Sirius Black était fatiguée. Fatiguée de ce corps qu'elle n'arrivait plus à supporter, fatiguée de cette identité imposée par le monde, mais surtout, fatiguée de devoir porter un masque tout le temps. Depuis qu'elle était toute petite, elle avait toujours ressenti ce vide, cette gêne avec son propre reflet. Chaque mois, les règles étaient comme un cruel rappel : elle était une fille, et ce n'était pas ce qu'elle voulait être. Ce n'était pas ce qu'elle était.

Ce soir-là, la douleur était plus forte que d'habitude. C'était une douleur physique, bien sûr, mais c'était aussi une douleur émotionnelle. Une frustration énorme, une souffrance silencieuse qui l'étouffait de l'intérieur. C'était trop lourd, trop insupportable. Et elle en avait assez.

Alors, elle se leva dans le noir, sans faire de bruit, de peur de réveiller les autres. Elle s'éclipsa discrètement du dortoir des filles et se dirigea vers celui des garçons, là où elle savait que Remus serait. Remus, son ami, son confident, son soutien silencieux, toujours là sans juger. Ce soir, il devait être là. Parce qu'elle n'avait pas la force d'être seule avec ses pensées, avec cette vérité qu'elle portait en elle depuis si longtemps.

Elle entra sans un mot, glissant dans la pièce, espérant que personne ne la remarquerait. Le dortoir était calme, et Remus dormait sur son lit, sa silhouette seule sous les couvertures. Sirius s'approcha doucement, son cœur battant fort contre sa poitrine, comme s'il essayait de lui échapper. Elle s'assit sur le bord du lit, les larmes montant lentement. Elle n'arrivait pas à s'arrêter. Elle pleurait en silence, essayant de ne pas faire de bruit, mais son corps entier tremblait.

Remus se réveilla. Il n'eût besoin que d'un instant pour comprendre que quelque chose n'allait pas. Sirius n'était pas celle qui pleurait facilement, encore moins en public. Il se redressa lentement, écoutant le léger bruit des sanglots étouffés.

- Sirius... Sa voix était douce, inquiète. Qu'est-ce qui se passe ?

Sirius ne répondit pas tout de suite. Elle avait l'impression que tout allait se déchirer à l'intérieur. Que tout allait lui échapper. Elle ferma les yeux, respirant profondément, comme si cela pouvait étouffer la douleur. Mais la douleur était là, en elle. Elle ne pouvait plus la cacher.

- Sirius ? Remus répéta, se levant d'un bond pour s'asseoir à côté d'elle. Il la prit doucement dans ses bras, sans poser de questions, attendant simplement qu'elle parle.

Sirius se laissa faire. Ses larmes coulèrent, chaudes et silencieuses, sur les épaules de Remus. Elle n'arrivait plus à se retenir.

- Je... je n'en peux plus, Remus, dit-elle enfin, la voix brisée. Je suis fatiguée de ce corps, fatiguée de cette... cette elle qu'on me force à être. Mais je ne le suis pas. Ce n'est pas moi.

Remus la serra un peu plus fort, ne cherchant pas à comprendre tout de suite, juste à être là. Mais il savait que cela allait au-delà des simples règles. Cela touchait quelque chose de bien plus profond, de plus intime.

- Tu veux en parler ? demanda-t-il doucement.

Sirius leva les yeux vers lui, ses lèvres tremblantes, un regard empli de douleur. Elle savait qu'il allait comprendre, mais cela faisait tellement mal de l'admettre à haute voix.

- Je... je suis fatiguée de ce corps. Je ne suis pas une fille, Remus. Je veux être un garçon. Je... je... je suis un garçon. C'est ce que je suis, ce que j'ai toujours été, même si tout le monde me voit comme une fille. Mais... mais je ne sais pas comment le dire. Je ne sais pas comment vivre avec ça. Je suis perdue.

Remus la regarda, un éclair de compréhension traversant ses yeux. Il la prit de nouveau dans ses bras, mais cette fois avec une tendresse nouvelle, une tendresse plus profonde. Il ne lui répondit pas tout de suite. Il attendit, lui donnant le temps de se vider, de se libérer de ce fardeau.

- Sirius... dit-il enfin, sa voix calme mais pleine de soutien. Je suis là pour toi. Peu importe ce que tu veux être, peu importe comment tu veux te définir. Si tu veux que je t'appelle il, alors tu seras il. Parce que tu es toi. Et c'est tout ce qui compte.

Les mots de Remus pénétrèrent profondément dans le cœur de Sirius, comme une bouffée d'air frais après une longue apnée. Elle se sentit plus légère, un peu plus sûre d'elle, comme si un poids venait d'être enlevé de ses épaules. Elle leva les yeux vers Remus, un sourire hésitant sur les lèvres, les yeux encore humides.

- Tu m'acceptes ? Vraiment ?

Remus sourit doucement, caressant ses cheveux.

- Tu n'as même pas à me demander ça, dit-il avec un sourire sincère. Tu es toi, et je t'accepte, peu importe ton genre. Ce qui compte pour moi, c'est la personne que tu es à l'intérieur. Peu importe si tu veux être il, elle, ou autre chose ,je serai toujours là pour toi.

Sirius sentit son cœur se gonfler de gratitude. Remus avait toujours été là pour lui, mais cette fois, il avait compris quelque chose de plus profond. Il avait accepté la vérité, celle qu'il portait en lui depuis si longtemps. Et ça, c'était tout ce qu'il avait besoin d'entendre.

Elle se pencha alors, et d'un geste timide, déposa un baiser sur ses lèvres. Ce n'était pas un baiser comme les autres. C'était un baiser d'acceptation. Un baiser qui marquait la fin d'un long chemin de confusion et de douleur, et le début de quelque chose de nouveau.

Remus, surpris, le regarda un instant, puis répondit doucement au baiser. Ce n'était pas un geste forcé. Non, c'était un baiser partagé, une promesse silencieuse d'être toujours là, de l'aimer pour ce qu'il était, de l'accepter dans toute sa vérité.

Quand ils se séparèrent enfin, leurs regards se croisèrent, et Sirius, encore ému, murmura :

- Mais... toi, tu es hétéro, non ?

Remus haussait légèrement les sourcils, un sourire en coin sur les lèvres.

- Je suis bi, en fait, répondit-il doucement. Je t'aime, Sirius. Peu importe ton genre, peu importe comment tu choisis de t'identifier. Ce qui compte, c'est toi, et je ne te laisse pas partir. Peu importe ce que tu penses de toi-même. Moi, je vois la personne qui est là devant moi, et je l'aime.

Sirius sourit, une larme de soulagement roulant sur sa joue. il se sentait enfin complète, enfin accepté.

- Merci, Remus. Vraiment.

Remus répondit en l'étreignant une nouvelle fois, lui offrant la sécurité dont il avait tant besoin.

- Je serai toujours là, Sirius. Peu importe ce qui se passe, tu n'es pas seul.