Chapitre 1
Deux jeunes filles étaient assises face à face dans le salon des Roses. La première, le dos droit, les yeux mi-clos , sirotait son thé. La seconde, avachie sur son fauteuil, les pieds posés sur une table basse, s'appliquait à déchirer une feuille en morceaux de plus en plus petits. Elle rassembla ensuite les papiers dans sa paume et souffla dessus, les laissant se disperser dans la pièce. Son interlocutrice posa sa tasse dans sa soucoupe et leva vers elle un regard réprobateur.
-Olivia, cela donnera plus de travail au personnel.
-Ne sois pas si coincée, Préfète, il faut bien qu'ils fassent quelque chose...
Son amie poussa un soupir résigné et repris :
-Bref, tu sais pourquoi je t'ai demandé d'être ici, n'est ce pas ?
Olivia évita son regard et lança d'un air nonchalant :
-Non, aucune idée !
-Je vais donc éclairer ta lanterne.
Elle lissa du bout des doigts sa jupe noire et sortit du sac posé à ses pieds un petit carnet.
-Vois-tu, Sam à récemment mis en vente un nouveau tableau de sa confection.
-Tant mieux pour elle, répondit Olivia en haussant les épaules.
-Le tableau en question se nomme "La supplication de l'amant". Et le jeune homme qu'il représente ressemble étrangement à Harry Milton, qui était absent à ses cours hier soir.
-Et donc ?
-Ne joue pas les innocentes ! Je sais très bien que c'est toi qui procure ses modèles à Sam ! Qu'as tu fait à Milton ?
Une grimace traversa un instant le visage d'Olivia avant de se fendre en un grand sourire.
-Lou, Lou, ma chère Lou, tu me connais si bien !
Elle quitta son fauteuil pour s'accorder à la fenêtre du salon. La pièce était doucement envahie par la lourde odeur du bouquet de roses posé sur le buffet près de la vitre. Olivia se saisit d'une fleur et la fit lentement tourner entre ses doigts.
-Ne t'inquiètes pas, il n'est pas mort. A peine blessé. Nous avons simplement eu une petite...discussion.
Son amie avait reporté son attention sur son carnet et suivait une ligne de la pointe de son stylo.
-Heureusement ! Je ne peux plus vraiment me permettre de te couvrir, Via. Ma mère se fait suspicieuse.
-Ne t'inquiètes pas, répéta la jeune fille, j'y suis presque, il me faut juste un peu plus de temps...
-Combien de temps ? l'interrompit Lou.
Olivia hésita quelques instants. Elle se savait près du but, mais il était difficile de déterminer une période de temps exacte.
-Disons...six mois. Maximum. Je te promets que ensuite, je ne te demanderai plus rien.
La Préfète ferma les yeux, les sourcils froncés, calculant les chances de réussite de l'entreprise de son amie.
-Bon. Très bien. Je te laisse six mois de plus. Mais au-delà, je ne pourrais plus rien pour toi.
Olivia se précipita vers Lou et, sans ralentir, se jeta dans ses bras, lui coupant le souffle.
-Merci, merci, merci ! Je te PROMETS que j'aurai fini d'ici là !
Un sourire indulgent fleurit sur le visage de son amie et elle lui tapota maladroitement le dos en disant :
-C'est normal après tout, nous sommes amies.
La jeune fille esquissa à son tour un sourire avant de s'écarter. Elle glissa la rose qu'elle tenait toujours dans le chignon de cheveux noir de Lou et retourna à son fauteuil.
Un silence tranquille s'installa, à peine troublé par le grincement du parquet sous le pas des étudiants passant dans le couloir.
L'automne arrivait et chacun profitait des dernières chaleurs sous le vent léger qui faisait claquer fenêtres et portes.
Alors qu'Olivia se levait pour mettre un vinyle à tourner, la porte du salon des Roses s'ouvrit avec fracas.
Une autre jeune fille entra dans la pièce.
Ses bottes noires claquaient sur le sol à chacun de ses pas. La chemise de son uniforme était légèrement froissée et sa cravate, attachée lâchement, semblait sur le point de se défaire.
Elle paraissait essoufflée, comme si elle venait de courir.
-Hey ! lança-t-elle en tentant de reprendre sa respiration, venez vite, on a un problème !
Lou se leva.
-Qu'est ce qui se passe, Thalia ?
-Ils vont se battre ! répliqua l'intéressée.
Lou et Olivia échangèrent un regard avant de se précipiter hors de la pièce. Thalia les guida jusqu'à la Cour intérieure des Deuxième années. La foule s'amassait dans les couloirs, les élèves se poussaient et étiraient le cou pour tenter de voir ce qu'il se passait.
Quand Lou arriva, elle claqua dans ses mains deux fois, sèchement.
Les étudiants se retournèrent et s'écartèrent pour laisser passer la Préfète.
La Cour intérieure était un ancien cloître réaménagé. L'école ayant autrefois été une abbaye, les moines avaient construit de nombreux lieux de vie, faisant à présent partie de l'internat. Bordée par de longs bancs de pierre, quelques arbres y étaient plantés et une fontaine rafraîchissait l'air. Pourtant, à cet instant, personne n'avait envie d'entrer dans l'agréable cour.
Les élèves s'étaient amassés à l'extérieur de celle-ci, en spectateur avide, mais ne se risquant pas à approcher. Deux groupes se faisaient face.
Le premier était composé de trois personnes, appuyés contre la fontaine, le regard furieux. Une des filles était même assise sur le rebord, balançant ses jambes dans le vide, ses boucles brunes soulevées par la légère brise dissimulant par instant ses incroyables yeux verts. A ses côtés se tenait une autre fille, les poings serrés, ses longs cheveux châtains tombant en cascade sur son dos. Enfin le troisième élève était un garçon à la carrure imposante qui contrastait avec son visage rond orné de lunettes.
Un groupe tristement célèbre dans l'établissement les défiait du regard.
Ils se faisaient appeler les Loups Rouges, et constituaient la majorité du club de baseball du lycée Kenley.
Ce jour-là, ils étaient quatre. Une fille, les cheveux noués en deux longues tresses brunes, et trois garçons, portant encore le maillot de leur équipe. Ils étaient tous des Troisième années.
-Qu'est ce qui se passe ici !? lâcha sèchement Lou en pénétrant dans la Cour, que font des Troisièmes années dans le bâtiment B ?
Les concernés se retournèrent et toisèrent la Préfète de haut en bas. Flanquée de Thalia et Olivia, elle se tint droite et fière face à eux.
-Eden, reprit Lou, s'adressant à la fille assise sur le rebord de la fontaine, qu'est-ce qui se passe ?
Celle-ci fronça les sourcils, adressant un regard dégoûté à ses aînés.
-C'est eux le problème ! Ils ont...
Sa voisine lui coupa brusquement la parole :
-Ces bâtards ont insulté Max ! siffla-t-elle entre ses dents.
Le silence tomba sur la Cour.
On aurait entendu une mouche voler quand, sans un mot, Lou se tourna vers Olivia.
Le regard de la jeune fille s'obscurcit de colère et son teint pâlit brusquement.
Elle s'avança d'un pas ferme et, les bras croisés, se planta devant le petit groupe de Troisième années. Malgré leur différence de taille, son aura aurait cloué le bec à plus d'un et les aînés se faisaient soudain hésitants.
-Alors comme-ça, dit-elle d'un calme glaçant, VOUS avez des choses à dire sur mon frère ?
La fille du groupe sembla se reprendre et un sourire condescendant s'étira sur ses lèvres :
-Allons...tout le monde sait que ce pauvre Maxwell n'allait pas bien dans sa tête, pas vrai ? lança-t-elle à la ronde.
Ses amis esquissèrent à leur tour un sourire et l'un des garçons, ses cheveux couleurs pailles ébouriffés, s'avança à son tour.
-Mais la folie est peut-être un lien familial après tout ! La sœur semble touchée par la même tare que le frère !
Ses mots furent accueillis par des rires gras.
Olivia esquissa à son tour un sourire indulgent.
-Peut-être bien, après tout, chacun sait ce qui arrive à ceux qui ne connaissent pas leur place...
Elle sortit de sa poche un petit carnet dont elle tourna les pages avec une lenteur exagérée.
-Voyez-vous, je garde toujours trace de mes...clients.
Son regard acéré se posa sur le petit groupe.
Son doigt glissait sur les lignes serrées de noms qui couvraient les pages blanches.
-Alors...reprit-elle, Danny Hilton c'est cela ?
Le garçon aux cheveux paille se raidit.
-Tu me dois environ...voyons...3762 euros, ou dollars, je ne suis pas pointilleuse sur la monnaie de paiement.
L'intéressé recula d'un pas et déglutit bruyamment avant de cracher d'une voix tremblante :
-Toi...toi...tu n'as aucune preuve que c'était moi ! Je n'ai jamais mis les pieds dans ton putain de casino !
-Mais...fit gentiment remarquer Olivia en penchant légèrement la tête, je n'ai jamais dis que tu avais dépensé cela dans mon casino. Te sentirais-tu coupable ? Tu es si agressif ! Et pour un si petit chiffre ! Je suis sûr que ce n'est pas grand chose pour le fils du propriétaire d'Hilton Office !
Danny baissa les yeux, le rouge lui montant aux joues.
-Oh ! J'oubliais ! susurra Olivia, un sourire cruel sur les lèvres, il ne faudrait surtout pas que ton cher papa apprenne cela...ou il pourrait te destituer !
Des larmes commençaient à monter aux yeux du pauvre adolescent. La jeune fille se pencha en avant et conclut dans un murmure :
-Ne parle pas sans savoir. Si tu ne veux pas que des rumeurs comme quoi tu es impliqué dans des paris se répandent, apprends à rester à ta place. Et ne prononce plus JAMAIS le nom de mon frère.
Elle s'écarta alors et, après avoir adressé un dernier sourire condescendant à la petite bande, elle se tourna vers ses amis, toujours rassemblés près de la fontaine.
Elle ajusta son expression, se voulant rassurante :
-Tout va bien, c'est réglé, ils voulaient seulement exprimer leur frustration de s'être endettés, les pauvres...
La fille aux longs cheveux châtains poussa un long soupir :
-Quels crétins...ils parlent sans savoir.
-Ne faites pas attention à eux, sourit Olivia, mais merci de t'être énervée pour moi, Charlie.
-C'est normal, lui répondit son amie, Max mérite qu'on ne se souvienne que de ses bons côtés.
-Tout à fait.
Olivia fit mine de s'étirer et lança :
-Je vais chercher Sam, j'ai super faim !
Ils se donnèrent rendez-vous au réfectoire et se séparèrent.
La jeune fille se dirigea vers les toilettes et entra dans une cabine.
Puis elle s'effondra au sol.
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