

🌹 Vous pouvez dès maintenant retrouver ma nouvelle histoire courte disponible intégralement : The Man I (always) Love. J'espère qu'elle vous plaira et que vous passerez un bon moment à la lire🌹

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