12🍬Discorde à l'auditorium
— J'ai toujours voulu t'emmener sur la grande roue. Chaque année.
— J'avais remarqué. Tu es borné.
J'avais eu un rire gêné avant qu'elle ne passe une main dans ses cheveux devenu cours depuis peu. Nous ne nous disons pas grand-chose et ça lui suffisait. J'avais même l'impression que l'on se comprenait sans parler.
« L'an prochain, peu importe ce qu'il se passera, insiste encore. Cette fois-là, j'accepterais. »
Elle m'avait embrassé. J'avais enfin goûté ses lèvres alors qu'elles tremblaient contre les miennes. Elle était forte mais également fragile.
Je savais que je ne tiendrais pas un an. Je n'aurais pas la patience.
Je mets deux bonnes heures à sortir de mon lit et ça, même si mon ventre grogne. Mes membres sont engourdis et à chaque mouvement, tout mon corps souffre. Il doit être 11h lorsque j'arrive à sortir de mon lit.
J'avance mollement jusqu'au miroir accroché à mon armoire et me dévisage de la tête au pied : en plus de mes habituelles cicatrices, j'ai des bleus un peu partout et des compresses posées par l'infirmier de l'Académie. Je les retire en faisais la grimace avant de passer mon doigt sur mes blessures.
Elles sont déjà en train de cicatriser.
Il faut croire que mon ancien moi avait prévu que je risquerais d'en baver et qu'il a anticipé en m'injectant les mélanges les plus étranges dans le sang pour accélérer ma régénération...
Mes yeux s'arrêtent sur le haut de mon torse, là où est gravé à l'encre noire et sur mon pectoral droit le chiffre que j'aimerais effacer à jamais. Je lève également mes bras nus et contemple les tatouages avant les plis de mes coudes.
Toujours entouré de cicatrices datant de mon enfance, mon corps ne sera jamais beau et aucune fille ne voudra jamais toucher le rat de laboratoire.
Ce n'est pas demain la veille que je vais perdre mon pucelage.
Mais d'ailleurs... le Citrus Lime d'avant, comment est-ce qu'il a fait ? Avec son profil de geek sociopathe ?
Soudain, l'image de Cotton Candy me revient en mémoire. Ses paroles, les miennes pendant ma crise d'identité et ce geste étrange sur la photo du Yearbook...
Et si...
Le Yearbook. J'avais complètement oublié que je les avais empruntés. La semaine a été trop dingue et chargée en devoir pour m'occuper de ça.
Je pousse un soupir avant de frotter mes cheveux et de couvrir mon torse nu d'un t-shirt manche longue. Mes affaires de douche en main, je traverse le couloir en t-shirt/boxer et sur la pointe des pieds avec la plus grande prudence.
Punch m'a fait comprendre que mon compte n'était pas réglé et ça ne m'étonnerait pas qu'il s'en prenne à moi au dortoir.
Mais lorsque je pose ma main sur la poignée de la salle de bain, cette dernière s'ouvre en même temps et me fait sursauter à tel point que ma serviette et mon gel douche tombent au sol.
Une vague de chaleur me submerge alors que devant moi apparait un corps presque nu, habillé d'une serviette noire entourant sa taille mais laissant son torse musclé à quelques centimètres de mon visage.
Je lève à peine les yeux face à la masse de cheveux bordeaux devant moi lorsque mon camarade de dortoir passe sa main sur les mèches cachant ses yeux jaunes pour me regarder. Il hausse les sourcils avant de les froncer, surement exaspéré que je lui bloque la sortit avec mes affaires au sol.
Nous ne nous disons rien et je me contente de ramasser ma serviette et mon gel douche lorsque Red se permet de faire un trait d'humour me plaisant à moitié :
« Elles arrivent bien tard, ces excuses à genoux. »
Il fait référence au moment où il a exigé que je me mette à genoux pour m'excuser du fait qu'il se soit pris un trait de peinture sur le visage.
— N'espère pas me revoir dans cette position.
— Attention, c'est tendancieux ce que tu viens de dire.
— Quoi ? Non je-
— Je déconne.
Je sens ses yeux m'examiner et s'attarder sur mes jambes marquées par les coups. Soudain Red fronce les sourcils et se mord la lèvre alors que sa présence comme ça, devant moi, me met de plus en plus mal à l'aise.
— Cet après-midi, à 14h30. Rendez-vous dans le bâtiment des arts et musiques à l'auditorium.
— Pourquoi ?
— Wild voulait qu'on trouve quelque chose à faire de notre vendredi. J'ai trouvé le bon alibi.
— Génial...
— Tu sais jouer d'un instrument ?
Je détourne le regard. Il m'intimide beaucoup trop et cette situation est en train d'agiter un peu trop mon pouls. Après quelques interminables secondes de silence, Red pour un soupir me forçant à m'écarter pour qu'il rejoigne sa chambre.
Je m'enferme dans la salle de bain, me déshabille et passe sous l'eau chaude alors que la tension redescend et que mes souvenirs prennent le dessus.
« La guitare ? Vous êtes sûr monsieur ? Vous étiez un génie des sciences alors pourquoi faire apprendre la musique à numéro 8 ? »
Mes petits doigts caressaient les cordes de ce nouveau jouet que l'on venait de me donner. J'aimais le son qu'il produisait, c'était simple mais divertissant pour un gamin n'ayant pas de loisir.
— Mon défaut était la polyvalence. Les Jelly Beans sont très majoritairement composés de gens ayant l'habitude de la scène. Et puis la pratique d'un instrument va lui apprendre l'acharnement.
— Très bien monsieur. Nous allons devoir réduire le temps passé sur des exercices de logiques alors.
— Peu importe... Si j'avais eu ce goût pour la musique...
« Peut-être que j'aurais pu enfin posséder son cœur. »
Je ne l'avais pas compris mais à cet instant, la voix de Citrus Lime était plus douce parce que pour la première fois, il semblait avoir un profond intérêt pour une autre personne que lui-même.
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Les mains dans les poches et habillé d'un uniforme de rechange, l'autre étant au lavage à cause d'hier, je reste planté devant le bâtiment des arts et musiques alors que plusieurs étudiants passent devant moi.
Si le bâtiment principal a des salles de musique et tout ce qu'il faut pour les clubs, celui-ci est réservé aux élèves en formation spéciale post-lycée mais également à ceux voulant développer leurs talents. Il est néanmoins bien moins utilisé car c'est un vieux bâtiment donc moins moderne mais ayant malgré tout une acoustique intéressante, d'après la plaque sur la porte principale.
« T'es à la ramasse ? »
Je sursaute alors qu'une main gantée tape mon épaule. Je pousse un soupir de soulagement lorsque Puccino me dépasse et me tends une autre main que je frappe pour la saluer.
Même avec son uniforme, elle ne perd rien de son côté « sauvage », comme son petit-copain.
— Qu'est-ce que t'attends ?
— Red, je devais le retrouv-
— Ah non t'inquiètes, m'interrompt-elle, il va surement arriver à la bourre. C'est moi qui dois te réceptionner.
— Tu le connais ?
— Ben ouais, c'est lui qui a appelé ma sœur pour que l'on devienne votre alibi contre mon sauvageon à tendance paternaliste. C'est bon, c'est cool.
Elle m'ouvre la porte et me fait signe de la suivre à travers le bâtiment où les sons de plusieurs instruments se mélangent. Le sol est en parquet et on sent qu'il est beaucoup moins entretenu avec la fine couche de poussière sur des cadres photos accrochées au mur.
Des photos de groupe, de fanfare, de duo mais également de peintres, de sculpteurs et autres... Ainsi qu'un endroit réservé à des signatures d'anciens Jelly Beans. Les seuls cadres étaient nettoyés d'après ce que je constate.
« On doit aller dans l'auditorium, cet aprem' c'est réunion. Après on avisera. »
Puccino pousse doucement la porte en bois massif nous faisant entrer dans le vieil auditorium de l'Académie où sont déjà réunis plusieurs étudiants de tout âge, du collège au post-lycée.
La grande salle n'est éclairée que par de hautes fenêtres d'où s'échappent de grands rayons de soleil mettant en évidence la poussière sur certains sièges rouges. De grands rideaux de la même couleur bordent la scène et tout ici respire une sorte de nostalgie d'une ancienne époque.
« Non, on ne peut pas céder notre place ! » s'exclame un type faisant les cent pas sur scène devant une quinzaine de personnes. Puccino et moi nous approchons discrètement pour nous installer en silence à la quatrième rangée alors que la tension entre les étudiants devant nous est palpable.
De ce que je comprends des échanges, il est question de la représentation musicale pendant la fête foraine de l'automne. Celle dont je n'arrête pas de rêver. La fanfare compte investir la place principale une bonne partie de la soirée, au grand daim du groupe de variété.
« Il y a trop de participants à cet événement ! Ça rallonge le temps de passage. Pourquoi vous ne scindez par votre groupe en deux ? »
Des exclamations fusent lorsqu'une fille se lève de sa place et grimpe sur scène. Une fille aux cheveux roses.
— Écoutez, commence Cotton Candy, ce n'est pas la première fois que je suis dans l'équipe chargée de l'organisation de la fête foraine mais également chanteuse dans le groupe de variété. Je pense que, même si c'est embêtant, on devrait songer à l'idée du chef de la fanfare.
— Pourquoi ne pas diviser le temps en deux ? intervient un des élèves.
— La fanfare attire bien plus de monde qu'un groupe de pop. Désolé mais même si je suis pour l'égalité, ce n'est pas juste pour nous.
— Ça m'attriste de l'avouer mais il a raison.
— On serait bien meilleurs si notre chanteuse passait plus de temps à répéter avec nous ! Cotton, tu es très bonne mais tu bosses partout et nous on a besoin de ta présence. On est qu'à deux semaines de la fête et nos morceaux de reprises sont encore à leur début.
Le débat reprend alors que je me tourne vers Puccino pour avoir plus de détails sur le rôle de Cotton.
Elle m'avoue que c'est la seule à avoir pu chanter assez bien pour être leader dans le groupe de variété. Le souci, c'est son rapport avec les autres membres du groupe.
Attends, si Cotton est aussi bonne chanteuse... Est-ce qu'elle pourrait être cette fille que j'ai entendue l'autre fois ?... Non, ce serait trop... cliché ? Si c'est elle, mon cœur est dans la merde parce que sa voix m'avait littéralement retourné.
— Cotton n'aime pas travailler avec mes sœurs et moi, avoue soudain Puccino. On est trop... dans le truc sans y être.
— Comment ça ?
— On est trop à fond et pas dans le registre qu'elle veut. Ça plante les autres musiciens, du coup on sert de remplaçantes.
— C'est stupide. Je croyais que vous excelliez dans vos domaines ? Pourquoi ne pas se servir de vos talents ?
— Trop de talents ensemble, mal accordé, s'écrasent entre eux.
Je médite sur sa phrase lorsque Cotton tape dans ses mains et déclare enfin à tout le monde :
« Bon, ça va être simple de toute façon. Grape, tu passes chez la fanfare pour les percussions et les filles Cappuccino vous vous séparé du groupe principal mais en échange, on vous laisse trois minutes de représentation. Ça vous va ? »
Alors que j'imagine qu'elle devrait être en colère, Puccino se lève pour signaler sa présence et regarde ses sœurs. L'une d'elles est au premier rang, ses cheveux noirs et lisses attachés en deux longues couettes, approuve en hochant la tête alors qu'elle fixe son téléphone portable.
Un autre saute de sa chaise, tout excité, et répond positivement mais avec encore plus d'énergie. Elle a les cheveux coupés au carré mais surtout teints de rose et de bleu avec accroché dedans... des fausses oreilles de chat noir.
— Pourquoi vous acceptez ? chuchoté-je à Puccino. C'est injuste !
— On n'arrive jamais à jouer sur scène et là c'est notre unique chance de montrer nos talents donc toute occasion est bonne à prendre, même si elle dure trois minutes.
Effectivement, vu comme ça...
— Parfait, c'est décidé ! Par contre vous n'avez aucune chanteuse.
— On peut demander à la chorale, commence la sœur de Puccino au premier rang. Je sais qu-
— La chorale est occupée à préparer le spectacle de Noël. Vous allez devoir vous débrouiller en seulement deux semaines pour jouer un morceau sans chanson.
— Ça va être coton, Cotton. Est-ce qu'on ne pourrait pas t-
— C'est dommage hein ? intervient le chef de la fanfare. N'est-ce pas le moment pour le trio de clone de montrer leurs fameux talents qu'elles n'arrêtent pas de vanter ? Kapu-Kapu pourrait bien vous chanter une de ses créations farfelues non ?
— Mes créations sont géniales ! s'exclame l'autre sœur. Et puis je suis sûre qu'en m'entrainant j-
— Oh par pitié épargnez-nous ça !
Le reste de l'assistance rigole, surement parce que les talents de chanteuses de la fameuse Kapu-Kapu ne sont pas... spectaculaires. L'ambiance de la salle étant passée de tendue à gênante, j'ai l'impression que tous les musiciens se « liguent » contre le trio et sont persuadés qu'elles ne sont pas si bonnes qu'elles l'affirment.
Putain, encore cette mentalité à la con. Mais c'est comme ça à l'Académie. Il faut faire ses preuves pour faire fermer la gueule de tous ceux nous jugeant. Je suis bien content de n'avoir aucun talent alors...
« Je vais chanter dans leur groupe. »
Nous tournons tous la tête vers l'entrée de la salle lorsqu'une silhouette sort de l'obscurité pour se faire éclairer par les rayons du soleil. Ses cheveux rouges attachés en arrière et les mains dans les poches, Red se plante au milieu de l'allée en répétant ces mots d'une voix grave et assuré.
Comme un sauveur que personne n'attendait.
Citrus se remet peu à peu du guet-apens mais que pensez-vous de son complexe vis à vis de son corps marqué par les tatouages et cicatrices ? De son face à face gênant (mais tellement bon) avec Red au réveil ?
De la discorde pour la représentation à la fête foraine ? Des jugements sur les sœurs Cappuccino et enfin de l'arrivée de Red en sauveur ? Vos théories sur la suite ?
🍬 On se retrouve jeudi prochain pour la suite ! En attendant n'hésitez pas à donner votre avis en commentaire et à voter ! 🍬
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