Chapitre 2
GuanHeng avait les doigts couverts de gris après avoir passé la nuit à crayonner furieusement dans ses carnets à croquis, étalant un camaïeu de couleur sur toutes les surfaces possibles. Il avait l'esprit en ébullition, mais ne parvenait à créer quelque chose qui le satisfasse, et pour cause ! Ses pensées ne cessaient de dériver vers le physique parfait et la voix agréable du Coréen rencontré la veille pour la première fois. Ils n'avaient eu qu'une seule interaction ensemble, et il ne pouvait déjà plus se le sortir de la tête. Il avait peur de ne pas réussir à tenir la promesse faite à son père de se comporter professionnellement s'il venait à recroiser le brun prochainement. Lui qui avait voulu utiliser la création et le dessin comme un exutoire se retrouvait à la case départ. Il avait mal aux doigts, faim, soif, et il pensait toujours à Jung YunOh. Sa tentative pour l'oublier était un bel échec.
Le styliste se claqua les joues pour se réveiller, s'étalant de la salissure sur le visage. Il grimaça en sentant le gras du crayon se transférer de ses mains à sa figure. Une moue dégoûtée et ennuyée tordant ses lèvres, le noiraud se leva dans l'espoir de trouver une serviette qui lui permettrait de se débarbouiller un minimum. Il n'avait pas prévu de rencontrer quelqu'un dans les prochains instants mais il ne supportait pas la saleté, c'était une horreur absolue. Après avoir retourné son atelier de fond en comble il dut se rendre à l'évidence, il n'y avait pas de serviette en ces lieux. Rendu hypersensible par le manque de sommeil et les brusques envolées de ses émotions, GuanHeng sentit les larmes lui monter aux yeux alors qu'il reniflait.
Le jeune homme se leva de son siège de travail afin de pouvoir se rendre dans les sanitaires de l'entreprise. Le bâtiment était désert à cette heure-ci, à l'exception de la réceptionniste qui se chargeait des appels qu'ils recevaient la nuit, certains de leurs clients n'étant pas aux mêmes horaires qu'eux. Son père voulait que DayDream soit en mesure de satisfaire à n'importe qu'elle heure du jour et de la nuit, d'où la présence d'une sorte de permanence. Néanmoins, à l'exception de cette personne, il devait être le seul autre être humain présent et cela lui convenait tout à fait, il n'avait alors pas besoin de longer les murs pour cacher son état déplorable.
Il y avait des toilettes à chaque étage de l'immeuble et il ne mit pas longtemps à gagner ceux au bout du couloir. Les lumières s'allumèrent automatiquement à son entrée. Les fenêtres des lieux ne laissaient voir qu'un ciel étoilé où pointait timidement un bout d'aube. Cependant il ne devait pas être plus de cinq heures trente du matin, beaucoup trop tôt pour que la lumière naturelle ne remplace l'électrique. GuanHeng passa sa main sous le robinet pour l'activer, et se saisit d'un bout de papier qu'il trempa dans le liquide froid. La fraîcheur soudaine qu'il porta à sa peau en tapotant délicatement celle-ci l'aida à se ressaisir au moins en partie. En veillant à ne pas s'arracher l'épiderme avec des mouvements trop brusques, il enleva doucement les résidus de crayon noirâtres qui maculaient ses joues, son front, son nez et un bout de son menton. Il n'avait pas fait semblant en se l'étalant sur la figure. Des cernes bleutés couraient sous ses yeux sombres et il fronça le nez.
Il démêla ses mèches noires grossièrement en passant ses doigts dedans et glissa une boucle rebelle derrière son oreille. Il avait l'air épuisé, et il l'était. Le jeune créateur s'aspergea le visage d'eau glacée, se sécha sommairement une seconde fois puis quitta la salle. Il avait déjà les esprits un peu plus clairs. Pas un bruit n'était audible dans le couloir qu'il dut remonter, tout était aussi silencieux que lors de son premier passage quelques minutes auparavant.
Il ferma les yeux brièvement en poussa la porte de son atelier, la lumière crue lui brûlant la rétine le temps d'un instant alors qu'il venait de marcher dans la pénombre. Lorsqu'il les rouvrit, il laissa échapper un cri de peur en sursautant brusquement. La main sur son cœur qui semblait être sur le point de quitter sa poitrine, les yeux exorbités, GuanHeng se laissa glisser au sol dans un mélange de rire et de larmes.
- Je suis désolé ! s'exclama une voix malhabile où était perceptible un accent léger, je ne voulais pas te faire peur.
Une large main se posa sur l'épaule du Chinois et le noiraud se laissa tomber contre le torse de l'autre vidé de son énergie. Il réagissait extrêmement violemment et bizarrement aux émotions fortes depuis toujours mais c'était de pire en pire. Des bras puissants se refermèrent sur lui, le berçant doucement et il se laissa faire comme une poupée de chiffon jusqu'à ce que ses yeux soient secs. GuanHeng avait les poumons emplis d'un parfum exquis qui l'engourdit plus qu'il ne le réveilla, il se sentait tellement bien dans l'étreinte de l'héritier Coréen. Pourtant la voix de son père s'immisça en lui et ses paroles lui revinrent en mémoire : il se devait de rester professionnel.
Le créateur s'écarta maladroitement avant d'entreprendre de se redresser sur ses jambes tremblantes. Son vis-à-vis l'observa faire avec inquiétude, prêt à lui venir en aide au moindre signe de faiblesse et lui éviter de chuter au sol. Le noiraud toussota pour masquer sa gêne.
- Désolé pour la scène, je n'ai pas beaucoup dormi dernièrement.
- Pas dormi du tout même si j'en crois cet atelier, il y a tellement de travaux que je ne peux pas croire que ça a été fait en ne sacrifiant qu'une seule nuit. Je m'excuse de t'avoir fait peur. La réceptionniste m'a dit que je pouvais entrer dans ton atelier sans frapper et quand j'ai vu que c'était vide j'ai décidé d'attendre que tu reviennes à l'intérieur. J'aurais dû rester devant, tu aurais été moins surpris que de découvrir un inconnu dans ton repaire.
GuanHeng s'empressa de cacher les dizaines de boules de papier froissé qui renfermaient ses créations ratées, inachevées, ou tout simplement ridicules qu'il n'avait pas encore jetées. Il s'était jeté à corps perdu dans le travail ces dernières heures pour se sortir le brun de l'esprit et il n'avait pas fait attention à son espace de travail. Celui-ci était sans dessus-dessous, encore plus après qu'il ait tout retourné dans sa quête d'une serviette. Il attrapa les crayons, les fourra dans leurs rangements avant de se jeter sur les esquisses. YunHo lui attrapa doucement le coude pour le stopper dans son activité et le jeune homme releva son regard perdu sur l'héritier venant de Corée.
- Tu n'as pas besoin de tout ranger parce que je suis là, se justifia gentiment le brun. Ma visite n'était pas prévue, ne change rien.
Le noiraud sentit ses joues chauffer et il ne douta pas un instant qu'elles devaient être d'un joli rose vif, mais en même temps comment faire autrement alors que l'autre lui adressait le plus adorable de tous les sourires qu'il ait pu voir de son existence ? La main de YunHo lâcha son coude, mais glissa doucement le long de l'avant-bras du créateur, de son poignet jusqu'au bout de ses doigts avant de retomber dans le vide. GuanHeng observa le geste du Coréen de ses grands yeux sombres, fasciné et sous le charme. Il n'osait pas respirer de peur de briser ce moment ou de se réveiller et de se retrouver seul dans son atelier.
Le brun s'éloigna d'un pas avant d'entreprendre d'étudier plus attentivement la pièce dans laquelle il se trouvait. Le Chinois profita du fait que l'autre ait détourné son attention de lui pour se tapoter les joues et sortir de son état hébété. Toutes ses résolutions prises si peu de temps auparavant étaient déjà en train de s'effriter après quelques minutes passées en compagnie de son aîné. Il n'allait jamais pouvoir tenir, son petit cœur s'emballait déjà rien qu'en entendant le nom de l'autre. Il était fichu.
- Hum, est-ce que je peux vous demander pour quelle raison vous vous trouvez ici aussi tôt ? Je ne savais pas qu'une réunion devait avoir lieu à une heure pareille, c'est inhabituel.
- Oh il n'y a pas de réunion de prévue, en tout cas pas avant dix heures ou dix heures trente, je ne sais pas. Tu peux me tutoyer tu sais ? On doit vraiment pas avoir beaucoup d'écart et ce serait plus agréable tu ne penses pas ?
Au moins aussi agréable que cette voix chaude qui berçait délicieusement ses tympans songea GuanHeng. Il hocha doucement la tête pour montrer son accord, savourant l'agrandissement du sourire de son vis-à-vis à sa réponse silencieuse, avant de poser la question qui était restée en suspend. A savoir pourquoi son aîné se trouvait dans les locaux de DayDream, de son atelier plus précisément, à une heure aussi indue alors qu'il n'avait pas de rendez-vous avant plusieurs heures.
- Qu'est-ce qui t'amène ici ?
- Eh bien hier ton père nous a dit que tu passais énormément de temps dans ton atelier, que parfois même tu y restais dormir. Comme je suis réveillé depuis un moment et que je ne savais pas quoi faire, je suis venu tenter ma chance et voir si tu étais là. J'avais espéré que tu sois avec nous hier mais malheureusement ça n'a pas été le cas, avoua YunOh.
Le Chinois s'embrasa, son visage virant au rouge carmin. Il ne rêvait pas ? Son coup de foudre venait réellement de lui dire qu'il aurait aimé passer du temps avec lui et il était venu le voir lui. Il aurait pu aller en ville, appeler des amis ou n'importe quoi mais non. Il avait fait le déplacement juste pour venir passer un moment avec lui. GuanHeng s'éventa avec un de ses croquis, le corps et l'esprit en surchauffe, ce qui arracha un rire sincère à l'autre jeune homme. Le noiraud envisagea de s'évanouir afin d'échapper à la gêne qui le consumait, mais ce fut son cœur qui menaça de le lâcher en premier alors que YunOh attrapait une boucle rebelle pour la replacer derrière son oreille.
- T'es trop mignon, j'ai envie de te croquer, rit le Coréen.
- Si tu veux.
- Vraiment ?
- Hein ?
Un coup d'œil à la fenêtre apprit à GuanHeng que cette dernière était fermée et qu'il ne pouvait pas se jeter au travers pour échapper à cette situation qui le tournait de plus en plus en ridicule. Il avait parlé avant même de réfléchir, sans en avoir conscience, et lorsque son cerveau avait imprimé ce que sa bouche avait prononcé sans son accord et il s'était senti défaillir. Il attrapa un grand cahier à dessins qu'il leva devant son visage pour se soustraire au regard de l'autre et pria pour que YunOh quitte miraculeusement son atelier, le laissant seul dans sa honte.
- Tu es vraiment trop adorable, souffla le Coréen.
Le noiraud eut juste le temps de prendre conscience que cette voix agréable était bien plus proche de sa personne qu'elle ne le devrait que sa protection fut abaissée. Le plus âgé s'empara du rempart de papier et le laissa choir sur le bureau déjà bien encombré. Il profita de la surprise de son cadet pour se pencher légèrement et venir poser ses lèvres sur la joue bouillante. Pour un peu il se serait presque attendu à ce que de la fumée ne s'échappe des oreilles de son homologue Chinois.
YunOh tira la chaise du créateur et s'assit dessus avant de tapoter sa cuisse, puis de pointer les différentes esquisses visibles. Il attrapa la main de GuanHeng et l'attira légèrement vers lui, un rictus charmant étirant sa bouche.
- Tu me montres sur quoi tu travaillais avant que je ne vienne ?
Les prunelles onyx du plus jeune alternèrent furieusement entre les cuisses de l'héritier et son visage. Il était complètement submergé par tout un tas d'émotions, sa poitrine lui faisait mal tant son organe vital pulsait puissamment. Devait-il céder à ses envies ou alors garder ses distances et agir pour le bien de l'entreprise ?
Nda :
Voici le chapitre du jour, j'avoue que je me suis bien amusée à l'écrire, ça fait du bien un peu de fluff de temps en temps (je ne pensais pas écrire ça un jour xD). Cette histoire change de mon registre habituel mais je prends vraiment du plaisir à la rédiger, alors j'espère que vous appréciez la lire de votre côté :D
N'hésitez pas à me laisser vos avis ^^
Dalion~ KIss :3
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