Chapitre 1
Oubliées ses esquisses de chapeaux et de robes de soirée, dans l'esprit du créateur ne subsistait que les proportions fabuleuses et l'aura charismatique de la fameuse beauté qui lui faisait face. GuanHeng ne sut comment il réussit à serrer la main qui lui était tendue et à répondre aux salutations sans se couvrir de ridicule, son esprit était complètement embrumé et il voulait simplement connaître le nom de l'inconnu. Ce dernier avait d'ailleurs certainement dû lui dire lors de leur poignée de mains mais le styliste, sous le charme de sa voix, s'était contenté de profiter du timbre chaud sans chercher à comprendre ce qui lui était dit. Il allait discrètement devoir demander à son père s'il avait l'occasion de lui poser la question sans attirer l'attention de leurs invités.
Les deux hommes d'affaires étaient un chuchotis sans sens pour le noiraud, ses yeux étaient uniquement concentrés sur l'héritier qui se trouvait devant lui, il ne se rendit même pas compte, perdu dans son observation, qu'il pouvait mettre l'autre mal-à-l'aise avec son regard insistant. Heureusement pour lui, le châtain ne sembla pas dérangé outre mesure et, lorsque le départ de l'aéroport pour les locaux de l'entreprise fut annoncé, il adressa même un sourire en coin charmeur à son observateur du jour.
Les joues pâles de GuanHeng se parèrent de carmin et il dissimula sa gêne sous une toux légère. La main de l'inconnu frôla la sienne en passant à côté de lui. Les orbes sombres du styliste s'écarquillèrent et il en oublia comment respirer l'espace d'un instant. Lorsqu'il se souvint comment faire, un résidu de l'arôme du châtain flottait dans les airs et emplit ses poumons. Un mélange de menthe, d'un parfum discret, et de son odeur masculine naturelle. Le jeune homme exhala un souffle tremblant, les jambes faibles, et se dépêcha de cacher son état comme il le pouvait tandis qu'il rattrapait les quelques pas de retard qu'il avait pour venir se positionner derrière son père. Ce dernier lui jeta par ailleurs un discret regard inquiet mais GuanHeng le rassura d'un sourire fragile, le cœur battant comme s'il comptait sortir de sa poitrine.
Le noiraud se sentait un peu ridicule. Lui qui s'était toujours moqué de ces héros ou héroïne de roman qui s'étalaient pendant des lignes et des lignes sur le coup de foudre, qu'ils l'aient vécu ou en rêvent. Il n'avait jamais compris comment c'était possible, pour lui l'amour se dessinait avec la découverte de l'autre, et surtout ce n'était pas à son programme. Il était le genre à se concentrer sur sa passion au point d'en oublier de se faire des amis, au point de n'avoir aucune vie sociale. Jusqu'à ce jour où tout ce qu'il pensait s'en trouva aussi retourné que ses sentiments. Une chaleur douce se diffusait de sa poitrine au reste de ses membres, les rendant tout cotonneux.
Les deux groupes se saluèrent puis se séparèrent sans que le plus jeune n'en comprenne la raison, complètement ignorant de ce qu'il se passait autour de lui depuis plus d'une quinzaine de minutes. Son apparition fabuleuse s'éloigna de sa démarche parfaite sous son regard fasciné, jusqu'à ce son père ne tire sur son bras pour solliciter son attention. L'héritier chinois se sentit immédiatement honteux d'être pris en flagrant délit et il baissa la tête, le visage écarlate.
- Allons-y GuanHeng, ils nous rejoindront directement à l'entreprise après avoir posé leurs affaires.
Ils se rendirent alors sur le parking duquel ils venaient, regagnant leur voiture qui les attendait sagement, puis le chauffeur s'engagea sur la route sans un mot. Le noiraud était un peu tendu, il ressentait le regard de son paternel sur lui et il savait que celui-ci attendait simplement qu'ils ne soient plus en présence de l'autre groupe pour faire sa remarque. Le jeune homme décida donc d'anticiper la réaction en s'excusant avant que le plus vieux n'ait le temps de dire quoi que ce soit.
- Je suis désolé, ce n'était pas professionnel du tout. Je vais me reprendre papa.
Le visage de l'aîné se para d'une expression surprise qui se mua en un masque de douceur. Sa large main se posa sur l'épaule de son fils en un geste rassurant.
- En effet, pas professionnel du tout, confirma le directeur d'une voix où pointait l'amusement, mais les sentiments ne le sont que rarement. Monsieur Jung est tellement stressé à l'idée du mariage de sa fille qu'il n'a rien remarqué et si tu me dis que tu vas te reprendre je te fais confiance.
Une vague de soulagement fit tressaillir GuanHeng qui s'affala un peu plus dans son siège. Son père ne lui tenait pas rigueur de son attitude précédente et celle-ci n'avait pas été perçue par son futur client, tout n'était pas perdu. Pourtant, pour bien connaitre son paternel, le créateur perçu qu'il y avait un message annexe qui n'avait pas encore été formulé à voix haute. Il lui suffisait d'observer le front plissé de son géniteur où se tordaient quelques rides inquiètes.
- Il y a quelque chose que tu ne me dis pas papa.
- Bon sang, je me demande vraiment comment tu fais pour être à la fois dans ton monde et aussi perspicace à d'autres moment, grommela l'homme.
- Je ne suis pas certain que ce soit un compliment.
- Pardon, ce n'est pas ce que je voulais dire. GuanHeng, tu sais que ta mère et moi te soutenons toujours dans tes choix, quels qu'ils soient, et que nous ne souhaitons que ton bonheur pas vrai ? Tu en as conscience n'est-ce pas ?
- Oui, je sais. Qu'est-ce qu'il y a ?
- C'est un contrat vraiment important que nous sommes sur le point de signer, il nous permettrait de créer des liens avec la Corée du Sud et de nous assurer pour l'avenir. Beaucoup de choses vont se jouer dans les prochains jours.
- Papa, va droit au but s'il-te-plait.
- Très bien. Je sais que c'est dur de te demander ça mais j'aimerais que tu gardes tes sentiments pour toi, au moins pour le temps de leur séjour ici. S'ils reviennent tu pourras faire ce que tu désires, mais il y a tellement en jeux en ce moment qu'on ne peut pas prendre le risque de tout faire rater, tu comprends ? Si YunOh répond positivement à tes sentiments il pourrait y avoir tant de problèmes auxquels nous ne pourrions faire face.
La fin de la phrase ne s'imprima pas immédiatement dans l'esprit de GuanHeng, en revanche le prénom qu'il venait d'apprendre sur l'instant oui. YunOh ça lui allait bien. Il ne savait pas pourquoi mais maintenant qu'il avait connaissance de son prénom il n'en imaginait aucun autre pouvant mieux lui aller que celui-ci. Passé le moment où il s'extasiait intérieurement sur sa nouvelle notion, il s'attarda sur la fin des paroles de son paternel en fronçant le nez.
- Quel genre de problèmes ?
- Déjà tu ne sais pas si sa famille accepterait un couple entre deux hommes. Ce n'est pas parce que ta mère et moi sommes de ton côté peu importe tes choix que c'est le cas pour tout le monde fils. Certains préfèrent obtenir une descendance plutôt que le bonheur de leurs enfants. Je ne dis pas que c'est le cas de Monsieur Jung, je ne le connais pas mais c'est un aspect à prendre en compte tu ne crois pas ? S'il est homophobe et qu'il apprend tes sentiments pour son fils, que va-t-il se passer pour notre entreprise à ton avis ?
- Mais il ne l'est peut-être pas !
- Peut-être. Dans le cas où il ne l'est pas et que son fils répond à tes sentiments, imaginons que vous commencez une relation. Déjà il y aura le souci de la distance non ? Mais ce n'est pas le souci principal, que vont dire les autres entreprises si nous obtenons l'un des contrats les plus importants de l'année alors que nos fils se fréquentent ?
- Ils pourraient penser qu'il y a du favoritisme ? suggéra GuanHeng timidement.
- Exactement. Que se passe-t-il lorsqu'une firme est favorisée injustement, même si ce n'est finalement pas vrai ?
Le noiraud ne répondit rien, il savait ce que son père essayait de lui faire comprendre. Le milieu des affaires était rude, si une entreprise bénéficiait de contrats « injustes » elle était reniée par les autres et personne ne pouvait survivre seule. Si leur firme se retrouvait isolées des autres alors elle était vouée à fermer. GuanHeng ne voulait pas que cela arrive, encore moins par sa faute et pour un coup de foudre datant d'une heure.
- GuanHeng, je ne te dis pas de faire une croix définitive sur tes sentiments. Je te demande d'attendre un peu. Lorsque le contrat sera conclu et les accords posés pour tous alors plus personne ne pourra rien dire, mais ce n'est pas encore fait. Ça ne me fait pas plaisir de te briser le cœur mon fils, j'espère que tu comprends ma position.
Le noiraud laissa sa tête s'appuyer contre la fraîcheur de la vitre teintée et ferma les yeux avant de les rouvrir tout aussi vite. A peine les avait-il clos que l'image de son beau Coréen s'était immiscée dans son esprit. Il soupira doucement, ne voulant pas attirer l'attention de son père, et porta son regard sur l'extérieur pour se forcer à penser à autre chose qu'à son amour soudain et impossible.
- GuanHeng ? Nous sommes arrivés, tu descends ?
Le jeune homme releva une tête surprise et s'aperçut, effectivement, que la voiture était arrêté et qu'il était celui qui était attendu. Il s'excusa à demi-mots et rejoignit son paternel devant les locaux de leur entreprise. Sa mère les y attendait, vêtue d'un tailleur pantalon perlé que son fils lui avait confectionné quelques mois plus tôt. Elle embrassa tendrement ce dernier sur la joue lorsqu'il se rendit à sa hauteur et remit une mèche noire derrière son oreille.
- Comment s'est passée la première entrevue ?
- Très bien, Monsieur Jung est stressé à l'idée que tout ne soit pas parfait ou ne plaise pas aux futurs mariés mais ça va aller, c'est normal pour un père, répondit gentiment son époux. Ils sont allés se rafraîchir à leur hôtel et nous rejoignent ici dans une trentaine de minutes. Tout est prêt pour les accueillir ?
- Evidemment. Les boissons sont prêtes, la salle de réunion aussi. Tous les dossiers attendent sur ton bureau. Le rendez-vous avec le traiteur a été pris pour demain matin s'ils acceptent le contrat, celui avec la décoratrice pour l'après-midi. J'ai plusieurs horaires de possibles en ce qui concerne les musiques. Le caviste peut nous recevoir demain soir et après-demain matin.
La femme d'affaire organisée continua d'énumérer les rencontres possibles avec les différents acteurs du mariage sans sourciller et sans n'en avoir oublié aucun. GuanHeng posa un regard admiratif sur sa mère, il enviait ses capacités organisationnelles. Il en aurait ben besoin lui qui se perdait dans sa propre chambre et oubliait ce qu'il avait mangé le midi même.
- Tu peux regagner ton atelier mon chéri si tu veux, le premier jour n'est jamais bien intéressant.
- Ta mère a raison, le plus généralement les parents racontent leur vie et à quel point ils sont heureux de voir leur enfant s'unir. Si tu veux on pourra envoyer quelqu'un te chercher s'il se passe quelque chose de différent comme ça tu peux continuer de travailler sur tes projets en attendant ?
- Ce serait super, confirma le jeune homme.
En plus il avait besoin de s'éloigner un peu, d'être seul, pour réfléchir à tous les chamboulements de son petit cœur. Voir Jung YunOh maintenant les embrouillerait plus l'esprit qu'autre chose et ce n'était pas ce dont l'entreprise avait besoin, il devait être impartial et mettre ses sentiments de côté.
Nda :
Voici donc le chapitre de The Heirs, soit environ 2000 mots. Ce ne sera pas des parties extrêmement longues, mais j'espère que ça vous plaira et que vous vous attacherez au moins un peu à mes personnages x)
Merci pour vos lectures/votes/commentaires <3
Dalion~ Kiss :3
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