Arc The Artist : La Belle et le Démon.


Le froid, la solitude, la peur. Trois afflictions pour une âme désespérée, en quête de liberté, qui prie n'importe quel dieu pour la sauver du mal.

Elle ne sait toujours pas combien de temps, elle est restée ici, enfermée par une personne inconnue, nourrie comme un animal.

— Ouvrez-moi ! hurle l'adolescente en sanglotant les dernières larmes de son corps. 

Elle frappe la porte d'un coup de pied, rien n'y fait, elle a l'impression de frapper dans un mur de titane. Néanmoins, une ombre fait obstacle à la lumière du dessous de l'entrée. La serrure se débloque, la poignée se tourne à l'instar du cœur de la détentrice.

— Bonjour, Alice. Comment te sens-tu ? s'enquiert-il d'une voix calme et reposante.

Les yeux marins de la blonde se portent sur la chevelure argentée de son interlocuteur, coiffé d'une queue de cheval et portant des lunettes de vue rondes. Elle constate une silhouette fine, élancée, habillé d'un costume noir à l'instar de son regard.

— Qui vous êtes ? Pourquoi m'enfermer ici ? interroge-t-elle malgré sa voix tremblante et son corps frissonnant.

Son ravisseur se penche et prend le menton de sa victime. Son sourire fige le temps, ses pupilles reflètent l'effroi d'Alice.

— Je me nomme Azazel, je t'ai observé... Tu es une si jolie chose, une azalée au milieu des pissenlits. J'ai toujours appris à prendre ce qui me fait envie. 

Alice recule instinctivement, l'homme lui prend le bras et la ramène vers elle. Il sent l'odeur de sa chevelure, lui offre son plus beau baiser dans le cou. Tétanisée, statufiée à en mourir, la proie s'arrête de respirer, comme si reprendre son souffle allait l'entraîner dans les abimes.

— Lai... Laissez-moi partir... S'il vous plaît...

Azazel se lève et l'entraîne dehors à son tour, toujours en la tenant ardemment. Elle observe l'environnement, une cave souterraine faite de pierre. La tuyauterie est complètement visible, divers tonneaux et caisses sont entreposés, ainsi que des objets recouverts d'un drap blanc.

Ils montent des escaliers, l'esprit d'Alice se remplit d'espoir, elle va entrevoir la lumière, peut-être découvrir du monde. Il fracasse la porte d'un coup de pied, la lumière l'assaille violemment.

"C'est gigantesque, on dirait un château..."

Il l'emmène dans une chambre, elle perçoit un grand lit comme on en voit dans les films de princesse. Une table avec trois chaises, des poupées en porcelaine posées ranger aux côtés d'une petite bibliothèque. Les murs en marbres reflètent une ambiance malsaine dans un environnement mirifique. 

Il l'oblige à s'asseoir sur le bord du lit, se rend en dehors de la pièce avant de revenir quelques minutes plus tard avec deux tasses de thé.

— Ne t'inquiète pas, je n'ai rien mis dedans, affirme-t-il en prenant une gorgée dans les deux tasses. Tu vois ?

Alice la prend, mais ne boit pas le contenu, elle reste immobile à le contempler de son œil le plus mauvais, le plus sombre. Elle pose sa main sur son bras et tente d'user de son gûzen sur l'homme, sans aucun effet. Elle émet une exclamation quand son ravisseur déploie son aura.

"Pourquoi ça n'a pas marché ? Ça ne m'était jamais arrivé... Je suis fichue... Père, Mère, Dean..."

— Ne fais pas ce genre de bêtise, ça ne va que m'énerver et tu n'as pas envie que je m'énerve... Dis-moi, ma douce et charmante Alice, quel âge as-tu ?

La détentrice veut d'abord s'entêter, puis elle se perd dans le regard vide d'émotion de son interlocuteur, elle comprend qu'elle est dans l'antre du Mal.

— Dix-sept ans... Je... Je peux partir ? Vous me faites peur...

Il prend sa main et la mélange à la sienne, de nouveau, Alice est prise d'une envie de libérer son estomac de tout son contenu.

— Si mignonne. Je suis âgé de vingt-deux ans, je crois. Je n'ai pas de parents, donc je ne suis pas sûr de ce que j'avance. Mais ma belle créature aux cheveux d'or, je ne peux te laisser partir... Tu vas faire partie d'une collection... Tu es pile ce qu'il fallait. Une séraphine, vierge et d'une beauté à coupler le souffle...

La tension prend possession de la chambre, passant d'un cadre idyllique, à une pièce détestable, vide de toute humanité. La respiration d'Alice prend un rythme inédit, à l'égal de la situation qu'elle vit.

— Vous voulez dire... Que vous n'allez jamais me libérer ? finit-elle par comprendre, les larmes aux yeux, le regard rempli d'un désespoir sans fond.

— Bien sûr que non... Tu seras à moi, Azazel, pour l'éternité.

**

Après s'être réveillées de l'hôpital, Eve et Lily sont désormais en réunion avec de nombreux cadres du CCI ainsi que Keira et Zéphyr. La branche du 1ᵉʳ district est en état d'alerte depuis que certaines informations aient été transmises.

— Je récapitule... commence Keyna devant tout un groupe, assis autour d'une table. Vous êtes sûr que vous avez entendu parler de la famille Cransac ?

Les filles, au-devant de la scène, acquiescent d'un même signe de tête.

— C'est une famille éteinte depuis bons nombres d'années...  réagit un haut officier, d'une voix rauque. On croirait revivre le fiasco du Reflect World avec le retour des Krieg !

La mère d'Eve se racle la gorge, l'attention se porte alors vers elle.

— Notre famille a procédé à quelques recherches. Nous avons bien trouvé un acte de naissance du nom d'Ezékiel Cransac, néanmoins, tous les autres documents à son sujet ont complètement disparu. Nous n'avons aucune idée de son pouvoir, ce qui fait de lui une anomalie dangereuse.

— N'est-ce pas un gûzen lié aux rêves ? rétorque un autre dirigeant avec l'accord de ses collègues.

Le regard de Zéphyr les cloue instantanément sur leur siège tandis qu'il s'avance pour prendre la parole.

— Vous imaginez bien que les meurtres qui ont eu lieu ne sont pas irréels. Voulez-vous, messieurs, que je vous frappe pour voir si vous êtes bien réveillés ?

— Sans façon...

— Dans ce cas-là, merci de ne pas reprendre ma femme pour dire des inepties.

Intérieurement, Eve saute de joie devant la prestation charismatique de son père. Elle sourit et fait un clin d'œil à son géniteur qui lui répond d'un signe de tête.

— En tant que Vandergrift, nous allons enquêter sur le manoir abandonné des Cransac. Mais notre pièce maitresse reste Eve, la benjamine de notre famille. L'artiste prend l'enquête comme un jeu et la considère comme une sorte de rivale d'échec. Peut-être devrons-nous attendre qu'il tue, mais si ça peut permettre de l'arrêter et de sauver plus de vie, un choix difficile devra être fait.

Tout le monde commence à se lever, chaque personne se salue avant de partir de la salle, Lily, Eve et Keyna font de même après que la jeune Vandergrift ait pris congé de ses parents. Une phrase se répète dans le cerveau de la détentrice aux yeux écarlates.

"J'ai bien fait de pas leur dire... J'ai bien fait de pas leur dire... Si, par le lien qu'on a, il voit que je cherche de l'aide, il va peut-être m'enlever l'accès à ses rêves..."

La devinette prend toute l'attention de l'adolescente, chaque seconde, elle y pense, chaque minute, elle cherche sa solution, son oasis dans le désert de la réflexion.

Alors que Lily et elle, sont au Scarlett, elle écrit l'énigme sur son téléphone sous l'œil suspicieux de la jeune agente.

— Mais qu'est-ce que tu fais, nom d'une pipe ? s'impatiente-t-elle en se levant pour voir son écran.

L'intéressée lève son mobile en l'air tandis que son amie émet des grognements tout en essayant de le prendre de ses mains.

Les habitués les observent d'un regard triste.

— C'est si triste qu'elle ne soit plus que deux... Elles se sont disputées ?

— On dit que la disjonctée aurait disparu des collimateurs, certains l'ont vu, mais on pense qu'elle se cache...

— Les pauvres... Elles formaient un si beau trio... J'espère que ça s'arrangera...

Les voix résonnent jusqu'au duo qui se stoppe instantanément. Encore une fois, alors qu'elles essayent continuellement de ne pas en parler, de rester concentrées sur l'enquête. Oublier Leyla le temps qu'elle revienne subitement dans leur vie. Être dans le déni, dans un monde sans souffrance où l'on peut tout mettre sous un tapis.

— Tu penses qu'on devrait lui envoyer un message ? demande Lily en regardant nostalgiquement par la fenêtre. Elle me manque tellement et je dois m'excuser...

Eve fixe son amie, elle ne s'était pas rendu compte de son affliction, de sa culpabilité.

— Elle ne voulait pas t'en parler, car tu étais encore fragile, affirme-t-elle en mangeant une crêpe au sirop d'érable, tu n'as pas à t'en vouloir.

La jeune agente s'affale sur la table, triste à en crever.

— Je sais... Mais quand je pense à sa douleur, elle a cru avoir tué sa sœur, la personne qu'elle a cherchée pendant un an, ce projet Leyla, c'était elle-même... Ça a dû la détruire, nom d'une bique...

Les derniers souvenirs que la Vandergrift dispose de Leyla sont ses pleurs, dans ses bras. Une fille brisée, loin de ce qu'elle était quand son innocence et sa naïveté la représentaient. Son empathie, ses émotions, tout ce mélange trop soudain, trop puissant, auront eu raison d'elle.

— Tu sais, elle était avec moi... Elle m'a tout raconté... Elle pleurait sur moi, j'ai pensé que quelques mots suffiraient à la réconforter. Si tu te considères comme nulle car tu n'étais pas là, imagine-moi... Puis avec ce qui s'est passé avec Sora...

Les larmes coulent le long du visage de Lily, émue.

— Tu ne pouvais pas savoir... J'aimerais tellement tant qu'on puisse l'aider...

— Je vais lui envoyer un message, on verra si elle y répondra. J'ai appris qu'elle a visité des laboratoires par le biais de Jude et June. Ils m'ont contacté par l'intermédiaire de leurs collègues. Elle était accompagnée d'une fille avec un masque.

— Tu penses que...

— Sayuri a sans doute dû la suivre, conclut Eve, le visage grave.

Les poings de Lily se serrent, elle est tiraillée entre la féline qu'elle a vue contre leur ennemi commun et celle qu'elle était lorsque l'Hydre était présente.

— J'espère qu'elle ne va pas se faire manipuler.

— Elle a vaincu Sayuri d'après les rapports, non ? On avait retrouvé des traces de sang lui appartenant. Lana n'avait aucune égratinure, elle est bien plus forte que Leyla, puis vu son caractère, je ne vois pas comment elle pourrait se faire retourner le cerveau. Au moins, elle n'est pas seule et elle cherche vraiment une solution pour sa soeur... Même si je voudrais retrouver notre idiote, on a pas le choix que de s'en remettre à cette folle.

— On va devoir continuer à être patiente... se lamente Lily en essuyant ses larmes.

**

Dans le salon de la suite luxueuse, Lana et Sayuri jouent à un jeu de course, perdant contre son amie, la détentrice décide de jeter un coup de jus à la manette de son adversaire.

— Miaou !!! Lana tu n'es qu'une tricheuse ! s'énerve la féline en frappant l'épaule de l'adolescente. Laisse moi plonger dans tes seins pour que je te pardonne ! 

Le visage de la soeur de Leyla se transforme en un aigle dédaigneux observant ver rampant sur le sol.

— Hein, qu'est-ce que t'as dit sale chatte perverse ? menace-t-elle en craquant ses poings.

L'ex membre de l'Hydre s'illumine de bonheur.

— Oh oui miaou !!! J'aime quand elle me fait ça ! s'exclame Sayuri en joignant ses mains tandis que sa queue se remue rapidement.

Un peu plus loin, Dean et Mark mangent un bol de ramen maison en regardant les informations. 

— Elles sont complètement folles toutes les deux... réagit le garçon aux cheveux bleus.

L'ancien terroriste ramasse ses couverts dans l'évier en souriant.

— Elles se sont quand même bien trouvées. Etonnament, leur duo est très sain. Lana a réussi à se canaliser en restant aux côtés de Sayu et notre petite féline a appris les émotions et l'amitié avec une personne qui se voulait froide.

Le détenteur aux cheveux bleus jette un coup d'oeil au regard destructeur de Lana, frappant sa camarade.

— Elle me paraît toujours aussi glaciale et flippante. 

Mark reprend sa place en face de Dean, il se remémore l'ancienne Lana. Une fille mignonne, plus en retrait.

— Quand elle était petite Lana était déjà celle qui avait le plus de caractère, elle était moins naïve, plus intelligente. Les scientifiques l'emmenaient souvent faire des tests dans les sous sols. Je pense qu'elle a un potentiel intellectuel bien plus avancé que les autres. Si tu mélanges ça à des traumatismes et à de la haine, la carapace n'en est que plus grosse et plus dur à briser. Elle a compris que la violence et la force permettait d'avoir tout plus vite, d'où le rôle de méchant qu'elle porte sur ses épaules.

Dean semble comprendre où veut en venir l'aîné du groupe, il observe de nouveau l'adolescente et la perçoit, rire aux éclats aux côtés de Sayuri. L'image de Leyla, irradiante d'humour, lui vient en esprit.

— Alors elle peut aussi montrer ce genre de choses. C'est vrai... Je l'ai jugé comme sa soeur quand je l'ai rencontré. J'espère qu'elle arrivera à se défaire de toute sa colère.

Mark pose son poing contre son menton en regardant le garçon droit dans les yeux.

— L'humain est un animal qui juge, qui détruit ses compères. Il est ce qui se rapproche le plus du diable, des démons dont ils ont si peur. L'humain aime explorer tout en rejetant l'ignorance. Les contradictions qui composent ce que nous sommes peuvent nous anéantir. Lana en est l'exemple même.

— Tu es bien plus censé que je le croyais. C'est cool de t'avoir à nos côtés. Même si j'ai encore du mal, ça me rassure de te savoir avec nous.

L'homme n'a pas le temps de répondre qu'une silhouette sort de l'ombre de Dean. Rafaël fait son apparition dans la pièce en affichant un sourire aux dents brillantes.

— J'ai des informations mes boys and girls.

**

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